Fournaise 1
Il y a des jours que l'on se souvient mieux que d'autres, résultant d'un ensemble de situations concordantes. Il y a eu des occasions manquées, en fait beaucoup, sept années. Sept années de non-disponibilité mutuelle, de vies qui prennent des chemins divergents. Et me voilà, en cet été infernal, dans son salon. C'était étrange, nos deux situations étaient aussi simples à décrire qu'elles étaient compliquées : nous n'allions pas très bien, suite à des complications personnelles et des ruptures un peu violentes. Une concordance de ruptures tout aussi douloureuses que le noir des deux tasses de café devant nous, malgré la chaleur étouffante.
On avait été amis, on avait flirté, on avait été confidents l'un pour l'autre, on avait parlé jusqu'au bout de longues nuits interminables. Mais le timing n'était jamais bon, ni pour l'un ni pour l'autre, jusqu'à ce que nous nous perdions de vue, emportés par le flux de la vie. Et nous voilà face à ces deux tasses, sans grand-chose à nous dire. Peut-être étions-nous là dans l'illusion d'espérer retrouver le réconfort de nos longues discussions sans filtre ? Mais nous n'avions malheureusement pas le cœur à ça. En fait, nous étions juste deux êtres un peu perdus dans le silence et la moiteur de son salon, attaqués par les effluves amers et tièdes du café.
— Je crois qu'on a oublié comment c'était de parler de tout et de rien, lançais-je, le regard dans le vide.
— Je crois que oui, c'était il y a longtemps, répondit-elle. Désolé, je ne sais pas trop pourquoi je t'ai invité.
— Je suis venu sans trop savoir non plus, avouai-je.
Nous buvions en silence ce café brûlant, peu adapté à la situation, rajoutant de l'amertume à la chaleur et au silence pesant, seulement brisé par le bruit des tasses sur la table en bois.
— En fait, si, je savais pourquoi, dis-je après un certain temps. J'avais au fond de mon esprit l'envie de finir nos discussions en vrai.
— Nos discussions ? L'entretien, tu veux dire ?
— Oui, l'entretien.
— On peut le faire dans ma chambre.
Elle posa sa tasse et se dirigea dans la pièce d'à côté. Je finis la mienne, me levai et entrai dans la pièce sombre, aux volets fermés, dans une vaine tentative de garder la chaleur à l'extérieur. Par réflexe, je fermai la porte derrière moi. Aussitôt, un clic d'interrupteur et la lumière d'une lampe de chevet incandescente illumina la pièce d'un jaune tamisé. Ce n'était pas très grand, il n'y avait qu'un lit.
— Ça fait longtemps que je n'ai pas fait ça, mais je vais faire de mon mieux.
— Faire de son mieux, ce sera déjà bien, dit-elle.
— Tu me donneras du "Monsieur" et du vouvoiement pour l'entretien, ça te va ?
— Oui, Monsieur.
— Tu peux mettre fin à l'entretien à tout moment en disant "terminé".
— Bien, Monsieur.
J'avais fait ce pitch tellement de fois à l'époque qu'il me revenait naturellement, tout comme la fournaise inévitable de cette chambre en plein été.
— Commençons donc. En sous-vêtements, assieds-toi sur le rebord du lit, jambes bien écartées, ordonnai-je.
— Je n'ai pas de soutien-gorge, Monsieur.
— Je ne t'ai pas demandé si tu avais un soutien-gorge. Je t'ai demandé d'être en sous-vêtements et de t'asseoir, je te pris.
— Oui, pardon, Monsieur.
Elle s'exécuta rapidement, faisant tomber sa robe et la lançant de l'autre côté du lit. Ainsi dévoilée, elle ne portait qu'une culotte rouge vif. Elle s'assit ensuite, prenant soin d'écarter les jambes, m'offrant une vue parfaite sur son intimité.
À cet instant, il était clair que cette rencontre n'était pas qu'une simple réunion entre amis de longue date. Un passif de sept ans avait ressurgi, comme une finalité à accomplir. Moi, debout face à elle, assise, la tête levée, la poitrine nue, sa culotte rouge se noyant dans une humidité d'excitation tout aussi flagrante que mon érection sous mon pantalon.
— Prénom, je te pris.
— Estelle.
— Bien, Estelle, je vais t'expliquer le but de cet entretien. Il y a trois règles à respecter : un "non" est un "non", il est interdit de mentir, et le kink shaming n'a pas sa place.
— Bien, Monsieur.
— Tu es ici pour un entretien de soumise, je sais que nous avons beaucoup parlé de cela dans le passé et que nous connaissons la vision l'un de l'autre sur le SM. Mais pour clarifier les choses, nous allons échanger haute voix à ce sujet pour être sûrs. Sept ans, c'est long, et les choses changent. Ça te convient ?
— Oui, Monsieur.
— Je vais commencer, mais d'abord, ça ne te gêne pas que je me rapproche ?
— Non, Monsieur.
Je me positionnai debout entre ses jambes, mon pantalon à quelques centimètres de son visage, envahissant totalement son espace personnel. Obligée de lever la tête pour me regarder ou de faire face à mon sexe, elle était étouffée par la chaleur et ma proximité.
— Ma vision est, en somme, assez simple : mon but est d'assouvir tes envies dans le respect de tes kinks et de tes fantasmes. Je ne suis que secondaire, d'une certaine façon. Ton plaisir supplante le mien. En gros, pour résumer grossièrement, comme j'aime bien le faire en général, je ne suis pas là pour me vider et te laisser en plan après, sauf si, bien sûr, ça fait partie de tes kinks, d'accord ?
— Oui, Monsieur.
— Bien, je ne juge pas et suis naturellement très curieux de découvrir de nouvelles pratiques. L'un de mes points primordiaux est de créer un espace de confiance absolu, sans tabou ni jugement sur les pratiques. C'est pourquoi le safeword est primordial. Je préfère qu'il soit utilisé trop souvent plutôt que de dire "allez, ça passe, j'accepte", créant ainsi du malaise inutile pour toi.
Je marquai une pause, la regardant, la tête levée, bloquée dans cette position peu confortable.
— Je crois que j'ai résumé mon approche du SM, des questions ?
— Non , Monsieur, c'est clair.
— Bien, à présent, avant de continuer, suis-je autorisé à t'attraper la tête ?
— Oui, Monsieur.
Je pris ses cheveux dans ma main et inclinai son visage vers mon pantalon, l'obligeant à respirer le textile de mon entrejambe. Je n'aurais jamais fait ça auparavant, à l'époque où je faisais pas mal d'entretiens. C'était presque ma marque de fabrique dans un cercle SM que je fréquentais. Mais avec Estelle, c'était différent, l'entretien allait déraper.
Après plusieurs inspirations forcées, à ne pas en douter aux odeurs d'urine et de transpiration, je relâchai ma pression. Elle resta immobile, béate, moite à cause de la température et d'une excitation grandissante.
— On va parler de toi maintenant. À quatre pattes sur le lit, je te pris. Et bien cambrée, tu n'es pas une débutante.
Elle se positionna au centre du lit, écartant légèrement les jambes, juste assez pour que je puisse voir la lumière chaude de la lampe se refléter sur sa culotte mouillée. Puis, elle cambra le creux de son dos, sûrement fière de sa position.
— Puis-je toucher ta culotte et tes fesses avant que tu commences ?
— Oui, Monsieur.
Je glissai minutieusement mes doigts sous le textile moite de sa culotte, effleurant sa peau. Elle ne put réfréner un frisson. Je ramenai le tissu au centre de ses fesses, créant ainsi un string des plus inconfortables.
— Tu as la parole, commence par ta vision du SM.
— Merci, Monsieur. Ma vision est assez simple, j'attends un respect de ma position, qu'on n'abuse pas de moi parce que je suis une soumise. Pouvoir être moi-même, les yeux fermés pendant les séances, sans avoir l'appréhension qu'on dépasse mes limites et qu'on ne respecte pas mon safeword.
J'avais entendu ce discours tellement souvent, de la part de soumises tombées sur les mauvaises personnes, qu'il me fit toujours autant de peine. Sept ans, c'est long, et cette phrase prononcée sous cette lampe à filament brûlant me donna le cafard l'espace d'un instant.
— Et dans la pratique, où te situes-tu entre "brat" et soumise ?
— Je ne suis pas "brat", je suis une soumise docile qui dit oui à tout dans mes limites sans contester les ordres.
Il fallait que je chasse ce cafard soudain, trouver une solution. La chaleur n'aidait pas à se concentrer, la chambre était devenue un four étouffant.
— Parlons un peu de kink, un chacun pour commencer. Tu te lances ?
— Bien, Monsieur, je vais commencer par un kink un peu particulier. J'aime le sperme. J'aime son côté lié à la soumission. La texture, le goût, l'odeur, tout est désagréable, je trouve. Mais en tant que soumise, être obligée de l'avaler, d'en avoir sur moi, est une humiliation qui m'excite. Je ne sais pas si je suis claire ?
— Oui, je crois. Tu aimes l'aspect humiliant que représente le fait d'être imposée à subir ce fluide.
— Oui, Monsieur.
— À moi, il semblerait. Je dirais que j'en ai un qui se recoupe avec le tien. Je me positionnai face à elle, un peu plus éloigné. Dans une relation SM, j'aime imposer mon corps à ma soumise, surtout au niveau du visage. Comme avec le pantalon tout à l'heure, ce n'est peut-être pas très clair ?
— Désolé, pas trop, Monsieur.
Je m'assis à côté d'elle, d'un air enjoué, chassant ainsi le cafard.
— Branle-toi pendant que je t'explique, sans jouir. Et au-dessus de ta culotte.
La phrase la surprit, à en juger par son expression et ses yeux grands ouverts, mais elle glissa aussitôt une main sur sa culotte et fit de petits ronds.
— Bien, maintenant, imagine : tu es ma soumise. Nous sommes dans une chambre étouffante, à la lumière brûlante, car pas aux normes des lampes LED. Ça fait trente minutes que la tension monte. Je te mets à quatre pattes sur le lit, baisse ta culotte et profite de la vue de ma soumise entièrement donnée. Ta chatte dégouline de plaisir, me donnant une érection totale. J'ai envie de te faire subir ma queue, enfermée depuis ce matin, étouffée sous mon boxer et mon jean. J'ouvre ma braguette, descends mon boxer, dévoilant une érection suintante et odorante. C'est malpropre, sale, mais l'excitation d'une soumise obéissante est enivrante. Je décalotte mon gland juste devant ton visage. Puis je le fais balader sous ton nez, sur ton visage, tes lèvres, je t'oblige à sentir mes couilles aussi. Un plaisir avilissant de domination. Ensuite, je t'ordonne d'ouvrir la bouche.
Je joins ma phrase à mon pouce que je glisse dans sa bouche.
— Je te fais lécher mon gland. Tu as l'odeur de ma bite et son goût pendant de longs moments jusqu'à la délivrance de la fin de séance pour une hypothétique douche. À moins que je me serve entre-temps de ta bouche comme d'un respectable foutre, t'exigeant de garder le liquide peu ragoûtant pendant de longues minutes. J'en profite pour finir d'essuyer mon sexe sur ton visage, les dernières gouttes de foutre. Avant enfin de te faire avaler. Et finalement, je pars me laver seul, t'interdisant une douche encore de longues heures, puant le foutre, l'urine et la transpiration de ton maître.
Estelle se mit à souffler et à gémir.
— Interdiction de jouir, enlève ta main. Tu as mieux compris ?
— Oui, Monsieur, je comprends maintenant.
— C'est un kink que tu peux accepter, tu peux dire non.
— Ce kink est extrêmement excitant, Monsieur.
Je me relevai d'un coup.
— Bien, continuons l'entretien après ce petit aparté.
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