Chapitre II : Le regard des ombres
Sous le voile de la nuit étoilée, une incantation mystique retentissait, emplie de gravité : « Renforce ta prise sur le pommeau ciselé de ton glaive, noble chevalier des terres ancestrales. Sans hésitation, précipite-toi sur le champ de bataille où l’herbe est foulée par des milliers de pieds, car le destin, tel un maître de ballet obscur, t’invite à sa danse macabre. »
L’incantation montait dans l’atmosphère chargée, ses échos résonnant telle la frappe rythmée d’un tambour de guerre, se heurtant à d’antiques pierres sculptées par le temps. L’ombre, plus dense que la brume hivernale, enveloppait tout, rendant énigmatique la provenance des mots, comme si l’obscurité elle-même les susurrait.
De cet abîme d’encre, des voix émergeaient, portées par un vent mordant qui fouettait les hautes herbes de la plaine désolée. « Saisis fermement le pommeau de ton épée, guerrier intègre, » imploraient-elles en chœur, leur timbre glissant à travers la nuit telle la vipère à l’affût de sa proie. « Lance-toi sans retenue dans le chaos enivrant de la mêlée, car il est le chant irrésistible qui pulse dans les profondeurs de ton destin. »
Le doux murmure des paroles emplissait l’air, semblant émaner de la terre elle-même, comme un hymne solennel rendu aux héros d’antan. Dans cette marée d’obscurité, une silhouette solitaire se dessinait, celle d’un guerrier, immobile face à la nuit. La lourdeur de son épée, trempée dans les larmes et le sang de batailles passées, était palpable, et le vent hivernal dessinait des arabesques glaciales sur sa peau. Ses prunelles ardentes étaient rivées sur un horizon nimbé d’obscurité, la tension du combat imminent pesant comme une chape de plomb sur ses larges épaules.
« Avance, guerrier intemporel, » chuchotaient ces voix, presque effacées par la noirceur ambiante, mais persistantes dans leur urgence. « Le moment est venu de répondre à l’appel du destin. Ne tarde pas, car dans ce jeu d’échecs cosmique, le destin, impétueux et insaisissable, se meut inexorablement vers toi. »
Nichée au centre de l’humble demeure, entre des murs qui avaient vu défiler tant d’années, et sous des poutres témoignant des outrages du temps, Siv gisait, évoquant une œuvre d’art tragique, façonnée par les mains implacables et ironiques du destin. Son visage, qui autrefois rivalisait avec la délicate beauté des roses sauvages des montagnes, était à présent marqué par des stigmates sombres, racontant un récit silencieux d’une épreuve indescriptible. Chaque goutte de sang, aussi éclatante que cruelle sur sa peau pâle, semblait narrer l’agonie d’une âme autrefois joyeuse mais désormais meurtrie.
Toutefois, à l’instant où tout espoir semblait perdu, un éclat mystique traversa ses traits. Ses paupières, lourdes du poids des larmes retenues, s’ouvrirent lentement, dévoilant des orbites jadis scintillantes de vie, mais désormais noyées dans un océan de tristesse.
Ses doigts, tels les dernières feuilles d’un arbre en hiver, tremblaient légèrement mais portaient en eux une détermination farouche. Ils se mirent à danser délicatement, traçant des arabesques dans l’air avant de se poser sur les boucles d’or de son fils, lui donnant l’illusion d’un sommeil paisible, comme s’il s’était épuisé après une journée passée à courir dans les champs.
Dehors, le monde semblait sombrer dans la furie. Des flammes affamées, pareilles à des serpents enragés, s’élançaient vers le firmament, emportant avec elles des morceaux de souvenirs. La fumée, dense et suffocante, tentait de voiler les nuages, comme pour protéger le ciel de cette scène d’apocalypse. Mais, au milieu de cette maelström infernal, Siv restait telle une citadelle imperturbable, enveloppée d’une aura de sérénité éthérée.
Sa voix, douce et vibrante, commença à s’élever en un chant, combattant le vacarme ambiant.
— "Au-delà des montagnes où les aigles osent voler..."
Bien que marquée par la détresse, elle était empreinte d’une passion brute, chaque note rappelant les éclats de rire, les caresses et les doux murmures partagés autrefois. Les visions d’un mari aimant, chantant pour leur enfant lors des longues soirées d’hiver, revenaient hanter son esprit, telle une mélodie lointaine.
— "Car dans le grand Nord..."
Sa voix vacillait, portée par les bourrasques :
— "Où les sagas des guerriers perdurent..."
Elle devenait alors un doux murmure, une prière pour que Jaal, son trésor, trouve la paix dans les bras chaleureux de sa mère, loin de la tourmente dévastatrice qui les cernait.
Finalement, les paroles se perdirent, éclipsées par le crépitement vorace du feu qui engloutissait tout. Siv, figée dans cette étreinte éternelle, demeurait un symbole poétique de l’amour maternel, une épitaphe vivante à la tendresse et à la résilience face à l’inexorable marche du chaos.
Dans la teinte crépusculaire de la fin du jour, un vacarme surgit soudain de l’extérieur, attirant l’attention des quelques guerriers restants qui, avec une résolution féroce, fortifièrent la porte avec de robustes planches de chêne et des pierres taillées dans le granit le plus solide. Ils regardèrent impuissants, résignés au sort, tandis que l’incendie, tel un monstre affamé, engloutissait la demeure, la transformant en un infernal brasier.
Cependant, au sein de cet enfer, une scène émouvante se déroulait. Au cœur des flammes dansantes, Siv, vêtue d’une robe autrefois plaisante mais maintenant en lambeaux, s’agenouilla aux côtés de Jaal. Avec une douceur infinie, ses doigts caressèrent les mains frêles de son fils, les enveloppant d’un amour incommensurable.
Le feu, cependant, était sans pitié. La literie, autrefois moelleuse et douillette, s’embrasa en une explosion d’étincelles ardentes. Le toit, fragilisé par le poids du destin, s’écroula dans un tumulte bruyant, plongeant la pièce dans un déluge de lumière et de cendres. Mais Siv, pareille à une déesse antique, resta inébranlable, ses yeux fixés sur son précieux enfant. Puis, dans un élan de foi profonde, elle leva les bras, évoquant les divinités oubliées de temps anciens. Sa voix, bien que brisée par la douleur, retentit avec une intensité sacrée, chaque mot dans la langue des anciens résonnant comme une incantation mystique.
— « Ô Dieux des âges révolus », entama-t-elle, la tête rejetée en arrière, les yeux brillant d’une fervente détermination. « Je vous implore, dans votre magnanimité éternelle. Mon âme écorchée, mon corps meurtri cherchent refuge en votre majesté. Laissez vos étalons célestes m’emporter vers les cieux, que les ailes des corbeaux du crépuscule adoucissent mon passage. Que les féroces loups des neiges marchent à mes côtés, que ma fureur au combat reflète la vôtre. Que ma main devienne le bras exécuteur de vos volontés. Et que Dame Mort danse gracieusement devant moi », conclut-elle, ses yeux, aveuglés par la fumée, levés avec une défiance farouche.
Tout à coup, le temps sembla ralentir. Sa respiration, autrefois ardente, s’estompa peu à peu, comme le souffle d’une bougie éteinte par le vent. Ses paupières, lourdes du poids de sa destinée, tombèrent lentement, scellant son regard dans un voile d’éternité. Elle glissa alors, comme appelée par les voix des ancêtres, vers le sommeil sans fin. Et elles, les entités des limbes, s’approchèrent d’elle avec une tendresse infinie, prêtes à la guider dans l’au-delà.
... et, telle une feuille emportée par le vent d’automne, son corps s’affaissa...
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Les lueurs d’un crépuscule naissant, ambivalent entre ombre et lumière, étaient déjà absorbées par la ténébreuse fumée, lorsque la toux rauque et sèche de Siv fendit cet air empoisonné. Elle était là, étendue sur le sol en bois de chêne, à côté de son fils, son trésor, sa seule raison de vivre. Dans ce cauchemar éveillé, son visage, marqué par les contusions et la suie, et son corps battu par la trahison des flammes, contrastaient avec la force indomptable qui commençait à s’éveiller dans son esprit. Pendant un moment, pris entre la réalité et la douleur, elle ne fit que cligner des yeux, tentant d’inhaler l’air empoisonné, chaque particule de poussière lacérant ses poumons.
Mais alors que la chaleur s’intensifiait, embrassant sa peau d’une étreinte mortelle, la conscience de Siv émergea des abysses, et elle vit les flammes danser telles des serpents enragés, se délectant de chaque morceau de bois qu’elles rencontraient. L’odeur de la charpente brûlée emplissait ses narines alors que des poutres s’effondraient, faisant trembler la terre.
Quand la quinte de toux de Siv prit fin, elle observa le chaos avec des yeux voilés par les larmes et la fumée. Elle perçut chaque détail, chaque étincelle, chaque onde de chaleur qui s’élevait vers le ciel, menaçant de l’engloutir. Chaque fibre de son être lui criait de fuir, de trouver un refuge. C’est alors que la lueur de la hache de Rofrid, une pièce héritée des générations précédentes, capta son attention. Elle était là, gisant au milieu des décombres, un symbole d’espoir.
Mais l’espoir était une lame à double tranchant. En saisissant la hache, un cri de douleur jaillit de sa gorge, brûlée par les ornements en argent du manche. Réprimant sa douleur, elle enveloppa ses mains endolories avec les vestiges d’une couverture, avant de se redresser avec une résolution farouche, la hache à ses côtés.
Sa détermination la guidait, chaque pas faisant naître une nouvelle trace sur le sol recouvert de cendres. Le but était clair : la trappe en bois, presque cachée derrière une armoire renversée, qui menait au cellier souterrain. Dans ce labyrinthe de fumée et de flammes, elle devait trouver sa voie.
Alors que le monde tournait autour d’elle, une seule pensée la maintenait : son fils. Jaal, son précieux garçon, semblait endormi dans ce brasier. Sa mère, avec une force puisée dans les profondeurs de son âme, le souleva. La douleur, les regrets, tout s’effaçait face à la nécessité de sauver le corps de son unique héritier. Tout en se frayant un chemin à travers l’enfer, elle éleva sa voix, appelant les dieux oubliés de son peuple, demandant un miracle.
Et peut-être, juste peut-être, ils l’écoutèrent.
À l’abri des voûtes obscures du cellier, où les marches usées grinçaient d’anciennes lamentations, Siv avançait péniblement. Chaque pas était un supplice, chaque respiration un rappel du fardeau qu’elle portait, pas seulement dans ses bras mais aussi dans son cœur. Jaal, son fils, autrefois plein de vie, gisait désormais inanimé, et le poids de son corps était bien moindre comparé à l’écrasante tristesse qu’elle ressentait.
L’obscurité semblait s’épaissir à chaque marche descendue, mais sa détermination éclairait son chemin. Sa robe, jadis d’un blanc éclatant, était désormais déchirée et maculée de suie. Ses cheveux autrefois soyeux et brillants étaient ébouriffés et emmêlés, témoignant du combat qu’elle avait livré. Et puis, enfin, elle trouva ce qu’elle cherchait : une faiblesse dans le mur, peut-être causée par les saisons et les âges, peut-être par la destinée elle-même.
Elle s’effondra, non pas de désespoir, mais d’épuisement. Mais même alors, elle ne céda pas à la détresse. Avec une ténacité brute, elle attrapa la hache - un instrument reforgé par les mains de son défunt mari Asgeïr -, et glissa le corps de Jaal plus près du mur, protégeant ainsi son héritage de la fureur des flammes. Elle se releva, et bien que des larmes de douleur et de chagrin coulaient sur son visage, il y avait une résolution inébranlable dans ses yeux.
Dans un cri mêlant la rage à l’agonie, elle brandit sa hache et se mit à frapper le mur avec une force qui aurait fait pâlir le plus robuste des guerriers. Chaque coup était un défi, un acte de rébellion contre la fatalité. Mais bientôt, la fumée, telle une entité maléfique cherchant à la submerger, remplissait l’air, rendant chaque respiration de plus en plus laborieuse.
La toux de Siv s’intensifia, mais elle ne céda pas. Pas avant d’avoir creusé une ouverture suffisamment grande pour passer. Et lorsqu’elle vit la lueur bleue du lac à travers la brèche, elle eut la confirmation que ses efforts n’avaient pas été vains. Elle fit un dernier effort pour soulever le corps de Jaal, la douleur marquant chaque trait de son visage, avant de s’échapper enfin de ce piège infernal.
Mais à l’extérieur, la destruction continuait. La fermette, jadis le symbole de la vie et du bonheur, n’était plus qu’un chaos enflammé. Cependant, parmi les décombres et la désolation, Siv aperçut une silhouette menaçante approchant à cheval. Dans un réflexe protecteur, elle se blottit contre le sol, enlaçant Jaal.
Le guerrier la repéra et murmura avec un mélange de surprise et de mépris :
— Elle a survécu, cette sorcière.
Et il éperonna sa monture, laissant derrière lui un sillage de poussière et d’incertitude.
Sous le poids du ciel voilé de ses restes d’azur, les grains de sable s’envolèrent tels des éclats d’or, soulevés par les sabots enflammés d’un destrier fougueux. Le vent sec soufflait les cheveux rebelles de Siv, son cœur battant la chamade dans sa poitrine, la terreur tordant son visage d’une expression glaciale, sculptée par la désolation.
Là, devant elle, gisait Jaal, son héritier, sa chair et son sang. C’était un rappel cruel du prix de la liberté, du coût de la survie. Mais la menace immédiate qui se profilait à l’horizon ne lui laissait aucun répit. Les instincts primordiaux se réveillèrent en elle, guidant sa résolution. Elle n’avait qu’une seule issue : le lac, l’abîme serein qui pourrait être son salut ou sa perte.
La terre elle-même tremblait sous le poids du cheval et de son cavalier, tous deux propulsés par une quête de vengeance aveugle. Le guerrier, un titan en armure sombre, avait fixé son regard acéré sur sa proie, sa hache brillant d’une soif de sang inassouvie.
La voix du guerrier fendit l’air, chargée de mépris et de triomphe, faisant frissonner le paysage autour d’eux. Siv, malgré la panique qui la submergeait, ne se permit pas de fléchir. Ses pieds martelaient le sol en une course désespérée, chaque pas la rapprochant du lac tout en augmentant le fossé entre elle et l’inéluctable.
Le cri puissant du destrier retentissait dans le silence, une mélodie macabre qui accompagnait la danse mortelle entre le chasseur et sa proie. Mais alors que Siv approchait du rivage, elle sentit le souffle brûlant du cheval sur sa nuque. Elle savait que son temps était compté.
Dans un mouvement audacieux, elle plongea dans les eaux sombres, ses vêtements collant à sa peau, alors qu’elle s’enfonçait dans les profondeurs. L’eau glacée enveloppait son corps, la protégeant momentanément de l’assaut. Le guerrier, cependant, ne pouvait être arrêté si facilement. Animé par une obsession malsaine, il entraîna sa monture avec lui dans l’abîme aqueux.
Mais la nature a ses propres lois, et la monture, sous le poids de l’armure et des armes, commença à sombrer. Le guerrier, pris de panique, luttait pour se libérer de ses chaînes mortelles, ses mouvements désordonnés créant des tourbillons sous l’eau.
C’est alors que Siv, saisissant l’opportunité, revint à l’assaut. Elle utilisa le poids de sa propre robe trempée pour enserrer le guerrier, ses mains agrippant fermement la tête de l’homme, forçant son visage plus profondément dans l’eau. Leurs yeux se rencontrèrent une dernière fois, et dans cet instant éphémère, le destin du guerrier fut scellé.
Il disparut lentement dans les profondeurs, son corps autrefois puissant devenant l’épitaphe silencieuse d’une bataille acharnée. Siv, émergeant à la surface, prit une profonde inspiration, les échos de son triomphe se répercutant sur les berges paisibles du lac.
L’air frémissait d’une tension incommensurable. Les ombres qui se dégageaient des arbres bordant la rive, les chants d’oiseaux qui avaient soudainement cessé et le léger grondement des eaux du lac formaient une mélodie macabre. Les deux cavaliers, leurs montures à peine apaisées par les caresses nerveuses de leurs mains gantées, observaient la scène avec une horreur indicible.
Le vent fit danser les plumes d’un faucon, témoin muet du drame, qui tournoyait en cercles serrés au-dessus d’eux. L’un des guerriers, les épaules larges et l’armure lourde, cracha le nom de son camarade perdu :
— Olaf !
Sa voix portait le poids de mille regrets, et il fouetta sa monture, désireux d’entrer dans le lac tumultueux.
Mais avant même qu’il ait pu s’avancer de quelques pas, une main ferme se saisit de la bride de son cheval.
— Si tu oses, alors le même sort te sera réservé. Ces eaux sont trompeuses, elles ne distinguent pas entre le héros et le fou, avertit le second cavalier, les yeux pétillants d’une sagesse acquise au fil de nombreuses batailles.
Ses prunelles, d’un bleu glacial, fixèrent son compagnon avec une détermination inébranlable.
La protestation mourut dans la gorge du premier guerrier. Tandis qu’ils observaient, Siv, l’adversaire et la proie, émergea de l’eau, luttant contre le poids de son propre corps, de sa propre fatigue, et peut-être même contre le poids de son propre destin. Son teint pâle contrastait fortement avec les nuances sombres de l’eau, et ses longs cheveux, telle une cascade d’or liquide, flottaient autour d’elle, les éclaboussures d’eau créant un halo presque céleste.
Le second guerrier, un sourire en coin révélant une dentition irrégulière, chuchota à l’oreille de son compagnon :
— Elle peut être forte, mais elle est également mortelle.
Le premier guerrier, son cœur en tumulte, observa l’horizon lointain, où les forêts de Kornlir se dressaient, telle une barrière verte et sombre.
Mais le temps semblait suspendu. Les secondes s’étiraient, s’étendant comme les minutes, alors que les yeux émeraude de Siv commencèrent à se voiler. Elle semblait être en train de se noyer dans une mer de tristesse et de désespoir, son souffle devenant saccadé, ses mouvements de plus en plus lents. Comme une fleur fanée par un hiver brutal, elle commença à couler, ses doigts effleurant l’eau dans une dernière danse macabre.
Les cavaliers, silencieux et graves, regardèrent la beauté tragique de la scène se dérouler. La lumière du soleil, filtrée à travers les branches des arbres, captura l’éclat des cheveux de Siv, lui conférant une aura presque angélique, avant qu’elle ne soit engloutie par les profondeurs abyssales du lac. Une fin digne d’une épopée, un testament à la fragilité et à la ténacité de la vie humaine.
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La lueur lunaire s’étendait sur le lac, teintant ses eaux d’argent, lorsque soudainement, l’air se fit plus dense et lourd, chargé d’une magie ancienne. Une voix profonde, semblable au grondement d’un tambour de guerre, s’éleva des abysses, évoquant le nom sacré de Siv, encore et encore, jusqu’à ce qu’un éclat irréel apparaisse, une vision d’une beauté surnaturelle. Elle flottait, une nymphe resplendissante, baignée par une lueur dorée émanant d’une source divine inconnue. Mais les entrailles sombres du lac demeuraient imperturbables, insensibles à cette magnificence.
Au fur et à mesure, l’obscurité s’écartait, offrant un passage à une figure masculine émergeant des ténèbres marines. La pureté de ses vêtements contrastait avec l’encre des profondeurs. Son regard se posa sur Siv avec une tendresse éternelle. C’était Jaal, le fils disparu de Siv, revenu d’un au-delà mystique. Ses lèvres murmurèrent un doux appel :
« Mère... »
L’instant qui suivit fut un choc électrique pour Siv. Ses paupières, lourdes comme le plomb, s’ouvrirent brusquement sur le visage apaisant de son fils. Leurs mains se cherchèrent, se frôlèrent. La voix de Jaal, puissante, brisa alors le silence :
« Respire... »
Le lac, autrefois silencieux, vibra de l’écho de ce mot. Et quand leurs doigts s’entrelacèrent, une énergie surgit des profondeurs, un lien entre le vivant et l’au-delà. La force de cet appel était telle une tempête, un cri du cœur qui lui intima :
« Debout, fille du Nord ! »
Ainsi, les eaux tumultueuses rejetèrent Siv hors de leur étreinte. Elle émergea, crachant, toussant, les yeux emplis d’une terreur mêlée de détermination. Ses doigts griffaient le sol rocailleux, cherchant une prise pour s’extraire de ce piège aquatique. Son regard se fixa sur les deux cavaliers sur l’autre rive, leurs silhouettes noires se découpant sous la lueur blafarde de la lune naissante.
— Elle est vivante ! s’exclama le premier, le doigt pointé vers elle.
Mais le second, avec une nonchalance cruelle, répliqua :
— La froideur de cette eau aura raison d’elle bientôt.
L’air était saturé de tension. Siv, prise de frissons, s’abrita derrière les rochers, surveillant chaque mouvement des cavaliers. La froideur du lac mordait sa chair, mais sa détermination était inébranlable. Elle devait atteindre la forêt de Kornlir, s’y fondre, y disparaître, éviter cette mort qui la poursuivait sans relâche.
Elle progressa, chaque pas pesant, chaque souffle douloureux. Dans cette marche, une silhouette sombre se tenait à l’orée de sa vision, une ombre menaçante qui semblait l’observer depuis les confins de la forêt.
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Dans l’ombre sylvestre de la forêt de Kornlir, la lueur naissante de la nuit peignait des ombres étirées, tels des doigts d’anciens dieux cherchant à étreindre la terre. Perchée sur un promontoire dominant la vallée, une femme se tenait là, aussi insaisissable que la brume matinale. Sa chevelure, semblable à une cascade de jais, oscillait au gré du vent d’automne, chaque mèche recélant des secrets aussi anciens que la forêt elle-même.
Elle était enveloppée dans une pelisse aux reflets d’argent et de minuit, usée par les épreuves du temps et les péripéties d’innombrables voyages. Sa capuche sombre enveloppait son visage, dissimulant tout sauf une peau aussi pâle que le marbre des cryptes anciennes, et des yeux profonds, ourlés de kohl, qui rappelaient les ténèbres abyssales.
À ses côtés, un homme massif, monté sur un destrier tout aussi ténébreux, se tenait prêt, son armure de cuir et fourrure témoignant des batailles antérieures. Les reflets d’une lune croissante dansaient sur l’acier froid de sa hache.
La femme retira lentement sa capuche, dévoilant un visage de glace. Ses yeux s’éclairèrent soudain d’une luminescence surnaturelle, blanche et envoûtante. Ses lèvres, teintées d’une encre sombre, murmurèrent des paroles oubliées, dans la langue ancienne des Norses, chaque mot pesant lourd de promesses et de présages.
L’air se chargea d’une électricité palpable. Dans l’écho de sa voix, un croassement vint déchirer le silence. Un corbeau, noir comme l’ébène, s’envola en direction des profondeurs de la forêt, son vol présageant d’événements encore inscrits dans les fils du destin.
La guerrière mystique, ses paroles encore résonnant dans la brise légère, pointa sa main vers la forêt dense, ordonnant à son guerrier d’agir. Elle le consacra, le préparant pour la quête qui l’attendait.
— À la poursuite de la Louve, guidé par le Corbeau, va et que les ombres te mènent vers elle.
Et avec une détermination farouche, le guerrier s’élança dans l’obscurité, porté par la volonté de celle qui voit tout.
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Dans l’immensité de la forêt de Kornlir, les grands Chênes-Noirs séculaires semblaient toucher les cieux, absorbant la clarté lunaire avec une faim avide, comme si chaque rayon était un nectar pour leurs troncs robustes et leur feuillage dense. Chaque souffle d’air, chaque murmure du vent, se frayait un chemin parmi leurs feuilles, esquissant une danse ancienne, comme une mélodie jouée depuis les temps immémoriaux. La sérénité de ce lieu semblait envelopper tout ce qui y vivait d’un doux voile de tranquillité, et l’air était chargé de l’arôme dense et boisé de l’ébène.
Cependant, tel un nuage sombre sur un ciel d’été, une ombre s’insinua dans cette scène pastorale. C’était Siv, l’apparence presque spectral, se déplaçant avec une démarche pesante, chaque pas résonnant comme un cri silencieux de douleur. Sa respiration laborieuse, rauque, formait des volutes de buée dans l’air frais. La froideur du lac, dont elle venait de s’échapper, engourdissait encore ses membres, rendant sa marche encore plus pénible.
L’étoffe de sa tunique, trempée et maculée de boue, collait à sa peau, ses cheveux noyés d’eau lui tombaient lourdement sur le visage. Elle tenta de couvrir sa poitrine d’une main tremblante lorsque le tissu, déchiré par quelque agression précédente, laissa entrevoir sa peau diaphane. Le combat de Siv n’était pas seulement contre les éléments ou les souvenirs d’une tragédie récente, mais également contre les démons qui tourmentaient son esprit.
Tout à coup, elle s’immobilisa, chaque fibre de son être tendue. Les bruits les plus anodins, le hululement d’un hibou ou le grésillement d’un écureuil, prenaient une dimension inquiétante. Elle tourna la tête frénétiquement, comme un animal traqué, percevant des menaces de tous côtés. Son cœur palpitait si fort qu’elle en ressentait les échos dans ses oreilles, amplifiés par la peur.
Alors qu’elle cherchait désespérément un refuge, ses yeux s’accrochèrent à la base d’un Chêne-Noir majestueux, où elle repéra une cavité tapissée de mousses verdoyantes. Elle s’y engouffra, disparaissant presque entièrement sous l’épaisse couverture végétale. Dans cette cachette improvisée, Siv tentait de faire corps avec la nature, recouvrant chaque parcelle de sa peau exposée avec des feuilles, comme si elle cherchait à se fondre dans l’essence même de la forêt.
L’écho lointain des sabots d’un cheval la fit sursauter. Ses sens en alerte, elle percevait chaque détail avec une acuité surnaturelle. Elle pouvait sentir la vibration des pas du destrier, entendre le souffle haletant de l’animal, et même le cuir des rênes se frottant contre sa peau. À travers une fente entre les racines, elle n’apercevait que les pattes puissantes de la monture et les bottes crottées du cavalier.
Lorsque les bruits s’estompèrent, la tension qui l’avait tenue captive se dissipa lentement. Elle sentait la douleur et la fatigue revenir en force, submergeant chaque parcelle de son être. Alors, comme emportée par une vague irrésistible, elle se laissa aller à l’étreinte bienveillante du sommeil, emportant avec elle ses peurs, ses douleurs, et l’espoir qu’à son réveil, un nouveau jour l’attendrait.
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Kornlir, ce royaume nébuleux, semblait être sculpté par les souffles glacés des dieux de l’hiver. La terre, enrobée d’un manteau froid, semblait à chaque instant exhaler la mémoire des ancêtres. Les arbres, ces sentinelles majestueuses, émergeaient de ce sanctuaire avec une majesté sacrée. Leurs feuillages, riches et touffus au début, subissaient bientôt le tourment d’une métamorphose funeste, changeant leur éclat verdoyant en des teintes de noir obsidienne et de gris cendré. Jadis, le ciel avait été le théâtre de mille aurores, mais en ce jour maudit, il s’assombrissait, englouti par une nuée aussi sombre que les légendes nocturnes.
Une silhouette, gracieuse mais tourmentée, fendit l’ombre. C’était Siv, sa tunique d’albâtre ondulant derrière elle, ses pieds effleurant le sol en un ballet désespéré. Ses éclats de rire, mélodieux et imprégnés d’innocence, semblaient être la seule source de lumière dans cette forêt qui se consumait. Rofrid, revêtu de cuir sombre et au regard rusé, la talonnait, une étincelle de défi dans les yeux.
Alors que le jeu se poursuivait, une voix, profonde et métallique, brisa l’harmonie :
« Siv... ».
La terre, comme si elle répondait à cet appel, trembla et se morcela, ses crevasses avide cherchant à avaler la jeune fugitive. Siv fut prise dans un piège de pierre, ses chevilles englouties, sa liberté entravée. Elle était une statue de désespoir dans un jardin d’apocalypse.
Autour d’elle, le sol autrefois solide de Kornlir devint un marécage malveillant, ses eaux noires semblables à l’encre d’un cauchemar. La voix se fit entendre de nouveau, cette fois-ci avec une puissance qui semblait provenir des abysses eux-mêmes. Siv, malgré sa lutte, était inexorablement engloutie. Comme une pieuvre des profondeurs, le marécage la captura, ses ombres se déplaçant avec une voracité hypnotique. Sa blancheur immaculée fut bientôt maculée de noir et de pourpre.
C’est alors que Rofrid, celui qui était autrefois son compagnon de jeu, changea de forme sous le voile sombre du sortilège. Son rire devint un hurlement, sa chair se déchira pour révéler la créature qui sommeillait en lui : un loup au pelage argenté, aux yeux d’un bleu glacé et d’un or brûlant. Il était devenu la Bête, une incarnation des cauchemars les plus sombres de Kornlir.
Au-dessus, les corbeaux, ces messagers des dieux déchus, s’assemblèrent, leur vol formant un tourbillon de désolation. Comme si attirés par la misère de Siv, ils fondirent sur elle, chacun de leurs becs apportant la douleur d’une éternité maudite.
Mais dans cette symphonie de terreur, une voix ancienne et érodée s’éleva, un appel puissant qui transcenda la désolation :
« Éveille-toi, Fille du Nord... Éveille-toi ! Le Chien de Lune doit renaître... ».
Ce cri semblait porter en lui le poids de prophéties anciennes et d’espérances oubliées, promettant à la fois la rédemption et le renouveau.
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La nuit pleine éclairait le paysage forestier de Kornlir d’une teinte pâle, et Siv, comme un oiseau tombé du nid, s’éveilla brusquement dans cet écrin de mystères. Son cœur tambourinait, vibrant au rythme des légendes que les anciens contaient au coin du feu lors des longues nuits d’hiver. Des récits de créatures fantomatiques rôdant entre les arbres séculaires, des Chênes-Noir, gardiens immémoriaux de ces bois sacrés.
Le claquement de sabots rompit ses songeries. Elle distingua la silhouette d’un chevalier, un titan d’acier et de cuir, se mouvant parmi les ombres comme un prédateur. Ce guerrier, par la grâce de sa monture, semblait flirter avec la frontière entre le monde des mortels et celui des esprits. Son épée, qui aurait pu appartenir à un roi d’autrefois, effleurait les feuilles, cherchant peut-être un signe, un message de l’au-delà.
Cependant, un hurlement, semblable à un chant mélancolique des sirènes des contes marins, retentit, suspendant le temps. Le guerrier se tendit, telle une corde d’arc prête à décocher sa flèche, puis guida son destrier avec une aisance née d’années de complicité. Tout en avançant, il exécuta une parade fluide pour esquiver les pièges que la forêt avait dressés sur son chemin.
Dans le halo lunaire d’une clairière, un second cavalier émergea, évoquant une apparition spectrale. Son aspect était si insaisissable qu’il semblait faire corps avec la forêt, à la manière d’un renard rusé s’infiltrant entre les ombres. Cette union avec la nature était si parfaite que Siv ne le remarqua qu’à l’instant où il rejoignit son comparse.
Refusant de se trahir, la jeune femme, respirant avec la discrétion d’un souffle de vent, se blottit davantage contre le tronc d’un arbre ancien. La peur la paralysait, mais dans ce tableau d’inquiétude, ses yeux, deux joyaux d’émeraude, se fondaient avec la végétation. Ses traits, marqués par les épreuves, reflétaient les ombres et les lumières de la forêt.
Les cavaliers, silencieux comme des statues, échangeaient des messages sans paroles, dans un ballet de regards et de gestes. Ces signes semblaient transporter des secrets aussi anciens que Kornlir elle-même. Siv, cachée et attentive, se demandait quelle destinée, en ces temps incertains, avait amené ces deux âmes en ces lieux.
Dans le dédale sylvestre où se mêlent ombres et murmures, les deux cavaliers, tels des prédateurs affamés, traquaient inlassablement leur proie. Les signes subtils du passage de celle-ci n’échappaient pas à leur acuité ; des feuilles à peine déplacées, une branche cassée, une empreinte éphémère. L’éclat métallique des armures tranchait avec le sombre dominant de la forêt.
Le premier cavalier, son noble destrier manifestant son inquiétude, cherchait à apaiser l’animal par une douce caresse sur l’encolure. Il lança un regard scrutateur, teinté d’une ironie mordante, sur les secrets que la forêt rechignait à révéler. D’un coup de sifflet, presque mélodieux, il interpella son compagnon.
L’autre, vêtu de peaux sombres et drapé d’une toison de loup - symbole de sa sauvagerie et de sa hiérarchie au sein de leur tribu - s’agenouilla avec une solennité guerrière. Ses cheveux blonds, tressés avec des perles qui semblaient capturer la lumière, tombaient sur ses épaules massives. Sa barbe, dense et courte, encadrait des yeux sombres et profonds qui se perdirent dans l’intensité de sa recherche. Son regard, lorsqu’il se fixa sur un point précis, trahissait une perspicacité redoutable, évoquant les chouettes de la nuit. C’est alors qu’il reconnut Siv, dont le regard était animé d’une étincelle de défi mêlée à de l’effroi.
Les deux adversaires se tenaient, tels des statues, dans une tension palpable. Mais alors que l’un restait immobile, l’autre s’approcha à dos de cheval, sa démarche exsudant une nonchalance calculée. Son compagnon, la lourde hache à la main, se redressa, prêt à confronter l’inconnu. Le silence de la forêt semblait avoir cédé sa place à une symphonie discrète : le froissement des feuilles, le souffle du vent, et le battement sourd du cœur de Siv.
Le premier, en s’avançant, dévoila un sourire qui contrastait avec la froideur de sa voix, comme un glaçon dans un verre d’eau chaude :
— Sors de ta cachette ! Ne me contrains pas à te déloger. Si tu veux une fin rapide, obéis.
Le regard du cavalier se fit perçant, tentant de transpercer les défenses de la nature.
Le second, dans une démarche diplomatique, dit :
— Nous te laisserons rejoindre les tiens, sans souffrance inutile.
Il guida son destrier à l’écart, signifiant à son compagnon de circonscrire la zone.
Mais l’impertinence de la nature et la ruse de Siv se trouvèrent trahies par une pierre lancée avec habileté. Elle atteignit sa cible. La douleur perça le silence, et l’épaule de Siv se découvrit, blanche comme l’albâtre. Son teint contrastait avec l’obscurité de la cachette. La vue de sa chair, meurtrie par le projectile, déclencha chez les guerriers des réactions viscérales. L’un en fut ému, presque touché par sa vulnérabilité. L’autre, cependant, réagit avec une avidité brutale.
Siv, percevant l’avidité de leurs regards, se redressa avec dignité. Avec détermination, elle couvrit sa blessure, puis, les yeux remplis d’une lueur farouche, déclara :
— Quel que soit le sort que vous me réservez, ma seule préoccupation est de retrouver mon enfant.
Elle tourna les talons, refusant de leur montrer davantage sa détresse.
Siv, d’un regard éperdu, posa ses yeux sur le majestueux chêne qui, depuis des siècles, se dressait là, témoin des événements les plus sombres et lumineux de cette contrée. Le tronc rugueux de cet arbre, témoignage de sa résilience face aux intempéries, semblait s’enfoncer profondément dans la terre tout en tendant ses branches noueuses vers les cieux. Elle éprouva, face à cet abandon solennel de la nature, un sentiment d’admiration mêlé d’envie. Car cet arbre, contrairement à elle, était inébranlable.
La crasse et le sang qui marquaient la peau autrefois immaculée de Siv ne semblaient pas rebuter les deux guerriers qui la tenaient en joug. Leurs regards voraces en disaient long sur leurs intentions. Chaque détail de sa détresse, ses lèvres tremblantes, la manière dont ses yeux se remplissaient de larmes d’indignation, semblait les galvaniser.
— En vérité, susurra le plus grand des deux, ses dents jaunies formant un sourire mauvais, te voir rejoindre le monde des ombres n’aurait guère de saveur. Tu ne nous priverais pas de ce petit plaisir que tu nous offres malgré toi, n’est-ce pas ?
Les ricanements qui s’échangèrent entre eux firent froid dans le dos.
Le silence, presque oppressant, prit le dessus pendant un instant qui semblait interminable. Mais Siv, refusant le destin que ces monstres voulaient lui imposer, puisa en elle une énergie insoupçonnée. Elle se jeta avec une agilité féline vers les racines tentaculaires du Chêne-Noir. Malheureusement, les pas lourds de ses poursuivants n’étaient jamais bien loin.
La force avec laquelle le guerrier l’attrapa à la cheville la surprit. Elle donna un coup si violent que le son mat d’une mâchoire fracturée résonna dans l’air. Le guerrier, sa bouche devenue une sinistre fresque écarlate, cria un mot, son venin tout aussi redoutable que ses intentions :
— Sorcière !
Siv s’agrippa désespérément aux branches, haletante, chaque fibre de son être s’élançant vers la liberté, mais le destin semblait avoir choisi son camp. Les guerriers, dans une danse mortelle, la cernèrent. Le frisson du métal, le hennissement du cheval, tout semblait annoncer la fin.
Toutefois, alors que la situation semblait irréversible, le regard d’un des guerriers perdit de son assurance, et le sang se mit à couler, telle une rivière rouge, de sa tempe. Un son mat résonna à nouveau dans l’air, et il s’effondra, le regard vide. Son acolyte, sa rage décuplée par cette soudaine trahison, leva son arme avec la détermination d’un homme qui n’a plus rien à perdre.
Mais la Mort, cette compagne fidèle des guerriers, avait choisi son camp. Il tomba, terrassé par l’ombre d’un sauveur inattendu. Siv, son souffle court, recula, mais trébucha, se retrouvant captive des racines entrelacées du vieux chêne. La noirceur envahit ses sens, mais juste avant de sombrer, elle entrevit une silhouette imposante, un ange ou un démon, le sauveur ou le bourreau de cette tragédie forestière. Ses paupières, lourdes comme du plomb, se fermèrent, laissant la scène à la merci du destin.
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