L'illumination
Oui, pourquoi Charles ne pourrait-il pas lui aussi confondre les malfaisants, dévoiler les injustices, réparer les torts, bref défendre quelques veuves et quelques orphelins ? Après tout Donald et lui étaient de la même fratrie : il était tout à fait logique que ce talent – comme de nombreux autres – soit génétiquement partagé. Fort de cette conviction, Charles se rêvait au coté de ces héroïques journalistes d’investigation qui, ayant abattu d’immondes bêtes dans de longs et flamboyants articles, livres ou reportages, paradent dans des émissions télévisuelles comme dans de glorieux boudoirs. Et si eux disposaient de diplômes, Charles, lui, avait cet énorme avantage : il jouissait de fonds presqu’illimités ! L’ennui était qu’il n’avait aucune idée de à quoi s’attaquer… Et que s’il voulait s’inscrire dans le panthéon familial il lui fallait une iniquité de taille. Quelque chose d’absolument énorme. Pourtant, sourde à son désir et à sa volonté, la grande cause prit tout son temps. Elle arriva chronologiquement après : son mariage avec Elysée Bettencourt, la mort de son père, la naissance de ses quatre fils - Hilton, Royce, Crésus et Picsou - et le décès de son frère Henri. L'illumination frappa Charles lors de sa quarantième année : un banal matin, en grattant mollement un billet tout en buvant son café, il s’aperçut qu’ il n’avait jamais gagné plus que de petites sommes à la loterie. Jamais plus que de quoi rejouer une fois ou deux. En vingt ans de jeux quadrihebdomadaires c’était assurément anormal. Selon toute probabilité, il aurait forcément dû remporter quelquefois des gains plus importants. C’était mathématique ! Charles en conclut donc qu’il n’y avait pas de gagnants, que la loterie était une escroquerie, un mécanisme monétophage.
Cette découverte le chamboula. Après quinze ans de recherches et d’interrogations vaines, il avait enfin trouvé sa quête, sa mission : confondre la Loterie nationale.
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