38 - La dernière Reine Bleue
5e jour de la saison de la lune 2450
—Mission décortiquer l'identité de cette version d'Azéna entamée !
Visiter le Grand Oracle la rendait toujours nerveuse malgré sa totale confiance en lui. Il était, après tout, l'un des plus importants membres de la Table du Griffon Bleu, un groupe qui représentait et votait pour le peuple, s'assurant que leurs voix étaient entendues par le gouvernement. Le rôle du Grand Oracle différait des autres car il était aussi maître en divinité que sa statue de mortel le lui le permettait. Fréquemment, il pouvait visionner le passé, le présent et rarement, le futur. Les visions n'étaient jamais claires, même souvent, métaphoriques, mais avec l'expérience, elles devenaient plus aisées à comprendre. Décortiquer le futur était à un tout autre niveau car il n'était pas rigide. Il pouvait être changé par un grain de sable, par une décision, par une action, par une pensée.
En ce jour, Aylaëna ne pouvait s'empêcher de ressentir que sa vie allait changer. Quelque chose à propos de cette visite allait être différent de l'habituel. Elle se demandait si c'était dû à ses pouvoirs d'oracle ou tout simplement, à l'anxiété. Plus elle s'approchait de la demeure de son maître, plus elle ressentait des fourmillements dans ses doigts. Étrangement, c'était comme si son instinct lui conseillait de retourner dormir pour qu'elle puisse recevoir d'autres visions.
— Non je n'ai pas le temps, se dit la jeune mage en procédant à la griffonnerie.
Là, le vieux, quoique jeune physiquement, Illiruÿne était propriétaire d'une écurie conçue pour les griffons qu'il entraînait. C'était le plus grand bâtiment du modeste village ainsi que le plus visité. Les gens voyageaient à dos de ses majestueuses créatures ailées. La voie aérienne était devenue accessible au travers du royaume et les montures terriennes n'avait presque plus d'utilité.
Illiruÿne était près de l'entrée en compagnie d'un griffon qui le dépassait en hauteur de quelques mètres. Il brossait le plumage craie du cou de l'animal qui semblait plus ou moins apprécié le toilettage. Il offrit un grand sourire à la visiteuse lorsqu'il l'aperçu.
- Tu pars en ville, encore une fois ? devina-t-il.
Aylaëna avait, depuis sa tendre enfance, toujours adoré cet éleveur. Étant oracle, elle percevait une aura autour des gens que les autres ne pouvait pas déceler et celle d'Illiruÿne était chaleureuse et bonne vivante. Elle luisait doucement et n'était pas envahissant. Elle donnait l'aise de faire confiance.
— Rien ne t'échappes, confirma-t-elle d'un ton énergétique.
— Oh, la flatterie mademoiselle. Nul besoin de cela. N'importe quel personnage qui te connais moindrement pourrait le deviner.
Il s'avança vers elle, les rênes du griffon en mains. L'animal mi-aigle mi-félidé suivit son propriétaire avec calme.
— Syl'maën est à ta disponibilité. Je t'offre ses services pour le prix réduit d'un griffon en entraînement.
— Mais Syl'maën est l'un de vos griffons d'élite ! s'étonna la cliente. Êtes-vous certains ?
L'éleveur lui fit un clin d'œil et lui tendit les rênes. Syl'maën était familier avec sa cavalière temporaire donc il se comportait déjà avec douceur. Habituellement, un griffon devait accepter de se faire monter et donc, être à l'aise avec le client. La fierté et le respect était primordiale.
— Vas ! s'exclama Illiruÿne. J'imagine que le Grand Oracle t'attend. Pas de temps à perdre. Et comme d'habitude...
— N'oublie pas d'emmener Syl'maën à la Serre d'Ivoire, coupa la mage en pouffant de rire. Je sais. Il requière le meilleur soin de la cité et il le mérite, pas vrai mon beau ?
Elle gratta l'épaule poilu du griffon exactement dans l'angle qu'il préférait. Ce-dernier ronronna, secoua la tête et ouvrit les ailes, démontrant qu'il était prêt à décoller. Aucun problème ; il avait accepté la petite.
— Je serais de retour au plus tard ce soir, promit-t-elle.
— Pas de problème, sourit Illiruÿne. Bon voyage !
La cliente lui remit quelques écus avant de grimper à dos du griffon. Elle s'installa sur la selle rembourrée et marquée de l'insigne de l'écurie où il avait été élevé : la Brave Aile. Syl'maën étira davantage ses ailes, se mettant dans une pose majestueuse en levant la serre droite.
— Vas Syl'maën ! encouragea l'apprentie oracle. À Ixia !
Le griffon glatit et de toute son allure auguste, prit son essor, s'élançant droit vers les cieux à une vitesse hallucinante.
✦×✦
La route ne dura que quelques heures à dos d'un griffon magistralement élevé tel que Syl'maën. Comme toujours, le paysage se prouvait d'une beauté singulière. La forêt Nëowaldienne regorgeait de vie, d'une faune unique à elle. Les champignons et les fleurs se beignaient dans leur propre rivière de teintes rayonnantes, passant du bleu allant à du vert, rose ou rouge et encore bien plus. Durant la nuit, certaines espèces luisaient dans la noirceur grâce au flux naturel de mana qui circulaient avec vivacité dans les veines de cet écosystème. Malgré qu'elle eût vécu là toute sa vie, Aylaëna en demeurait toujours fascinée et surtout, charmée, particulièrement par l'ampleur titanesque des arbres.
Elle repéra un groupe particulier de champignons qui atteignaient deux mètres de haut. Ceux-là adoptaient une allure phosphorescente durant la nuit, paraissaient relativement normaux durant le jour et cela au détriment des insouciants. Les chapeaux de Noktow s'appelaient-ils en raison de leur nature sournoise. Ils étaient en fait les champignons les plus dangereux de tout Aerinda. Lorsqu'on les irrite, souvent par notre proximité ou notre touché, ils émettent des spores toxiques et rougissent comme s'ils deviennent colériques. Il n'était pas rare que les éclaireurs et les patrouilleurs trouvent des cadavres près d'eux, animale comme humanoïde. Seuls les trolls des montagnes n'en étaient pas dérangés en cause de leur constitution exceptionnelle, même que parfois, ils les utilisent pour épicer un repas.
À l'horizon, on pouvait apercevoir une grande cité dont de multiples bâtiments étaient maintenus en altitude par le bien de la magie. En son centre, une tour laiteuse qui semblait effleurer les nuages de sa cime hérissée dominait tout le reste. Une immense sphère bleutée qui crépitait de mana dansait tout doucement sur son pinacle étincelant. C'était à son sommet que le Grand Oracle demeurait. C'était là qu'Aylaëna devait se rendre.
Ixia n'était certes pas Füyr, la plus belle capitale d'Aerinda, mais elle lui tenait tête en termes de splendeur et c'était de lieu de formation des plus grands mages d'Aerinda. Ses murailles brillaient sous les rayons des soleils et dans les créneaux, des bannières argentées portant l'emblème du royaume : un griffon bleu, flottaient dans la brise fraîche de l'après-midi.
Encore plus loin, on arrivait à distinguer les chaines de montagnes où les trolls et les griffons sauvages s'étaient appropriés du territoire. C'était un endroit magnifique, mais terrifiant et sûrement le bercail de Yejyn. Un ravin qui regorgeait d'eau potable divisait les deux chaines de montagnes dominantes reliées par un pont de marbre dénommée la Haute Traverse. La première se dénommait Pics du Titan pour sa crête munies de pointes acérées et pour sa populace de troll immense. La deuxième était reconnue pour un endroit bien spéciale : les Chutes des dragons, là où plusieurs cascades servaient de demeures et de cachettes pour les quelques dragons bleus et blancs qui y vivaient. Façonnées naturellement en leurs murs, deux gargantuesques statues qui passaient de marbre à de la roche semblaient être sur le point de se défaire de leur emprise. Du côté des Pics du Titan, la première était à l'image d'un troll hargneux qui levait les poings, prêt à écraser sa prison rocailleuse. Du côté des Chutes des dragons, la deuxième s'avançait dans le vide, menaçant de tombée. Pourtant, elle était solide, maintenue par l'équilibre parfait de ses deux ailes ouvertes, donnant l'impression que le dragon rugissant était sur le point de s'envoler. Bien sûr, elles avaient été créées par d'anciens mages elfiques, peut-être en tant qu'avertissement. Par conséquent, elles étaient vu comme des merveilles, des pièces d'art des plus raffinées.
Seuls les braves s'aventuraient en ces endroits légendaires, un peu comme l'avait fait Anérya, une elfe lunaire devenue déesse mineure et adorée du peuple de Nëowalds. Durant la tranche de sa vie mortelle, elle n'était qu'une artiste, une peintre, une chanteuse, une danseuse et s'était prise d'amitié avec un griffon au plumage et à la fourrure de craie, créant ainsi le tout premier lien entre un elfe lunaire et ces créatures intelligentes.
Anérya avait toujours été une inspiration pour notre jeune oracle à en devenir. Son sens de l'aventure, sa simple joie de vivre et son appréciation pour la nature l'émerveillait. Elle adorait faire rire et sourire, mais aussi rendre service. On se demandait comment Noktow avait pu en venir à la conclusion qu'elle ferrait bon ménage avec le reste de sa caste de divinités mineures. Elle paraissait si mal à sa place parmi eux, mais cela ne semblait guère l'affectée et ses partisans de même.
Un jour, Aylaëna avait questionné le Grand Oracle au sujet de son avenir et elle lui avait avouée qu'elle désirait voyager et servir Aerinda dans son entièreté. Son maître le lui avait déconseillé, insistant que son peuple avait besoin d'elle comme future Grand Oracle. Se convainquant que c'était pour le bien de tous, elle s'était soumise à l'idée. Cela remontait à quelques années et elle n'y avait pas vraiment repensé, mais depuis sa vision de ce matin, elle ne pouvait pas se débarrasser de cette soif d'explorer, de voyager, d'aider et encore plus, de décortiqué le mystère de cette dernière.
Elle grimaça et procéda tout simplement à se rendre au sommet de la tour d'Ixia.
À l'intérieur de l'académie de magie, on y trouvait une salle ovale où reposaient plusieurs portails de téléportation qui menaient aux endroits les plus importants du royaume. C'était un système de transport développé par Nëowalds et ses secrets étaient fervemment bien protégés. D'ailleurs, même en possédant ce savoir, les autres royaumes ne pourraient probablement pas le rendre fonctionnel. Il demandait l'attention de puissants invocateurs qui s'occupaient de maintenir les connexions entre les portails. Ces spécialistes étaient normalement natifs de Nëowalds comme la plupart des types de mages d'ailleurs.
L'invocateur responsable de cette salle guida Aylaëna vers le droit chemin et activa le portail qui la mena directement au bureau du Grand Oracle.
L'adolescente hésita longuement devant la porte coulissante engravé en son centre d'un œil à la pupille luisante du même bleu cobalt que caractérisait la présence concentrée de mana. Ce ne fut pas elle qui s'invita à l'intérieur. La lueur de l'emblème se mit à vaciller et à se tordre. Elle y était habituée. C'était le signal que son mentor était prêt pour la recevoir.
La porte glissa d'elle-même et la voie fut dégagée.
Installé à son bureau et plume à la main, un adulte à la chevelure pâle nouée en chignon prêtait attention à un mémo. Ses traits étaient plissés ; il paraissait concerné.
— Jeune Aylaëna, dit-il en adoptant un ton impersonnel.
— Grand Oracle, salua sa visiteuse en s'asseyant devant lui par habitude.
Normalement, on attendait qu'un supérieur nous accorde cette permission, mais elle avait interagi tellement fréquemment avec lui que ce n'était plus nécessaire. Elle devait tout simplement prendre son mal en patience et attendre qu'il s'intéresse à elle.
Pendant un long moment, il gribouilla sur une feuille de parchemin et enfin, lorsqu'il déposa sa plume dans le pot d'encre, il croisa ses longs doigts, sa peau teintée d'un doux bleu rappelant un glacier. À première vue, on s'attendrait à ce qu'elle soit frigide, mais comme les humains, les elfes lunaires étaient des créatures de sang chaud. Les yeux du maître mage commençaient à démontrer son âge avancé : des subtiles rides se dessinaient dans leurs recoins. C'était à peu près la limite de la détérioration physique d'un elfe dû au ravage du temps. Il était vieux, très vieux.
— Maître, murmura doucement l'élève en effectuant une révérence de la tête.
— Une autre vision ? devina-t-il, son attention s'attachant à elle.
— J'ai revu Azéna, informa-t-elle. Mais ce n'était pas comme d'habitude... Cette fois, elle semblait différente. Elle était plus jeune, plus courte, moins sage et elle portait un arc. Elle paraissait anxieuse, confuse et surtout, j'avais l'impression que cette vision était issue du présent et non du passé.
Les prunelles claires du mage s'illuminèrent malgré son visage qui s'était assombrit. Il pinça légèrement les lèvres comme si ces informations le concernaient. En revanche, il ne commenta pas.
— Ce n'est pas dans les habitudes de la reine d'agir et de se vêtir ainsi, continua l'adolescente. Pas vrai, Maître ?
— C'est en effet... très curieux. Es-tu certaine que cette demoiselle était bien elle ?
— Mais elle lui ressemblait tellement... Et en même temps, pas du tout.
— Partages-moi plus de détails.
Plus Aylaëna racontait ce qu'elle avait vu, plus elle détecta une tension chez son mentor. La session l'inquiétait de plus en plus sévèrement. Habituellement, l'Azéna qui la visitait dans ses visions était gracieuse, douce, amicale et déterminée. Elle savait ce qu'elle désirait et elle n'hésitait jamais à le chercher. Elle portait des vêtements féminins qui lui permettaient une grande liberté de mouvements et, elle se manifestait toujours dans un âge adulte, dépassant la jeune oracle de deux têtes.
— Ce n'est pas la même personne, en conclut le Grand Oracle.
Il sortit une nouvelle feuille de parchemin de son bureau et se mit à écrire.
— Merci de ton partage, grandiose élève, complimenta-t-il avec une tonalité chaleureuse malgré son expression auguste. Je dois convoquer une audience avec les autres membres de la Table. Tu peux disposer.
— Qu-qui est-elle ? bafouilla l'adolescente plutôt que d'obéir.
Son maître s'immobilisa, prenant le temps de réfléchir à la requête d'information. Enfin, il soupira et déposa sa plume.
- Peu de gens sont au courant, mais nous avons été informés d'une jeune dragonnière portant le prénom de la dernière Reine Bleue, Azéna Nuvaï'marr. Le nom Nuvaï'marr s'est perdu au travers de la reproduction, de l'héritage et de la contamination du sang. Nous avons gardé un œil sur leur déplacement depuis la transition de la monarchie à la démocratie d'aujourd'hui, juste au cas où nous en aurions besoin. Reine Azéna désirais se détacher de son passé en tant que souveraine à partir de là et elle s'est bâtit une nouvelle vie parmi le peuple harim de l'Île Lune Brillante. C'était une tâche ardue de les traquer car cet endroit est isolé du reste d'Aerinda. M'enfin bref... Cette Azéna dont du parles, elle porte le nom Valkirel, mais détrompes-toi, elle descend bien de la lignée Nuvaï'marr, expliquant sa ressemblance physique à l'Azéna que nous connaissons au travers de notre histoire. Ce n'est pas une coïncidence qu'elle fut nommée ainsi. Son père se souvient de ses origines. Quant à son épouse, ce n'est pas clair si elle le sait.
Aylaëna avait lu l'histoire de la dernière Reine Bleue une dizaine de fois. La tradition dit que les membres de la famille royale sont des âmes naquit de la lune, expliquant ainsi le surnom Lune. Reine Azéna était aussi connue sous les surnoms Azéna la Libre ou La Dernière Lune. Certains Nëowaldiens qui n'appréciaient pas la Table et ses fonctionnements se sentaient trahis et l'avaient renommé La Briseuse des Lunes. La jeune mage n'était pas d'accord avec ce dernier.
Personne n'avait prit le prénom Azéna depuis la transition de la monarchie à la démocratie. Pour différencier entre les deux, Aylaëna décida silencieusement de surnommer Azéna la dragonnière Azéna la Seconde.
— Waouh... Alors, cette Azéna Valkirel, elle est la descendante directe de la reine ?
— Oui, la reine est son arrière-grand-mère, mais ce n'est pas cela qui me tracasse. Elle n'a aucun pouvoir sur le gouvernement de Nëowalds. Elle as bien mentionné les âmes endormies ?
— J'en suis certaine.
— Absolument sûre ?
— Absolument, insista Aylaëna. Qu'est-ce qui ne va pas, Maître ? Puis-je vous offrir mon support ?
— Non. Rentre chez toi.
— Mais ça me semble important.
— Et la Table s'en occupera, craqua le vieil elfe avec plus d'agressivité.
— Mais... c'est ma vision.
— Ne me fais pas me répéter, Aylaëna.
Sur le coup, la jeune oracle se sentit rejetée, insultée. Elle se leva, fit une révérence et s'éclipsa lentement hors du bureau. Elle n'avait aucune intention de laissée cette vieille peau l'a repoussée de sa propre vision. Intentionnelle ou pas, cette Azéna Valkirel était apparue devant elle, non lui. Puisqu'il ne la connaît pas, cette affaire d'âmes endormies devait être relié à son arbre généalogique. Il lui fallait plus d'information au sujet des Nuvaï'marr, mais comme l'avait dit le Grand Oracle, ces informations étaient gardées précieusement auprès des membres de la Table. Elle n'avait aucune chance d'y accédé. Et puis, pourquoi devrait-elle s'en faire ? Ce n'étaient pas ses ennuis.
Pourtant, quelque chose en elle lui dictait de traquer cette piste. Peut-être que ça aurait un impact sur l'avenir d'Aerinda. La réaction du Grand Oracle était trop extrême pour être ignoré. C'était bien la première fois qu'il adoptait ce comportement. Et ce besoin de contacté les membres de la Table à tout prix... C'était un signe que quelque chose d'importait se passait. Aylaëna avait toujours désiré voyager et aider Aerinda à sa manière. Ce n'était pas en restant coincée en tant que future Grand Oracle qu'elle allait poursuivre son bonheur. C'était décidé : elle allait partir à la recherche de cette dragonnière et qui sait ? Peut-être allait-elle pouvoir contribuer en quelque chose à sa manière. Sinon, elle aimait bien l'idée de devenir historienne et de prendre en note tout ce qu'elle allait témoigner pour que les futures générations évitent ces problèmes. D'après elle, le savoir était bien plus puissant que n'importe quelle arme.
✦×✦
De retour au bercail, elle s'empressa à sa chambre pour ramasser quelques articles. Son entourage, famille et amis compris, ne comprendraient pas et ne la laisseraient pas partir. Dans le fond, peut-être était-elle née pour errer. L'idée lui plaisait, mais pas nécessairement seule. Elle espérait que Yejyn allait l'accompagner. Malgré leur brève amitié, elle sentait comme si elle était la compagne parfaite pour cela. Elle lui faisait entièrement confiance.
Elle la trouva près de la lisière d'une clairière, installée près d'un chapeau de Noktow qui semblait avoir abandonné l'idée que ses spores allaient repoussés l'intrue, seule à tailler du bois pour en créer des flèches.
- Ça te dit qu'on parte à l'aventure Yéyé ? lui sourit l'oracle.
La troll parut surprise de ce nouveau surnom affectueux. Elle figea pendant un instant puis, les traits de son visage relaxèrent. Poussant un grognement enthousiaste, elle approuva de la proposition d'un hochement de tête et se pencha.
- Monte, l'invita-t-elle en désignant son dos de sa main à trois doigts.
Bien sûr que notre adolescente pouvait compter sur Yejyn. La colosse était peut-être née d'un peuple brutal, mais elle malgré les circonstances infortunes, elle avait reçu la bénédiction des dragons et pour cela, les deux demoiselles en étaient reconnaissantes.
Aylaëna grimpa à son dos, s'accrochant à ses épaules solides. Son physique était tellement fort avec peu de matière grasse qu'elle n'eut aucun problème à soutenir la petite elfe. Cette dernière se sentit puissante à une telle hauteur, pouvant sonder les environs avec plus d'aise. La différence de grandeur entre les deux était significative.
— Où ? questionna la gaillarde.
— En direction de l'académie des dragonniers, à l'est. Il faudra donc traverser les Pics du Titan. Est-ce que ça te dérange ?
— Non. Pour toi. Pas de problèmes.
Elles se sourirent et Yejyn s'élança à toute allure, marquant le début de leur voyage à la recherche d'Azéna Valkirel, la mystérieuse dragonnière qui avait demandé de l'aide de l'oracle, que ce soit conscient ou non.
Le crépuscule toucha à l'horizon de tout son long, laissant une lueur dorée se fané tranquillement alors que la lune bleu cobalt entama son ascension pour la nuit.
Qui aurait cru qu'une telle amitié aurait pu naître entre un elfe lunaire et un troll des montagnes ? La vie ne cessait de surprendre Aylaëna et malgré les passages sombres, il y avait toujours de la lumière en vue. La liberté goûtait déjà bonne.
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