Chapitre 19

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Quant on toqua, plus tard, à sa porte, Fieren venait de finir de prendre son bain et s'était habillé avec ce qu'il avait emporté. Il alla ouvrir, tenant un linge dans la main, séchant sa longue chevelure dorée.

- Oh Sir ? s'étonna-t-il en trouvant Késen devant lui.
- Le Seigneur m'a demandé de venir vous chercher.
- Est-ce déjà l'heure du dîner ?

Le démon hocha simplement la tête et s'effaça, mais remarqua que l'ange avait encore ses cheveux mouillés.
Surprenant son regard, l'ange agita sa tête légèrement pour les faire sécher comme par magie.

- Est-ce mieux ainsi ?
- Cela vous regarde.

Poli et sarcastique, voilà une combinaison qui fit sourire Fieren. Il quitta sa chambre pour suivre le démon qui le précédait à travers plusieurs couloirs et un grand escalier, pour débouler dans la grande salle où étaient installées les tables remplies de victuailles en tout genre dont beaucoup étaient inconnues pour l'ange. Intrigué, il détailla la table immense pour accueillir au moins une centaine de personnes, des bancs en bois sombres disposés de part et d'autres de cette dernière, jusqu'au dais royal où allait siéger le Roi Gardien.

Fieren s'arrêta un instant. Son nom. Il ne connaissait pas son nom ! Qui avait bien pu oublié de lui donner cette précieuse information ? L'ange poussa un long soupir qui attira l'attention des servants occupés à préparer la salle.

Leurs regards étaient méfiants et Fieren ne pouvait leur en vouloir. Avoir un ange dans une demeure des Abysses n'était certainement pas courant et encore moins un homme après l'arrivée de Galiya. Il n'y fit pas plus attention, surtout quand l'une des démones inférieures tenta de s'en prendre à lui et que son guide la tua sous ses yeux.

- Que signifie tout ceci ? gronda une voix forte et chaude derrière eux.

Le Roi venait d'entrer et d'assister, sa clique derrière lui, au meurtre d'une de ses servantes. Son regard sombre se posa sur l'ange qui s'inclina.

- Je m'excuse Seigneur, dit-il. Ma présence n'est pas désirée, bien que je sois envoyé en mission auprès de sa Majesté.

- Suffit, gronda ce dernier. Le dîner est prêt et nous avons faim. Vous devez l'être tout autant, après ce long voyage.

- Vous avez raison, répondit Fieren en s'écartant pour le laisser passer.

On lui indiqua la place proche du Roi et on lui présenta quelques spécialités locales dont il n'avait jamais entendu parlé. Bien sûr, cela provenait des Abysses, le goût était assez fort et sentait le feu des damnés, mais Fieren y goûta pour ne pas froisser son hôte. À la première bouché, il sentit le feu envahir sa gorge puis son estomac, pour finalement lui laisser un goût très agréable. Surpris, il piqua un deuxième morceau sur le plateau, faisant sourire le Roi et ses hommes qui lorgnaient l'ange.

- Comment trouves-tu le mouton de cendre, petit rat ? demanda le monarque, calé dans son siège, un calice à la main, buvant son contenu tout en le dévisageant, curieux.

- C'est… très fort au premier abord. Puis, le goût devient plus tendre par la suite. C'est vraiment très étrange et très loin de ce que nous mangeons.

- Intéressant, murmura le Roi.

- Petit Rat, l'appela un des généraux du Roi. Que mangent les anges ? 

- Galiya ne vous a rien dit ? s'étonna t-il.

- Pourquoi cette femme nous parlerait ? gronda un des démons, frappant son poing sur la table.

- Limar.

- Pardonnez-moi.

- Limar n'a pas tord, Seigneur.

- Non, il est vrai. Cette... femme n'était que source d'ennuis et de cris à chaque jour qui passait. soupira le monarque épuisé.

- Galiya est ainsi, même avec nous. Ce qui est étrange, c'est que notre Seigneur accepte son comportement et la garde, leur avoua le chercheur angélique peu surpris par les dires des démons.

Un lent sourire étira tout de même sa bouche, puis il éclata de rire, surprenant la table.

- Veuillez m'excuser, c'est simplement que… Je ne pensais point trouver d'autres personnes qui puissent la trouver insupportable.

Les démons partirent également dans un grand éclat de rire. Fieren se sentit étrangement bien durant cet instant, oubliant qu'il était un ange parmi des démons sanguinaires, pour une mission délicate.

- Petit Rat, s'exclama un démon, qui s'approcha de lui, une choppe à la main. Bois, tu es bien étrange comme créature, mais tout ceux qui n'aiment point cette garce, sont les bienvenus à notre table !

- Faites attention Sir démon, sourit Fieren avec malice. Je peux très vite être insupportable.

- J'ai hâte de voir ça, fit le Roi, en se penchant au dessus de son assiette.

Le sourire qu'il offrit à l'ange, le fit frissonner de la tête aux pieds. Pourquoi son corps s'échauffait-il ? Était-ce là un des effets de la boisson et de la nourriture ? Non, il n'avait encore rien but, mais cet homme était intrigant. Il lui donnait des sueurs terribles. Fieren comprit pourquoi Galiya était tombée sous son charme. Car, malgré son état effrayant de quasi cadavre, il avait gardé son allure humaine et les traits sous lesquels il avait vécu. Cet homme grand et fort, la carrure large comme celle des rudes guerriers, le regard sombre qui pouvait engloutir n'importe qui dans le fond des Abysses, les cicatrices parcourant tout son corps et son visage, sa chevelure sombre… Il ne portait qu'une simple chemise beige, mais celle-ci faisait ressortir sa musculature puissante, forgée avec des années de combats. Il avait entendu tant et tant de choses sur cet homme et ses soldats que le rencontrer en vrai était presque comme un fanatique rencontrant son dieu. Pourtant, un fait fascinait l'ange : le Roi ne détournait pas son regard de lui. Bien au contraire, il avait l'air de l'étudier comme une expérience scientifique à laquelle il souhaitait le soumettre pour en découvrir son efficacité et ses propriétés. Fieren se mit à rougir.

Plus tard dans la soirée, les deux hommes se retrouvèrent dans les jardins sombres du domaine, dégustant une liqueur que l'ange n'aurai jamais osé goûter si il ne venait pas de cet homme. Pourquoi lui faisait-il confiance ? N'était-il pas un démon et lui un ange ? Ne devraient-ils pas se détester  ? Pourtant... Le Roi était un ancien humain trahis et bafoué. Si il acceptait le marcher, Fieren se fit la promesse d'en savoir le plus possible sur lui et de faire des recherches sur son ancien maître et ce qu'il s'est passé. Il voulait en savoir plus. Était-ce parce qu'il était un chercheur ou parce que ce Roi était spécial  ? Il ne le savait pas et préféra ranger tout ça dans un coin de sa tête. 

- Comment est-ce ?
- Je vous demande pardon Majesté ? sursauta l'ange, prit par surprise.

- Comment est-ce là haut ?

Le Roi regardait au loin, sirotant son verre sans vraiment grand intérêt, comme si il était détaché de tout, morose ou nostalgique de quelque chose qu'il voulait abolir de son esprit mais qui ne pouvait le laisser tranquille.

- Seigneur, puis-je me permettre d'abord une question ?
- Fais petit rat.

Fieren commençait à s'habituer à ce surnom, bien qu'il aurait pu ne pas apprécier d'être appelé ainsi par les siens, venant de cet homme il ne trouvait pas cela dégradant. Allez savoir pourquoi.

- Pourquoi êtes-vous ici ?

- Si la question est : pourquoi suis-je devenu le Roi Gardien-

- Oui.

- J'ai fait une promesse à mes hommes. soupira le Roi, le regard perdu au loin.

Fieren voulait en savoir plus, bien évidemment, mais préféra se taire. Il ne lui demanderait rien d'autre… pour le moment. Préférant profiter de cette soirée tranquille où, seuls les hurlement des damnés  perturbaient le calme du domaine. Assis dans des sièges inclinés, ils restaient silencieux, profitant de ce qu'ils ressentaient sur le moment pour ne pas chercher à vouloir parler plus.

- C'est chaud, blanc ou doré. déclara soudainement Fieren. C'est éclairé, doux mais froid par moment. Au contraire d'ici où il fait toujours chaud, nous avons un temps qui est à l'image de notre capacité à ressentir les émotions.

- Vide ?

- Plus ou moins.

- Pourtant ?
- Pourtant, je ressens comme vous des choses que je ne devrais pas.

- As-tu peur ?

- Un peu. Mais je suis un chercheur, mon but est de trouver pourquoi je les ressens et ce que ça ferai aux miens.

- Tu es un être bien étrange.

- Puis-je en dire pareil de vous Majesté ?

Le Roi sourit.

- Atlas.

Fieren se redressa, tournant son visage vers lui, le regard écarquillé.

- Mon nom, ici bas, est Atlas.

- Êtes-vous…
-  Non. Mais mon nom y est inspiré.

- Fascinant.

Atlas... Voilà un nom qui ne risquait pas de le laisser tranquille. Il voulait en savoir encore plus, bien plus. Pourquoi avait-il cette soif de savoir aussi vorace quand cela concernait cet homme ?

- Fieren.

- Hm ? Seigneur ?

- Rejoins moi dans la grande salle demain matin. J'examinerai la demande des Anges.

- Vraiment ?

- Je suis épuisé de leurs envoyés. Je ferai ce que je peux. N'attends point de moi que ma décision soit la meilleure ou celle que tu attends.

- Je... suis juste surpris et honoré que vous ayez un peu de confiance envers moi Majesté.

- Atlas, répéta t-il.

- A...Atlas.

Les deux hommes se regardèrent. C'était comme si le temps s'était suspendu, rendant l'espace silencieux, pour leur laisser un moment où rien ne les toucheraient. Leurs regards accrochés semblaient comme les attirer l'un à l'autre, mais tous deux résistèrent à cette attraction mauvaise.

Pourtant, Atlas allongea son bras pour caresser la joue fine et lisse de l'ange qui ne broncha pas.

- Va t-en, gronda le Roi en prise avec un tumulte d'émotions qu'il s'interdisait de ressentir.

Fieren posa sa main sur la sienne, il le regarda un instant, sans comprendre pourquoi cet ordre le blessait, puis quitta les lieux pour ne pas y revenir.

Enfermé dans sa chambre, à l'autre bout du château, l'ange tremblait, se posant une multitude de questions toutes avec le même sujet : Atlas.

- Atlas, souffla Fieren, caressant sa joue.

Il s'accroupie contre le panneau de la porte et se laissa glisser vers le sol.

- Atlas…

***

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