XXVII
Je pense qu’aucun de nous n’a vraiment goûté le déjeuner que Cook avait préparé pour nous changer les idées. Et pourtant, je suis sûr qu’il en valait la peine.
J’ai vu Lin glisser quelque chose discrètement dans la tisane de Kris et je n’ai rien dit quand j’ai vu le petit frère piquer du nez.
Je l’ai pris dans mes bras et je suis allé le coucher. Lin m’a suivi et a demandé à Baby Jane si elle pouvait rester avec Kris.
- Histoire de le surveiller ?
- Oui, Baby Jane, et de lui faire boire ce que j’ai mis dans sa tisane pour qu’il se rendorme.
- C’était quoi, d’ailleurs ? j’ai demandé.
- Un mélange de plantes. Je vais en faire des comprimés pour que vous en ayez toujours dans votre pharmacie.
- Quel mélange ?
Oui, je suis curieux. Elle m’a regardé pendant que je retirai à Kris ses bottes, son pantalon, ses chaussettes et le poussait sous les couvertures.
- Valériane, aubépine, passiflore et un tout petit peu d’opium. Baby Jane, voici le flacon du mélange. Mets-lui une goutte dans un verre d’eau et fais-le boire. L’opium risque de le déshydrater un peu.
- Il n’y a pas de risque, avec l’opium et ses allergies ?
- Il est moins allergique qu’Erik, puisque celui-ci l’a toujours Soigné. Mais cet opium est naturel. Le seul risque pourrait être l’addiction, mais pas avec cette quantité.
- Et tu vas le droguer tous les j... toutes les nuits ?
- S’il le faut, oui. Je ne peux pas risquer de le voir exploser. Et puis, quand le tireur va arriver ici, je veux Kris ensuqué. Car… vous verrez, elle a ajouté avec un sourire presque sadique.
- Oh… Lin…
- En temps et en heure, Tugdual.
Deux heures plus tard, alors que la nuit commençait à tomber, Frisé est arrivé, un peu furax d’être à la bourre mais ravi de se débarrasser de son prisonnier. Lin les a envoyés se doucher et bouffer, et le Gros, elle et moi avons contemplé le type qui avait grièvement blessé Tito, forcé Erk à passer sous le radar et à disparaître, et fracturé notre patrouille. Il avait l’air amoché, alors le Gros est parti chercher Doc.
Avant de regarder l’ennemi, Doc a demandé des nouvelles à Lin.
- Kris dort dans sa chambre, Baby Jane le surveille. Erik et Tito… Aux dernières nouvelles, Tito était blessé et pas Erik et celui-ci… On ne sait pas. Mais comme il serait capable de cacher une blessure grave pour ne pas inquiéter Kris… Bon, d’après les comms, et l’enquête de Mac, il courait vers l’est, portant Tito. Donc on peut supposer qu’il va plutôt bien. Peux-tu regarder l’enf… Le fils de… le sale type qui est à l’origine de tout ça ?
- Je peux. Mais je voudrais savoir pourquoi ?
Lin a pincé l’arête de son nez et a inspiré un grand coup par celui-ci.
- Dans un monde où je n’aurais aucun scrupule, dans un monde où la vie d’Erik serait en jeu et où l’information qu’il détient permettrait de le sauver, je le pendrais par les couilles ou par ses tripes pour l’attendrir un peu, puis je l’interrogerais. Dans ce monde-ci, où je serais incapable d’affronter le regard d’Erik si je faisais ça, je voudrais le pendre par les poignets dans la petite chambre et le laisser mariner toute la nuit avant de le présenter à Kris.
- Je vois. Qui l’a frappé, pour que tu aies besoin de mon expertise ?
- Personne. Ce con s’est pris les pieds dans son trépied et s’est cassé la gueule, d’après Mac. Je la crois.
- Oui. Elle est digne de confiance. OK, je regarde ça et je te dis ce que tu peux faire sans le tuer.
Elle s’est tourné vers le type qui était conscient, bâillonné, et nous regardait.
- Enfin, pas ce soir, et elle avait un petit sourire cruel en disant ça.
Deux des femmes de la Compagnie se comportaient bizarrement, et pour Erik et Tito.
Doc est montée sur le plateau de la Land, et comme le mec s’éloignait de lui, elle a chopé son col et a tiré d’un coup sec.
- Ducon, malgré ce que je dis, je suis médecin, et j’ai prononcé le serment d’Hippoc…
Elle s’est arrêtée. Je me suis souvenu de la blague récurrente d’Erk sur le serment d’hypocrite. Je me suis dit qu’elle y avait pensé aussi.
- D’Hippocrate. Mais une fois que j’aurai le dos tourné, ne t’attends pas à ce que j’intervienne. L’homme sur lequel tu as tiré est un frère d’armes, tout comme le géant. Et je n’aime pas du tout qu’on leur fasse du mal. Mais…Hippocrate.
Elle a retiré le bâillon, a examiné le sale type et est redescendue rapidement de la Land.
- Tu peux y aller, Lin. Il a un bon gros mal de tête, mais c’est tout. Le reste, ce sont des égratignures.
Le type n’avait pas l’air d’accord, mais Lin a décidé qu’elle n’était pas un expert en santé et que donc elle suivrait l’avis dudit expert. Elle a choppé les menottes qui liaient les poignets du type, l’a fait tomber du plateau de la Land, et l’a poussé vers la petite pièce.
Le Gros et moi avons entassé les lits l’un sur l’autre, pour faire de la place. Lin nous regardait faire en tenant le gars par l’oreille. Et comme elle est costaude, il ne mouftait pas.
La suspension électrique est attachée au plafond par un gros crochet bien costaud. Pourquoi ? Parce que cette petite salle a toujours servi de prison, même avant l’arrivée des Islandais. Il y a même un drain quelque part. Ça fait flipper quand on ne sait pas ce qui est passé par là (juste de l’eau, hein ? Pas d’affolement).
Contrairement aux autres pièces dont les murs sont chaulés pour être le plus clair possible, ceux de celle-ci sont foncés, et pas tout à fait unis. Les couples qui l’utilisent sont généralement trop concentrés l’un sur l’autre pour que l’atmosphère générale de la petite chambre les gêne vraiment.
Quand l’ampoule nue qui pendouillait du plafond a été retirée, il faisait assez sombre dans la piaule. Il y avait une autre douille, près de la porte, et c’est là que le Gros a vissé l’ampoule, nous éclairant de nouveau.
On a suspendu le type au crochet, avec juste assez de mou pour qu’il soit sur la pointe des pieds. En demi-pointe, comme une danseuse débutante.
On est partis. Puis :
- Oh, pardon, je manque à tous mes devoirs. Gros, la bouteille d’eau ?
De sa poche de cuisse, le lieutenant a sorti une gourde métallique d’un litre et Lin l’a fait boire au mec.
- Je me suis dit que tu devais avoir soif.
- Merc…
- Ne me remercie pas. Tu resteras accroché jusqu’à ce que j’en décide autrement.
- Mais, pour… me soulager ?
- Te soulager ? Mais que tu parles bien, machin. Eh bien, tu te retiens, ou tu te pisses dessus. Rien à foutre. L’odeur ne me dérangera pas.
- Lin, j’ai dit, on devrait le rebâillonner, sinon il va nous empêcher de dormir.
- Bien vu. Mais avec quoi ?
- Ses chaussettes ?
- Beurk, je ne touche pas à ça, moi, a-t-elle dit. Mais c’était du cinéma, ça servait à faire flipper le sale type.
- Je vais le faire, a dit le Gros en agitant sa prothèse.
- Ah oui, comme ça, pas de risque de contamination.
Le Gros a attrapé un pied du type, qui a essayé de le frapper avec, alors il lui a collé une baffe entre les jambes. Pas un coup de poing, une gifle avec la main en coupe. Ça a claqué, le déplacement d’air a dû lui secouer les valseuses et le type a cessé de se débattre, verdissant un peu. Le Gros en a profité pour vite lui enlever ses pompes et ses chaussettes, lui en a fourré une dans la bouche et a noué l’autre autour de sa tête pour l’empêcher de cracher le bâillon.
- Vomis pas, ducon, ce serait pas terrible pour toi.
Et on est partis pour de vrai, cette fois-ci.
* * * *
Ce qui a réveillé Tito, ce n’est pas Erik. Enfin, pas directement. Tito avait trop chaud, et les soins d’Erik, tant “magiques” que normaux, lui avaient rendu un peu de son énergie. Il savait qu’il fallait qu’il boive beaucoup pour rendre à son corps les fluides perdus lors de la blessure.
Il avait eu tellement mal, et avait été tellement surpris par le choc physique, puis la douleur, qu’il avait été surpris de se réveiller, et dans les bras du géant, cet homme beau comme un dieu et si gentil et si doux. Et il avait réalisé que la distance qu’il avait mise entre eux deux, et pour une “babiole”, comme disait Alex, avait failli détruire la relation un peu plus qu’amicale qu’il avait avec lui.
Oui, le rejet d’Erik l’avait blessé et oui, sur le coup, Tito avait compris pourquoi. Puis, comme dans toute période de deuil, il y avait eu de la colère, du déni et tout ça. Mais il aurait dû renouer après son premier baiser avec Bjorn. Têtu, il était resté retranché dans son attitude distante qui, il l’avait deviné, avait blessé le géant.
Peut-être que, maintenant que tout était clair dans sa tête à lui, il allait pouvoir aider Erik à clarifier ses pensées sur ce qu’il éprouvait pour Kris. Car il fallait vraiment avoir la tête dans le cul pour ne pas voir qu’Erik aimait Kris autant que Kris aimait Erik. Ou s’appeler Kris et être obnubilé par son amour sans retour pour Erik.
Et ce soir-là, dans cette petite grotte perdue d’Afghanistan, après avoir fait cet examen de conscience, Tito a réalisé que ce qui l’avait réveillé, c’étaient les frissons phénoménaux d’Erik.
Tito s’est dépêtré de la couverture, touchant le front du géant. Brûlant. Bon… Il s’est levé, les jambes flageolantes, et il a trouvé, dans le sac du géant, un tee-shirt froissé mais relativement propre. Et puis, à cheval donné… Il l’a mouillé avec l’eau de la gourde et a failli s’effondrer en se penchant sur lui. Il s’est rattrapé sur l’épaule droite, heureusement.
Erik s’est réveillé en sursaut, mais sans chercher à saisir son arme. A droite, pas de danger. A gauche, aux armes !
- Tito ? Qu’est-ce que tu fais debout ?
- Tu es fébrile, Erk, alors j’ai voulu t’aider. Avec ça.
Il a montré le tee-shirt.
- Merci Tito. Je veux bien que tu t’en serves, ça m’aidera peut-être.
Tito a doucement essuyé le visage trempé de sueur d’Erik, puis a plié le tissu pour le poser sur son front. Il s’est laissé tomber sur les genoux du Viking, le souffle court. Celui-ci l’a aidé à s’installer confortablement, refermant ses bras protecteurs sur lui.
- Tu sais, Erk, j’ai de l’ibuprofène dans ma pharmacie.
- Ça me fait vomir.
- Oui, mais c’est tout. Ça agit quand même, non ?
- Je ne me souviens pas à 100%, mais je crois que oui.
- C’est peut-être la dose d’un comprimé qui est trop forte pour toi. J’ai une idée, je vais en écraser un et le diluer dans ta gourde. Et tu vas boire ça gorgée par gorgée, très régulièrement.
- Au pire, je vomirai, au mieux ça ira mieux.
- Je n’en attendais pas moins de toi !
Tito, aidé par le géant, et à eux deux, ils manquaient un peu de force, écrasa le comprimé dans le capuchon de la gourde puis versa la poudre dedans et secoua le tout une fois refermé.
- Allez, cul sec ! Enfin, pas tout à fait mais…
- J’ai compris, Tito. Merci.
Erik a bu une gorgée. Puis un haut-le-cœur l’a soulevé.
- Erk, c’est un réflexe, ce truc. Concentre-toi.
Le géant a fermé les yeux, a dégluti, et la nausée est passée.
- On dirait que ça marche, ton idée. Et tant mieux, parce que je pense qu’il faut qu’on bouge cette nuit.
- Tu devrais te reposer, Viking.
- Je ne peux pas, Tito. On doit rentrer à la base au plus vite. Je ne veux pas allumer le satlink de mon casque, pour ne pas nous faire repérer, donc je ne peux pas être sûr et certain, mais je pense qu’on est sur le territoire du Vioque.
- Aïe. Ouais, je comprends. Si on reste immobiles, ils nous trouveront, que ce soit le Vioque ou les autres crétins. Bon, essaye de boire un max d’ibuprofène et préparons-nous. Tu vas me porter, encore ?
- Il le faut bien. Ça fait à peine deux nuits. Et puis, Tito, ce n’est pas un problème, ni une corvée. Ça ne me dérange pas.
- Ne t’excuse pas, Erk. Je t’avouerais que…
Tito a rougi et le géant a gentiment gloussé.
- J’ai aussi un aveu à te faire, mais il ne me poussera pas à rougir. Au bord de la rivière, quand je t’ai tenu dans mes bras, pour te réchauffer, pour te réconforter, j’ai eu l’impression de tenir un enfant dans mes bras. C’est sans doute pour ça que j’ai chanté Sofðu, litli fiskur, une berceuse islandaise que nous chantait Dýri quand on était un peu chamboulés. Pendant un instant, j’ai oublié ce qui nous entourait. Te savoir de nouveau à l’abri, dans le porte-bébé, ça me permettra peut-être de ne pas craquer.
- Merci de cet aveu. Pourquoi voudrais-tu craquer ? Et bois une gorgée avant.
- Parce que même si je ne sais pas exactement où nous sommes, j’en ai une vague idée. Et entre nous et la base, il y a beaucoup de terrain accidenté, beaucoup d’oueds et beaucoup trop de gorges dans lesquelles on peut se faire piéger trop facilement.
- Donc tu ne sais pas combien de temps il va nous falloir pour rentrer.
- C’est ça. Et vu les énergumènes qu’on a en face, je pense que le moins dangereux est de rester chez le Vioque. Il ne veut ni nos couilles ni nos vies. Tout ce qu’il fera, c’est nous utiliser comme monnaie d’échange avec Lin. Mais les autres… On arrivera intacts devant leur chef, mais après… Je me demande qui ça peut être. On verra plus tard. En attendant, saute dans la poche, petit joey.
- Très drôle, Viking. Ceci dit, j’ai une idée à te soumettre. Alors je vais chuchoter et tu me diras quand me taire.
- Très bien.
Une fois le géant debout, Tito s’est gratté la gorge et a commencé à parler pendant qu’Erk sortait de leur cachette et prenait la direction du nord.
- La façon dont on s’est fait piéger me dit que l’organisateur savait qu’on passerait par là. Donc quelqu’un nous observe et nous suit. Quelqu’un de discret. Mais pas les Turbans, on ne les intéresse plus vraiment. Si tant est qu’on les aie un jour intéressés. Bref. C’est aussi quelqu’un qui, selon ce que tu m’as dit, savait qu’on avait des comms en deux parties, oreillettes et ceinture. Je suis prêt à parier qu’ils savent pour les puces des armes, mais qu’ils n’ont pas les moyens de les trouver par satellite, mais seulement avec un scanner à main ou moyenne portée.
- Tu penses aux projos RFID ?
- Si je savais ce que c’est, peut-être.
- Ça ressemble à un gros projecteur nocturne, comme ceux que tu vois dans les vieux films en noir et blanc, quand ils suivent l’avion de nuit pour lui tirer dessus à la DCA. Mais ça envoie un signal radio, pas de la lumière, et la puce RFID répond. Et y a pas moyen de l’empêcher. C’est plus gros que les scanners à main habituels, donc c’est quasiment toujours posé sur un véhicule à quatre roues, vu le poids de la batterie, et ça a une portée d’environ 5 kilomètres. Par contre, comme toutes les ondes radios, c’est porté par le vent et ça peut rebondir sur le relief.
- Donc si on se tient à l’écart des routes carrossables, on peut espérer leur échapper. Bon, tout ça, ça me fait penser à une personne qui pourrait savoir comment on fonctionne.
- Tu penses à une taupe ?
- Non, à quelqu’un qui est parti depuis votre arrivée.
- Je ne vois pas.
- Enfin, Erk, une femme qui veut tes couilles et qui sait comment on fonctionne.
- Ben, je ne vois toujours pas. Je n’ai violé personne, alors je ne vois pas du tout.
- Bon. C’est Higgins.
- Mais… Je ne l’ai pas touchée ! Et puis, elle est partie avec Sanch… Oh merde ! Tu te souviens du corps de motard sans moto que les R&R ont trouvé ?
- Oui. Tu penses que c’était Sanchez ?
- Quasi sûr, maintenant. Higgins a dû l'assommer avec une pierre lors d’une pause pipi, lui a piqué ses ray bans, sa moto et son blouson, puis elle est allée chercher un des FFS qui traînent dans le coin. Soit elle a pris leur tête, soit elle leur a monté le bourrichon avec cette histoire de viol pour qu’ils la suivent. Dans tous les cas, elle veut mes bijoux de famille. Et j’y tiens.
- Et tu as oublié que c’est leur chef qui les veut et qui t’accuse, donc elle a pris leur tête.
- Et merde… Des mecs dont on ne connaît pas les valeurs et qui vont avoir presque le même entraînement que nous… Il va falloir les ajouter à la liste noire. Dès qu’on sera rentrés.
- Oui, dès qu’on sera rentrés. Et le plus vite sera le mieux.
- Tu as hâte de retrouver ton ours ?
- Tout comme tu as hâte de retrouver ton frère.
- Mais… ce n’est pas pour la même…
- Vraiment ? a dit Tito d’un air entendu.
Et Erik a rougi.
- Ah ! Je le savais. On en discutera quand tu seras prêt.
Erik a grommelé dans sa barbe et Tito a ricané.
- Tu veux y aller tout seul ?
- Comme si tu pouvais me laisser me traîner derrière toi, gentil géant.
- Je… Pfff, tu as raison. Tu me connais trop bien.
- Pas assez, pas autant que Lin et Kris, mais je pense avoir cerné une partie de toi, oui. Mais pas tes yeux… Tu as l’air fatigué.
- Pas que l’air, hélas. J’ai dormi, mais mal, à cause de la douleur, et pas assez. J’espère que ça ira mieux tout à l’heure, avec ton idée de diluer l’ibuprofène.
Ils ont continué en silence, Tito se rendormant dans le porte-bébé et Erik progressant lentement. Il se dirigeait à la boussole et à la lumière des étoiles. Sa boussole était heureusement bioluminescente, comme son tatouage. La lumière des étoiles, tant qu’il ne courait pas, lui suffisait pour éviter les obstacles. Et une fois qu’il eut repéré l’étoile polaire, il a rangé sa boussole, qui avait tendance à l’éblouir et il devait à chaque fois attendre que ses yeux se réhabituent à l’absence de lumière.
Au bout d’une à deux heures de marche précautionneuse dans le noir, il a dû se rendre à l’évidence : il s’enfonçait encore plus dans le territoire du Vioque. Ce qui était mieux que celui de Durrani, mais de très peu. Durrani était cintré, fou, cinglé, et le Vioque valait à peine mieux. La différence majeure, c’était que le vieil homme craignait Lin.
Impossible pour l’instant de remonter vers le nord. Il longeait le massif qui hébergeait la petite grotte mais à part grimper, il ne voyait pas comment remonter vers le nord. Et avec sa blessure au flanc, encore toute fraîche, marcher sur un terrain en pente en portant les 60 kilos de Tito était pour l’instant impossible.
Il a continué à marcher, buvant son ibuprofène et surveillant sa montre. Vers une heure du matin, Tito s’est un peu agité et Erik s’est arrêté.
Réveillé, l’Albanais s’est révélé frustré et frustrant car il ne tenait pas debout et était de mauvaise humeur. Erik n’a rien dit, s’est contenté de l’aider à pisser, de le nourrir et de laisser sa mauvaise humeur couler sur lui comme l’eau sur un canard.
- Mais comment peux-tu rester aussi calme, Erk, putain ?
Le géant s’est contenté de sourire.
Ils sont repartis ensuite, Tito grommelant dans la barbe qui commençait à pousser et Erik cachant un petit sourire sous sa moustache.
L’aube les trouva de nouveau dans une grotte, mangeant des rations froides et s’installant, Tito dans les bras d’Erik, pour dormir.
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