Leiotogi 2

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Une nausée se love dans mon ventre, où gronde une colère immense. Une haine contre le temps qui a pris notre Madagarsaï, qui nous l’a volée. Car je ne reconnais pas Iyoubehn dans ce corps raide et immobile. Ce n’est pas elle, posée là, les traits avachis, qui se dégrade au soleil. Ce n’est pas elle. Son esprit est déjà parti arpenter les plaines, visiter le bout du monde, et il viendra bientôt visiter nos rêves et murmurer à notre oreille des secrets. Il me tarde de l’entendre.

Car Iyoubehn, c’est avant tout une voix énorme, qui tonne quand elle invoque des esprits. C’est un sourire sévère et des mains ridées, gonflées, un peu malhabiles d’avoir touché tant et tant de choses. C’est cette démarche souple, ce rire qui dévale, bref comme une pluie, et ces colères terribles et immotivées, injustes parfois. Voilà, Iyoubehn est un orage de montagne qui s’abat, mortel, puis repart aussi vite qu’il est venu. Dangereux et magnifique. Et un orage de montagne, ça ne pourrit pas au soleil, ça se dissipe rapidement dans l’air, part regonfler les nuages pour renaître des vents..

Son absence forme un trou énorme en moi, si profond que je n’en vois pas le fond. Mes poings se ferment de rage. Je décide de rendre mon propre hommage à la Madagarsaï. Si je le peux, j’irai stopper la course de la lune pour qu’elle ne fasse plus mourir les aînées. Voilà, ma résolution est prise. En attendant, je chante comment Iyoubehn a terrassé un clan entier de guerriers scarifiés, jetés à nos trousses dans un défilé. Tous ces exploits s’incarnent dans le tremblements des peaux des tambours, dans les graves vibrants des trompes, et cela gonfle un instant ma poitrine d’orgueil.

La nuit s’abat lentement. On nous signale que les chants du soir ne sont pas pour nos oreilles d’enfants. Quand je me lève, une effluve putride me soulève le cœur.

Je cherche le regard de ma mère sans le trouver. Peu importe, j’entends la voix d’Aberkah qui se faufile entre toutes les autres, tentant de les prendre de vitesse dans leur course au ciel. Même après sa mort, les adultes se disputent l’attention d’Iyoubehn.

Arken et Mortej se dirigent vers leur hutte, les épaules un peu basses. Ce soir, pas question de jouer. Shimar à le nez en l’air, comme pour défier les étoiles. Elle est toujours une enfant, mais la mort d’Iyoubehn l’a fait grandir. Je m’éloigne sans un mot, sans savoir si ce sentiment qui me ronge est jalousie ou amour.

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