Maison
Il était une chose certaine, l'eau du bain d'Estelle ne devait plus être très chaude quand elle est sortie, vu le temps qu'elle y est restée. Au moins, ça m'a laissé le temps de faire les courses en ligne, il était temps de manger autre chose que des barquettes tout droit sorties du congélateur.
Elle réapparut dans le couloir dans un pyjama des plus confortables, le livre entre les mains.
-C'était pas terrible, juste ce qu'il me fallait, vous l'avez bien aimé ?
Elle me montrait la couverture.
-Comment dire, j'adore acheter des livres, mais je ne prends jamais le temps de les lire, ce qui fait que j'en ai beaucoup, et lu très peu. Ma remarque la fit sourire.
-Au moins, j'ai le stock à lire. Cuisine indienne ce soir?
Les émanations de curry tout droit sorties du chef cuisinier micro-ondes m'avaient trahi.
-Oui, cuisiner avec amour et passion. Le secret, c'est qu'il faut mettre douze secondes de plus que sur la barquette. Seuls les meilleurs connaissent ce petit secret.
-Je vois que j'ai affaire à un chef trois étoiles sur le guide de la barquette de France.
-Oui, mais la rumeur dit que je vais rendre mon tablier pour redevenir simple cuisinier.
-J'ai hâte de goûter tout ça.
Dit-elle en reposant le livre et fouillant l'armoire du regard pour trouver son prochain livre. Elle en prit un tout à fait au hasard, je pense.
-Ce soir, je peux te proposer un repas de qualité accompagné d'un film choisi au hasard sur une plateforme de streaming quelconque.
-Ça me semble tout à fait intéressant pour finir cette journée.
-Et tu veux la meilleure nouvelle ?
-Tout est prêt ?
-Exactement.
Il y avait une légèreté dans l'ambiance, tout à fait appréciable, à l'opposé de la canicule toujours présente. On était bien, nous deux, barquettes cuisinées avec précision sur la banquette, face à un film que nous dirons tout à fait remarquable par son Inintérêt total. Vraiment, c'était mauvais, très mauvais, et il avait un durée au compteur de deux heures trente. Après une heure, Estelle s'étira et se blottit contre moi. Méthode inégalée d'étirement pour se rapprocher, toujours efficace. C'était mignon, ce côté timide pour se coller à moi, vu ce qui s'était passé dans la journée. En fait, le film n'avait que peu d'importance, on était juste deux âmes errantes posées sur une banquette, ça faisait du bien.
Arrivés à la fin du film, nous étions dans un état semi-assoupi, et j'aurais bien du mal de me rappeler ce qu'il s'était passé. Elle se leva de la banquette et se déshabilla aussitôt.
-Merci, maître, d'avoir respecté cette pause, ça fait du bien.
-C'est ton jeu, tes règles, tes envies, je ne suis qu'un simple dominant essayant de satisfaire sa soumise et ses besoins.
-Oh, je suis navrée de vous faire subir de telles choses, maître.
-Je m'en remettrai, enfin, je pense.
-J'en suis sûre, dit-elle en ramassant les barquettes laissées négligemment sur la table basse. Chose qu'elle fit jambe tendue, légèrement écartée, se penchant doucement, me laissant la dévorer des yeux. Puis elle alla les jeter.
-Pour demain, on fait comment, maître ?
C'est vrai, demain c'était retour au travail pour tout le monde, c'était pas l'information la plus sympa de la soirée.
-Je pars à 7 heures d'ici et je rentre en général à 16 heures. Par contre, j'ai pas de téléphone à mon boulot, je travaille dans un domaine secret défense, bullshit et tout le tointoin.
-Oh, mon maître est dans les petits secrets de l'État.
-J'avoue, je suis agent secret.
-Je suis peut etre, une agent double.
Je la rejoignis, rentrant dans le jeu le plus cliché et stupide qui soit, et lui mis une fessée qui lui fit lâcher un cri.
-Je saurai te faire parler alors.
Tout aussi ridicule que le jeu, l'énorme bâillement que je ne pus retenir me frappa, suivi de celui d'Estelle.
-On a plus la vingtaine, je crois, lui dis-je.
-Vous me ferez parler demain alors, oui, on vieillit, je le crains. Du coup, vous êtes injoignable la journée.
-Malheureusement oui, seulement entre 12h30 et 13h quand je sors de la base secrète des agents secrets.
-Je vois, je suis plus libre, je commence vers 9h et finis vers 18h, mais après 16h, je ne fais plus rien en général.
-On devrait s'en sortir, tu préfères dormir seul ou avec moi ?
-Seul, maître, j'aime les moments seuls aussi.
-Et tu as bien raison.
On vieillit, mais certaines choses ne changent pas, pipi les dents et au lit. La chambre rangée était presque intimidante pour moi, je ne l'avais pas vue ainsi depuis si longtemps. Je pouvais être autre chose qu'un déchet. Je ne saurais à quel moment Estelle a pu faire cela, mais sur l'oreiller central se trouvait une culotte, imprégnée de son odeur charnelle. Il n'y a pas d'âge pour avoir des doudous.
Je me glissai vite sous les draps propres, et la seule certitude que j'eus, c'est que l'ombre de mon esprit s'immisça dans mes pensées aussi vite que mes yeux sombrèrent dans un sommeil profondément agité. Un de ces sommeils où je ne saurais dire si je dormais, somnolais, ou luttait contre mon propre esprit.
Seul dans ton lit, seul dans ta vie, elle te détruira, te trahira, utilisera tes faiblesses. Ses courbes te piègent, elle te prend pour un moins que rien, elle a surement juste besoin de toi puis se retournera ! TU N'EST RIEN
Le réveil fut brutal, les mots frappants encore dans ma tête tel un nuage sombre. Mon corps entier tremblait. On était loin d'être sur une sensation agréable ce matin. La première chose qui me frappa, c'était cette envie, cette envie de mon petit déjeuner avant travail, une foutue canette de bière. Puis une fois arrivé au travail, deux anxiolytiques. Ce matin, il n'y avait que des pains aux chocolats industriel et autres brioches confiture. Je fis un haut-le-cœur, foutu organisme qui réclamait sa dose d'éthanol. Le petit déjeuner ressemblait plus à une torture qu'à autre chose, une lutte pour rester concentré, une lutte contre l'envie irrépressible d'aller à la première supérette chercher une canette quelconque d'alcool.
Douche, lavage de dents, la seule chose que mon esprit embrumé arrivait à penser, c'était mon petit déjeuner des deux derniers mois. Une canette, deux cachets d'anxiolytiques, une canette, deux cachets d'anxiolytiques, une canette, deux cachets d'anxiolytiques...
C'est comme un tunnel sans fin, mon esprit bouclait sans cesse dessus, sans échappatoire. Je mis mes habits de clown pour faire plaisir au patron, chemise et costume. "Si jamais un client passe, vous devez être en costume". Je n'en ai jamais vu un seul depuis huit ans. En sortant de ma chambre, m'apprêtant à partir sous les auspices d'une longue journée à lutter contre moi-même, Estelle était dans le salon, nue.
-Bonjour, maître.
-Bonjour, soumise, bien dormi ?
-Oui, une nuit sereine depuis longtemps, et vous ?
-Pas vraiment, ça va être un peu dur aujourd'hui.
-Je peux faire quelque chose ?
Le pire, quand on a le cerveau bloqué sur une putain de canette et des cachets, c'est que tout paraît désespéré autour. Tout semble futile, sans saveur. Ce foutu nuage de morosité te faisant croire que la seule solution, c'est de sombrer. C'était dur, bien plus dur que je ne l'aurais jamais imaginé. J'avais envie de hurler, de tout casser, de me barrer comme une loque dans ma chambre, me bourrer le buffet à l'éthanol et aux médicaments.
-J'ai le cerveau bloqué sur l'alcool et les médicaments là, ce n'est pas facile, on va dire.
-Ah, je connais, ce cycle désespérant sans solution visible et lumière. J'ai connu, et je sais que malheureusement, il n'y a pas vraiment de solution miracle, maître.
-C'est vraiment mal foutu, le cerveau.
-Vous n'avez pas idée, si vous avez besoin, je suis là pour en parler ou quoi que ce soit d'autre.
J'arrête le médicament et l'alcool quand je veux, mon cul ouais. Le seul truc que j'arrivais à faire, c'est me noyer à cet instant dans mon propre esprit. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais sous les yeux dubitatifs d'Estelle, je m'allongeais sur le tapis du salon.
-Étouffe-moi avec ta chatte. Elle se leva de la banquette et se plaça debout, un pied de chaque côté de mon visage, laissant son intimité entièrement à ma vue.
-Quel dosage pour votre médicament, maître ?
-Le plus chargé possible, soumise.
Je vis sur son visage un grand sourire naître.
-Avec grand plaisir, maître.
Elle descendit doucement, en ondulant son corps, avant de précisément se mettre entièrement à califourchon sur mon visage. Je saisis ses cuisses de mes mains, et elle mit tout son poids sur mon visage. Sa chatte était trempée, l'air était rare, tellement elle appuyait de tout son corps sur mon visage. Les seules brises d'oxygène disponibles étaient chargées d'un shot d'hormones de mouille, c'était bestialement rabaissant. Je sentais mon visage devenir rouge, sous le manque d'oxygène. Mon cœur se mettait à tambouriner, je cherchais chaque once d'air, qui devenait extrêmement rare. Mon nez noyé dans sa chatte, ma bouche écrasée par ses fesses. Mon corps commençait à brûler. Dans un petit sursaut, elle se releva de quelques centimètres, me permettant de respirer un grand bouffer d'oxygène, mêlé de son odeur intime. Avant qu'elle ne remette tout son poids sur moi. Une bouffer, c'est rien. Tout devient irrationnel avec le manque d'oxygène, depuis quand j'étais là, va-t-elle se relever, va-t-elle me laisser avoir une autre bouffée d'oxygène ? Pour le moment, je ne voyais pas d'échappatoire à ma position. Et en fait, je n'en voulais pas. Pas vraiment. Ici, à cet instant, sans oxygène, noyé dans les effluves fortes de son intimité, l'ombre de mon esprit n'était plus. Mon crâne semblait vouloir exploser, mes poumons hurlaient. C'était un exutoire total pour mon cerveau. J'étais rien à cet instant, comme mon cerveau me le criait si souvent. J'étais juste un mec en costume se faisant étouffer par la chatte de sa soumise. J'allais exploser, tellement mon corps réclamait de l'air, mais pour seul réponses, j'avais les mouvements de va-et-vient du bassin d'Estelle, sa chatte trempée me coulant sur le visage, et ma bouche entièrement bloquée contre son cul. Puis elle se releva soudainement, se remettant debout, un pied de chaque côté de mon visage, un fillet de cyprine coulant. Je repris mon souffle, respirer, enfin. La brûlure aux poumons, la tête qui allait exploser, tout disparaissait d'un coup,tout comme l'ombre éloignée un temps.
-Vous allez avoir besoin d'un passage à la salle de bain avant de partir, maître, vous avez le visage trempé.
Et elle n'avait pas tort sur ce point-là.
-Je ne savais pas pour ton diplôme d'infirmière spécialisée.
-J'ai plein d'autres petits secrets, maître.
-Merci, ça vide la tête de façon très efficace, en tout cas.
Je fis un passage éclair à la douche pour me rincer le visage, avant de devoir partir pour mon travail, l'esprit moins embrumé. Au pied de la porte, je regardais Estelle, nue, avec son regard malicieux.
-Interdiction de te branler, soumise. Une tête de moue la parcourut.
-Je suis en feu, maître.
-Va falloir être patiente. A ce soir, soumise.
La journée de travail avait un gros avantage, j'étais dans un site secret défense, tout était bloqué, et les chances de faillir face à l'envie d'alcool ou de médicament était pour le coup nul. Le travail, au final, c'était un refuge reconfortant, j'ai un boulot que je caractériserais d'abrutissant au possible, ingénieur contrôle qualité. Je vérifie que tout respecte les normes sans réfléchir. C'est au final quelque chose qui me convenait, ne pas réfléchir, juste faire des vérifications et repartir le soir. J'étais dans une planque totale, j'avais un contrat quarante deux heures, mais dans les faits, j'avais seulement le droit d'être présent trente-cinq heures, horaire tranquille, pas vraiment de patront hormis pour le costume. C'était une bonne planque. Même dans mon pire état, j'ai toujours fait mon travail, c'était un peu la seule chose qui me maintenait à flot, même sous médicaments et alcool. J'avais l'impression d'être utile.
Les journées passaient vite : prendre la documentation, vérifier, faire un rapport et recommencer. À 15h30, je badgais et je partais en direction du drive pour les courses. La route, et à 16h30, me voilà chez moi. Pour une raison qui m'échappe, j'avais frappé avant de rentrer chez moi.
Estelle était dans "sa" chambre, nue, assise sur la chaise devant son ordinateur, casque vissé sur les oreilles. Elle ne m'avait pas entendu. J'en profitai pour vider la voiture et remplir le frigo d'autre chose que des plats tout faits. Je revins dans la chambre d'Estelle, toujours concentrée sur son écran. C'était rassurant, sa présence ici.
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