9e jour de la saison du sapin 2450

Il était assez tôt dans la journée pour que le premier soleil se mettent à paraitre à l'horizon brumeux. Le vent se levait et commençait à mordre. Les temps s'annonçaient dur, mais au moins, le calme prenait forme. Les bruits du combat s'atténuaient lentement, mais il était difficile de s'en rendre compte à moins d'y porter attention. Cela faisait si longtemps que l'invasion durait que tout ce chahut morbide s'était installé en arrière-plan comme une mélodie d'ambiance.

Le groupe passait devant le modeste temple de la cité qui se tenait à deux rues de la demeure des Valkirel. C'était là où les gens pouvaient aller consulter les divinités, mineures comme majeures. Ils obtenaient rarement une réponse car oui cela n'était pas impossible. Certaines divinités mineures aimaient particulièrement se fondre parmi les foules et elles y laissaient parfois des cadeaux, des signes, des messages ou autres.

Fayne se questionnait à leur propos. Avaient-ils été témoins des terribles évènements qui venaient de se dérouler ? Si oui, pourquoi n'étaient-ils pas intervenus ? Ce qu'elle était bête... Ils ne se mêlent pas des conflits des mortels bien sûr, sauf Noktow qui semblait insoumis, même aux règles convenues par le panthéon. De toute façon, il ne l'aurait évidemment pas arrêté. Il aurait ricané et observer le spectacle avec cruauté.

L'herboriste le détestait. Si elle en était même capable, c'était sûrement ce sentiment. Elle commençait à ressentir la même chose vis-à-vis de la Confrérie de Sombrelame, sans oublier la Légion Ancestrale. Elle se demandait qu'allait-il en venir d'Azéna ? Elle n'était en sécurité nulle part, spécialement à partir de ce jour. Atgoren avait été en grande partie détruite et il ne restait plus qu'une poignée de dragonniers et dragons - et certains des survivants avaient perdus leur partenaire.

Fayne avait failli perdre Buhrik et cette pensée l'effrayait tellement qu'elle en eut des larmes aux yeux. Le pauvre dragon bleu ne pourrait plus jamais voler ni marcher correctement. Elle ne lui avait pas dit, mais elle ne sentait. Elle était certaine que lui aussi en était au moins vaguement au courant. Il était intelligent.

Elle s'inquiétait aussi à propos des dommages infligé à Azéna. Sa situation était particulière et elle se sentait impuissante face à ça. Elle n'avait aucune idée de quoi faire. Nulle part dans ses études et ses lectures avait-elle apprit à propos d'une âme de dragon qui partageait le corps de son dragonnier. Sa meilleure estimation était de consulter un maître spirituel tel qu'un chaman ou encore mieux, un autre animancien. Elle aurait tant voulu qu'Argoshin soit là. Elle estimait qu'il aurait sûrement eu une meilleure vision sur la chose.

Elle leva les yeux. Il n'y avait personne. Tous s'étaient réfugier dans l'académie d'Isriss qui avaient été farouchement défendues par ses dragonniers et ses apprentis. L'endroit avait été choisis en raison de sa fortification solide et du fait que les sbires de Sombrelame ni de la Légion n'en avaient accès.

Le groupe avait atteint l'unique quartier d'Atgoren qui n'avait pas été affectée par l'invasion. C'était presque onirique de voir les bâtiments intacts et là, à quelques mètres, s'élevait la maison des Valkirel. Celle-ci s'élevait pour former un deuxième étage en forme de demi-lune. Au sommet, il y avait un balcon et une perche immense, sûrement pour y accueillir un dragon. Le revêtement extérieur était en maçonnerie. Les nuances des briques variaient aléatoirement passant d'un brun-rouge jusqu'à gris sombre. Il y avait deux étages et Fayne, assumait, un cellier comme sous-sol. Les Litfow en possédaient un, mais leur habitation n'avait qu'un rez-de-chaussée en plus.

— Ari ?

La voix imprégnée d'inquiétude de Harath attira l'attention de la brunette qui s'était laissée hypnotisée par la magnifique demeure. Elle tourna la tête et au même instant, Arièlla la dépassa. C'était étrange car elle avait spécifiquement ordonné que Buhrik devait ouvrir la marche, mais elle avait accéléré son allure et dépassa tout le groupe. D'ailleurs, sa démarche était irrégulière, même maladroite par moment.

— Arièlla ! appela Harath avec plus d'insistance.

La blonde fit quelques pas additionnels et enfin, elle s'arrêta, chancelant dangereusement.

— Ari ! répéta la dragonne rouge.

Elle bondit, atterrissant devant sa partenaire qui n'avait plus la force de se tenir debout. Elle émit un glapissement, sûrement en cause de ses mouvements brusques qui irritaient les diverses blessures que lui avaient infligée la dragonne de Sérus. Elle amortit la chute d'Arièlla de son aile et la laissa glisser, l'attrapant doucement de sa patte.

Les autres accoururent vers elles, examinant l'avatar de feu qui s'était endormis.

— On ne s'endort pas soudainement comme ça ! souligna Ella. Elle s'est évanouie ?

— Je ne sais pas, dit Harath. Elle s'est tellement battue... Peut-être est-ce tout simplement un manque d'énergie, mais ça m'étonnerait... Oh ! Elle a bu l'une de tes potions Fayne durant son combat contre Sérus.

Le groupe se tourna vers l'herboriste avec des yeux brillants d'espoir.

— Ah... Oui... Cette potion... Je me souviens avoir vu le flasque vide sur le champ de bataille, remémora la Litfow. D'après moi, c'est une combinaison de fatigue, de son corps qui essai de récupérer de sa blessure à la cuisse, des effets secondaires de la potion - oui, elle donne de l'énergie, mais ensuite, tu risques de t'effondrer - et aussi, possiblement, de l'utilisation de son nouveau pouvoir d'avatar de feu. Elle en a énormément fait. Trop même.

— Mhmmm... Bah ! Nous y sommes presque ! Dépêchons-nous à la maison ainsi nous pourrons nous occuper des blessés, dit Harath.

— Exact. Pas la peine de traîner, agréa Ella.

Teriondil se porta volontaire pour aider Harath à soulever Arièlla jusqu'à sa selle et l'installer confortablement, le tout à l'aide de lianes qu'il maintenu jusqu'à destination.

✦×✦

Ils furent accueillis par Karasha, Mania, Tobalt et Tyrath qui surveillaient les environs en patrouillant le ciel. Les quatre dragons portaient tous un air massacrant, vacillant entre le chagrin et la colère. Mania semblait dévastée, ses grands yeux humides. Elle ne resta pas longtemps et retourna à sa tâche initiale. Tyrath s'excita un peu, heureux de voir ses amis sains et saufs, mais il était tout-de-même misérable. Tobalt lui, s'avéra à être le plus stable émotionnellement du trio. C'était lui qui entretenu la grande majorité de la conversation avec les nouveaux arrivés. Il recueillit les informations provenant d'eux et leur partagea l'état de santé d'Azéna qui n'avait pas trop changé, la mort d'Eldarytzan ce qui expliquait le comportement de Mania et enfin, la seule bonne nouvelle : que Nymia était à l'intérieur, en parfaite santé physique et qu'elle s'occupait de sa fille qui était toujours dans un profond sommeil. La mère était elle aussi dans un état de choc et elle tentait d'encaisser les dommages.

— Mmmm, marmonna Tobalt en examinant Arièlla qu'on avait descendu de la salle pour l'étendre au sol.

Il posa le revers d'un doigt griffu sur la joue de l'adolescente et plissa les yeux.

— Sa chaleur corporel est élevée. Mais son corps ne semble pas y répondre de façon négative. C'est presque... comme si... il s'était habitué. Je dois m'avoué un peu confus.

Il afficha une expression interrogatrice et suspicieuse. Personne n'osa lui en dire plus.

— Ça ne serait pas possible, souffla-t-il. Dans le fond, peut-être que si... Mmmm... Bon, rentrons.

En quelques secondes, le dragon costaud aux écailles ponceau et au regard safran devint un bel homme à la mâchoire carré et revêtu d'un pourpoint gris foncé et d'un pair de bottes en cuir. Comme Arièlla, il luisait doucement d'un rouge, suggérant qu'il se réchauffait de cette façon. Sa chevelure marrone lui tombait sur les épaules et dans ses yeux sévères ambre, on pouvait apercevoir des traces de son ancienne couleur.

Il caressa sa barbiche qui pendait de quelques centimètres de son menton et s'étira les membres comme s'il venait de s'éveiller d'un long sommeil. Ensuite, il prit la jeune Valkirel dans ses bras sans le moindre effort.

— Entrez je vous en prie, dit-il en invitant le groupe à le suivre d'un geste de la main.

Fayne en resta bouche-bée. Elle n'avait jamais eu la chance de témoigner une métamorphose draconique. C'était une habilitée peu commune et encore moins souvent utilisée. Elle en fut frappée, autant fascinée qu'elle en fut allumée. Elle prit conscience de ses émotions et elle s'efforça se maintenir un air sérieux. Il ne fallait qu'on devine qu'elle trouvait un dragon au physique humain de son goût. Ça passerait sûrement très mal. Ce qu'elle se gênait elle-même. Elle prit quand-même place derrière Tobalt et n'empêcha pas ses yeux d'errer. Il avait particulièrement un beau postérieur ferme dans ses culottes serrés. Aguichée par sa démarche virile, son admiratrice se renia un soupire d'envie.

— Franchement je suis jaloux, ronchonna Tyrath en faisant référence à Tobalt. J'aimerai me transformer aussi. Ça serait super de se joindre à la vie humanoïde. Je pourrai passer encore plus de temps avec Azé !

— Peut-être un jour, l'encouragea Buhrik.

— J'en doute, dit Harath.

Le reste des dragons furent forcés de demeurer à l'extérieur. Mis à part Ella qui décida d'adopter le rôle d'éclaireur comme Mania, cela ne les empêcha pas de se trouver une fenêtre pour observer ce qui se passait en dedans.

L'intérieur de la maison était sublime. Le vestibule était éclairé d'un chandelier en forme d'arbre. Les chandelles étaient maintenues par magie, luisaient avec une douceur exquise et étaient tenues par des dragons en fer forgé. Ceux-ci rugissaient et étaient perchés au bout de l'une des multiples branches tordues.

— Putain, souffla Fayne, impressionnée par le décor.

Elle se plaqua la main sur la bouche et s'excusa d'un regard piteux. Tobalt n'en sembla pas dérangé. Il guida le groupe en silence, les laissant admirer la demeure.

Accrochés ici et là reposaient des peintures de diverses scènes, certaines étant des paysages, d'autres des portraits, mais chacun représentait une tranche de la vie des Valkirel. Elles étaient si détaillées et précises qu'elles n'avaient pas pu être créer autrement que par magie.

— J'avais raison, dit Fayne faiblement en identifiant la signature de Maître Eldarytzan sur le coin de chacune.

Elle trouvait ça quand-même mignon qu'il avait été un artiste dans ses temps libres, quoique c'était un peu de la triche de le faire via le mana. Elle sourit en coin, fasciné par les tableaux, mais attristé que son créateur était tombé et qu'Azéna n'avait pas eu la chance d'en faire partie.

Elle effleura l'une d'entre elles, demeurant hypnotisée par celle-ci pour un moment.

— Le deuxième anniversaire d'Arièlla, informa Tobalt qui s'était arrêté à côté d'elle. C'était mémorable. Nous avions fêté cela ainsi que ma réussite à la métamorphose après une longue année d'essais. Je désirais suivre la petite là où Nymia et Eldarytzan ne le pouvaient pas en raison de leurs devoirs de maîtres à l'académie.

— Tu étais la nounou d'Arièlla ? s'étonna la brunette qui n'arrivait que difficilement à imaginer un dragon rouge dans ce rôle.

— En temps normal, ce n'aurait pas vraiment été mon intérêt de le faire, mais Nymia avait besoin d'aide et la petite démontrait déjà une personnalité audacieuse. Je l'entraînais comme je pouvais et je la guidais dans ses pas maladroits. J'avais détecté un potentiel en elle et je crois que je ne m'étais pas trompé.

Fayne se sentir rougir à cette image. Elle n'avait jamais réalisé à quel point elle aimait l'idée d'un homme qui pouvait s'avérer paternel, un vrai bon père. Tobalt n'était certainement pas le père d'Arièlla, mais durant son enfance, il avait fait partie de ses modèles masculins.

— En effet, confirma-t-elle en se raclant la gorge, prétendant qu'elle n'avait pas été affectée par ces paroles. Elle s'est dépassée durant l'invasion.

— Je suis ravis de l'entendre. D'ailleurs, j'espère que tout cet enfer se terminera bientôt. Eldarytzan est tombé et nous sommes tous épuisés ou trop blessé pour continuer. Nymia et moi nous sommes tenus à l'écart à la requête d'Eldarytzan et ce même si notre devoir ne nous le permettait pas.

Il se remit en chemin, le reste du groupe sur ses talons.

— Pourquoi donc ? questionna la Litfow.

— Ce sera à la discrétion de Nymia de vous le révéler.

— Bien sûr.

Elle eut de la difficulté à envisager la réaction de Nymia quand elle avait su à propos de la mort de son époux. Ça avait dû être un coup terrible à encaisser. Arièlla l'avait bien pris, mais la situation dans laquelle elle se trouvait ne lui avait guère laisser la chance de réagir. Azéna, par conséquent, semblait être dans le mal à en juger d'après l'attitude de Turion. C'était inquiétant et bien triste. L'herboriste n'osait même pas imaginer qu'un tel malheur s'abattrait sur ses parents. D'ailleurs, ça la dérangeait de ne pas être là-bas, à Nothar, avec eux. Peut-être que si... les Gardiens d'Aerinda s'effondreraient, elle pourrait y retourner. Mais... sans Azéna ? L'idée la désolait, elle devait se l'avouer, mais son amie s'était trouvée une nouvelle vie, une nouvelle famille, sa vraie famille d'ailleurs. Avant de le considérer, il fallait la soigner.

Tobalt monta calmement au second étage, tenant Arièlla près de lui. Même les escaliers en bois solides étaient exquis, tournant sur lui-même à quelques reprises. Il était façonné de sorte que le corps était celui d'un dragon et que les rampes soient les ailes. C'était un dragon un peu étrange, légèrement difforme pour accommoder la structure de l'escalier, mais il était tout de même élégant. Fayne eut un bref inconfort en posant le pied sur sa tête qui formait la première marche.

Des bruits de battement d'ailes suggéraient que les dragons avaient eux aussi fait l'ascension.

Un grognement sourd résonna, puis un crissement aigu qui suggérait qu'on glissait sur tuiles de la toiture.

— Bats les pattes ! siffla Karasha. C'est mon perchoir ici.

— T'es pas amusante, ronchonna Tyrath. Pfff... de toute façon, je sais où ils vont et j'ai un meilleur endroit avec une bien meilleure vue !

— Bah vas-y, grogna la femelle.

Ils discutaient insouciamment, oubliant les dangers à proximité. Fayne qui était directement derrière Tobalt entendit le mâle rouge soupirer, exaspéré par le comportement des jeunots.

Une marée d'écailles argentées passa devant la fenêtre au bout du couloir en face.

Enfin, ils aboutirent dans une grande salle à la voûte triangulaire faiblement illuminée de quelques chandeliers. Le sol était majoritairement recouvert d'un tapis tissé d'un motif captivant de flammes et de vagues qui se cajolaient affectueusement. Le décor de cette chambre avait une allure mystérieuse et un peu théâtrale. C'était la chambre des parents, l'espace personnelle d'Eldarytzan et de Nymia. Fayne se sentir rougir et continua de sonder les environs. Quelques peintures avaient été posées aux murs. L'une d'entre elles mettait en vedette une forêt à l'allure tellement fantastique que la brunette se questionna sur sa réalité. Les champignons étaient gigantesques et luisaient. Entre les plantes aux teintes vives une famille d'elfes lunaires performait de la magie et semblaient respirer le bonheur. Ils portaient presque tous une chevelure argentée et des yeux bleu vif. C'était sûrement les relatifs d'Eldarytzan et possiblement son bercail. Fayne aurait admiré l'œuvre immobile pendant des heures si une masse de couvertures n'avait pas remuer et émit un gémissement plaintif. La voix était à la fois douce et anxieuse. C'était celle d'Azéna. Le cœur de la Litfow fit un bond dans sa poitrine, de soulagement ou de crainte, elle ne saurait dire.

Le groupe s'approcha à pas de loups comme pour ne pas déranger l'aéromancienne.

Autour du lit se trouvaient Nymia, les yeux rougis par l'émotion, qui tenait la main de sa fille ainsi que Naëshirie qui vacillait nerveusement son regard de son amoureuse à n'importe où d'autre sans cesse. Tyrath observait de la fenêtre et s'était immobilisé, fixant sa dragonnière intensément comme s'il espérait qu'elle allait s'éveiller à tout moment. Il bloquait le peu de lumière que leur accordait le premier soleil qui touchait encore à l'horizon.

Le grand lit à baldaquin était soutenu de quatre colonnes dont le bois était sculpté de motifs élémentaux : des flammes, des vagues, des feuilles, des brises, de l'ombre, des rayons, du roc et des filaments qui connectaient le tout. C'était beau et inspirant. Étendu là, une masse de cheveux argile qui dominaient quelques mèches violettes dépassait d'un édredon. De sous la crinière reluisante apparut un pâle visage aux traits anguleux, des yeux clos et des lèvres fines qui tremblaient légèrement. On dirait qu'elle avait un début de fièvre. Et malgré son état piteux, elle était encore et toujours d'une beauté frappante.

Fayne se permit, dans une tentative de l'arranger, d'effleurer le pli des paupières où le maquillage fuligineux s'était outrancier, sûrement dans le combat. Ses doigts vagabondèrent ensuite sur son bras, là où la malédiction scellée noircissait la peau lisse. Une chaleur diffuse s'en émanait, un peu comme si elle était active. Elle vérifia le pouls qui était stable, mais lent, ce qui suggérait au moins que sa vie n'était pas en danger.

— Elle est forte, lui dit Naëshirie dans un faible sourire. On pense qu'elle va s'en sortir. Elle a besoin de repos, possiblement un très long repos. En ce qui est de son physique...

Elle soupira et ne termina pas sa phrase.

— Seul le temps nous le révélera, devina Fayne. Avez-vous eu chance de voir ses yeux... ses dents... ses... ongles... ? Et les... écailles... ?

— L'aspect de chacun est mieux, mais toujours alterné.

— Mmmm...

Elle continua d'examiner l'archère endormie. Entretemps, Arièlla fut installée sur le lit à côté de sa sœur. Sa mère, qui avait jusque-là une main poser sur son ventre, la serra doucement dans ses bras, l'éveillant au passage. La blonde grimaça de douleur en silence. Sa cuisse avait besoin de soins, tout comme les brûlures et le nez cassé d'Azéna et Fayne ne se sentait pas à la hauteur de tout ça.

— Zé, murmura faiblement la pyromancienne en se tournant vers la rebelle.

Elle lui offrit un regard plein d'espoir, mais sa sœur ne répondit pas.

— Tss ! Mais qu'est-ce que vous attendez ? Appelez Leith ! grogna-t-elle.

— Nous ne savons pas où elle est, l'informa Nymia.

— Quelqu'un doit aller la chercher. Elle doit être à l'académie d'Isriss. C'est là où ils gardent les civils donc forcément les blessés aussi.

Elle tenta de se lever, mais sa mère l'a forcé à s'étendre de sa puissante main. En temps normal, sa fille se serait battue et lui aurait possiblement tenue tête, mais elle était trop affaiblie pour lui résister.

— Nous pouvons, se proposa Teriondil. Moi et Ella.

— Nous aussi, ajouta Naëshirie. Je braverai les dangers si ça peut aider Arièlla et Azéna.

— On y va ! déclara Tyrath.

— Attendez, dit Nymia qui paraissait déchirée. Écoutez-moi avant de prendre une décision brusque.

Elle fit une longue pause pendant laquelle tous, à l'exception d'Azéna, portèrent leur attention sur et attendirent. Enfin, une lueur de courage traversa ses prunelles.

— Azéna n'est pas en sécurité à Atgoren, expliqua-t-elle, sa voix cassante sous la tristesse.

— Mais... Grand Maître Terenas..., souffla Fayne, certaine d'avoir trouvé la solution.

— Non, insista la Valkirel aînée, une traînée de larmes coulant sur ses joues. Il faut qu'elle soit transportée à un lieu sur avant d'entamer le reste de sa guérison. Elle semble assez stable pour le voyage. Elle ne peut pas restée ici.

— Qu'est-ce que... tu racontes... ? questionna Arièlla, trop faible pour exprimer sa colère à sa pleine capacité. Nous allons repousser les envahisseurs, bien évidemment ! termina-t-elle dans une tentative vaine de paraitre convaincante.

— Tu ne comprends pas et je déteste vraiment en aboutir à ça.

— Alors n'en aboutis pas là ! C'est... aussi simple que ça. Les Gardiens d'Aerinda sont... la voie...

— Ta sœur est trop puissante et à une fonction trop importante pour être soumis à quiconque et cela inclus n'importe quelle faction. C'est là où que ton père s'est trompé.

— Qu'essais-tu de nous dire ?

Naëshirie parut soudainement nerveuse. Elle se croisa les bras et ses yeux s'écarquillèrent brusquement. Qu'importe ce que Nymia allait révéler, ça l'inquiétait. Suspicieuse, Fayne se doutait d'un lien entre toute ces secrets et Eldarytzan.

— Turion disait qu'Eldarytzan était un traître, remémora-t-elle.

Nymia baissa le regard, clairement inconfortable avec sa situation.

— Je n'étais pas d'accord avec ses choix, quoique je ne suis pas entièrement d'accord avec ceux de Terenas et de Vigoth non plus.

— Mère ? dit Arièlla avec inquiétude. Expliques-toi !

— En temps et en lieu. Pour l'instant, faites moi confiance. Azéna a besoin d'un endroit neutre où elle pourra guérir, mentalement comme physiquement. Elle aura besoin d'un guérisseur dédié et compétent. Ces blessures, je le devine, sont profondes.

Elle croisa le regard de tout chacun avant de continuer.

— Nous avons besoin de Leith, conclu Tyrath. C'est la seule parmi nous qui aurait, je l'espère, un semblant d'idée quoi faire avec la condition d'Azéna.

— Précisément... Comment ça se passe là-bas ?

Le drake s'accrocha aux tuiles de la maison d'une patte avant et arrière. Ensuite, il suspendu la moitié de son corps dans le vide afin de libérer la vue pour les autres.

Fayne s'approcha de la fenêtre et ce qu'elle y vit la choqua. La plupart d'Atgoren était engloutis par des flammes voraces, suggérant que l'ennemi avait triompher. Il n'y avait que quelques dragons qui survolaient encore les environs. Les éclats des attaques élémentaux avaient cessés. L'aura dorée du premier soleil révélait encore plus de dommage que prévu. Mis à part les murailles et les bâtiments plus robustes, ces derniers ne tenaient plus debout. Le silence était épouvantable et une odeur de fer et de chair désagréable se répendait dans l'air. Atgoren avait été mise à sac. L'herboriste ne pouvait le croire et pourtant, un dragon passa tout prêt, son cavalier brandissant le drapeau des Gardiens d'Aerinda comme une torche, le tissu beige décoré de la tête de dragon noire en train de bruler.

— Je crois que... les Gardiens d'Aerinda ne sont plus...

— Comment est-ce possible...? s'horrifia Arièlla.

— L'ennemi sera ici sous peu. Il va falloir faire un choix, nous tous, dit Nymia qui paraissait une décennie plus vieille qu'elle l'était. Il serait sage de partir. La Légion est sans pitié et si c'est elle qui a émergée victorieuse... Quoi qu'il en soit, nous devons trouver Leith - espèrons qu'elle est parmi les survivants - et ce dans les plus brefs délais. Je ne vous conseil pas de traîner.

— J'y vais, à l'académie d'Isriss, s'annonça Tyrath.

— Fais vite et si tu ne réussis pas à retrouver brièvement, reviens. Il est plus pressant de sortir Azéna d'ici.

— Oui chef !

— J'irai avec lui, dit Tobalt. Au cas où il aurait besoin de renfort et je suis incertain qu'il soit capable d'entrer dans l'académie en tant que dragon.

— Très bien, mais sois prudent, requêta sa dragonnière.

— Pour toi, sourit-il alors qu'il s'approcha de la fenêtre et se mit à se transformer en se glissant à l'extérieur. Restes avec tes progénitures, ajouta-t-il, sa voix se muant en un grognement.

Une dragonne bleue se joignit à eux, sûrement Mania. À trois, ils allaient sûrement faire l'affaire.

— Qu'allons-nous faire d'Azéna ? questionna Fayne, son cœur se brisant réalisant qu'elle allait sûrement devoir se séparer d'elle pour un long moment.

— Nadalé, suggéra Teriondil. C'est un endroit neutre, paisible, excellent pour les âmes qui cherchent à se trouver et à se guérir.

— J'allais justement le suggérer, approuva Naëshirie. Elle serait entourée de visages familiers aussi : moi, Teri, Ella, Karasha et je l'imagine bien, Tyrath et peut-être même Leith.

Nymia eut un moment émotif où les larmes se mirent à ruisseler le long de son visage. Elle ouvrit le tiroir de la table de nuit près d'elle et en sortie un journal.

— Ceci est pour Azéna quand elle en aura la force. Elle comprendra tout. Entre les pages se trouve aussi une lettre de son père. J'y es ajouté les évènements récents, mais vous serez en charge de compléter le récit.

Elle tendit le petit livre, un trésor comme tout les écrits, à Naëshirie sous le regard méfiant d'Arièlla.

— Prenez bien soin d'elle, toi et Teriondil.

L'elfe hybride accepta en baisant la tête, honorant la dragonnière rouge de respect.

— J'espère que tu vas tout lui dire, grogna la blonde en guise de sa sœur. Et j'espère pour toi qu'elle te pardonnera.

— Arrêtes ! lança Fayne, écœurée des chamailleries.

Arièlla serra les mâchoires, mais n'ajouta rien. Elle était évidemment inquiète pour sa sœur, mais ce n'était pas le moment pour les jeux de trahisons et de méfiance.

Renfrogné sur elle-même, Fayne sentit son cœur se remplir d'égoïsme, désirant que sa meilleure amie ne soit pas séparée d'elle, mais elle savait que c'était pour le mieux. Elle empoigna son collier et glissa es doigts fins le long de la chaînette.

— L'important c'est qu'on se trouvent tous à un endroit sécuritaire et qu'on soit vivants, s'efforça-t-elle à dire, autant pour la Valkirel irritée que pour elle-même.