Questionnement
Ces quelques déconvenues amenèrent Charles à méditer sur le rôle de la Loterie Nationale : participait-elle vraiment au financement de la grande machine gouvernementale ? ou n'était-elle que l’instrument que de quelques hiérarques corrompus qui avaient trouvé là une manne providentielle ? ou était-elle un mécanisme dont la fonction est l’attachement du citoyen à l’État par l’espoir ? Un système non discriminatoire mais tout à fait inique. Car dans ce régime de grande pauvreté seule la Loterie promettait une issue à la misère. Et cela grâce aux deniers de toutes les pauvres hères qui jouaient. Alors oui, tous avaient, en principe, une chance, mais seuls quelques nouveaux très riches seraient, théoriquement, créés parmi les millions de démunis. Cela n’avait rien d’un système social ! C’était un moyen servant à creuser plus encore l’écart des classes. Permettre à quelques bénis de la fortune de transcender leur condition n’avait rien d’égalitaire. Cela ne solutionnait pas le problème d'indigence de la population. L'orientation de gauche de ce gouvernement n'était qu'une façade.
Charles se demanda ensuite, en postulant qu'il y en ait un, comment devait se sentir un gagnant : comme un heureux privilégié appelé par les castes supérieures ? ou comme un traître, un enfoiré égoïste ayant utilisé les aspirations des gratteurs ? ou comme un renégat sans empathie ? ou un usurpateur délibérant sans cesse de sa légitimité ?
Et que ferait alors ce gagnant de son opulence ? Partager ? Aider ?
Allons donc ! Charles n'avait jamais entendu, de par le monde, parler d’une telle générosité.
Ce qui est logique… étant donné que, dans ce pays tout du moins, les gagnants n’existaient pas, que les jeux n’étaient qu’une supercherie, une taxe supplémentaire pour ceux qui y croyaient. La question de savoir si lui, en tant que détenteur d’immenses capitaux, générait de la pauvreté – par la non circulation des richesses - faillit l’effleurer. Seulement un instant. Puis il revint à son projet de redresseur de torts et rêva à sauver la société toute entière.
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