Chapitre 27 : Une voix
Cela faisait plusieurs mois qu’elle était captive. Elle ne se souvenait plus de la sensation du vent sur sa peau, ni de l’odeur de la pluie.
Zalénia était de plus en plus faible, les tortures des Sharaka en étaient la cause. Elle n’avait pourtant aucune blessure physique, tout était psychologique. Tous les jours, on venait la chercher pour la traîner de nouveau dans la pièce haute de plafond. On l'attachait puis les triplets commençaient leur rituel. La princesse ne savait pas ce qu’ils essayaient de faire, mais elle comprenait qu’ils n’y arrivaient pas.
Elle était assise près de la fenêtre, une habitude qu’elle avait prise pour ne pas oublier qu’il y avait un monde extérieur. Elle voyait aussi de temps en temps son reflet dans la vitre. Elle, qui était déjà mince, avait maigri et perdu ses joues d’enfant. Ses cheveux devenaient ternes. Lorsqu’elle regardait ses yeux, elle se rendait compte qu’elle déperrissait, en plus de ne plus briller de vie, ils blanchissaient. Il fallait qu’elle s’en aille.
Ce jour là, comme tous les autres jours, on vint la chercher. De retour dans la salle où l’attendait les Sharaka, elle se laissa attacher comme à l'accoutumé. Ils se placèrent de nouveau autour d’elle mais, cette fois, ne chantèrent pas. Une brume bleu grise apparue autour d’eux, tandis qu’ils la fixaient. De nombreux filament sortirent de la brume et vinrent toucher la princesse. Une douleur aiguë la fit se cambrer malgré ses entraves. Puis l’énergie commença à la quitter, ils la lui aspiraient.
Cette fois, ce qu’ils tentaient de faire depuis tout ce temps semblait fonctionner. Zalénia n’avait jamais ressenti autant de fatigue d’un coup, elle se sentait partir tandis que les triplets se remplissaient de son énergie vitale.
Dans la brume qui annonçait l'évanouissement, elle entendit quelqu’un intervenir.
— Cela suffira.
— Non ! Nous touchons au but, répondit l’un des Sharaka.
— Vous ne réussirez qu’à la tuer à ce rythme.
— Peu importe ! Il nous faut son aura, regarde, notre gris se purifie.
— Elle est trop faible, vous l’avait épuisé durant le dernier mois. Même si vous lui puisez toute son énergie au point de la tuer maintenant, vous n’arriverez pas à votre but. Attendez qu’elle se repose.
Ils avaient arrêtés le processus et la princesse reprenait petit à petit pied. Elle put alors remarquer qu’il n’y avait pas de nouvelle personne dans la pièce. D’où venait cette voix alors ?
— Combien de temps ? demanda l’un des bruns, les yeux dans le vague.
— Une semaine.
Grinçant des dents, les Sharaka acceptèrent et s’approchèrent pour détacher la blonde.
— Zalénia, continua pourtant la voix, seule toi peux m’entendre à présent. Je te donne une semaine pour fuir.
§
De retour dans sa chambre, la jeune fille s'effondra sur son lit et s’endormit aussitôt.
Lorsqu’elle se réveilla, il faisait nuit noire. Combien de temps avait-elle dormie ? Combien de temps de sa précieuse semaine avait-elle gâchée ? Douze heures ? Deux jours ? Peu importait, il fallait qu’elle trouve un plan pour sortir d’ici, et vite.
Arpentant la pièce, et regrettant d’avoir coupé ses cheveux car lorsqu’elle réfléchissait intensément, elle avait l’habitude de se mordiller une mêche de cheveux, elle rejetait les plans les uns après les autres.
Comment, en temps que princesse, sortir d’une forteresse ?
Elle en avait lu des livres où des princesses étaient kidnappé, pourtant aucun ne faisaient référence à une fuite. Toutes étaient secourues par un chevalier ou, exceptionnellement, un homme quelconque. Décidément, il allait falloir innover.
— Je veux bien mais c’est plus facile à dire qu’à faire, marmonna-t-elle en pensant à la voix.
Il lui aurait seulement fallu d’un peu d’aide ou d’au moins d’un indice.
Tandis qu’elle faisait les cent pas, son esprit s’éloignait du sujet urgent. Avait-elle rêvé dernièrement ? Etrange questionnement, c’était comme si quelqu’un lui avait soufflé de se tourner vers ces horizons. Elle se souvenait d’avoir rêvé mais tout était flou dans sa tête, pourtant, plus elle y pensait, plus elle était persuadée que la réponse se trouvait là.
Arrêtant ses va-et-vient, elle se tourna vers le grand lit dont elle était sortie presque deux heures auparavant. Et si elle y retournait ? Ce n’était peut-être quand rêvant de nouveau qu’elle trouverait la solution.
Zalénia s’avança donc doucement vers l’ama de coussins et se glissa sous les couvertures. Elle n’avait pas réalisé qu’elle était encore si fatiguée. Elle s’endormit presque immédiatement.
§
Elle était à Liodas, arpentant les couloirs familiers du palais. La blonde se rendait dans sa pièce secrète. La princesse avait revêtu ses habits de garçon, bien plus pratique pour ses jeux de combat imaginaire et ses acrobaties pour rejoindre ses abris en hauteur.
La tour abandonnée se dressait maintenant devant e blondeprès avoir vérifié que personne ne la suivait, elle se mit à escalader un monticule de pierre qu’avait formé la partie écrouléee de la bâtisse. Une fois en haut, elle se glissa dans un trou et se retrouva enfin à l’intérieur. Elle avait tenté de l'aménager, récupérant une petite table cassée par-ci, un tabouret par-là. Il faisait frais dans cette partie de la tour, peu de soleil filtrait jusque là, contrairement à l’étage au dessus, dont le toit s’était effondré.
Zalénia s’approcha d’un creux dans un mur où elle avait caché son poignard. Elle sentait enfin le métal dans sa main lorsqu’une voix résonna dans son dos.
— Princesse.
Elle se figea, le sang glacé, elle ne reconnaissait pas la voix froide comme la glace.
— Pourquoi êtes-vous de nouveau là ? Les explications de la dernière fois n’ont pas suffit ?
— Je ne vois pas de quoi vous parlez, répondait la blond en essayant de paraître sûre d’elle.
— C’est ça le problème avec les rêves, marmona pour lui même l’homme, ils ne se souviennent jamais de rien.
— Comment ? Nous sommes dans un rêve ? demanda la jeune fille qui avait entendu.
Elle l’entendit presque rouler des yeux tandis qu’il soufflait :
— Bon, je vais répéter et tu as intérêt à t’en souvenir lorsque tu te réveilleras. Les Sharaka t’ont éveillé, tu peux donc utiliser des pouvoirs qui n’ont comme seule limite ton imagination. Fuis grâce à eux. Tu ne peux pas mourir ici.
— Fuir ? Mourir ?
— Ne réfléchis pas, retiens juste ce que je t’ai dit.
La blonde se retourna enfin, mais l’homme n’était déjà plus là.
§
Zalénia faisait de nouveau les cents pas dans sa chambre qui faisait office de cellule. Cette fois, elle se souvenait de son rêve. Etait-ce la même voix qui lui avait parlé dans son rêve et dans la salle des Sharaka ? Elle n’en était pas sûr.
Il lui avait dit qu’elle possédait des pouvoirs, mais comment les déclencher ? Juste en y pensant ? Elle en doutait. La princesse avait vu de nombreuses fois, Rowenn, le magicien de sa mère, faire des miracle seulement avec un coup de main et quelques mots inconnus. Or, elle ne connaissait pas ces mots de pouvoirs. Pourtant, l’homme avait semblé convaincu qu’elle y arriverait simplement grâce à son imagination.
Respirant un grand coup et rassemblant sa détermination, elle s’assit au sol, jambes croisées. Elle ferma les yeux, se remémorant lorsqu’une brume argenté était sortie d’elle, surement pendant, ce qu’appelait l’homme, l’éveil. Zalénia imagina ensuite que la brume sortait en ce moment même de sa peau, tel un nuage. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle découvrit avec stupeur que cela avait fonctionné.
Elle se leva d’un bond, tournoyant en regardant ce que ses mouvements faisaient à la brume d’argent. Elle lui glissait entre les mains, laissant une sensation de fraîcheur après son passage. C’était enivrant, à tel point que la jeune fille en oublia presque son but premier : sortir d’ici.
Elle reprit donc sa position initiale sur le sol. De quoi aurait-elle besoin pour fuir ? Des sorts d’attaque ? De défense ? Peut-être pourrait-elle seulement tenter de devenir invisible ?
Avant toutes choses, il lui faudrait sortir de cette pièce fermée à clef.
Plus facile à dire qu'à faire. Mais rassemblant sa détermination, Zalénia visualisa dans son esprit la porte grande ouverte. Lorsqu’elle ouvrit un œil, rien n’avait changé. La brume toujours présente autour d’elle semblait plus opaque. La blonde ferma de nouveau les yeux, réitérant sa tentative. L’air se mit à frissonner autour d’elle. Elle se concentra encore plus tandis que les poils de sa nuque se dressaient.
Le verrou tourna dans un grand clac puis la porte s’ouvrit dans un bruit de tonnerre, le bois éclatant contre le mur de pierre. Elle avait réussi.
Zalénia ouvrit donc les yeux, mais en rompant sa concentration l’énergie accumulée autour d’elle se relâcha d’un coup. La déflagration fit exploser la fenêtre, fit se fissurer les murs épais et réduit en copeaux les meubles les plus proches. Face à cette perte rapide d’énergie, Zalénia perdit connaissance.
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