XXII

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On a retrouvé la jeune pilote à table. Elle a rougi légèrement, mais elle paraissait beaucoup plus calme et sereine.

Kris a échangé un regard avec elle et est allé s’asseoir en face d’elle. On s’est dépêchés de s’installer autour d’eux, déplaçant l’assiette d’Erk au bout de la table.

Quand il est revenu avec les pichets d’eau et le pain et qu’il a vu son assiette au bout, il n’a rien dit, a posé l’eau et le pain et s’est assis à cette place, se mettant à manger en silence.

- Erik, tu as des nouvelles à nous donner, pour Kaczynski ? a demandé Kris.

Le géant a continué à manger comme s’il n’avait rien entendu. Kris a levé un sourcil. Sans être Lin, Erk a une très bonne ouïe. Puis un petit sourire a arqué les lèvres du petit frère.

- JD, puisque mon frère est frappé d’une crise de surdité qui l’empêche d’entendre à plus d’un mètre, et que tu es à côté de lui, pourrais-tu lui susurrer ma question au creux de l’oreille, s’il te plaît ?

- Susurrer ? JD l’a regardé d’un drôle d’air.

- Oui, tu sais… tu te penches à son oreille, tu prends une grande inspiration et tu montes à au moins 120 décibels.

- Ah, tu appelles ça susurrer, toi… OK.

On s’est bouché les oreilles, JD a suivi à la lettre les instructions de Kris. Bon, JD n’est pas un sergent instructeur et n’a pas le coffre nécessaire pour aller jusqu’au bout de la phrase sans perdre en force. Mais quand même…

Cook est sorti de sa cuisine et a engueulé JD vertement.

Erk s’est tout de suite levé.

- Cook, c’est de ma faute, j’ai voulu jouer au con.

- Alors tu feras KP, Erk !

- Sir, yes Sir!

Un cuistot qui donnait une punition à un lieutenant ! Y a qu’ici que ça passe bien.

- Erk, c’est quoi, KP ? a demandé Quenotte.

- Kitchen Police, en anglais, mais police dans le sens de policé, rangé, ordonné. Et pas les archers de la République. Ça veut dire la plonge, le rangement et le nettoyage de la cuisine.

- On t’aidera, Erk, a dit Quenotte. On est ta patrouille, alors, un pour tous et tous pour un !

- Merci les gars, c’est sympa, mais pas…

- Pas de sacrifice, un peu de vaisselle n’en vaut pas la peine.

- Et tu iras faire ta sieste plus vite, comme ça, a dit Kris l’air de rien.

- Et tu veux qu’on te borde, Erk? a demandé Baby Jane, en battant des cils et avec un sourire très entendu.

Erk a rougi tout en lui lançant un regard noir, ce qui nous a bien fait rire.

- On pourrait sortir le matelas et faire un tas dans la cour, ça serait chouette, a dit Quenotte.

- Non merci, j’ai besoin de dormir, pas de suer cinq litres de flotte parce que j’ai trop chaud. Et même si je vous adore, j’ai vraiment besoin de dormir. Sinon ma nounou personnelle va me remonter les bretelles tellement haut que je vais parler dans les aigus.

La nounou en question n’a rien dit, ses yeux bleu gris fixés sur son frère pendant qu’on rigolait. Les yeux bleu bourrache étaient aussi fixés dans les yeux bleu gris et je me suis demandé ce qu’ils se disaient. Les yeux du Viking se sont plissés légèrement, ceux de Kris ont glissé le bas et Erk s’est éclairci la voix.

- Bon. Kaczynski va s’en sortir, Elise. On ne peut pas le bouger avant un bon moment, mais on a réussi à tout recoudre, à tout remettre à sa place. La seule inquiétude, pour Doc, c’est la colonne vertébrale. Une des balles qui l’a traversé s’est arrêtée tout contre et Doc ne peut pas se prononcer sur ce qui va se passer. Ils sont épuisés, tous les trois, donc ils roupillent.

Il a bu un peu d’eau.

- Fara doit les réveiller après trois heures de sommeil et ils s’occuperont de Katja. Ils m’appelleront si besoin.

- Qu’est-ce que tu as à fait pour Kaczynski, d’ailleurs, Erik?

- J’ai contenu l’hémorragie, essentiellement, ce qui leur a permis de travailler plus vite. Et c’est ce que je ferai pour Katja si nécessaire.

- Erk, a demandé Elise, c’est grave, pour la colonne vertébrale ? Pourquoi Doc ne peut-elle pas se prononcer ?

Il l’a regardée, semblant peser le pour et le contre.

- Il est dans le coma, Elise. Même si on le stimule, il ne réagit pas. Mais personne n’a le temps de faire des tests tant que Katja n’est pas passée sur le billard. Et les médecins sont exténués. Je ne tiens que parce que j’ai pu dormir un peu, et dans la Land, et à l’infirmerie. Maintenant, je vais aller faire la vaisselle, avec votre aide, et ensuite, une sieste.

KP, ce n’est pas que faire la vaisselle. C’est aussi ranger la cuisine et la nettoyer. On a vite fait ça, et Ketchup ne nous a pas fait nettoyer sous les meubles comme lors de l’accident de la bolognaise.

Erk, surveillé par Kris, est allé se coucher, et je me suis dit que ce serait bien d’aller voir comment allait Vlad.

Je ne l’ai pas trouvé. J’ai cherché un peu partout. J’ai commencé à m’inquiéter puis je me suis dit que j’avais deux endroits que je n’avais pas explorés : la petite chambre qui servait actuellement de morgue pour Dragunov et Erikson, et les piaules.

Dans la petite chambre, j’ai trouvé Vlad endormi sur un des lits, mais pas les sacs mortuaires. J’imagine qu’ils étaient dans la chambre froide… Je ne sais pas ce que diraient les services de l’hygiène s’ils savaient… Mais comme ils sont à des milliers de kilomètres, on s’en tamponne le coquillard.

J’ai laissé le Polak roupiller, il en avait bien besoin. J’imagine qu’il n’a pas dû beaucoup dormir dans le village, s’ils étaient sous les tirs ennemis pendant trois jours.

Je suis allé chercher les tissus dans le bac de récup, j’ai pris son lit à Alpha, qui a râlé, mais comme je lui ai expliqué ce que j’allais faire, il n’a rien dit. Je me suis demandé s’il avait compris. Mais comme personne ne pouvait lui parler, pas même JD, j’ai fait comme si et je suis allé me mettre au soleil pour essayer de lui refaire son lit. Enfin, son matelas, il dort dans sa niche.

Il m’a suivi, me regardant poser mon matériel autour de moi. Son nez suivait son matelas chaque fois que je le déplaçais, ce qui me gênait un peu parfois. J’ai décidé de faire une enveloppe avec les plus grands bouts, puis de la remplir avec les chutes.

- Alpha, je lui ai demandé, tu aimes quand ton lit sent propre ou tu préfères une bonne odeur bien canine ?

Evidemment, il ne m’a pas répondu. Je me suis souvenu que le chien avait collé son nez dans l’entrejambe d’Erk, je me suis dit qu’il devait aimer les odeurs normales, pas les odeurs de savon…

- Bon, alors voilà ce qu’on va faire, on ne va pas laver ton lit, on va le mettre au soleil pour que les odeurs disparaissent un peu. Puis pendant ce temps, tu utiliseras le deuxième. D’ac ?

Il a jappé. Bon, il avait l’air content, alors tout allait bien.

Pendant que j’assemblais soigneusement les bouts les plus grands et que je bâtissais ça avant de coudre à la main à petits points très serrés, une ombre est venue s’asseoir à côté de moi.

- Bonjour l’Archer.

Le léger roulement des R m’a fait comprendre qui j’avais à côté de moi. Mischa. Mon rival. Quoi que m’ait dit Lin, moi, je l’aime, cette femme, et savoir qu’elle pourrait aller voir ailleurs, ça me fait mal. Mais, comme elle me l’a bien fait comprendre, je n’ai pas mon mot à dire. Et je la respecte trop pour m’opposer à ses décisions dans notre relation. Mais rien ne m’empêche de considérer Mischa comme mon rival.

Pour que ma jalousie ne me pousse pas à lui coller une beigne, je faisais de mon mieux pour ne pas me trouver seul avec lui. Et voilà que…

- Tu m’évites. J’essaie de t’approcher depuis un moment.

- J’étais en patrouille, j’air répondu sèchement.

- Mais quand tu étais ici, tu me fuyais aussi…

Je me suis tu, prétendant être concentré sur une tâche de couture toute simple. Pas dupe, le Ruskof a attendu. Moi aussi. Puis il a gagné. J’ai soupiré.

- Oui, je t’évitais.

- Pourquoi ?

- Parce que j’ai envie de te mettre mon poing dans la gueule, tovaritch.

- Pourquoi ?

- Parce que.

Il s’est tu, encore, attendant, encore. Fait chier ! J’allais passer pour le con de service. J’ai soupiré.

- T’es chiant, Mischa, tu sais ça ?

- Da. Mais il y a quelque chose que tu me reproches et ça me navre, parce que je voudrais qu’on s’entende bien, tous les deux.

- Et pourquoi devrait-on s’entendre ? Nous sommes une cinquantaine dans la Compagnie, j’en apprécie un certain nombre mais je tolère les autres…

- Eh bien, nous avons quelque chose en commun.

Je me suis assombri. Je savais de quoi, ou plutôt de qui, il parlait. Je me suis un peu énervé et je me suis planté l’aiguille dans le doigt en piquant un peu trop fort à travers les tissus.

- Ouais, ben sur ce sujet, je…

- L’Archer, je ne te demande pas de me laisser la place. Ce n’est pas à moi de décider qui Lin prend dans son lit. En ce moment, c’est toi, et j’en suis bien content.

- Hein ?

J’étais abasourdi, stupéfait de tant de générosité…

- Putain, c’est quoi cette manie chez vous d’être aussi généreux… Tu fais ton Erk, là, Mischa.

- Et ?

J’ai soufflé.

- Tu as raison en tous points, tovaritch. Mais ça… Merde, je suis jaloux de toi.

- Pourquoi ? Je suis amoureux de Lin, mais il ne s’est jamais rien passé entre nous.

Je ne le croyais pas vraiment. Ça a dû se voir sur ma tronche.

- Ecoute. Imagine-la, la seule femme, et la seule femme officier, au milieu de tous ces mecs. Les Légionnaires la connaissaient et s’étaient habitués à sa présence, mais nous… Nous on était des bleu-bites, en plus, pour la plupart. On avait été casernés trois mois sans voir une femme, pour ceux que ça intéressait. Et on se retrouvait en exercice, au milieu du trou du cul de la Sibérie, et la première femme était à au moins 500 bornes. Alors, forcément, quand on l’a vue pour la première fois…

Il a souri.

- Lin, ce n’était pas la femme vers laquelle on voulait revenir le soir, après le boulot. Lin, c’était une aventurière, une partenaire. Un fantasme. Et quand elle a fait valser Nabokov par-dessus la table, je suis persuadé que certains d’entre-nous ont eu des fantasmes de dominatrice en cuir noir. Ce que je peux te dire, c’est que, tous les soirs, elle alimentait mes… moments privés. Mais, pour moi, elle reste inatteignable. Si elle me demande de la rejoindre, je ne sais pas ce que je répondrai. Oui, pour te rendre malheureux mais lui obéir ? Non, pour ne pas te froisser mais la rendre triste, ou frustrée, ou autre ?

Je l’ai regardé.

- Erk et toi, vous faites vraiment la paire, putain. C’est pas possible d’être gentil à ce point-là !

- Il a été mon modèle, après le passage de la Légion. Et vu les conneries que l’armée russe m’a mis dans les pattes, ça m’a bien aidé.

- Ah, quoi, par exemple ?

- Eh, notre petite cérémonie de décoration dans la chambre d’Erik ne leur a pas plu, alors tant que la Légion était là, ils n’ont rien dit. Mais après, je me suis retrouvé aux arrêts. Surtout qu’on avait, avec le peloton, planqué les peaux des tigres, que des officiers voulaient se garder. Tu penses, des tigres de Sibérie… Une fourrure épaisse et blanche et noire. Et surtout, interdite de chasse.

- Tu veux dire qu’ils voulaient s’approprier le trophée du Viking ?

- Oui. Comme j’étais déjà aux arrêts, j’ai dit que c’était mon idée mais que je ne dirai pas où étaient les peaux, car elles revenaient à celui qui avait tué les bêtes. Evidemment, ils ont dit que celle de la femelle devait revenir au capitaine qui l’avait eu, mais ce mec a dit qu’il n’en voulait pas, et qu’il aimait autant qu’elle finisse avec l’autre, pour faire la paire.

- Sympa.

- Je crois que comme nous tous il avait été estomaqué par le courage d’Erik, qui s’était lancé vers les tigres armés d’un seul couteau…

Il a secoué la tête.

- J’ai toujours un peu de mal à y croire, et pourtant, j’y étais. Et j’en ai la cicatrice. Tu veux de l’aide ?

J’ai sursauté, surpris du coq à l’âne. Et je me suis souvenu que je travaillais.

- Oui, bien sûr. Prends les ciseaux, là, et coupe les tissus de ce tas, j’ai dit en lui montrant, en petits morceaux. C’est pour rembourrer le lit d’Alpha.

Qui a jappé en entendant son nom et posé son museau sur le genou du Russe qui a continué son histoire tout en jouant des ciseaux.

- On est rentrés à Moscou, j’ai eu Sasha… Alex, comme kiné. Le pauvre Kolya subissait brimade sur brimade. Et moi, je commençais à être auréolé de la gloire d’un autre. Alors j’en ai un peu joué. On m’avait bombardé Lieutenant, car seul un officier pouvait être aussi brave, un aussi bon fils de la mère Russie, etc. Même si je ne commandais qu’un bureau, j’avais droit à une ordonnance. J’ai demandé Kolya. Et c’est comme ça qu’il a rencontré Alex.

On a vu passer ledit Alex, suivi de Nounou et Doc. Encore un peu vaseux, ils se dirigeaient vers les douches. Je me suis demandé si je devais réveiller le géant, puis je me suis dit que ça ne me regardait pas du tout.

- Malgré son poste, il a souffert de brimades, de punitions injustifiées, que je devais faire sauter pour pouvoir bénéficier de mon ordonnance. Ma gloire a commencé à s’éroder un peu, je les faisais chier. J’ai tenu bon, je suis resté courtois.

Alpha lui a tendu un morceau de tissu, il l’a remercié et l’a découpé.

- Quelqu’un a eu la brillante idée de faire de notre aventure un film. On m’a interviewé, on m’a bombardé conseiller technique. Comme je prétendais avoir un peu de mal à marcher sans canne, j’ai encore réussi à traîner Kolya avec moi.

Il a secoué la tête, acceptant un nouveau morceau de tissu d’Alpha.

- Si tu savais, l’Archer, qui ils avaient choisi pour jouer mon rôle… Un Slave, un vrai, blond aux yeux bleus légèrement en amande, baraqué comme un buffet normand, comme tu dis. Mais sans la beauté d’Erik.

- Ah, toi aussi tu trouves qu’il est beau.

- Oui. Si les hommes m’attiraient, j’aurais cette conversation avec Kris.

- Ah. Tu as donc vu qu’il aimait Erik un peu plus que fraternellement.

- Mais l’inverse est vrai aussi.

- C’est ce que je me demande, tu sais, j’ai dit.

- Je peux te le garantir.

Je me suis redressé, surpris.

- Erk t’a fait des confidences ?

- Non. Il m’a montré une de ses sculptures. Attends. Oui, Alpha, donne-moi quelques minutes. Et garde ton bout de tissu au chaud.

Il a sorti son téléphone, m’a montré une photo. J’ai remarqué, avant de la regarder, qu’il avait un dossier spécial pour des photos de sculptures et modelages. Puis j’ai regardé la photo. Bouche bée.

- C’est Kris !

J’ai regardé Mischa.

- Oui. Son visage est inexpressif parce qu’Erik m’a dit qu’il n’arrivait pas à lui rendre hommage. Mais si tu regardes le reste, tu vois que la musculature est superbement définie. Et pourtant, on ne peut pas poser pour ça, pour cet envol. C’est le travail de quelqu’un qui a beaucoup regardé son modèle. Et pas uniquement avec des yeux d’artiste. Ce sont les yeux de quelqu’un qui aime son modèle.

- Il est vraiment doué… J’avais déjà vu ses sculptures, mais ça…

- Il t’en a montré ?

- Oui et non. Il a fait une crèche, comme dans la Légion, et chaque santon, à part la Nativité, représente un membre de la Compagnie.

J’ai dû expliquer ce qu’était une crèche.

- Donc, tu vois, j’avais déjà vu ses œuvres, mais celle-là dépasse de loin tout ce que j’ai vu… Il avait, quoi, dix-neuf ans quand il te l’a montré ?

- Oui.

- Bon sang, il est vraiment doué de ses mains, celui-là. Et oui, tu as raison, c’est l’amour qui a façonné ce danseur. Et… tu as déjà vu les frères danser ?

- Non. Trop féminin pour la Russie, le ballet. Même si le ballet classique est une tradition chez nous…

- La danse classique, nous non plus on n’a pas vu. Mais on a eu droit à deux tangos… Aie aie aie, si tu avais vu ça… D’un érotisme… Surtout le deuxième.

- Mais, dis-moi, tu es sûr que tu ne joues pas pour l’équipe d’en face ?

- Moi ? Non. Pourquoi cette question ?

- Tu as reconnu Kris au premier coup d’œil.

- Ah… ouais…

J’ai rougi. Il passait de rival à confident. Et oui, parce que je me suis confié.

- Non, je suis hétéro, vraiment pas attirés par les mecs. Mais ces deux-là me fascinent. Ils sont Islandais. C’est rare hors d’Islande. Ce sont des anciens de la Légion étrangère, avec toute la mystique qui va avec. Et ils sont extrêmement beaux tous les deux.

- Erik, je veux bien. Même moi je le trouve très, très beau. Mais Kris ?

- Tu l’as bien regardé ? Son visage est symétrique, ce qui est rare et son corps est magnifique. Bon, à côté, d’Erk, il a presque l’air fade. Mais quand même ?

- Donc tu l’as déjà vu nu ?

- Mischa, ne me dis pas que tu prends tes douches les yeux fermés ?

- Non.

- Ben alors ? Ce sont des douches militaires, communes. On n’a même pas de mur pour nous séparer, puisqu’on est face à face.

- Je ne regarde pas.

- Ben tu devrais. Parce que, pour moi qui aime la beauté, il y a vraiment de quoi se régaler.

- J’ai peur de… de réagir.

- On l’a tous fait au moins une fois, même le Viking. On ne le mentionne pas et puis c’est tout. Mais pour en revenir à Kris, il est bâti comme un nageur. Par rapport à la statuette, il a pris des épaules et des pectoraux, mais si tu regardes sa taille, ses abdos sont toujours les mêmes. Et surtout, ce V qui descend de ses hanches vers… son pubis.

- Mouais, si tu veux.

- En tout cas, tu devrais continuer à jouer des ciseaux, Alpha s’impatiente.

On a repris nos travaux de couture en silence, surveillés par Alpha.

- Dis-moi, tovaritch, je te croyais caporal. Mais tu me dis qu’on t’a bombardé Lieutenant.

- Da. C’est pour ça que j’ai dit bombardé. Mon vrai grade, c’est caporal. Malgré les deux étoiles sur mes galons… Je ne les ai pas méritées, on me les a données pour une chose qu’un autre avait fait, parce qu’il n’était pas russe. D’ailleurs, quand j’ai démissionné, on m’a bien rappelé que je n’étais que caporal. Une marche au-dessus de la chair à canon. Et je suis fier de ce grade de caporal, parce que je l’ai mérité.

- Tu as démissionné ? Oui, tu l’avais dit à ton arrivée.

- Oui. Kolya, c’est comme un frère pour moi. Euh, mais pas dans le même sens que Kris et Erk, finalement.

- Ouais, sont chiants, ces deux-là, à nous obliger à revoir cette expression.

Il a souri. Et il m’a expliqué qu’il n’en pouvait plus de voir Kolya se faire punir indéfiniment.

- Heureusement qu’Alex avait une bonne clientèle. Et que Maman avait sa retraite de militaire. Ses galons de lieutenant, elle les avait mérités, elle. Mais ça devenait difficile. Je faisais des petits boulots, Kolya aussi. Mais pour faire des économies, on vivait chez ma mère. C’était parfois très dur. Surtout pour les amoureux.

Alpha lui a tendu un autre morceau de tissu, poussant sa main du bout du nez pour qu’il accepte.

- Merci tovaritch Alpha. Je ne sais plus comment on a su où était Lin, mais on a décidé qu’on devait la rejoindre, être soldat de nouveau, faire notre métier.

- Mischa, j’ai du mal à croire ça.

Il a rougi.

- Je… J’ai fait une fixation sur elle. J’ai mis une alerte pour être prévenu chaque fois que son nom apparaissait. Mais en fait, c’est quand on a vu la petite annonce dans les bureaux tous neufs de l’OTAN qu’on a postulé. Puis j’ai croisé les infos que j’avais et j’étais presque sûr que c’était sa compagnie. Mais sans vraiment être certain, tu vois. Et la voir, elle, et voir les frangins, ce fut un pur bonheur.

Il a souri, un peu rêveur. Alpha a poussé sa main.

- J’ai fini, Alpha, j’ai fini. Regarde, l’Archer a retourné l’enveloppe, il n’y a plus qu’à remplir, maintenant.

On a fini son deuxième lit et dès qu’il a été installé dans la niche, le chien est allé le tester. Il travaille de nuit, lui, avec les sentinelles.

- Merci Mischa pour cette conversation intéressante.

- Dors bien, l’Archer.

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