XII
Frisé a décidé qu’on partirait tôt le matin, alors que sa patrouille ne se serait reposée qu’une seule nuit. C’est un peu contraire à ce qu’on fait habituellement, mais il a expliqué à Lin qu’il avait laissé un truc sur le feu chez le Pashtoune et qu’il voulait y retourner rapidement. De mémoire, Lin lui avait demandé de continuer à faire tourner Durrani en bourrique, et je me demandais bien ce qu’il avait pu faire.
Il nous a déposés à la petite grotte avec sa source à côté, où on s’était déjà arrêtés. On a gagné une bonne journée de marche, c’était plutôt chouette. On a partagé le déjeuner tous ensemble et j’ai pris Kris à part. Je lui ai fait signe de couper son oreillette et je l’ai entraîné un peu à l’écart.
- Bon, Kris, tu m’expliques ton histoire de coup de pied pour Erk ? Et les cheveux ? En plein debrief, tu parles des cheveux d’Erk et quand Lin te fais une remarque, tu … Ça ne te ressemble pas, ça, Kris ! Et je sais que tu aimes ton frère, mais là, ça n’a plus rien à voir. Surtout qu’il n’a pris aucun risque, fait aucune bêtise.
Et voilà notre lieutenant tout penaud à regarder ses pieds.
- Pourquoi attendre aussi longtemps pour ta question, l’Archer ?
- Pardon ? C’est quoi cette question, merde ? T’as vraiment la tête à l’envers, ma parole. Bouge pas.
Je suis revenu vers les autres, j’ai dit à Erk que Kris et moi devions parler à l’écart, il m’a dit de faire gaffe. Je suis retourné vers Kris.
- Viens par ici, toi, j’ai dit en attrapant la manche de Kris et en le tirant derrière moi.
Je n’étais pas énervé. Juste un peu inquiet. La relation de dépendance des frangins était un vrai ouroboros, ce serpent mythique qui se mord la queue, chacun des frères dépendant de la force de l’autre pour être fort à son tour. Erk avait l’air d’être retombé sur ses pieds, mais l’espèce de coq-à-l’âne de Kris m’inquiétait.
Une fois hors de vue du reste de la patrouille, pas loin, juste derrière un gros caillou, j’ai lâché sa manche, posé mes mains sur ses épaules et je l’ai gentiment secoué.
- Quelque chose me dit que les derniers événements t’ont bien secoué, tout comme ton frangin. Et quelque chose me dit aussi que la Tchétchénie t’a bien marqué aussi.
Il a tourné la tête pour regarder au loin, mais sans rien voir, les yeux à dix mille kilomètres de là. Mais j’ai senti qu’il s’appuyait contre mes mains, alors je les ai légèrement serrées.
- Si tu avais vu, l’Archer… Je ne peux pas tout te dire, parce que c’est trop dur. Mais… Vous savez ce qui lui est arrivé. Moi, j’étais aux premières loges, obligé de le regarder être agressé, tripoté… le voir rougir de s’être pissé dessus parce que la kétamine qu’ils lui avaient injectée lui avait fait perdre le contrôle de ses muscles… le voir accepter avec reconnaissance l’eau qu’on lui tendait… Ne pas pouvoir lui parler parce qu’ils lui avaient bouché les oreilles…
Il s’était tourné vers moi pendant qu’il parlait. Il a pris une grande inspiration.
- Dans la villa de Matteo, je désespérais de le retrouver un jour. Il était… les yeux dans le vague, sans réaction, au début… Et puis on est arrivés ici, il s’est jeté au devant du danger, le chef des FER l’a enlevé… et… et il a repensé à tout ça. Plus son éclat à propos de sa mère…
- Justement, Kris, pour ses parents ?
- Sa mère était une très belle femme, un peu fragile, tant physiquement que mentalement. Quand Harald Thorvaldson, le père d’Erik, l’a courtisée, elle s’est épanouie et… stabilisée. A sa mort, tout le monde a pensé qu’elle n’a pas pu se projeter dans une vie sans lui, qui était son socle, ses racines. Qu’elle n’a pas pu imaginer élever un enfant toute seule. Ce que m’a dit Papa, qui est infirmier, c’est qu’elle était de toute façon de santé fragile et que l’accouchement l’avait épuisée.
Il s’est frotté le visage d’une main, les yeux fermés.
- En ce qui me concerne, c’est pour le mieux, car je partage sa vie depuis le début. Ces derniers temps… depuis la Tchétchénie, en fait, il endure beaucoup et ce n’est pas forcément militaire. Et moi, ça me détruit de le voir souffrir comme ça. Même quand c’est normal, « guerrier », comme après la ferme. Ou cette balle dans le cul chez Durrani.
- Mais, Kris, quand on voit ses cicatrices, on sait bien qu’il a déjà beaucoup morflé.
- Oui, mais…
- Mais rien, Kris, j’ai répondu tout doucement. Si tu le protèges trop, tu le fragilises. Et si tu le rends trop dépendant de toi, tu ne lui rends pas service. Même si je pense que c’est toi qui es dépendant de lui, plutôt que l’inverse.
Il m’a fixé un moment, puis il a baissé les yeux sur ses bottes.
- Je l’aime à en crever, Tudic. Avec lui, je suis meilleur. Sans lui… je serai inhumain, froid, sociopathe, presque. Je voudrais le mettre à l’abri, dans du coton mais… ça ne rendrait service à personne.
Je n’ai rien dit, parce que j’ai senti qu’il y avait autre chose. Il a ouvert la bouche, l’a refermée, a regardé au loin puis s’est tourné vers moi.
- L’Archer, je vais… Je ne peux pas te raconter ce que j’ai sur le cœur, parce que je te transmettrai un fardeau que tu ne pourras pas porter.
- Pourquoi ?
- Parce que ça te montrerait de l’espèce humaine une facette que je veux que tu ignores, pour ton bien et celui de Lin. Parce que j’ai besoin de ton innocence, caporal. Mais je te fais une promesse. La promesse de reprendre de la distance par rapport à mon frère. Cela fait un an. J’estime que ça doit suffire pour passer outre. Si lui y arrive, alors moi aussi, je dois y arriver. Voilà, l’Archer, c’est la promesse que je te fais. Et je t’autorise à me la rappeler si nécessaire.
J’ai réfléchi, parce que cette promesse allait être dure à tenir, surtout au vu des circonstances, et puis j’ai donné mon accord. On est revenus vers les autres, j’ai vu une question dans les yeux d’Erk et un léger geste de la main de Kris.
Après un petit Nescafé, on a dit au revoir à la patrouille de Frisé, qui s’est tournée vers l’ouest, s’enfonçant dans le territoire du Pashtoune. Je me suis pris à prier que tout aille bien pour eux. Ça peut pas faire de mal.
On a repris notre route, nous aussi, droit au sud, vers V3, un village qui se trouvait à la limite de notre territoire et où, selon une mère inquiète de la disparition de ses fils, se passait des choses franchement moches.
Eux cultivaient, entre autres, du pavot. Mais on ne faisait rien, pour plusieurs raisons, et l’une d’elles étaient que ce pavot-là finissait chez nous. Lin s’en servait pour synthétiser la morphine maison et la morphine normale, qu’elle redistribuait aux forces françaises, même si les trois-quarts restaient dans l’infirmerie de Doc. C’est un commerce dont je ne vous ai pas encore parlé, parce qu’il semble légèrement hypocrite vu notre but ici, mais Lin a bien compris que le pavot fait partie du paysage et que, si elle l’interdisait complètement, V3 le vendrait à Durrani. Et ce n’est pas ce qu’on veut. Ce qu’on veut, nous, c’est couper l’herbe sous le pied du Pashtoune. Et si cette herbe, c’est du pavot, c’est encore mieux.
V3 cultivait aussi des pois chiches, lentilles et autres légumineuses. Leurs terres, arrosées par une rivière qui entrait en crue tous les printemps, étaient nettement plus fertiles que celles de V2 ou V1, plus montagneuses.
V3 était dans une vallée assez large, sur la rive droite de la rivière qu’on avait traversée bien en amont pour aller chez les FER. Ils utilisaient sa crue pour renouveler la couche supérieure de la terre arable, un peu comme les anciens Egyptiens profitaient de la crue du Nil. Chaque champ était délimité en aval (au sud) et à l’ouest pour un muret avec de toutes petites ouvertures et en amont (au nord) et à l’est par de petits fossés qui piégeaient et dirigeaient les eaux limoneuses de la rivière. Retenues par les murets, elles stagnaient un peu et se débarrassaient de leurs particules de terre avant de se glisser dans les petites ouvertures et de reprendre leur chemin vers la mer.
Le village était construit sur une hauteur assez conséquente, d’un bon mètre par rapport aux champs, comme toutes les installations agricoles autres que les champs. Ça faisait un paysage étrange, mais aussi la richesse de ce village.
V3 commerçait avec V1 et, apparemment, avec V2, même si, dans ce cas, le commerce était… dégueulasse. Et nous devions éclaircir ce mystère. Car si ce que sous-entendaient les confidences de la mère des deux garçons était vrai, alors on devait sévir. On ne pouvait laisser cet état de choses continuer, c’était aller à l’encontre de nos croyances.
Après avoir quitté Frisé, on a marché le reste de cette journée et une autre et on a commencé à approcher de V3. On avait décidé de commencer l’enquête au village, puis de remonter la piste des deux gamins, suivant le chemin qu’ils auraient pris en quittant le village, s’ils l’avaient quitté vivants. Après tout, vu ce qu’ils avaient prévu, on pouvait s’attendre à tout.
Quand on est entrés dans le village, on a été accueillis avec prudence. Puis ils ont vu nos écussons et on a vus des sourires. Je me suis souvenu que je n’étais pas retourné les voir depuis la période où les Islandais nous testaient. C’était chez eux qu’on avait curé la fosse à.. septique. C’était de chez eux qu’on revenait quand Kris avait trouvé son frangin enfin debout, nous attendant à la barbacane.
C’est ce que Kris, en tête avec le géant, lui a expliqué. Un grand sourire de gamin prêt à faire ou dire une bêtise a éclairé le visage du Viking, faisant sourire les enfants autour de lui, et Kris lui a agité un doigt sous le nez, faisant, cette fois, marrer les enfants. Erk leur a fait les gros yeux et ils ont encore plus éclaté de rire. Je ne sais vraiment pas comment il fait.
Kris est allé parler avec le malik, le chef du village. On s’est approchés pour rester à portée d’oreille, mais certains tournant le dos, pour garder un œil sur les alentours. Pour une fois, le Viking était avec nous. C’était JD et Yaka nos ambassadeurs, cette fois-ci.
Après les politesses d’usage, Kris a essayé d’entrer dans le vif du sujet, c’est-à-dire une visite inopportune de deux adolescents. Le malik a sursauté puis détourné le regard.
- Malik, nous voulons aider, c’est tout. Comme pour la fosse septique. Nous avons des soupçons, une idée de ce qui s’est passé.
- Ce n’est pas de leur faute…
- De la faute de qui ? a demandé Erk.
- Les filles… elles…
Il a haussé les épaules, fatalistes, ne sachant que faire.
- Les filles que les jeunes hommes ont… forcées ?
Il a hoché la tête, les yeux dans ceux du géant.
- Ils avaient des armes, elles n’ont pas pu se défendre. Et nous…
- Vous n’avez pas d’armes, ici, n’est-ce pas ? a demandé Erk très gentiment.
- Non. Les armes appellent la mort.
- C’est très vrai… Est-ce que je peux les voir, leur parler ?
- Oui, bien sûr, elles sont par ici…
- Erk, attends, a dit Baby Jane. Laisse-moi venir avec toi. Pas sûre qu’elles aient envie de voir un homme.
- Bien vu, Baby Jane. OK, je sortirai s’il le faut.
On a suivi le malik jusqu’à une maison comme toutes les autres, légèrement en retrait de la route de terre qui traversait le village.
Baby Jane est entrée la première, suivie du géant. Il y a eut un hurlement et Erk est ressorti, le visage sombre. Les mains de Kris se sont crispées sur son arme, mais il n’a rien dit, n’a pas bougé. Il tenait sa promesse. J’ai tapoté son épaule et me suis approché du Viking.
- J’imagine qu’elles ont eu peur ?
- Hmm. Je n’aime pas faire peur aux gens.
- Je sais. Kris l’a dit une fois ou deux. Bon, allons parler au malik, essayer d’obtenir l’histoire. Il est souverain dans son village, pourquoi laisse-t-il faire ?
Il s’est avéré que les deux filles étaient celles du malik et que, sous la menace des Kalash, il avait dû laisser les deux gamins leur faire leur affaire, pour « devenir des hommes ». En nous avouant ça, il se tordait les doigts.
- J’ai failli… Plus personne ne voudra d’elles…
- Malik, a dit Erk en attrapant ses mains et en les immobilisant, ça n’a aucune importance, leur virginité. Celui qui n’épouse une femme que parce qu’elle est vierge ne la mérite pas. Et ne mérite pas vos filles. La valeur de vos filles ne se limite pas à leur virginité. Elles en ont beaucoup plus que ça. Mais ça, j’aurai du mal à vous en convaincre.
Il lui tenait toujours les mains, lui massant les poignets, et l’homme se laissait faire.
- Malik, pourquoi n’êtes vous pas venus nous voir ?
Il a regardé ses mains, ses pieds, autour de lui.
- Les Fils de l’Enfer des Roumis… ils n’encourageaient pas ça. On devait leur donner ce qu’ils voulaient, et puis se débrouiller.
- Ça fait un an que ça a changé, ça. Les Fils de l’Enfer des Roumis n’existent plus. Certains de mes hommes vous ont aidé à nettoyer la fosse septique. D’autres sont passés, à moto, en voiture. Pourquoi n’être pas venu nous voir tout de suite ?
- Parce que ça ne changera rien, elles seront toujours…
- Nous avons un très bon médecin, une femme, qui aurait pu les examiner et les aider. Nous avons un psychologue, qui peut leur parler, les aider. Nous pouvons aller voir l’autre malik et lui faire comprendre que c’est inacceptable, lui dire que ça ne peut pas continuer et confisquer les armes. Nous sommes… la police, la justice. Nous écouterons les deux parties et nous passerons jugement.
- Ça ne changera rien pour elles.
- C’est vrai. On ne peut pas effacer ça de leur mémoire. On ne peut pas leur rendre cette chose qui a tant de valeur à vos yeux et aucune aux miens. Mais on peut faire en sorte que ça n’arrive à personne d’autre. Il faudrait nous dire par où sont partis les garçons, pour les rattraper.
- Et les tuer ?
- Nous ne tuons que si nous ne pouvons pas faire autrement. Ce n’est pas à nous de décider si quelqu’un doit mourir. Nous ferons en sorte que ça ne se reproduise plus.
Kris observait son frère, nous écoutions, tous, ce discours si gentil, si… modéré. Sacré Viking.
- Erk !
Baby Jane est sortie de la maison, son arme en bandoulière.
- Elles m’ont parlé. Je sais par où sont partis les gamins. Par contre, il y en a une qui ne va pas bien. Elle est pâle et fébrile. Tu peux regarder ?
- Elle me laissera faire, tu penses ?
- Je lui ai dit que tu étais Guérisseur. Sa mère est d’accord pour que tu l’examines et que tu vois ce que tu peux faire.
- Et vous, malik ? Je pense que si on ne fait rien, elle ne passera pas la semaine.
La femme du malik est sortie, a fixé son mari droit dans les yeux. Quand il a baissé le regard, elle a hoché la tête sèchement et a fait signe à Erk de venir. Il a donné ses flingues à Kris et a suivi la belle Anglaise dans la maison.
Il était fumasse quand il est ressorti vingt minutes plus tard. Fumasse et en sueur.
- Petit con ! il a grommelé. Kris, quand on va le trouver, celui-là, je vais lui dire deux mots.
- Juste deux mots, frangin ? a demandé Kris avec un sourire tordu.
- Oui, a répondu le géant avec une grimace féroce, je vais lui mettre mes poings sur ses I.
Il avait levé ses poings massifs, serrés à s’en blanchir les articulations. On a tous, sauf Bear qui ne le connaît pas assez, été surpris de cette sortie. Erk est plutôt calme, en dehors de ses crises de berserk.
Le malik s’est approché.
- Elle va bien, maintenant ?
- Elles vont aussi bien que possible, maintenant, malik. Mais il ne faut pas les stigmatiser à cause de ce qui s’est passé. Elles sont des victimes, pas des criminelles. Et elles auront besoin de votre aide pour se remettre de ça.
Le malik a regardé le sol puis a levé ses yeux bruns vers le géant.
- Soldat, quand vous aurez trouvé ces… ces types, vengez l’honneur de mes filles, s’il vous plaît.
- Non, a répondu le Viking. Il ne s’agit pas de vengeance. Il s’agit de justice.
- Mais l’honneur de mes filles…
- Malik, il… l’honneur de vos filles ne tient pas à l’intégrité d’un petit bout de chair. Pas plus que celui d’un homme ne tient à la façon dont sa queue se dresse.
Je ne sais pas qui a été le plus choqué de cette phrase, mais il y a eu un beau camaïeu de surprise sur les visages autour de nous.
- Je n’ai pas de réponse à vous donner pour vous dire où il se trouve, cet honneur qui vous préoccupe tant. Je sais où le mien se trouve, et c’est déjà beaucoup. Et mon honneur me dit de ne pas tuer sans nécessité et que la bêtise de ces garçons très jeunes ne mérite pas la mort. Nous allons partir à la recherche de ces garçons et les ramener à leur mère qui est folle d’inquiétude. Puis nous irons voir celui qui leur a dit qu’avec une arme ils pourraient devenir de vrais hommes.
Et il y avait tant de mépris dans la voix grave du géant, en disant ces quelques mots.
- Mais depuis le temps que les gamins ont quitté votre village, s’ils ne sont toujours pas rentrés chez eux, c’est qu’ils ont déjà croisé leur destin… Nous ne sommes, je pense, plus si pressés. Malik, pouvons-nous passer la nuit ici ? S’il y a des blessures, des bobos, je peux Soigner.
Une fois encore, le malik a regardé sa femme qui a hoché la tête. Puis elle est venue nous chercher et nous a ordonné, d’un coup de tête, de la suivre. Alors on a obéi.
Elle nous a emmenés dans la salle commune où, pour économiser du combustible, les femmes font la cuisine toutes ensemble. Selon les humeurs, chacun rentre chez soi pour manger ou pas.
Ce soir-là, nous étions l’attraction. Nous avons proposé certaines de nos rations, qui ont été améliorées avec ce qu’il y avait sur place. Pendant que ça mijotait tout doucement, Erk a Soigné les petits bobos et les coliques d’un nourrisson. Il a passé la soirée avec le bébé dans les bras, entouré par les enfants à qui il a raconté une histoire. Comme souvent, donc. Ça riait beaucoup, de son côté.
Baby Jane et Kitty nous ont raconté comment elles avaient réussi à attirer les filles du malik dans la grande salle avec nous. En français, la belle Anglaise a demandé à la petite Américaine de suivre, puis elle a dit qu’elle aimerait bien faire un brin de toilette. Baby Jane, sans faire d’effort, a toujours l’air sophistiqué. Elle a retiré son casque, défait sa queue de cheval et… la magie a opéré. Les quatre femmes se sont lavées, pomponnées. Utilisant le khôl des jeunes filles, elles se sont maquillées et parfumées puis elles nous ont toutes les quatre rejoints.
Erk les rassurant, elles sont allées s’asseoir à côté de lui. Après tout, Samia lui avait laissé son bébé d’un mois, et il les avait soignées.
Baby Jane s’est approchée d’Erk en battant des cils, il a souri.
- En voilà de beaux yeux, a-t-il dit en turkmène. C’est pour moi ?
- Non. C’est pour moi, a-t-elle répondu dans la même langue.
- Tu as bien raison, tu ne m’appartiens pas, ma belle. Est-ce que je pourrais avoir un baiser ?
- Si tu es sage, Erk.
Il a souri et s’est lancé dans une autre histoire. Je pense que le message qu’ils avaient voulu faire passer était que si une femme disait non, un homme devait accepter. Un autre message que j’ai vu, c’est que même le plus costaud d’entre nous, capable d’obtenir ce qu’il voulait par la force, respectait les décisions des autres.
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