Valise

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 J’occupe Sean dans la cuisine, j’agite devant sa truffe rose le torchon, de ses yeux bleus, passé au noir avec sa pupille complètement dilatée, il essaye de l’attraper avec sa patte. Mais derrière ses prunelles d’amour, je perçois en lui la compréhension. Lucille prépare le dernier sac, l’État nous a confié une mission à la hauteur de nos compétences. Taire une guerre, on l’a déjà fait avec les North Haven sur la mafia havraise, certes avec du sang… beaucoup de sang, mais on l’a terminé. Stopper une guerre mondiale, c’est un autre niveau. Mais un pacte reste un pacte, surtout que la présidente enverra tout un tas de tueurs gouvernementaux si l’on n’exécute pas sa demande, ou presque, d’abord, pour ça, faudrait-il qu’elle sache où nous habitons. La grande matriarche nous a signés et tamponné des grâces présidentielles, à nous quatre maintenant de réaliser sa mission. À nous de charcuter le pourri qui veut conquérir notre hexagone. Je me suis promis de protéger la Normandie, mais comme ce territoire appartient à la France, et bien, c’est parti pour défendre mon deuxième pays ! Il faudrait peut-être qu’un jour je monte un groupe indépendantiste normand, qu’on retrouve notre duché… Je verrai ça en rentrant. En attendant, Lucille vient de clôturer le dernier sac.

 Elle récite chaque trait de la liste, avant de se tourner vers moi, un demi-sourire sur les lèvres.

  • C’est bon. Prêt ?
  • Tu connais ma réponse.
  • Allez, on passe chez Félix, et on fonce au point de rendez-vous.
  • Sean, tu vas me manquer, mais ne t’inquiètes pas, je reviens bientôt, lui dis-je en le serrant dans mes bras.

 Lucille lui caresse son innocente tête, beige et noire, tout le contraire de nous avec nos faces de braqueurs. Il grimpe sur mon épaule et se stabilise au même degré qu’un perroquet sur son perchoir, elle me surprendra toujours autant cette boule de poil. Je verrouille l’appartement, déjà comme une sensation de mélancolie, mais aussi d’euphorie, à moins que ce soit l’adrénaline qui commence son ascension… possible.

 Mon amie m’amène en ville haute du Havre, au Mont-Gaillard, tout juste à côté du centre commercial. L’ascenseur délabré resonne ses câbles à chaque fois qu’il s’arrête, à peu de choses près, je vais mourir avant de partir en guerre. La sonnette retentit dans l’appartement à l’étage rempli de graffiti.

  • Salut Cyril ! Salut Sean ! caresse Félix avec une grande douceur.

 Mon pote détient peut-être un QI négatif, mais s’il y a bien une chose dont je suis certain, c’est qu’il bichonnera Sean autant qu’il soigne ses calibres. Ces deux choses-là, il sait parfaitement s’en occuper. Je donne le sac de Sean à Félix, d’un coup d’épaule, mon chat comprend qu’il doit changer de perchoir. Je serre la main de mon armurier avec confiance, lui avec émoi, manquant de me craquer les phalanges avec sa pogne de bourrin. Sean prend conscience de l’instant, Félix le rattrape en plein vol, je l’embrasse avec amour sous ses miaulements de désarroi.

 La porte se claque, mais j’entends toujours ses cordes vocales se déchirer à la tristesse, il sent que cette fois-ci c’est différent d’un simple braquage. Ce casse-là n’est pas une banque ou un fourgon, mais un bunker.

 L’ascenseur se boucle, je peux enfin verser ma larme en toute discrétion.

  • Ça va ? me demande Lucille quand j’entre dans la voiture.
  • Oui… Dépêchons-nous de clore cette guerre.

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