Chapitre 13

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- J'ai entendu dire que votre femme était une musicienne et une chanteuse extraordinaire ? fit un homme à table.
- Si fait, mais le trajet l'a épuisé. répondit Nohan, sentant venir le désir de l'entendre.

Cependant, la douleur de son épouse, sa fatigue et les récents évènements faisaient qu'elle ne pouvait pas se produire et encore moins devant tout ce monde qui la déviageait.

- Oh, voilà qui est bien dommage, insista un autre convive. Nous aurions bien voulu entendre les musiques Solariennes.

Kaerthage et Thomas se figèrent.

Si le but était de mettre Nohan en colère, c'était gagné. Le guerrier de l'Hivers se mit à gronder sourdement, à tel point que les torches qui illuminaient la pièce, se mirent à dangereusement vaciller. Une main se posa sur sa cuisse, léger et chaude, il reconnu sa femme, calmant sa colère, mais lui laissant un désire de les punir. Thomas s'accrocha à son couteau, son regard était celui d'un loup en colère, cherchant à protéger sa mère et sa meute. Kaerthage souffla sur les deux hommes de sa vie, un sentiment d'apaisement, calmant leurs coeurs et tempérant leurs désirs communs de vouloir la protéger et la défendre.

- Je m'excuse, fit-elle. Comme vous l'a dit mon époux, je ne suis point encore assez rétablie pour pouvoir performer pour vous ce soir. Majestés, j'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.
- Bien sûr que non ! s'écria alors le Roi, effrayé des réactions du Prince comme celles de son fils, mais fasciné par la facilité avec laquelle cette femme arrivait à les calmer.
- Je vous en remercie Majesté.

Le dîner se passa dans une ambiance tendue, mais les discussions allaient bon train, cependant, on évita de s'adresser à cette famille du Nord, de peur d'entrer en conflit avec le guerrier qui leur adressait à tous, des regards changeant et furieux. Pourtant, quand il discutait avec sa femme et son fils, l'attitude était bien plus douce. Les rumeurs sur le Prince du Froid avaient retenti jusqu'aux tréfonds du monde et tous savaient qui était Nohan Karsan, deuxième fils du Roi de Kaolan et Seigneur d'un domaine imprenable du nom de Taran. Chef des Ravageurs, cette faction d'élite à demi-morte, partageant leurs corps et leurs esprits avec des démons, les voir en vrai donnait encore plus de sueurs froides. Tant qu'on ne les croisaient pas, on ne pouvait avoir peur qu'en rêve, mais maintenant qu'ils se trouvaient dans la même salle qu'eux, c'était bien plus effrayant et différent.

Durant tout le dîner, le Roi et la Reine tentèrent d'en apprendre plus sur Kaerthage et sa relation avec Nohan, ainsi que Thomas, mais ils éludèrent les questions à chaque fois que l'une d'elles devenaient trop intrusive. Au final, le couple royale n'avait rien apprit de très intéressant, mais savaient déjà l'essentiel.

Kaerthage était la Princesse Lunaire de Solaris. Dernière Princesse d'un Royaume détruit par la cupidité et l'ombre d'un être vile et d'une engeance toute aussi terrible. Elle était la détentrice d'un pouvoir extraordinaire et d'une protection angélique autant que démoniaque. Quand Atlas se manifesta, les convives prirent peur, autant que le couple royal. Quant à Thomas, son regard changeant était à l'image de ses parents et on se demandait bien quand il avait pu naître. Bien que ce n'était pas un secret, aucun des trois ne dit rien.

- Majesté, gronda la voix de Nohan. Puis-je me retirer ? Ma femme doit prendre son traitement et mon fils tombe de fatigue. Nous avons chevauché longtemps et aucun d'eux n'y est habitué.
- Oh, bien sûr ! Allez-y, s'exclama la Reine, se rappelant de la blessure magique que portait la jeune femme sur sa cuisse.
- Merci. Femme, peux-tu te lever ?
- Je pense bien.

Il quitta le banc puis aida sa belle à se lever, mais être restée aussi longtemps assise, lui avait causé quelques dommages, elle grimaça et dû se rattraper au bras puissant de Nohan pour ne pas tomber alors qu'elle cherchait à enjamber le banc de bois. Thomas l'aida à son tour. Elle lui sourit et le remercia.

Le cuir de la tunique de Nohan craqua quand il se pencha pour la soulever contre lui.

- Kamille. appela t-il, faisant apparaître le Ravageur masqué qui pris le petit Prince contre lui.

La famille, le Ravageur et les aides saluèrent le couple Royal ainsi que leurs convives avant de quitter la salle, ramenant la chaleur qui avait disparue le temps du dîné.

- Tu leur as fait peur.
- Je m'en fiche bien mon ange.
- Capucine, je voudrais pouvoir reprendre un bain moins chaud, si il est possible. demanda la jeune femme.
- Je vais demander à ce qu'on nous aide à préparer le bain, Votre Altesse, s'inclina la femme en quittant le groupe pour se diriger vers le quartier des domestiques.

On lui fit monter ce qu'elle avait demandé et découvrit un tableau assez spectaculaire : Le grand guerrier effrayant, tenant son fils dans les bras, comme il était encore qu'un bébé, la femme fredonnant, caressant la tête du garçon endormi.

- Veuillez poser ça là, ordonna Ellan à voix basse pour ne pas briser la magie qui opérait sous leurs yeux mais dont les humains ne pouvaient être témoins sans dons.

Mais alors qu'on déposait le grand bac ainsi que l'eau tiède, les regards étaient tous attirés par cette femme et le cadre qu'ils présentaient tous les trois dans un calme et une atmosphère douce. Cassia rattrapa un broc qui glissa d'une main, pour éviter que le bruit ne réveille Thomas et ne brise l'enchantement chanté par sa mère.

- Veuillez m-

Cassia leur fit signe de se taire, un doigt sur la bouche, le regard sévère.

- Vous pouvez sortir, nous nous chargeons du reste, fit Capucine en les mettant à la porte, aidé par Ellan, car ils résistaient, voulant sans doute en voir plus.

Une fois la porte fermée, les trois femmes s'excusèrent en silence et entreprirent de préparer le bain de leur maîtresse, installant une tenue de nuit sur un tabouret et de quitter la chambre, laissant la petite famille tranquille pour la nuit.

Nohan se leva, déposa leur fils profondément endormis, dans le lit qu'ils partageraient le temps de leur séjour, puis vint rejoindre sa belle dans le bac. Assis derrière elle, il caressa ses bras, ajoutant de l'eau sur sa peau satinée, l'aidant à se détendre.

- Tu n'aurais pas dû faire ça.
- Thomas en avait besoin. Sais-tu ce que j'ai ressenti quand il s'est perdu dans la foule ? De la peur. Thomas n'est qu'un enfant de presque dix ans. Il est terrifié avec tout ce qu'il a dû endurer en peu de temps.
- Je sais ma douce.
- Nohan, je ne veux plus performer devant personne hormis notre famille.
- Que veux-tu dire ?
- Toi, Thomas, les Ravageurs, mes Dames, ton père, ta mère, ton frère, Stalia et Tork. Je ne veux plus avoir besoin de chanter ou de jouer pour amuser les gens.
- Le regreteras-tu ?
- Bien sûr ! Mais pour l'instant, je veux uniquement pouvoir me concentrer sur ce que nous devons encore faire avant que cette prophétie ne se réalise. Nohan, Célestia n'était qu'une partie de celle-ci.
- Que sais-tu ? Qu'as-tu vu mon amour ?
- Nous deux. Thomas protégera Tork, mais nous péririons avant de pouvoir le voir devenir le chef de Taran... vidé de ses hommes. Atlas.
- Ici.
- J'y ai vu notre mort à tous. La vôtre et celle de vos hommes. J'y ai vu...

Kaerthage se tourna pour chevaucher son époux et présenter aux deux entités, un regard blessé, perdu et brillant de larmes. Nohan leva sa main pour lui caresser la joue.

- Qu'il en soit ainsi. déclarèrent les deux hommes d'une seule et même voix. Nous périrons ensemble si cela permet à Thomas d'être le guerrier que nous avons décelé en lui. Si Kaolan est sauve et que Tork en est à la tête, aidé de son cousin, alors notre combat ne sera pas vain.
- Messieurs, vous êtes biens trop d'accord cette fois, renifla la jeune femme.
- Kaerthage, souffla Nohan, attrapant sa nuque pour la plaquer contre lui et l'embrasser.

Elle en avait besoin. Sa vision n'était pas complète, mais elle savait dorénavant ce qui les attendaient. Elle mourrait en première et Nohan suivrait. Mais si il fallait qu'ils en arrivent là, alors ils feraient tout pour protéger leur fils et leur famille.

Ce soir-là, dans le bac d'eau, Nohan posséda doucement sa belle, capturant ses soupirs et les petits gémissements qu'elle tentait de taire pour ne pas réveiller Thomas.

[...]

Le lendemain matin, comme convenu, on vint trouver Nohan dans la grande salle.

- Mon Seigneur ! s'exclama l'intendant, accompagné d'une femme que Thomas reconnu rapidement.
- Qui est-ce ?
- Père, c'est la tante herboriste de Lina ! s'exclama le garçon en souriant à la femme peu à l'aise.
- Je vous souhaite le bonjour mes Seigneurs, fit la femme.
- Bonjour ! l'accueilli joyeusement Thomas en lui adressant un large sourire.
- Ah mon petit Maître, dit-elle en lui rendant son sourire. J'ai là le reste du traitement pour votre mère.
- Oh merci !

Il se leva de table pour courir vers elle et les lui prendre.

- Thomas.
- Maman, voici la tante de Lina, c'est elle qui t'as préparé tout tes traitements.
- Je vous en suis très reconnaissante Ma Dame, fit Kaerthage en se levant pour s'incliner devant cette femme.
- Oh je... oh lala, je suis gênée, bafouilla l'herboriste, faisant rire le garçon et sourire la Princesse.
- Veuillez vous asseoir avec nous, proposa Kaerthage en lui indiquant une plage à ses côtés.
- Oh, non, je...
- Ne refusez pas une invitation Ma Dame, lui conseilla Danik en la saluant, installé sur une table plus loin.
- Oh, bon, je... J'imagine que je n'ai point le choix.
- Du tout, sourit la Princesse. Mais peut-être avez vous déjà mangé ? Ai-je été impolie ?
- Oh non ! s'exclama l'herboriste, effrayée. Du tout Votre Altesse, je suis venue à la première heure comme promis.
- Me voilà rassurée, prenez place, je vous prie.

La femme s'installa, mal à l'aise, à la gauche de Kaerthage, à côté du jeune Prince qui lui adressa un sourire rayonnant. Elle ne se ferai jamais à son regard, mais quand elle croisa ceux du père et de la mère, elle comprit d'où venaient les rumeurs. Durant le petit déjeuner, elle put discuter avec cette femme étrange mais étonnante et bien que l'ambiance soit tendue, elle eut même droit à quelques paroles du guerrier. 

Le repas fini, elle dû prendre congé, mais se rappela ensuite.

- Oh, suis-je sotte !
- Tout va bien ?
- Oh, veuillez m'excuser. Mon mari, le forgeron a un message pour le jeune Prince. Il vous dit qu'une petite ballade dans la ville cette après-midi serai la bienvenue.

Elle s'inclina puis quitta les lieux, laissant un large sourire sur le visage du garçon qui compris le message.

- Thomas ?
- Laisse donc femme, pouffa Nohan. Si tu te sens de marcher, alors nous irons nous promener. Je Il me semble que notre petit guerrier a quelque chose pour toi mon amour.
- Oh ? Que me cachez-vous tous les deux ?
- C'est un secret d'hommes ! s'exclama Thomas en bombant le torse, faisant rire la salle.
- En ce cas... Majesté, avez-vous besoin de moi aujourd'hui ?
- Du tout, allez visiter autant que vous le souhaitez. Je vous demanderai juste de ne point trop en faire, le médecin a ordonné du repos.
- Je le sais, ne vous en faîtes pas. Merci.

Après la discussion, ils rejoignirent les Ravageurs occupés à s'entrainer, torses nues et luisant de sueur sous le soleil de Yenesse et les regards des dames et damoiselles qui passaient par là.

- Princesse ! s'exclama Térem en les voyant débarquer.
- Sir Térem, bonjour tous le monde, les salua t-elle en souriant.
- Oh ? Du soleil ! s'exclama Cyral une main devant ses yeux, comme si il voulait se cacher du soleil trop brillant pour lui. C'est plaisant de vous voir sourire de nouveau.
- Que de flatteries dès le matin, soupira Kaerthage qui pourtant riait, faisant soupirer les soldats comme leurs démons.

Tous rirent.

- Cette après-midi nous sortons pour nous promener, déclara Nohan. 
- Voudrais-tu participer à l'entrainement avec ton père ?
- Je peux ? Même ici ?
- Bien sûr. En tenue soldat !
- Oui chef !

Kaerthage et sa suite allèrent s'installer à l'ombre, point trop loin pour être sûr de tout voir. Les hommes et le garçon se lancèrent alors dans plusieurs heures d'entrainement intensif jusqu'à ce qu'on ne vienne les prévenir qu'il serait bientôt l'heure du déjeuner.

- Allez vous laver, ordonna Kaerthage, nous vous attendrons dans la salle.
- Oui maman !
- Tu as très bien travaillé Thomas, tu as fait de gros progrès, le félicita t-elle en lui caressant sa petite tête avant qu'il ne soit soulevé sur l'épaule de son père, le faisant rire aux éclats.
- Il a tellement grandit, lança Ellan.
- Il est vrai, j'ai hâte de voir quel genre d'homme il deviendra.
- Maîtresse…
- Assez, allons retrouver les autres.

Kaerthage ne devait pas s'arrêter à ça, elle avait peur et mal, mais elle devait se résoudre à bientôt, devoir abandonner son fils au profil d'une mort dont elle ignorait encore l'origine.

Qui serait capable de tuer Atlas et Nohan ? Elle ne le savait pas encore, mais le découvrirait bien assez vite.

*** 

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