Epitre III : Marqué pour Servir, Damné pour Obéir
Ma chère âme vagabonde,
Me revoilà, plume en main et sourire en coin, prêt à te dévoiler les dessous crasseux d’une intrigue que tu n’es sans doute pas encore prêt(e) à digérer. Mais qu’importe ! Je t’avais promis l’histoire telle qu’elle fut, non ? Eh bien, tiens-toi bien, car peu après que notre cher faucon ait pris son envol, une autre scène bien moins glorieuse s’est déroulée dans les entrailles nauséabondes de ce monde.
Tu connais déjà Elysior Néotolc, ce charmant personnage – ironie incluse, bien sûr. Un grand rouquin bouffi d’arrogance, avec une conscience aussi propre qu’un égout à ciel ouvert. Tu vois l’image ? Parfait. Eh bien, cet énergumène, dont la liste des méfaits ferait rougir le Diable lui-même, n’a pas tardé à localiser le corps brisé de Kader. C’est qu’il a ses petits joujoux magiques, des artefacts puants le mauvais goût et l’obsession maladive du contrôle. Le genre de babioles que seul quelqu’un d’aussi insupportable que lui pourrait considérer comme élégantes.
Après avoir fait rapatrier la dépouille de notre pauvre Kader dans son château – un lieu aussi sinistre que l’âme de son propriétaire –, Elysior a décidé qu’un simple cadavre ne lui suffisait pas. Oh non, mon cher lecteur. Ce serait trop banal. Trop… humain. Non, il lui fallait faire quelque chose d’inoubliable, un acte à sa démesure. Et quoi de mieux qu’un cérémonial nécromantique pour marquer le coup ?
Ah, imagine la scène : une orgie grotesque où le sang de vierges – parce qu’évidemment, les clichés ont la vie dure – coule en flots, mêlé à des pièces d’or sacrifiées sur l’autel de sa folie. Les murs de son château résonnaient de chants gutturaux, des incantations qui sentaient la mort, la peur et l’ambition mal placée. Elysior, drapé dans une robe d’un rouge éclatant, se pavane au milieu de tout ça, comme un paon démoniaque, savourant chaque instant de sa propre grandeur absurde.
Et puis, vient le grand moment. La résurrection. Kader, réduit à un pantin brisé, est tiré des limbes par des chaînes invisibles, ramené à une parodie d’existence par la magie noire d’Elysior. Mais ce n’est pas tout. Non, ce n’est jamais tout avec lui. Dans un geste théâtral, presque comique si ce n’était pas si sinistre, Elysior s’avance avec un fer chauffé à blanc. À la base de la nuque de Kader, il marque un œil – le mauvais œil –, symbole détestable de son clan. Un rappel cruel que Kader, dans sa nouvelle « vie », ne sera rien d’autre qu’un pion. Un outil. Une ombre sans libre arbitre.
Tu vois, cher lecteur, tout cela n’a rien d’une réanimation miraculeuse. Ce n’est qu’une humiliation de plus, un affront à ce que Kader représentait autrefois. Mais Elysior ? Oh, lui, il jubile. Il est persuadé d’avoir triomphé. Après tout, que peut faire un homme marqué par le clan Néotolc sinon obéir ? Que peut une âme enchaînée sinon se plier à la volonté de son bourreau ?
Mais… je t’en dis peut-être trop. Après tout, certaines choses doivent rester des surprises, non ? Dis-toi simplement ceci : ce que Kader a perdu en liberté, il l’a peut-être gagné en force. Les chaînes, mon cher lecteur, ont cette étrange habitude de se briser quand on les croit invincibles.
Et sur ce mystère, je te laisse méditer.
Ton fidèle et malicieux conteur, Le Scribe de l’Obscur
Post-Scriptum : Elysior, dans son infinie vilenie, n’a pas ressuscité Kader simplement pour l’enfermer dans les murs moisis de sa forteresse. Non, non. Une mission lui fut confiée. Imagine : un mort-vivant, insensible au froid, à la faim, à la fatigue… et surtout, à la peur. Avec la marque du mauvais œil gravée dans sa chair, Kader a quitté la forteresse, ses pas le ramenant à la neige glaciale qu’il avait laissée derrière lui.
Mais voici le détail le plus délicieux (ou terrifiant, selon ton point de vue) : Kader ne pourra jamais vraiment échapper à cette prison. Peu importe où le mèneront ses errances ou ses ordres, il sera inexorablement attiré vers cette forteresse maudite, comme un chien revient à son maître.
Alors, cher lecteur, je te pose une question : qu’est-ce qui est pire ? Être enchaîné à un lieu de souffrance ? Ou savoir qu’on y reviendra toujours, peu importe ce que l’on accomplit ? Réfléchis bien à cette réponse, car la roue tourne. Et parfois, elle écrase.
Annotations
Versions