chapitre 14 2

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Quelques jours plus tard, j’avais rendez-vous avec Nicolas. Il faut dire que depuis la dernière fois, je n’allais plus le voir tous les jours en début d’après-midi. J’avais finalement pris la décision d’en savoir le moins possible et le laisser gérer seul sa partie. Cela devait lui convenir puisque lui non plus n’avait plus sollicité de rendez-vous. Même les mails devinrent rares entre nous. Mais ce jour-là, il m’avait demandé de le retrouver vers quinze heures, car il voulait me présenter un nouveau candidat. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas organisé un entretien de recrutement. Je n’y pensais presque plus d’ailleurs. Mais lui, si, et apparemment, il avait peut-être trouvé quelqu’un de parfait pour l’équipe.

En arrivant au bureau ce matin-là, vers onze heures trente, je trouvais une boite en carton de la taille d’une boite à chaussures devant la porte avec mon nom, Constantin, écrit dessus au stylo Bic. Je regardais suspicieusement cette étrange boite sur le sol tout en ouvrant la serrure. Je finis par la ramasser et la poser sur mon bureau. J’allumai l’ordinateur, lançai la machine à café et me dirigeai vers la boite, armé d’un cutter. Je coupai la bande de scotch qui scellait le couvercle et le soulevai, intrigué de ce qu’elle pouvait contenir. À peine m’en rendis-je compte que mon corps eut un soubresaut de surprise, de dégout et de frayeur, il se serra et se mit à battre vivement, choquant toute ma poitrine. Je fixais le contenu de la boite, horrifié, et finis par me cacher un moment les yeux avec les mains. Lorsque je regardai de nouveau, je me retrouvai face à cette tête de chien tranchée, maculée de sang séché. C’était horrible, je ne savais que faire, je ne pouvais pas m’en approcher. Je reculai doucement, ne quittant pas des yeux la tête de cette pauvre bête comme si elle risquait de s’échapper et de me sauter au visage. Je cherchai à tâtons la poignée de la porte dans mon dos sans vouloir me retourner, hypnotisé par cette vision. J’ouvris la porte et sortis dans le couloir à reculons. Je refermai à clé et me retournai pour me diriger vers l’ascenseur. Je me rendis alors compte de la présence de Dalembert. Il était planté là, au milieu du couloir, à une dizaine de mètres. Il était livide et me regardait fixement. Je n’y comprenais rien. Je préférai ne pas réagir, ne sachant pas quoi faire. Je continuai vers l’ascenseur en me retournant plusieurs fois vers Dalembert qui ne changeait pas de position, comme statufié sous la lumière blanche du néon du couloir. Je pris l’ascenseur pour me rendre dans le bureau de Nicolas, passablement affolé par la situation.

Je rentrai sans frapper, désorienté. J’eus alors la surprise de trouver Nicolas en compagnie de Nikolaï et de ses deux gardes du corps qui me barraient le passage en réaction à mon entrée intempestive. Incapable de dire bonjour, je balbutiai une excuse pour mon intromission et je parlai directement à Nicolas.

― Excuse-moi, mais c’est grave, là. Il y a, enfin dans mon bureau, il y a une tête de chien. Je ne peux pas t’expliquer, viens voir s’il te plait.

― Calme-toi, qu’est-ce qu’il se passe ? Je suis en rendez-vous avec Nikolaï et il faut que nous terminions rapidement, car il doit partir. Peux-tu attendre une minute ? Prends une chaise et assieds-toi. Veux-tu un verre d’eau ?

― Vu son état, je pense qu’un verre de vodka serait plus approprié, proposa Nikolaï en souriant.

― Non, c’est bon, merci. Mais tu dois venir, c’est trop, heu, comment dire, trop gave là. En plus, il y a Dalembert dans le couloir, je ne sais pas, il est planté là avec une tête bizarre. Je ne sais pas quoi faire, peut-être que la tête de chien c’est lui, je n’en sais rien, je n’y comprends rien. Il faut que tu viennes tout de suite, tu comprends. Désolé, Nikolaï, mais il faut qu’il vienne avec moi.

― Mais de quel chien parles-tu ? Je ne comprends pas, explique-toi calmement et assieds-toi, ordonna-t-il en me prenant par les épaules pour me forcer à prendre place.

― Quand je suis arrivé ce matin, il y avait un paquet devant ma porte. Il contenait une tête de chien coupée. Je l’ai enfermée dans le bureau, répondis-je en m’asseyant.

Nicolas me tendit un verre d’eau que je bus sans y penser. J’étais trempé de sueur.

Nikolaï se leva pour glisser quelques mots à l’oreille de Nicolas, ce qui parut éclairer ce dernier sur la situation.

― Ok, Ok. Bon, il n’y a rien de grave. Au contraire, c’est tout à fait normal. Ton bureau est fermé à clé ?

― Oui.

― Alors, donne la clé à ces messieurs, dit-il en désignant les gardes du corps, ils vont se charger du nettoyage. Dans cinq minutes tout sera redevenu parfaitement normal.

― Mais, enfin, tu comprends ce qu’il se passe, là ?

― Oui, c’est un léger malentendu. Il a fallu qu’on fasse comprendre à Dalembert qu’il se mêle de ses affaires et que dorénavant il te laisse travailler tranquille. Je pense que la réaction de Dalembert a été un peu exagérée et déplacée, mais tout va rapidement rentrer dans l’ordre, tu verras. Non seulement cela ne se reproduira pas mais en plus, il va te foutre une paix royale.

― Alors c’est Dalembert qui a mis cette tête de chien devant ma porte ? Mais qu’est-ce qu’il lui prend ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Il est devenu fou ou quoi ? En tous les cas, il ne paraissait pas dans son état normal.

Nicolas et Nikolaï échangèrent un regard entendu. Les deux gardes du corps prirent les clés de mon bureau et sortirent de la pièce sans dire un mot.

― Écoute, tout cela n’aurait pas dû arriver. C’est une erreur, ne te préoccupe pas. De toute façon, je ne pense pas que ces histoires t’intéressent. On va gérer ça, Nikolaï et moi. Toi, continue d’avancer sur le projet.

― Ha non, là c’est trop ! Une tête de chien dans mon bureau, cela mérite une explication. C’est grave tout de même ! Alors, explique-moi tout de suite, cette fois-ci je veux savoir. Qu’est ce qui lui prend à Dalembert ?

― Nous avons eu une explication avec lui, nous avons fait en sorte de l’impressionner. Mais cet idiot s’est enfui avec son chien en courant et il y a eu un accident. Le chien s’est fait écraser par une voiture. Je suppose qu’il considère que c’est notre faute et il a voulu nous le faire savoir en t’envoyant la tête de son chien mort. Voilà tout. Il va se calmer, t’inquiète. On va lui expliquer et tout va s’arranger. Surtout, ne va pas lui en parler, cela risquerait d’envenimer les choses pour rien.

Je restai quelque peu abasourdi. Mais je compris qu’il n’y avait rien d’autre à faire, à part suivre les conseils. Je me rendais compte que les méthodes de ce Nikolaï étaient tout de même assez portées vers la violence. Mais j’avais moi-même une telle haine pour Dalembert, que cette fois, je laissais passer. Quelque part satisfait que ce pourri ait eu finalement la leçon qu’il méritait, celle que, en omettant l’aspect extrémiste, je voulais lui donner. Et puis, il s’agissait aussi d’un accident. En tous les cas, c’est ainsi que je voulais le voir, une explication plus confortable…


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