Vivre...

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Je regarde l'eau savonneuse couler sur le carrelage sale. Elle coule et pourtant je me sens toujours aussi impure. Il y a longtemps que j'ai arrêté de me sentir propre.

Le silence pesant qui règne dans la douche commune du Centre est entrecoupé par les faibles sanglots de la petite nouvelle. Personne ne la regarde, ce serait enfeindre les règles. Et personne n'ose enfeindre les règles.

Je coupe le robinet et attrape la vieille serviette crasseuse dont on se sert toutes. À peine quelques secondes d'utilisation et une petite main se tend vers moi. Comme d'habitude, j'y pose la serviette sans un mot ni un regard.

- Merci.

Toutes les filles suspendent leurs mouvements, retiennent leur souffle. Moi, je baisse brusquement la tête vers la petite fille qui m'a parlé.

Curieusement, il y a une ressemblance physique entre nous. Mêmes cheveux crépus rassemblés en quatre nattes grossières. Mêmes yeux marrons. Sauf que les siens luisent d'espoir et qu'il y a longtemps que les miens sont éteints. Et surtout, même peau noire. Je comprends qu'elle se soit approchée de moi. Il a plus de maghrébines et d'indiennes que de noires ici.

- De rien.

Un hoquet de stupeur collectif accueille ma réponse. Les ignorant, je poursuis mon chemin vers la sortie. Plutôt, c'est ce que j'aurais fait si je n'avais pas sentit sa petite main aggriper ma jambe.

- Quoi ?

J'ai presque aboyé. Elle sursaute mais ne me lâche pas pour autant.

- Tu penses qu'on viendra nous chercher ?

J'ai envie d'éclater de rire face à sa question.

En même temps, ça ne fait qu'une semaine qu'elle est là. Elle ne peut pas savoir que ça fait 8 ans que je suis là. Ou encore que ça fait 15 ans que Fatim est là.

- Non. On ne viendra jamais nous chercher. Jamais.

Ses yeux s'emplissent de larmes et elle secoue la tête pour me contredire.

- Comment tu t'appelles ?

- Nazi.

- Et tu as quel âge ?

- Six ans.

J'avais le même âge quand j'ai atterri ici. Elle en a pour longtemps.

- Ne t'en fais pas petite Nazi. Bientôt tu ne sentiras plus rien.

- Nazi !

Nazi lâche immédiatement ma jambe et éclate en sanglot.

Une haine immense monte en moi. Il ne me reste plus que ça comme émotion. Encore heureux qu'il me reste des émotions.

Je tourne la tête vers l'un des nombreux Maîtres qui nous dirigent. Je voue une haine particulière à celui là. Celui qui s'occupe des répartitions de mon groupe. C'est le diable en personne.

- Et bien, et bien Nazi. Qu'as tu fais là ?

- Je suis désolée Maître. C'est de ma faute. C'est moi qui lui ai parlé. Nazi n'y est pour rien.

Le fouet claque contre mon dos.

- Je ne m'adressais pas à toi Myriam.

- Désolée Maître.

Nouveau coup de fouet. Nazi pleure plus fort.

- C'est moi, c'est moi ! Ne la frappez plus, c'est moi !

Je me retiens de soupirer. Petite inconsciente.

Deux nouveaux claquements consécutifs. Je ne bronche pas tandis que Nazi tombe sur les fesses.

Autour de nous, les filles s'activent pour sortir de la douche.

- Myriam, Myriam. Tu es de jour en jour plus ravissante. Tu sais que si tu voulais bien sourire, on t'enverra à la surface. Tu auras bien plus de privilèges là-bas.

- Je ne sais pas sourire Maître.

- Quel dommage.

Sa main passe lentement sur mes seins, tandis que dans ses yeux s'allume cet éclat que je ne reconnais que trop.

- Vous toutes, dehors ! La douche est terminée pour aujourd'hui. Toi aussi Nazi.

Sachant bien que cet ordre ne m'est pas adressé, je ne bouge pas. Au moins il laisse partir la petite.

- Maintenant Myriam, tournes toi.

Je m'exécute.

- Penches toi. Les mains sur le mur. Encore un peu. Parfait.

Sa main passe sur mes fesses.

- Magnifique.

Je ferme les yeux dès que j'entends le zip de sa fermeture.

1. 2. 3. 4. 5.

Ses mains agrippent mes hanches.

6. 7. 8. 9. 10.

Il était un petit navire, il était un petit navire. Qui n'avait ja-ja-jamais navigué...

- Tu es une gentille fille Myriam. Vraiment très gentille.

Qui n'avait ja-ja-jamais navigué, ohé ohé...

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