Chapitre 36 : An Wesiri
Le reste du voyage des apprentis se passa sans encombre. Lorsqu’ils atteignirent l'orée de la forêt, ils purent admirer la capitale de Wesiria. Entourée d’un large fleuve, la cité semblait plus grande que Liodas. En son centre trônait le palais des Sharaka composé de trois immenses tours sombres.
— Comment allons-nous entrer ? demanda simplement Eglantine.
— Je peux me camoufler dans l’ombre. J’entre, je me téléporte jusqu’à vous puis je nous téléporte tous à l’intérieur, proposa Sheireen.
— Tu ne pense pas qu’il pourrait y avoir une sorte de protection magique autour du château ? fit remarquer Oma.
— Alors je nous téléporterais juste à côté, j’ai un ami dans le palais. Il pourra nous faire entrer, affirma l’elfe aux cheveux bleus.
Les autres acceptaient ce plan et ils attendirent le milieu de la nuit pour agir.
Lorsque Sheireen disparue, les apprentis purent voir un dragon écarlate s’envoler depuis la forteresse en direction de l’ouest. Ce qu’ils ignoraient, c’est que quelques heures plus tôt, Sheireen avait accepté d’aider un aveugle à voir autrement.
La jeune elfe se faufila discrètement jusqu’à la haute muraille. Une fois à ses pieds, elle invoqua le vent pour s’élever au dessus. A l’intérieur, des braseros et des torches brûlaient à intervalles réguliers, Sheireen se mit donc à passer de zone d’ombre en zone d’ombre. Il ne lui restait qu’une zone lumineuse à traverser lorsqu’un garde sortit de la tour la plus proche. La jeune femme se figea, priant tous les dieux connus pour que son aura la camoufle vraiment parfaitement. Elle ne pouvait se permettre de se faire repérer maintenant.
Heureusement, ce qu’avait écrit Nox dans son journal s’avéra vrai, le soldat passa sans remarquer l’intruse qui se tenait debout à quelques centimètre de lui.
Lorsqu’il fut loin, elle passa rapidement devant les flammes et s’enfonça enfin dans les ruelles étroites de la ville.
Il n’y avait que très peu de lumière, ainsi, elle avançait doucement mais sûrement vers les tours. Elle découvrit alors que le palais était lui aussi entouré d’une muraille, plus haute et plus épaisse que la ville. Sheireen invoqua de nouveau le vent et passa discrètement au dessus du mur. Caché dans un coin, elle interpela Orestt.
« Oui ? »
« Je suis devant le palais, ouvre moi. » ordonna-t-elle.
« Heureusement pour toi, les Sharaka sont partis hier pour An Dragal, sinon tu n’aurais pas fait long feu. » disait Orestt sur le ton de la conversation.
« An Dragal ? »
« La tour d’entraînement des chevaliers du dragon Wesi. »
« Intéressant. Bon tu m’ouvres ? »
— Je suis là, résonna une voix sur sa gauche.
— Où ? chuchota la jeune femme en lançant des regards un peu partout.
— Juste à côté de toi, dit-il en posant sa mains sur son épaule. Tu as oublié que j’avais les mêmes pouvoirs que toi ?
— Non, nia-t-elle. Bon introduis moi là dedans.
Il hocha la tête même si elle ne le voyait pas et, en attrapant sa main, l’emmena vers une porte dérobée. Derrière les y attendait une brune aux yeux aussi violet que ceux de Sheireen.
La jeune elfe dégaina à sa vue, prête à défendre sa mission. Orestt lui fit pourtant signe de ranger sa lame.
— C’est une alliée, ne t’inquiète pas. Sheireen je te présente Kira, c’est une chevalier du dragon. (Puis en se tournant vers Kira :) Kira voici Sheireen, elle est dragonière.
— Après l’aveugle, la chevalier du dragon, marmonna l’elfe en glissant son arme dans son fourreau.
L’autre jeune femme ne disait rien, attendant la suite.
— Nous avons finalement trouvé où est gardé Zalénia, je t’y conduirai, continuait Orestt. Pendant ce temps, Kira fera le guet. Par contre, si nous sommes découverts, elle ne nous aidera pas. Elle souhaite rester infiltrée ici.
— Très bien. Sais-tu où sont les cachots ? demanda Sheireen. J’ai des amis qui ont été capturés. Ils sont trois.
— Au sous-sol, intervint Kira. Ils sont en mauvaise état, ils ne pourront pas faire le voyage jusqu’à Zalia. Tu devrais abandonner l’idée de les sauver.
— Hors de questions. J’enverrais Seth, Églantine et Oma les chercher. Pendant ce temps, Orestt, Léarco et moi irons chercher la princesse.
— Je croyais qu’elle était seule, dit la brune au brun.
— Je ne savais pas si elle allait choisir de faire entrer les autres ou pas.
— D’ailleurs, j’y vais, je serais là dans une minute.
Elle sortit du château puis disparut.
Elle réapparu quelques instants après avec ses quatre compagnons. Ils se faufilèrent vers la porte et y retrouvèrent Orestt. Kira était déjà partie.
Sheireen expliqua alors le plan aux nouveaux venus et présenta très rapidement Orestt. Ensuite, ils se séparèrent en deux groupes et chacun partit dans deux directions différentes.
§
Sheireen marchait le plus naturellement possible derrière Orestt, derrière elle, Léarco faisait de même. Ils portaient des capuches pour cacher leurs chevelures colorées qui étaient peu fréquentes en Wesiria. De toute façon, ils ne rencontrèrent que très peu de monde dans les couloirs sombres.
Il faisait encore nuit dehors lorsqu’ils atteignirent une grande salle décorée des portraits de chaque souverain qu’avait connue Wesiria. Un, bien plus grand que les autres, représentait les Sharaka. Les triplets étaient vraiment identiques, bruns aux yeux noirs.
Sous ce tableau, Orestt acciona un mécanisme caché. Le cadre se déplaça légèrement, révélant un nouveau couloir.
— Restez ici, j’arrive.
— Non, je viens avec toi, dit Léarco. C’est ma sœur.
— D’accord. Orestt, monte la garde s’il te plait.
Ce dernier acquiesça doucement tandis que les deux autres s’engouffraient dans l’inconnu. Le tableau se referma sur eux, les plongeant dans le noir. Léarco invoqua le feu, ils purent donc avancer, leurs ombres tremblant le long des murs de pierre.
Au bout de quelques secondes, ils arrivèrent devant une porte, qu’ils poussèrent pour découvrirent une chambre luxueuse. Un grand lit à baldaquin ouvragé trônait au centre la pièce, comme tous les autres meubles, il était orné de fine dorure. Au fond, assise sur le rebord de la fenêtre, une blonde regardait le ville.
— Zalénia ? demanda Léarco.
— Je n’ai besoin de rien, allez-vous en.
— Zalenia, c’est moi, Léarco.
Elle se retourna, les yeux exorbités. Malgré la belle robe bleu qu’elle portait, les deux sauveurs virent qu’elle avait maigrie. Elle se leva et se jeta dans les bras de son frère.
— Tu es là !
— Hum, toussa Sheireen. Excusez-moi, princesse, nous devrions nous en aller.
Elle lâcha son frère et acquiesça.
— Sortez moi d’ici.
§
Oma guidait Seth et Eglantine vers les cachots. L’allié de Sheireen lui avait mis un plan du palais dans la tête. Ils marchaient vite, elle n’aimait vraiment pas ce château, tout était si froid, si sombre.
Ils arrivèrent sans encombre aux cachots. Eglantine, la seule brune du groupe, se fit passer pour une garde et pénétra jusqu’à la geôle de leurs camarades. Leur faisant signes de ne rien dire, elle entra dans la cellule et les détacha. Ils se faufilèrent ensuite par une autre sortie puis retrouvèrent Oma et Seth. Encore en silence et les aidant à marcher, Oma les guida de nouveau le long des couloirs.
Ils arrivèrent rapidement à la porte dérobé par laquelle ils étaient entrés sur le château. Sheireen, Léarco et Orestt n’était pas encore revenus.
§
Des bruits de ferraille assourdis résonnait dans le tunnel qu’empruntaient Sheireen, derrière elle la princesse et le prince c’étaient tut. Ils étaient tendus. Quelques minutes auparavant, Orestt les avaient prévenu qu’ils avaient été démasqué. Kira avait vu une troupe armée qui se dirigeait dans leur direction.
Ensuite, les bruits de combat avait commencé. Orestt se battait seul.
— Restes ici avec la princesse, ordonna Sheireen à Léarco.
— Tu ne peux pas combattre seule.
— Orestt est avec moi. Je viendrai vous chercher lorsque ça se sera calmé.
— Et si ils sont trop nombreux ? demanda la blonde.
— Je nous teleporterais en sûreté.
— Fais le maintenant, ordonna Léarco.
A contre cœur, Sheireen obéi. Elle les amena en dehors de An Wesiri, où ils se tenaient au début de la nuit. Ils remarquèrent alors que le soleil se levait. Sheireen devait faire vite.
Elle disparut donc avant que Léarco ne lui demande de l’emmener avec elle.
Elle réapparut dans la mêlée. Les Wesi étaient nombreux, bien trop nombreux pour seulement deux personnes. Orestt était de l’autre côté de la salle. Il combattait avec deux lames. Il avait une blessure sur le front qui saignait abondamment, l’obligeant à garder l’œil droit fermé.
La jeune elfe essayait de se frailler un chemin vers le brun en vain. Les soldats faisaient tout pour les empêcher de se réunir. Malgré tous ses efforts, Sheireen et Orestt furent capturés.
— Espions ! Que faites-vous à An Wesiri ? Pour qui travaillez-vous ? demanda un des Wesi.
Sheireen dont tous les membres étaient immobilisés, lui cracha dessus.
L’autre lui attrapa les cheveux et lui tira la tête en arrière. Elle grogna mais ne dit rien.
— Très bien, voyons voir si ton compagnon est plus loquace.
L’homme s’approcha d’Orestt et lui planta sa lame dans la cuisse. Le brun hurla mais ne dit rien non plus. Le Wesi replanta plusieurs fois sa lame et à chaque cris, Sheireen ressentait la douleur de son âme-sœur.
Alors que Orestt tournait de l’oeil à cause de la perte de sang et de la douleur, une sensation étrange secoua Sheireen. Elle avait l’impression que quelque chose frottait contre sa cage thoracique, l’empêchant de respirer. Est-ce sa blessure qui se réveillait ? Non, c’était bien plus profond, bien plus sombre.
Elle se mit à hurler.
« Sheireen... » dit faiblement Orestt dans sa tête. « Je... »
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que le Wesi lui transperça le torse avec sa grosse épée.
— Non ! Orestt !
L’homme riait à pleine gorge mais Sheireen ne l’entendait pas, c’était comme le jour où son père était mort. Elle perdait pied. Sauf que cette fois, quelque chose pris sa place. Tandis qu’elle s’endormait, Sheireen repensa au démon des auras noires.
Le Wesi s’arrêta brusquement de rire, les yeux écarquillés de peur. L’intruse n’était pas humaine. Des griffes avaient remplacé ses ongles, des crocs étaient apparus dans sa bouche, dépassant de ses lèvres qui formaient un sourire cruel. Des écailles noires apparurent autour de ses yeux qui étaient devenus tout aussi noir. Sa cape se déchira alors que des piques poussaient le long de sa colonne vertébrale.
Elle se dégagea avec facilité des mains des soldats qui la maintenaient jusqu’alors immobile. Ils remarquèrent qu’elle avait une queue lorsque celle ci vint faucher plusieurs gardes.
Après avoir passé une langue noire sur ses lèvres, le démon se jetta sur le soldat le plus proche d’elle, le décapitant d’un coup de griffe. Le sang arrosa plusieurs tableaux, créant des balafres sanglante sur les visages stricts des défunts monarques.
Les Wesi étaient tétanisés, une peur qu’ils n’avaient jamais connus avant circulait dans leurs veines. Seuls quelques uns dégainèrent leurs armes, ce qui ne leur fut d’aucunes utilité. La bête ne craignait rien, l’acier se brisait sur sa peau devenue aussi résistante que celle d’un dragon.
La créature fit un massacre, elle démembra, décapita, evantra et déchiqueta une trentaine d’hommes. Lorsqu’elle eut finit, elle s’approcha d’Orestt. Sheireen reprit alors enfin le contrôle.
Son armure était poisseuse de sang et troué au niveau de son épine dorsale. La salle sentait la mort, des membres étaient éparpillés un peu partout sur les tapis moelleux maintenant écarlate. Quelques minutes plus tôt, ce sang coulait dans les veines de ces hommes et ces femmes. Ils avaient seulement suivit les ordres.
Tout était silencieux.
Retenant une forte envie de vomir, Sheireen se rapprocha encore d’Orestt. Il ne respirait plus. La lame avait du transpercer le coeur. Il était mort sur le coup.
Elle tendit la main pour fermer doucement les yeux de celui qu’elle aurait peut-être aimé un jour. Ses yeux, à elle, la brûlaient pourtant, les larmes refusaient de couler. Peut-être était-ce car son corps ne savait plus comment pleurer ?
Sheireen resta dans la même position un long moment, ne pouvant lâcher des yeux le corps de son âme-soeur. C’était de sa faute. Elle l’avait entraîné la dedans, provoquant sa mort.
La jeune femme finit tout de même par sortir de sa torpeur. Elle se leva, ses bottes clapotant dans les flaques rouge qui n’avaient pas étaient absorbés par la moquette. Elle souleva avec difficulté le corps sans vie du brun et s’en alla, quittant la pièce nauséabonde.
Elle marcha doucement, le regard perdu dans le vide, le long des couloirs de pierre qu’elle haïssait. Elle accéléra le pas, il fallait qu’elle quitte cet endroit.
Elle finit par retrouver le reste de l’équipe en compagnie de Kryss, Kala et Swan en très mauvais état. Elle ne dit rien et les téléporta où elle avait laissé Léarco et la princesse.
— Sheireen… commença Léarco en se levant vivement du rocher où il s’était installé.
Il remarqua alors le cadavre d’Orestt qui pendait dans ses bras.
— Ne dis rien. Cela ne servirait à rien, la coupa l’elfe au cheveux bleu foncé.
Elle leur ordonna ensuite de se tenir les mains puis les téléporta directement à Liodas. Elle ne s’émerveilla pas face à sa réussite contrairement aux autres.
Elle n’attendit pas que les gardes du palais arrive pour disparaître à nouveau.
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