Décrire une série de voyages immobiles dans son logement (confinement)
Six semaines que je fais le tour du monde. De mon monde. En boucle. Mon salon est passé d’un lieu aseptisé à une zone sinistrée. Je patauge entre les fringues échouées et les tasses pleine de marc de café. La vaisselle entassée dans l’évier ressemble vaguement à une réplique miniature du Mont Canigou. Mon tapis de gym enroulé contre un mur n’attend qu’un surfeur pour lui offrir sa vague. Les stores de la cuisine sont baissés, trop de soleil ici à Miami avec les baies vitrées. Dans mon jardin printanier je suis en hollande. Un champ de tulipes roses et rouges m’émerveille. Contrastant avec le parasol bariolé aux couleurs des années 80, rose, vert pâle, violet, frangé. Sous ces couleurs pétantes, je suis à une autre époque, chez mes grands-parents. Je lis l’art de la guerre et pourtant je ne m’hélitreuille pas sur un champ de bataille. Je regarde des Miyasaki et m’évade dans le ciel, sur l’eau et dans l’imaginaire. Je revois des films d’action et de course automobile, je parcours les routes pleine d’adrénaline. Mon cabanon de jardin a l’odeur sèche des chalets de montagne et des saunas. Mon garage la fraîcheur d’une grotte. Mon bureau organisé pour le télétravail m’emmène au quartier des affaires à Londres. Pourtant habillée d’un short et les pieds nus, c’est un travail sous le climat de Perpignan que je réalise. La salle de bain un spa des hôtels polonais, la baignoire d’eau bien chaude, un livre, une musique, des bulles. La sortie du mois, consistant à aller chasser de la nourriture au drive, est une promenade de santé sur la route des vacances. Musique sonore, chants forts, quelques drifts dans le seul rond-point à parcourir, puis retour au bercail, la fête est finie, mais le frigo rempli.
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