XXXIII
Quand tout fut prêt, et qu’il fut l’heure de réveiller les dormeurs, Lin a envoyé quelqu’un chercher un casque et un pare-balles. Ah ouais…
- Kris, elle a dit pendant que je vérifiais son harnachement, tiens-toi prêt à relever son bras.
- Et pas Tito ?
- Bizarrement, je ne le sens pas aussi sur le qui-vive qu’Erik.
- Qu’est-ce qui te fait dire ça, Lin ?
- La tension dans les épaules de ton frère est absente de celles de Tito. Et, je vais te dire, s’il était blessé comme Erik nous l’a dit et le connaissant, il a fait son possible pour le protéger, Tito a dû, à cause de ses blessures, compter sur lui pour le protéger. Et puis, il y a cette façon adorable qu’ils ont de dormir.
- Je vois. Que vas-tu utiliser pour le réveiller ?
- Ça.
Et elle a montré un gant de cuisine molletonné, celui que Cook utilisait pour sortir les plats du four. Je l’ai regardée un moment.
- Quoi, l’Archer ? Tu n’apprécies pas mon humour ?
- Si, si, ça donne toute sa saveur à l’expression « jeter le gant ».
- Merci, elle a répondu avec un peu d’ironie. Bon. Prêts ?
On s’est planqués, allongés au sol ou sur les côtés, loin de Lin, et on a hoché la tête. Kris, à genou sur le banc à côté du Viking, a fait de même. Et Lin a jeté le gant de cuisine sur le géant, celui-ci le touchant à la jambe et rebondissant vers Kris.
La main du Viking a dégainé le Behemoth de Tito de son nouveau holster et l’a pointé sur Lin sans se tromper, alors qu’il avait toujours les yeux fermés. Flippant !
Kris a saisi le poignet d’Erk et lui a forcé la main vers le haut tout en murmurant en islandais et Erk s’est laissé faire, ouvrant les yeux.
- Kris ?
Sa voix était rauque de fatigue.
- Oui, c’est moi, mon grand. C’est l’heure du dîner, et Cook s’est surpassé, pour fêter votre retour et notre anniversaire.
- Et Noël.
- Bien sûr, mon grand. Surtout Noël, après tout.
Erk lui a souri et a posé Tito au sol. Ils sont allés s’asseoir à une table, côte à côte, presque inconsciemment, laissant chacun, à gauche pour Tito, à droite pour Erk, la place de leur amour. Vite remplie, bien sûr, par Bear et Kris. En passant derrière ce dernier, je l’ai entendu chuchoter à son frère : « Il va falloir qu’on parle sérieusement, mon grand » et le géant a hoché la tête. J’ai eu envie d’être une petite souris pour me cacher sous le lit du Viking et entendre cette conversation. Mais je me devais de rester discret, car rien de tout cela ne me concernait. Même si je dois avouer qu’entendre Erk et Kris négocier certains aspects de leur future relation pouvait être amusant. Mais non, pas de rigolade au détriment de mes camarades. Et encore moins de mes officiers.
Je me suis assis à côté de Kris, Baby Jane en face d’Erk, Kitty de Kris, Quenotte et JD en face de Tito et Bear et moi j’avais ma chère capitaine en face de moi. Cette fois-ci, on avait décidé qu’on se mettrait en une longue table, en U, et que certains d’entre nous feraient le service. Je m’étais dévoué, avec Dio, Rocky, cet idiot de Bic, et d’autres. Les cuistots avaient tout préparé et avaient reçu l’ordre de rester assis. Ils étaient assis à la gauche de Lin et j’avais Moutarde à côté de moi.
Avant qu’on commence, on a servi du champagne, du vrai, et Lin s’est levée, face à la grande table, sa coupe à la main.
- Je n’ai pas grand chose à dire, si ce n’est que je remercie le ciel et tous ses locataires pour le retour de nos deux brebis égarées, Tito et Erik, rentrés sains et saufs, cradingues, affamés, épuisés mais bien vivants.
Mes camarades ont rigolé, Tito et Erk aussi. Lin a levé sa main libre, a obtenu un silence immédiat.
- L’année qui vient de s’écouler, malgré les frayeurs, les attaques, les morts, était, je pense, une année plutôt calme.
Il y a eu quelques rires contraints, discrets, des réactions diversement incrédules.
- Je sais. Je suis fière du chemin parcouru par chacun de vous depuis notre arrivée ici durant cette même année. Je vais vous demander plus d’efforts encore, car nous avons secoué la ruche Durrani, mais je pense que ce sont des frelons très énervés qui vont émerger.
Elle a regardé sa coupe un moment, puis l’a levée. On s’est levés nous aussi, on a aussi imité Lin.
- Je lève mon verre à un futur qui nous verra remporter nos batailles, qui vous verra remporter vos batailles. A nous!
On a enchéri, on a tous pris une gorgée de champagne et on s’est assis pour profiter du festin, mettant ces vœux en demi-teintes de côté pour profiter de la bonne bouffe de notre cher cuistot.
Cook avait fait son délicieux foie gras maison, servi avec un chutney oignons confits-figues… Un vrai régal, avec le pain brioché légèrement sucré de Moutarde…
Ensuite, j’ai apporté à table, avec les autres, des tranches de gigot de sept heures, confit à point, servi avec de la semoule parfumée aux quatre-épices et au cumin moulu… J’ai réservé une souris entière pour Erk, car je savais qu’il adorait ce morceau de roi. J’ai eu droit à un de ses merveilleux sourires.
Un plateau de fromages locaux, brebis affinés de diverses manières, que les villageois avaient créés en suivant les conseils de Ketchup. Certains étaient de franc succès, d’autres moins et l’un resta sur le coin des assiettes. Sauf que ce couillon de Bic a découvert qu’il adorait ce truc aux pois chiches, alors on lui a passé nos assiettes. Une vraie poubelle ambulante, ce type.
Pour le dessert, Cook et Ketchup nous avaient fait une glace style plombières, ou tutti frutti, mais sans alcool : crème fraîche, fruits confits, fruits secs et beaucoup d’amour. Délicieuse.
Encore un peu de champagne puis on s’est levé pour débarrasser et ranger les tables. Il n’y aurait pas de spectacle, cette année, les trois semaines de disparition d’Erk et Tito n’avaient incité personne à s’amuser ou à préparer quelque chose. Pas de cadeaux spécifiques cette année, juste un petit paquet sorti de la poche de Kris et déposé dans la main d’Erk.
- Ça fait un moment que je l’ai, je ne savais pas trop à quelle occasion te l’offrir, bróðir. Mais avec ce que tu m’as dit tout à l’heure, ça… ça me paraît bien.
- Mais je n’ai rien pour toi, Kris…
- Rien ? Comment appelles-tu ces trois petits mots que j’attends depuis si longtemps ?
Le sourire de Kris était tout doux et le Viking a rougi. Pour se donner une contenance, il a ouvert son cadeau et a sorti un bracelet, une manchette en argent, très fine sur son poignet, à peine en relief, et large d’un centimètre, gravée d’entrelacs vikings, une tête de dragon à chaque bout. Erk a encore plus rougi mais il a passé la manchette à son poignet gauche, en caressant les gravures du pouce.
- Merci Kris, il est très beau.
Kris s’est penché sur lui et j’ai détourné le regard. Mais pas longtemps. Je n’y arrive pas, ils sont beaucoup trop fascinants, ces deux-là. Kris s’était assis à côté d’Erk et avait passé un bras autour de sa taille et le géant avait passé un bras autour des épaules de son frangin. Il avait les paupières à mi-drisse et je me suis dit qu’il n’allait pas tarder à s’endormir.
Ça n’a pas tardé, en effet. Dans les cinq minutes qui ont suivi, il roupillait, la tête contre le mur. Kris n’avait rien remarqué, il regardait Tito et Bear qui dansaient lentement dans un coin, sur une musique qu’ils devaient être les seuls à entendre, puisque Rocky, reprenant son métier civil le temps d’une soirée, avait mis une musique entraînante pour nous attirer sur la piste.
Lin s’est approchée, j’ai cru qu’elle venait m’inviter à danser - ou m’intimer de danser, mais j’aime recevoir ses ordres, surtout ceux-là - mais non, elle s’est plantée devant les frangins.
- Il est mignon quand il dort, celui-là aussi.
Kris a levé un sourcil, et moi aussi. Après tout, elle m’avait vu dormir, et Kris aussi, alors notre réaction était tout à fait légitime.
- Tugdual, va aider Kris à coucher le Viking, puis reviens ici me faire danser.
- A tes ordres, Captain!
- Eiríkur, réveille-toi, mon grand, a dit Kris doucement, en tapotant légèrement la joue du géant. Erk a levé un sourcil sans ouvrir les yeux puis son visage est redevenu serein.
Kris a secoué la tête, amusé. Il a passé un bras de son frère autour de ses épaules, m’a demandé de l’aider et on a soulevé la grande carcasse, ce qui un peu réveillé Erk. Il s’est redressé et on l’a emmené se coucher. Heureusement qu’on le soutenait, il était lessivé.
- Putain, Erik, qu’est-ce que tu as foutu pour être dans cet état ? Non, ne dis rien, tu feras ton rapport quand tu seras réveillé.
On a atteint leur chambre, j’ai lâché Erk, ouvert le lit, on a posé Erk sur le lit, Kris lui a retiré ses bottes, chaussettes, pull et pantalon et l’a poussé sous les couvertures.
- Allez, un gros dodo pour mon cher frangin. Dors bien, mon grand.
- Kris ?
- Oui, bróðir ?
- Je… Reste ?
- Tu veux que je reste ? Bien sûr que je peux rester…
Je me suis senti de trop quand Erk a soulevé sa couverture, en invite.
- L’aspect physique de… mon amour pour toi, je ne peux pas, mais… ça, je peux.
- Tu veux que je partage ton lit.
- Oui. S’il te plaît.
- Bien sûr, mon grand. Mon chéri.
Erk a rougi mais a gardé la couverture soulevée jusqu’à ce que Kris l’ait rejoint. Je me suis carapaté dès que Kris a commencé à se déshabiller un peu pour le rejoindre. J’ai fermé la porte aussi doucement que j’ai pu et je suis retourné au mess.
- C’est quoi ce sourire idiot, Tugdual ? a demandé Lin quand je l’ai prise dans mes bras pour danser.
- Erk a demandé à son frère de le rejoindre dans son lit.
Elle a haussé un sourcil.
- En tout bien tout honneur, je précise.
- Connaissant Erik, je m’en doutais un peu. Bon sang, je me demande ce que ça va donner…
- Je pense que Kris serait plus détendu, mais aussi encore plus protecteur. Et je me demande si Erk ne va pas s’y mettre aussi. Il l’est déjà, mais il le montrera plus, je pense. Le reste… ça ne nous regarde pas tant que ça ne met pas la Compagnie en danger, non ?
- Absolument. Maintenant, fais-moi danser, Breton de mon cœur… Je veux oublier ces trois semaines d’angoisse.
J’ai entraîné Lin dans une belle valse, puis Rocky a enchaîné les rocks, pour finir par des slows. J’ai serré mon capitaine dans mes bras, le nez dans son cou, me repaissant de son odeur de sable, de poudre à canon et de lis. Et pendant un instant, je me suis vu à la place de Kris et j’ai compris à quel point j’aimais cette femme, tout autant que Kris aimait son frère adoptif, tout autant que Bear aimait son Tito. Ou même Bic son compagnon. Je n’aime pas ce type. Mais il est vraiment amoureux de son mec et il est gentil et adorable avec lui. Mais je ne l’aime pas. Bon, en même temps, on ne me demande pas d’aimer la terre entière. Et je n’en suis de toute façon pas capable, contrairement à notre gentil géant.
Cette nuit-là, je me suis dévoué pour le rôle de sentinelle, et Lin aussi. Ma patrouille a suivi, sauf les revenus et leur moitié. J’étais fier de mes gars, Baby Jane, Kitty, Quenotte, JD et même Yaka. Ils auraient pu rester au chaud, mais non, ils se sont portés volontaires pour que les sentinelles habituelles puissent profiter de la nuit.
***
Le lendemain, on a vu émerger Kris, Tito et Bear, mais pas Erk. Avant que je puisse dire quoi que ce soit, Kris m’a demandé de le suivre dehors. Il avait l’air… excité, habité par un trop-plein d’énergie et en même temps inquiet.
- Quelque chose ne va pas, Kris ?
- Non… c’est…
Il a sautillé une fois ou deux sur place, a baissé les yeux.
- Je suis amoureux.
- Je le savais, ça, petit frère.
- Oui, mais là, mon cœur… Je suis tellement heureux de ce qu’Erik m’a dit et… j’ai l’impression que mon cœur va exploser tellement je suis heureux.
- Je vois. Ça fait combien de temps que tu attends ça ?
- Depuis que j’ai compris que c’était lui que j’aimais plus que tout… je devais avoir 13 ou 14 ans. Je savais bien avant que je l’aimais. Mais que c’était… comment te dire…
- Celui pour lequel ton cœur battait le plus fort ?
- Ouais, on peut dire ça.
Il a souri. Un sourire qui lui coupait presque le visage en deux. J’étais content pour lui.
- Tudic… Si tu savais… Hier soir, il… J’ai dormi dans ses bras, faisant la petite cuillère… Le poids de son bras sur ma taille… Son souffle sur ma nuque… Sa chaleur… Bon sang, on dirait un bloc de marbre tellement il est musclé, mais si chaud… Et ce matin, son visage si serein, ses longs cils dorés ombrant ses joues, cachant un peu ses cernes, ses cheveux comme de l’or liquide en écheveaux soyeux sur l’oreiller…
Il devenait poète, le lieutenant. Mais la beauté d’Erk peut nous faire faire de drôles de choses, à tous… Qu’on lui veuille du bien ou du mal, le Viking ne laisse personne indifférent.
Kris a rougi, soudainement. Ils sont jeunes, la libido de Kris est sans pitié. J’ai compris.
- Tu t’es réveillé en forme, n’est-ce pas ?
Il a hoché la tête plusieurs fois, muet.
- Je pense que ça, ça va être la partie la plus difficile de votre relation…
- Je m’en débarrasse sous la douche. Je ne sais pas comment il fait, lui, mais tout est parti quand il se lève.
- Demande-lui conseil, alors.
- Va bien falloir. Je… je ne me vois pas me faire plaisir le matin alors que je suis encore dans ses bras, tu vois. Tout seul dans mon lit, ça va, mais là… Enfin bref, un pas à la fois. Sinon on se casse la gueule.
- En effet. P’tit déj ?
- Oui.
Il m’a suivi jusqu’au mess et on a retrouvé la patrouille.
- Il dort encore, nous a dit Kris quand Baby Jane lui ai posé la question. Il est épuisé, il a perdu du poids…
- Oui, a répondu Tito, on a essayé de faire durer les rations, et je suis prêt à parier qu’Erk m’a donné la part du lion. Je crois aussi que le seul moment où il a vraiment dormi, c’est quand il avait de la fièvre.
- De la fièvre ? s’est inquiété Kris.
- A cause de la balle… Et je crois qu’il va falloir attendre qu’il se réveille pour le debriefing, sinon vous allez tout avoir dans le désordre.
Kris avait l’air très inquiet, alors Tito a repris :
- OK, Kris. J’ai reçu deux balles, une dans la cuisse, qui a éclaté mon téléphone et Erk a dû extraire des petits bouts de mon gras. Et une autre sous la sous-clavière.
- La sous-clavière ? Mais il a dit l’épaule !
Tito a soupiré.
- C’est ton frère tout craché, ça, tu ne trouves pas ? Il a menti pour ne pas vous inquiéter plus que ça…
- Tu as raison, c’est tout à fait lui… Quel crétin !
- Je ne trouve pas, c’était plutôt gentil. Lui a été blessé quatre fois. Une balle qui lui a éraflé le bras et une au flanc droit, que tu as vu. Il n’a pas réussi à l’extraire et il a dû attendre que j’aille un peu mieux pour le faire. Forcément, malgré l’eau oxygénée et tout le bordel, il a eu de la fièvre. Il a dormi 36 heures et avait l’air d’aller mieux après. Ah, et on a trouvé un truc plutôt génial, pour la fièvre.
- Ah?
- Oui, en diluant un comprimé de 200mg d’ibuprofène dans sa gourde, à raison d’une gorgée toutes les 30 minutes environ, il n’a pas vomi et sa fièvre est bien descendue.
- Oh putain, alors ce serait une question de dosage? Ça nous rendrait service, quand même.
- T’emballe pas, Kris, ça a marché dans ce cas précis. Il était crevé et sous-alimenté, déjà, je n’ai pas voulu en rajouter en laissant la fièvre l’affaiblir encore. J’ai donc tenté ça et ça a marché. Il a eu un haut-le-coeur au début puis en faisant un effort, c’est passé. Donc on peut espérer pour la suite.
- Dis, Kris, a demandé Baby Jane, tu vas le réveiller à quel moment ?
- Je vais laisser sa vessie s’en charger, mais sinon, pour le déjeuner.
- Ce ne sera pas nécessaire, Kris.
- Hé, bonjour mon grand.
- Bonjour Erk ! Bien dormi ?
- Comme un bébé. Ça fait du bien de ne pas avoir à garder une oreille à l’affut de bruits bizarres.
- Je veux bien te croire, mon grand. Mange quelque chose, et tu pourras retourner dormir.
- Je dois faire mon rapport à Lin d’abord.
- Ça tombe bien, dit Lin, je suis là et tu peux commencer pendant que tu petit-déjeunes.
Elle a déposé un plateau devant nous, imitée par JD et Quenotte et on s’est servis. Café, œufs au bacon, baguette, beurre et miel. Et Tito et Erk ont commencé à nous raconter leurs aventures. Lin a pris des notes qu’elle m’a données ensuite et que j’ai agrafées dans ce carnet. J’ai essayé de répartir les notes pour que, quand vous lirez ce récit, ce soit à peu près dans l’ordre. Je ne vais réécrire tout ça.
Bien sûr, Kris l’a engueulé à propos de sa blessure au flanc et de la balle qui était restée dedans et de la fièvre, mais pour le reste, il n’a pas vraiment eu de raison de le faire, car ce que le Viking avait fait était ce qu’ils avaient appris et ce qu’il fallait faire.
Ce qui nous a tous bien emmerdés, c’est la réputation d’Erk et sa réaction à son surnom. J’ai noté dans un coin de ma tête que Tito avait réussi à le sortir de son cercle vicieux. J’ai aussi noté, et je n’étais pas le seul, que le Don d’Erk était presque inconscient quand il s’agissait de Tito. Et, je me demandais pourquoi. J’ai vu sur le visage de Kris qu’il pensait pareil.
- J’ai un aveu à vous faire, a dit Erk de sa voix rauque de fatigue.
- Erik, tu devrais aller te coucher, on continuera plus tard, a dit Lin.
- Non, ça… ça il faut que je le dise. Quand on a croisé des cavaliers pour la première fois, j’étais épuisé, par le manque de sommeil, par la fièvre et par le manque de bouffe. Et… J’ai craqué. Pendant un instant, j’ai voulu me rendre.
Il a baissé la tête et j’ai regardé Kris. Lin avait posé sa main sur son avant-bras et serrait. Il a regardé Lin, a hoché la tête et n’a rien dit.
- Erik, a dit Lin, il n’y a pas de honte à ça. C’est un sentiment tout à fait normal.
- Mais je…
- Erik, tu étais épuisé, blessé. C’est normal de vouloir que ça s’arrête. Dis-moi, qu’est-ce qui t’a fait tenir ? Pas les conséquences de votre capture, ça je sais.
- C’est Tito. L’idée que si je cédais, lui aussi serait pris et…
Kris a passé un bras autour des épaules d’Erk et l’a attiré à lui, embrassant ses cheveux et le prenant dans ses bras pendant que le géant semblait lutter avec un tas d’émotions compliquées, comme le doute, la honte et le chagrin.
- Mon cher paladin de frangin. Si tu savais comme je suis fier de toi.
- C’est vrai ? a dit notre gentil géant d’une toute petite voix.
- Bien sûr, mon chéri. Tu me rends fou d’angoisse quand tu te jettes au devant du danger, mais tu fais ça parce que tu suis un code de conduite extrêmement difficile à suivre de nos jours. Et c’est pour ça que je suis fier de toi.
Il a posé un autre baiser sur les cheveux de son amour et n’a rien ajouté.
- Moi aussi, j’ai un aveu à faire, Kris, a dit Tito.
- Et pourquoi à moi ?
- Tu vas voir. Erk est entré en berserk lors de notre deuxième capture. J’ai essayé le truc de Katja mais ça n’a pas marché. Alors, j’ai essayé le chignon, comme tu fais, Kris. Toujours rien. Alors je l’ai embrassé.
Erk a rougi. Kris a souri.
- Tout ce temps, il suffisait que je t’embrasse pour que tu arrêtes ?
Erk est devenu pivoine, cachant son visage dans le cou de Kris.
- Je pense que ça a marché parce que j’étais tout aussi barbu qu’Erk, et que ça l’a surpris que ce soit un homme qui l’embrasse.
- C’est possible, en effet, a dit Kris. A retenir, même si tu as dû te mettre en danger pour ça, Tito. Ce que tu ne sais pas sur le truc de Katja, c’est qu’il faut commencer au même rythme que le cœur d’Erik, puis ralentir.
- Mais je ne le connais pas, le r…
- C’est pour ça que pour arrêter le berserker, il faut le connaître. Mais ta méthode, inventée comme ça, au pied levé, peut aider. Les filles, interdiction de faire comme Tito. Interdiction de vous approcher d’Erik en berserk de toute façon.
- Dommage, a dit Baby Jane avec un sourire, mais je comprends. Erk est hétéro, alors le baiser d’une femme ne lui fera sans doute aucun effet.
- Ben moi, a dit Quenotte, je ne suis pas sûr de pouvoir t’embrasser, Erk.
- J’aime autant que tu t’en abstiennes, a répondu Erk, un peu moins rouge. J’aimerai que cette théorie ne soit mise en application par personne. Approcher le berserker, c’est risquer la mort et… je ne me remettrai pas de vous avoir donner la mort.
Kris l’a serré dans ses bras.
- On va tout faire pour que ça n’arrive pas. Et maintenant, au lit mon grand.
Erk a grommelé pour la forme, mais a suivi Kris jusqu’à sa piaule.
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