Chapitre 9 : Premiers slime

6 minutes de lecture

Je trouvais que Jéricho avait été particulièrement odieux lors de cet entretien et décidai de le confronter.

  • Qu’est ce qui vous a pris, de lui parler aussi mal ? C’est le magistrat de la ville, tout de même. Et nous avons besoin de cette lettre de recommandation.
  • Je ne vois pas du tout de quoi tu parles ! répondit-il avec verve. J’ai toujours gardé en tête les intérêts du groupe : nous devons aller à Alderheart de toute urgence, un vieux corvum nous donne une quête dangereuse en route, j’accepte à condition de rétribution, voilà tout. C’est normal !
  • D’ordinaire, je serais d’accord. Mais enfin, il y a des manières de dire les choses…
  • Eh ! Y a pas de raison de se plaindre. Si on réussit, on l’aura, ta lettre de recommandation. On sera accueillis comme des princes à la capitale et on aura de l’or plein les poches. Gagnant-gagnant ! Eh puis, franchement, vous l’avez pas trouvé bizarre, ce Walter ?
  • Walden… rectifia Paul.
  • Pas plus que ça, pourquoi ?
  • Déjà, il me démarche en tête à tête dans la rue, il nous convoque à un rendez-vous personnel dans son bureau, où il est seul, avec nous… de « jeunes aventuriers »…
  • Où voulez-vous en venir ? tentai-je d’abréger.
  • T’as pas vu comment il me regardait ?! s’échauffa le luma. Tu dois être trop naïf, moi je le sens : ce type est un pédophile !

Nous tombâmes tous des nues. Comment pouvait-il être arrivé à une telle conclusion en une seule entrevue ? Malgré l’improbabilité de cette hypothèse, je ne pus m’empêcher de la considérer, compte tenu de mon expérience personnelle.

  • Vous croyez… ?
  • Oui ! Le type est louche ! Je veux bien remplir des contrats pour de l’argent, mais comptez pas sur moi pour le faire avec le sourire.

Je jetai un coup d’œil rapide à Jéricho : il n’avait pas l’air d’un enfant. Pas plus que les autres membres du groupe, dont j’ignorais certes l’âge. Tout ce que je pouvais dire, c’est que j’étais le plus jeune d’entre nous. Néanmoins, le doute persistait… Nous éluciderons ce mystère plus tard, si possible.

Nous nous réunîmes au-dehors de la taverne autour d’une poilée de champignons, comme nous l’avions « promis ». Pour l’itinéraire de l’après-midi, il fut décidé de prendre la route contournant le marais par le sud plutôt que de nous y enfoncer, afin de pouvoir tirer avantage de notre chariot. Nous prévînmes Eliza, la marchande, de notre départ. Elle s’en fichait, concrètement.

Après avoir préparé mes affaires et confié ma précieuse lyre à Ivina, je rejoignis les autres dans le chariot.

Nous fîmes route vers le sud. En une quasi-journée de trajet, nous amenant donc au lendemain midi, nous arrivâmes aux Mokk Caverns sans encombre. Ça nous aurait pris moitié moins de temps à travers le marais, pour deux fois plus de danger. Je trouvais que nous nous en étions bien sortis en choisissant ce détour.

Arrivés à la fin du périple, dès la sortie de la forêt, une première entrée possible se présenta à nous juste derrière un rideau de roseaux et de buissons morts. Sans surprise, une fois le chariot arrêté, nous attirâmes l’attention de nos premiers slimes « vivants ». Ces derniers arrivèrent par-derrière, nous coupant toute retraite. Nous n’y connaissions rien, toutefois, il fut aisé d’identifier qu’il y en avait plusieurs types : deux gluants aux couleurs changeantes dotés de petites excroissances ridicules et un plus grand, verdâtre, avec un squelette d’oishomme flottant à l’intérieur… Celui-là faisait peur et tira des exclamations de dégoût aux membres du groupe.

Letico s’interposa le premier, armé de sa lance et de son bouclier doré, rapidement rejoint par Scott et ses deux petites épées courtes. Clem arma son arc et les lanceurs de sorts se préparèrent. C’était presque beau de voir tant de synchronicité, de détermination, pour battre trois pauvres slimes…

J’allais cependant rapidement ravaler ma fierté. Les slimes étaient plus dangereux que je l’imaginais, surtout en groupe. Le vert, celui contenant un corps, était le plus rapide et le plus agressif. Il s’approcha et récolta en prime un violant coup de lance de la part de Letico. Quand il retira son arme, le slime se tordit de douleur et une partie de son liquide s’échappa pour heurter le sol dans un nuage de fumée suspecte.

Letico regarda sa lance : elle avait été endommagée, démontrant qu’il s’agissait d’acide. Par dépit, il concentra ses efforts sur les deux plus petits. Ils ne parvinrent à éviter aucun de ses coups. Cependant, ces derniers ne semblaient pas trop leur causer de dommages. Au bout d’un moment, le strig sentit une certaine résistance. La pointe de sa lance resta coincée dans un des slimes. Il se débattit comme un fou par la dégager, mais la chose l’absorba en entière.

  • Quelle est cette diablerie ?! râla-t-il en dégainant sa Citrouille.

Il aplatit le coupable d’un unique mouvement. La chose s’étala en gelée gluante sur le sol. Pendant ce temps, le grand slime acide continuait son approche. Il forma des sortes de bras à l’aide de son liquide et tenta de nous fouetter avec. Nous avions l’avantage de la vitesse et il nous fut facile d’esquiver. Pour ne pas user nos armes, Jéricho décida de lui lancer un rayon de givre. Un air frais passa entre nous et toucha le slim en plein… cœur ? Il commença à se solidifier de l’intérieur, mais cela ne suffit pas à le mettre à terre. Il tenta un nouveau coup de tentacule, interrompu par une flèche bien placée, mais perdue, de Clem.

Le slime se tortilla un instant avant de se liquéfier en une mare d’acide et d’os. Il nous en restait un. Jéricho avait l’intention de l’achever d’un nouveau rayon de givre, quand Clem intervint :

  • Attends ! Ne le tue pas, s’il te plaît. Je voudrais l’adopter.

Décidément, il voulait adopter toutes les pestes du Bois ! Jéricho sembla se faire la même réflexion. Cependant, il réduisit la puissance de son sort, ce qui ne fit qu’affaiblir le slime, sans le tuer

  • Trop bien ! Merci !

Nous laissâmes Clem à son dressage pour faire un compte rendu du combat. Nous conclûmes qu’il valait mieux éviter d’attaquer les slimes d’acide avec une arme, même si ça pouvait fonctionner, et que les plus petits se tuaient plutôt avec de la magie. En sommes, seule la magie et les armes de distance semblaient être une bonne stratégie. Je constatai avec dépit que je n’étais pas bien armé pour cette situation. Je dus confier à mon équipe que je ne connaissais aucun sort offensif.

  • Comment ça ?! Même pas « moquerie cruelle » ? s’offusqua Jéricho.
  • Non, admis-je. Je n’ai jamais eu l’intention de poursuivre une vie d’aventurier…
  • C’est bien dommage ! pesta-t-il, plus déçu qu’agressif.

Sans doute aurait-il aimé voir de quoi un barde était capable en combat. Ce sort était connu pour sa curieuse façon d’agir directement sur la psyché des adversaires. Malheureusement, je n’étais pas de ces bardes-là. En vérité, je ne m’imaginais pas en train de faire du mal à quoi ou qui que ce soit, même à du slime.

  • Mais ne vous inquiétez pas, j’ai de quoi me rendre utile ! me justifiai-je. Déjà, j’ai un sort de lumière ! On va en avoir besoin, là-dedans.

Nous jetâmes un œil en direction de la petite cavité marquant l’une des entrées des Mokk Caverns. Il y faisait noir comme lors d’une nuit sans lune. Nous nous apprêtions à y entrer, en file indienne, mais Clem ne semblait pas prêt.

  • Qu’est-ce que tu fais ? lui demanda Paul.
  • Je dresse mon slime, ça prend du temps.
  • On n’a pas le temps ! le réprimanda Jéricho.

Mais Clem s’était déjà replongé dans l’analyse méticuleuse des mouvements de son « animal de compagnie ». Nous supposâmes qu’il était inutile d’insister.

  • Bon, bah reste là si tu veux ! pesta le luma rouge. Mais fais gaffe aux autres slimes, j’en vois déjà qui se dirigent par ici.
  • T’inquiète, répondit Clem sans lever les yeux. Je vais me mettre dans l’arbre et surveiller le chariot.

Super, me dis-je. Et si vous ne nous voyez pas ressortir, vous allez rentrer à Winnowing Reach et escorter Eliza jusqu’à Alderheart tout seul ?!

Jéricho soupira, mais ne lui porta pas plus d’attention. Nous pénétrâmes finalement par la petite ouverture, Letico en tête avec son bouclier, et moi juste derrière avec ma lumière.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Writing Shrimp ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0