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— Agathe je te rappelle qu'il est interdit de mâcher un chewing-gum en classe. Tu sais ce qu'il te reste à faire...
Elle se lève, retient son agacement et se déplace jusqu'à la poubelle. Il est sympa son petit pantalon rouge bordeaux. Ça lui fait un joli cul, bien moulé. Va falloir que je passe la seconde, elle m'attire vraiment cette petite.
— Bon je reprends... Je disais – notez-le – que le siècle des Lumières vise à construire pour l'humanité un avenir caractérisé par la croyance en le progrès technique, la rationalité scientifique, la paix universelle, la démocratie, la liberté (liberté de penser, liberté d'expression, liberté économique), en s'opposant à l'obscurantisme, à la monarchie absolue, aux privilèges d'une aristocratie...
Et blablabla et blablabla... Des bruits extérieurs viennent perturber le discours du prof. Je profite d'être près de la fenêtre pour regarder dehors. Des adolescents, dont je doute qu'ils soient scolarisés ici, traînent et chahutent devant l'entrée du collège. Monsieur Saint-Loup ouvre la fenêtre et sort sa vieille tête à lunettes.
— Et vous là-bas ! Retournez chez vos mères ça nous fera des vacances ! Y a des gens qui travaillent ici !
Personne n'avait jamais entendu un prof parler comme ça, toute la classe rit à l'unisson.
— Ceux-là ils font les malins aujourd'hui mais galéreront plus tard... Allez ça suffit on a un programme à avancer...
Mouais... Si ça se trouve ils auront une meilleure situation que lui et que pas mal d'élèves dans cette salle. Apprendre Voltaire à l'école ne fera pas de nous des hommes accomplis. Juste des bons citoyens, et encore... À part lire, écrire et compter, l'école ne m'a rien appris d'utile, entre l'histoire d'une marquise qui écrit des lettres à sa fille, les sorties au musée d'art contemporain ou l'importance du droit de vote. Heureusement qu'Agathe existe, une pincée de sel dans la soupe fade de l'école. Je la regarde se rasseoir. Elle est radieuse. Et plus humble que beaucoup de petites merdeuses prétentieuses moins jolies qu'elle. Beaucoup sont jalouses d'Agathe, conscientes de sa supériorité, bien sûr sans l'avouer. Au contraire elles s'autopersuadent qu'elle leur est inférieure, font des remarques dans son dos, la traitent de cruche et de gamine parce qu'elle fait des remarques soi-disant niaises et assume son inexpérience avec les garçons. Elles – de temps en temps ils – se permettent de la rabaisser parce qu'elle ne porte pas de vêtements de marque. Agathe prend leurs attaques mesquines avec une hauteur qu'elles considèrent comme de la faiblesse. Quand j'y réfléchis, plus on rabaisse les autres plus on est respecté. Quand j'envoie une boulette sur les premiers rangs, il y en a toujours quelques uns pour rire, même parmi les plus sérieux. Toutes ces mesquineries me motivent encore plus à sortir avec Agathe. Ça arrivera tôt ou tard, j'ai un bon contact avec elle, plus elle me voit plus elle oublie son mec de Lyon. Et quand ça arrivera, ce sera intense, une multitude d'occasions d'explorer plus en profondeur ma personne, mon jardin secret...
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