Chapitre 3

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Ainsi, quelques jours à peine après son arrivée, il se retrouva attablé chez une Lady Pemberton, entouré d’aristocrates et de bourgeois fortunés, essayant de prendre part à des conversations qui le dépassaient pour la plupart. Amphelice Pemberton était l’amie d’une parente éloignée de la défunte mère de William et elle semblait déterminée à prendre le jeune homme sous son aile. Lorsqu’il se présenta, la sexagénaire le fit asseoir près d’elle et entreprit de l’instruire en détail sur l’identité de chacun des invités, l’étendue de leurs possessions, le tout agrémenté de quelques anecdotes que William eut tôt fait d’oublier ou de mélanger.

Au premier abord, le dîner ressemblait effroyablement à ceux auxquels il avait été contraint de participer lors de son précédent séjour londonien, bien que le ton y fût plus détendu. On y parlait surtout de politique et d’affaires, des sujets auxquelles William n’entendait pas grand-chose, mais qui, abordés avec légèreté et une certaine forme d’humour, se révélèrent en fin de compte très distrayants. Le jeune aristocrate se contentait surtout d’écouter les échanges des autres convives et les commentaires que lui glissait Lady Amphelice achevèrent de le mettre tout à fait à l’aise.

Que ce soit pour le déjeuner, le thé, ou le dîner, les invitations continuèrent de pleuvoir et William rencontrait chaque jour ou presque de nouvelles personnes qui s’enquerraient toutes avec la même gentillesse de son installation et de son acclimatation à la capitale. Autant de visages auxquels le jeune homme avait bien du mal à associer un nom et qu’il ne revoyait qu’en de rares occasions lors d’un autre événement mondain. Plusieurs fois, il fut pressé par Lady Amphelice de revenir pour le thé, mais il avait bien du mal à trouver le temps de seulement lui répondre. Il n’avait aucune idée de la façon correcte de naviguer dans ce monde, ne savait s’il devait décliner, ignorer ou bien tâcher de répondre par la positive à chaque sollicitation, quitte à courir d’un bout à l’autre de la ville pour honorer ses rendez-vous.

À cet égard, de l’aide lui vint de façon assez inattendue, un matin que Betty lui apportait un nouveau paquet de cartons d’invitation.

« Et encore du courrier pour Monsieur, lui annonça la jeune femme en essayant de dissimuler un petit sourire en coin.

— Merci, Betty. Je suis rassuré de voir que vous avez aussi l’air de trouver cela inhabituel. »

La domestique se mordit la lèvre et baissa les yeux, puis semblant prendre son courage à deux mains, elle répondit :

« Eh bien… Si je puis être honnête avec Monsieur…

— Oui, parlez, je vous en prie.

— Ce n’est pas tant le courrier de Monsieur qui est inhabituel. C’est plutôt… Oh non, ce n’est pas ma place de faire des commentaires.

— Mais enfin, parlez, vous dis-je, je vous y autorise.

— C’est que c’est la façon qu’a Monsieur de traiter ce courrier qui est inhabituel, si je puis me permettre, Monsieur. »

William resta un moment interloqué. Il se tourna tout à fait vers Betty et lui demanda d’une voix lente :

« Pouvez-vous, je vous prie, m’indiquer ce que ma façon de traiter le courrier a d’inhabituel ?

— Je vous ai fâché.

— Point du tout, répondit le jeune homme avec un sourire qu’il voulait encourageant. Soyons honnêtes, je ne suis pas encore habitué aux manières de la capitale. Et recevoir cinq invitations différentes par jour, sans discontinuer depuis mon arrivée, est pour le moins épuisant. Vous avez travaillé pour d’autres maisons ici, vos conseils ne peuvent pas être mauvais. »

Le visage de la domestique vira à l’écarlate. Elle regarda William avec des yeux ronds et bredouilla :

« Si Monsieur… Si je puis être utile à Monsieur.

— Alors, dites-moi, comment serait-il attendu que je réponde à ces invitations ?

— Eh bien… Ici il n’est pas nécessaire de répondre à toutes les sollicitations. Certaines sont envoyées à tant de monde, que l’absence de Monsieur ne serait pas remarquée. Monsieur pourrait choisir de répondre positivement à quelques-unes. Il suffirait ensuite d’envoyer une note d’excuse quelque temps plus tard.

— Voilà qui est intéressant. Mais pourquoi convier autant de monde en premier lieu ?

— Ces invitations servent de carte de visite. Ainsi, Monsieur sait qu’il est séant de solliciter les personnes qui se sont ainsi fait connaître à lui. »

William resta bouche bée un moment avant de se laisser aller à rire. Il remercia Betty pour ses bons conseils et la jeune femme se retira avec une courbette maladroite.

L’emploi du temps du jeune Kingsbury se trouvant désormais allégé, il finit par accepter de retourner chez Lady Pemberton pour prendre le thé.

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