Chapitre 13
Être en ville avec Elena, ça faisait un drôle d’effet. Sur son passage, tout le monde la saluait du regard. À ses côtés, je me sentais ridiculement insignifiante. J’avais beaucoup entendu parler des exploits d’Elena en tant qu’Impératrice. Elle avait réussi à reconstruire un Empire en ruine sans rien connaitre, ni à la politique ni à la façon de régner. Elle avait tout appris sur le tas, seule. Elle était à la fois impressionnante et attachante. Quand j’avais appris ce qu’elle avait fait en cours d’histoire, elle m’avait paru inapprochable. Pourtant, aujourd’hui, je marchais à ses côtés.
— Qu’est-ce qui te fait sourire ainsi ? me questionna-t-elle alors.
— Rien du tout, détournais-je la tête en rougissant.
— Ça vous dit de commencer par boire quelque chose dans ce bar ? Il est géré par une vieille connaissance.
— Il m’a l’air bien sympathique, répondit ma mère.
Elena prit les devants. À l’intérieur, elle partit directement s’asseoir à une table excentrée et à l’abri des regards indiscrets. Elena nous invita à nous asseoir et fit signe à l’un des serveurs.
— Bonjour Votre Altesse. Madame, mesdemoiselles. Que puis-je pour vous ?
— Une limonade pour moi, répondit Elena.
— Un sirop fraise, enchaînais-je.
— Une bière, Iléna ?
— Exacte maman.
— Alors deux bières s’il vous plait.
— C’est noté, vous fait-il autre chose ?
— Maxime est là ? demanda Elena.
— Oui. Le patron est dans le bureau et Mr Nathan.
— Nathan est là ? Quelle bonne nouvelle. Tu peux leur dire qu’il passe me voir dès qu’ils pourront ?
— Bien sûr, Votre Altesse.
Un sourire que je n’avais encore jamais vu apparut sur le visage d’Elena. Elle sortit son téléphone de son sac, envoya un message et le rangea quand un jeune homme d’une vingtaine d’années et un homme bien plus âgé approchèrent. Elle se leva et les embrassa tour à tour.
— Ça fait plaisir de te voir, commença le plus âgé. Comment vas-tu ?
— Plutôt bien pour une vieille femme malade, répondit Elena.
— Ne dis pas ça, enfin.
— Je suis juste réaliste, Nathan. Asseyez-vous avec nous. Et toi fiston, comment tu vas ?
— Les affaires tournent bien. Ça aide d’être un Luisard, répondit Maxime.
— Océane serait fière de vous.
— Elle aurait surtout mis son nez partout dans la gestion de mon établissement, tu veux dire, rigola Nathan.
— Ah bah tu connais ta sœur. Bien sûr qu’elle aurait fait ça. Elle préférait se mettre le Conseil à dos et t’aider.
— Et je ne la remercierais jamais d’avoir pris soin de moi à la mort des parents. Bon, fini de ressasser le passé. Qui nous présentes-tu cette fois-ci ?
— Madame Aubelin, la mère d’Iléna et Élia Aubelin. Élia travaille d’ailleurs pour Véra.
— Aubelin ? Est-ce votre nom de mariage, Madame ?
— Oui Monsieur.
— Il y a un problème ?
Nathan se leva, farfouilla sous le bar et revint avec une photo.
— J’ai l’impression de vous connaitre, Madame. Est-ce que vous connaissiez une certaine Lucia Stark ?
— Non, ça ne me dit rien.
— Est-ce que vous reconnaissiez la femme brune sur la photo ?
Il tandis la photo à ma mère qu’elle observa un moment avant de là nous passer. Cette femme ressemblait bien à ma mère. Ou du moins à la mère plus jeune que j’avais vue en photo, aux côtés de mon père.
— Maman, intervint Iléna. T’as pas une photo de toi avec papa ? Pour comparer ?
— Je dois avoir ça oui.
Ma mère farfouilla dans son sac avant de sortir une copie de la vieille photo du salon. Celle où toute la famille était réunie, quand je n’avais encore que quatre ans.
— En effet, il y a bien une ressemblance, remarqua ma mère.
— Vous pensiez qu’elle pourrait être de votre famille ?
— Ce serait possible. Je ne connais malheureusement pas mes parents.
— Vous êtes orpheline ?
— Oui. J’ai été confié à des amis de ma mère quand j’avais trois ans. Mais on ne m’a jamais rien dit sur eux.
— Vous avez un nom maintenant, Lucia Stark.
— Merci.
— C’était un plaisir de te revoir Elena. J’ai encore pas mal de travail alors…
— Je sais ce que c’est d’avoir du travail. Je ne te retiens pas.
Ils s’embrassèrent avant que grand-père et petit-fils retournèrent travailler dans le bureau. Ayant eu le droit de garder la photo, ma mère la rangea dans son sac à main. On continua de discuter pendant une bonne heure. Elena voulait faire comprendre à ma mère qu’elle prendrait soin de moi, comme si j’étais sa petite-fille. Elle me considérait d’ailleurs déjà comme sa petite-fille alors que Véra et moi n’étions pas encore mariées.
Alors qu’on s’apprêter à aller faire les magasins, des sifflements et des chuchotements attirèrent notre attention. On regarda toute en même temps l’entrée du bar et on aperçut Lizéa arriver en grande pompe. Elle était vêtue d’une magnifique robe bleu ciel, légèrement osée, qui la mettait parfaitement en valeur. Ses hauts talons la grandissaient encore plus. Focalisée sur son objectif, ignorant les chuchotements d’admiration des clients, elle ne remarqua même pas notre présence quand elle passa à côté de nous.
— Alors comme ça on n’embrasse plus sa vieille mère ? rigola Elena
— Maman ! On s’est vu y’a même pas deux heures !
Avec ses bras, elle entoura le cou d’Elena et déposa un baisé sur sa joue.
— Tu es bien jolie aujourd’hui, ma fille. Tu as un rendez-vous ?
— Rendez-vous d’affaire, oui. Mais ce serait trop long à t’expliquer.
— N’en fais pas trop non plus ma grande.
— Mais laisse-moi vivre, maman ! Je n’ai plus sept ans. Je sais que je ne suis pas la fille parfaite, mais…
— Ta mère serait fière de toi, Liz. Parce que tu as suivi ton propre chemin.
— Moi aussi je t’aime, ma petite maman. Je dois vous laisser, j’ai rendez-vous avec mon petit cousin préféré. Au fait, Élia, demande mon numéro à ma nièce pour que je puisse avoir le tien.
— À vos ordres ! la taquinais-je.
Lizéa leva les yeux au ciel en souriant. Elle embrassa sa mère une dernière fois avant d’aller à son rendez-vous.
— Lizéa est celle qui ressemble le plus à ma première femme. Libre, sans aucun apriori, elle ne fait pas attention au regard des gens ni à leur avis. Et elle est surtout la seule de mes enfants à ne pas vivre à mes crochets où à ceux de l’Empire. Elle est la seule à ne pas vivre comme une Princesse. Tout comme Océane.
— Qu’est-ce que vous entendez par, « tout comme Océane » ? enchaîna ma mère.
— Je ne sais pas si vous le savez, mais ma femme était triple championne d’Eryenne de karaté. Même après notre mariage, et son couronnement, alors même que nous avions énormément de travail en tant qu’Impératrice, elle n’a jamsi arrêter de donner des cours de Karaté. Une fois par semaine seulement, c’est vrai, mais elle n’a jamais arrêté. Même lorsqu’elle a dû régner seule pendant plusieurs mois. Je dois avouer lui en avoir fait voir de tous les couleurs.
— J’ai beaucoup lutté contre mon mari. Nous n’avions pas la même vision sur l’éducation de nos filles et surtout à propos d’Élia. Bébé, Élia était très difficile. Elle ne voulait ni s’endormir dans son lit, ni avec sa sœur. Thomas devait toujours l’allonger sur sa poitrine pour qu’elles parviennent enfin à dormir et Iléna en était jalouse.
— Même pas vrai ! réagit-la concernée.
— Mais vous, vous vouliez qu’elle s’endorme seule ? Je ne peux que vous comprendre. Quand Lizéa est née, ma femme était très protectrice envers elle. Bien plus qu’avec nos jumeaux. En réalité, elle avait surtout peur de me laisser seule avec elle. Elle avait peur de comment je pouvais réagir et je ne peux pas lui en vouloir.
— Vous avez pourtant eu deux autres enfants avant.
— Sa peur était justifiée et ça n’avait rien avoir avec ma capacité ou non à m’occuper de ma fille. Mais c’est encore trop tôt pour vous en parler.
Ayant encore plein de choses à faire, et surtout plein de boutiques à visiter, Elena nous montra le chemin. Durant toute l’après-midi, on enchaînait les achats de vêtements comme de bijoux, sous les conseils subtils d’Elena. Pour une femme de soixante-huit ans, elle avait des gouts et un style vestimentaire incroyable. Elle savait jouer avec les couleurs, les styles de vêtements et les coupes. Son passé d’Impérarice se ressentait dans sa façon d’être et de nous conseiller. Sa nature protectrice et son instinct maternel reprenaient le dessus à chaque fois qu’un jeune homme posait le regard sur Iléna ou sur moi. Je n’avais dit à personne que je l’avais remarqué. La présence d’Elena à mes côtés était rassurante. Comme la fois où nous avions visité Edel toutes les deux. À ses côtés, je me sentais invincible, mais surtout à ma place.
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