16) L'île des morts
C'est nos doigts entrelacés et nos prénoms sur nos lèvres desséchées que nous sommes subitement empoignés chacun par un bras par un immense volatile noir comme la nuit. Il croasse en refermant ses serres sur nous. Mon cœur essaie de s'échapper par mes lèvres quand il nous soulève d'un puissant coup d'ailes, nous emmenant dans le ciel rubis.
Le sol sous nous devient de plus en plus petit et nous sommes saisis par le froid. La terre rouge laisse soudainement place à une étendue noire et mouvante. Les tambours résonnent à nouveau face à nous. Nous survolons une île quand le volatile nous lâche subitement. La chute sur le sable est rude et nous laisse le souffle coupé.
Autour de nous, des êtres translucides aux visages souriants pour les uns, atterrés pour les autres. Ils tendent les mains vers nous et leur contact froid me ramène le souvenir du Passe-muraille. Je regarde plus attentivement les êtres qui nous entourent et petit à petit la mémoire me revient. Mon regard croise celui de mon ami et la question franchit mes lèvres :
– Je connais certains d'entre eux… Tous sont morts, n'est-ce pas ?
Il acquiesce gravement.
– Est-ce qu'on va mourir aussi ?
Il hausse les épaules :
– Je ne sais pas. Il nous faut trouver un moyen de rentrer chez nous…
Comme un chœur glacial, nos morts se mettent à pousser une plainte lugubre :
– Lâchez-prise… Acceptez l'inéluctable… Rejoignez-nous.
Et il nous entourent en souriant, les bras tendus pour nous enlacer tandis que les tambours ralentissent comme nos coeurs effrayés.
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