XXXIX
- De mon côté, a continué Erk, j’étais sur le dos, en train de tirer sur les sales types. Mais… J’étais déjà incapable de tuer. J’ai tiré dans les jambes, les bras... Mais ça n’a rien changé. Si ce n’est qu’ils ont foncé sur moi, sans crainte de mourir, se sont jetés sur moi, j’ai cogné, j’ai dû casser quelques os, jusqu’à ce qu’un couteau sur la gorge m’oblige à cesser de me débattre. Ils m’ont attaché les pieds, les mains devant. Puis ils ont mis un lacet autour de mon cou, et c’est devenu difficile de me débattre. Et puis…
Il s’est tu, il avait l’air un peu perdu. Kris a serré le bras qui entourait la taille du géant.
- Oui, pardon. C’est que… ce que le chef a dit était dérangeant.
- Qu’a-t-il dit, Erk ? j’ai demandé, en voyant que le Viking était toujours un peu perdu.
- Il… il a dit qu’une fois brisé, et dressé, je ferai un bon… esclave. Puis… puis… Je ne peux toujours pas, Kris. Je…
- Tu veux que je leur dise ?
Erk a hoché la tête, la gorge serrée par les émotions qui l’étreignaient ou par l’énormité de ce que le type avait dit.
- Il voulait faire d’Erik sa… sa pute personnelle.
On est restés séchés. Et j’ai compris pourquoi le pauvre Erk était si chamboulé. Tito avait des larmes aux yeux et il a échangé un regarde avec Kris, que je n’ai pas pu déchiffrer. Il y avait quelque chose entre eux.
On a laissé un peu de temps passer. Le regard d’Erk s’est fait plus incisif.
- Ça m’a paralysé, ces mots. Et ça leur a laissé le temps de se rassembler et d’essayer de me mettre debout. Mais… je ne pouvais pas marcher, je suis retombé. Alors ils ont commencé à me traîner. J’ai hurlé parce qu’ils me faisaient mal. Ils m’ont laissé tomber, ont coupé un arbre et m’ont attaché à lui, comme dans les vieux films, suspendu dessous par les pieds et les mains. Mais dans mon cas, pour ne pas bousiller mon genou, ce qui baisserait ma… valeur en tant qu’esclave, ce sont mes genoux qu’ils ont attaché au tronc, avec une corde à la taille. Pour éviter que mon poids exacerbe la blessure qu’ils n’avaient pas soignée.
Il s’est frotté le visage. Ce devait être difficile, d’avoir vécu ça et de s’en rappeler.
- Erk, j’ai dit, si c’est trop dur, ne dis…
- Non. Merci l’Archer, mais en parler fait du bien. J’ai déjà parlé de tout ça, il y a cinq ans, mais la danse de mort de Kris de l’autre jour a fait remonter beaucoup de choses et… le regard que je porte sur lui en a changé d’autres. Alors je pense qu’en parler, à vous qui êtes nos hommes, et nos frères d’armes, c’est important pour toute la patrouille.
- Erik nous a rapporté une information intéressante de cette épreuve, a dit Kris. C’est qu’en Guyane, un soldat français a beaucoup de valeur, comme otage. Car c’est avant tout pour ça qu’ils l’ont capturé vivant. Le reste, le… l’esclave et… le reste, c’est venu en plus. Parce qu’Erik est ce qu’il est, fort, puissant et très beau.
Le Viking a rougi.
- A l’époque, il ne portait pas de bouc. La Légion tolérait son chignon, mais pas la barbe. Sauf pour les sapeurs, bien sûr. Et sans barbe, avec sa peau de porcelaine, Erik était presque plus beau qu’aujourd’hui. Il avait cette beauté adolescente de l’éphèbe grec, de l’Adonis. Parfaite, mais un peu fade.
- Arrête, s’il te plaît, je ne suis pas b…
- Oh si, tu es beau. Mais je te préfère maintenant, mon amour. Avec plus de… maturité.
Et Erk de rougir de plus belle. Pour se donner une contenance, il a repris son histoire.
- Je me suis laissé porter un moment, encore sous le choc de ce qui m’attendait, puis quand j’ai compris que ça allait arriver, qu’ils m’emportaient dans leur camp, j’ai paniqué, je me suis agité, débattu, et mes cent kilos de l’époque ont bien secoué l’arbre auquel j’étais attaché et eux aussi du coup. Je me suis retrouvé à terre et j’ai voulu… je ne sais pas, faire rouler mon tronc loin d’eux. Je ne réfléchissais pas comme il faut, mais… j’étais affolé. Terrorisé.
Il s’est passé une main sur le visage.
- Il a… posé sa main sur… mes bijoux de famille et a serré. J’ai cru que j’allais m’évanouir. Ça m’a fait aussi mal que quand Kris a raté sa feinte. Ça m’a calmé, surtout qu’en retournant vers le camp, il marchait à ma hauteur et quand je bougeais, il posait sa main là et… J’ai vite compris.
Kris a resserré encore sa prise sur la taille d’Erk, qui a serré sa main à son tour.
- On est arrivés au camp et mon Don m’a tout de suite dit qu’il n’y avait pas d’autres blessés que les mecs que j’avais moi-même blessés, mais des gens qui souffraient de malnutrition, de mauvais traitements. Et moi qui étais saucissonné à mon tronc d’arbre, incapable d’aider. Alors, quand ils m’ont posé à terre, j’ai recommencé à me débattre. Le chef a envoyé un type à l’infirmerie chercher du LSD.
- Du LSD ? De l’exta ? a dit Baby Jane, tout aussi surprise que nous autres. Mais… pourquoi est-ce qu’ils en avaient ?
- J’ai vite compris. Les mecs que j’avais blessés en ont reçu une dose, puis une balle dans la tête. Ils ne dépensaient pas d’argent pour soigner des blessés. Et une dose de LSD, ça coûte moins cher que la morphine ou que de soigner un type. Moi, je venais de faire connaissance avec une horrible facette de l’humanité. Et quand j’ai vu la dernière seringue s’approcher de mon bras, j’ai vraiment cru que j’allais y rester.
Une grande inspiration. Puis :
- J’ai senti un grand froid dans mes veines, puis j’ai eu l’impression de quitter le sol. J’ai… perdu tout contact avec la réalité. Et quand j’ai de nouveau pu aligner deux pensées cohérentes, j’ai découvert que j’étais attaché à un poteau, à genou, mes chevilles de part et d’autre du poteau, mes poignets de même, et suffisamment haut pour que la seule position confortable soit penché en avant, ce qu’un petit lacet étrangleur m’interdisait. On m’avait débarrassé de tout mon merdier, sauf pantalon, tee-shirt et plaques.
Un regard au loin, pas longtemps.
- Ce que cette position atroce avait de bon, c’est qu’elle protégeait ma blessure des insectes. Mais j’ai vite compris qu’ils ne l’avaient pas soignée, et que m’avoir traîné sur le sol l’avait mise en contact avec les saloperies qu’il y avait là. J’avais de la fièvre, ce que la pluie qui s’est mise à tomber n’a pas arrangé. Ajoutez à ça que j’avais l’impression que j’allais quitter le sol et partir dans l’espace, et je peux vous dire que je n’étais vraiment pas à la fête. Et malgré le LSD qui me déconnectait de la réalité, les perspectives qui m’attendaient me prenaient aux tripes.
Kris lui a frotté le dos en reprenant le fil de son expérience à lui.
- De mon côté, je m’étais allégé et préparé mentalement à ce que j’allais devoir faire. Ni Erik ni moi n’avions… Enfin, Erik, si, puisqu’il avait aidé le petit biffin à sauver Ariane et qu’on lui avait tiré dessus. Mais moi… moi, j’étais vierge, sur ce point-là.
Ça m’a fait discrètement rigoler jusqu’à ce que je réalise qu’il ne devait plus l’être sexuellement, s’il faisait cette distinction. Dix-huit ans, c’était bien jeune. Mais ça ne me regardait pas, au final.
- On s’est tous peint le visage, on a noirci le métal de nos équipements, j’ai distribué mes trucs à mes camarades, ne gardant que pare-balles, couteaux et Glock. Il fallait que je sois rapide et souple. J’étais mieux protégé que lors de l’attaque de nuit, c’est certain.
Il a eu une espèce de ricanement d’autodérision.
- On a repris notre avancée vers le camp, qui avait été interrompue par l’attaque surprise et la capture d’Erik. On prenait nos précautions, mais un peu moins. De nuit… Et on espérait que les garimpeiros se contenteraient d’Erik… Désolé, mon grand.
- Non, ne t’en fais pas. C’est la guerre, petit frère. C’est comme ça.
- Mouais. Bon, on s’est approché et… je suis passé à l’attaque. La danse de la mort, c’est très différent du berserk d’Erik. Erik ne se souvient pas de tout ce qu’il a fait. Moi oui. Parce que c’est une sorte de danse, des mouvements qui doivent être souples et rapides, chorégraphiés à la fois à l’avance et sur le moment, mis à jour à chaque mouvement de l’adversaire. Je suis passé de l’un à l’autre, tranchant des carotides, des…
Il s’est passé une main sur les yeux, au bord des larmes. Erik a resserré son étreinte.
- Désolé. C’était la première fois que je tuais, tout court, et il avait fallu que ce soit si proche, à voir la terreur dans leurs yeux, ou la surprise quand mon couteau trouvait leur cœur… Cette chose avait au moins un avantage, c’est que l’absolue concentration qu’elle demande m’avait permis de ne plus penser à Erik et à ce qu’il subissait, même si je ne savais rien de tout ça. Mais jusqu’à ce que je me lance dans cette attaque, j’avais imaginé le pire. Et je peux vous dire que le pire était nettement pire que ce que le chef des garimpeiros a dit à Erik.
Il a fermé les yeux. Les souvenirs devaient remonter à la surface.
- Et puis, plus qu’un seul adversaire devant moi. J’avais pris des coups, je saignais d’une blessure par balle à la jambe. Il faisait nuit noire, nouvelle lune et nuages, et la pluie qui rendait tout glissant. Le dernier adversaire…
- Attends Kris, une seconde, j’ai dit. Comment pouvais-tu trouver tes cibles sans lumière ? Avec des JVN ?
- Non. Par les battements de leur cœur.
- Quoi ?!
- La danse de la mort demande une absolue concentration. Ça me permet de m’accélérer et d’augmenter un de mes sens. Un seul. Mais c’est déjà beaucoup. La plupart du temps, c’est l’ouïe que je développe. Nettement plus utile que la vue. Lors de l’attaque de nuit, il y avait assez de lune pour y voir, je n’ai pas eu besoin de ça. Mais cette nuit-là, il le fallait.
- OK, merci.
- Il me restait donc un dernier adversaire. Il était accroupi, pensant être sous ma ligne de vision mais j’entendais son cœur qui battait vite. Je me suis dit qu’il devait avoir peur. Je m’approche de lui, il ne bronche pas, son cœur bat toujours la chamade. Putain, il avait des nerfs d’acier. Quiconque m’avait vu massacrer ses hommes serait parti en courant, mais non, il restait là, immobile.
J’ai commencé à me douter d’un truc.
- Je me suis approché, il ne bougeait toujours pas. Je ne voyais pas grand-chose, mais j’entendais son cœur. Alors j’ai attrapé ses cheveux pour lui tirer la tête en arrière et… j’ai senti un fourmillement dans ma jambe, et j’ai tout de suite compris qui j’avais failli égorger.
Il a frissonné, comme s’il y était encore.
- J’ai flippé. C’était Erik. Et j’avais failli le tuer… Je vous assure, la seule chose qui m’a empêché de m’effondrer, c’était qu’il fallait que je m’assure qu’il allait bien.
- Kris, j’ai demandé, le cœur d’Erik a un battement si particulier que tu l’as reconnu ? Pourtant…
- Non. Si ça avait été le cas, je l’aurai reconnu tout de suite. Non, quand j’ai touché Erik, le fourmillement que j’ai senti, c’était son Don. Il m’a Soigné, inconsciemment.
- Ça aurait pu être un autre Guérisseur ?
- Dans ce cas, je n’aurai pas pu le tuer non plus car il pouvait Soigner Erik. Mais non, c’était bien mon frère. Je l’ai détaché, je pleurais de voir comment il avait été attaché, de voir ses muscles tétanisés par la position tordue, il était brûlant et glacé, tremblait comme une feuille et il ne me reconnaissait pas. Ça aussi, ça m’a fait bien flipper.
- Brûlant et glacé à la fois ? a demandé Tito.
- Oui, j’avais de la fièvre et, en gardant sa main sur moi assez longtemps, Kris a pu la sentir, mais comme j’avais passé un certain temps sous la pluie, ma peau était froide.
- C’est ça. Et tu frissonnais, tu claquais des dents. Et j’étais bien embêté car je n’avais rien pour le protéger, pour le réchauffer. Je me suis assis contre le poteau, je l’ai installé contre moi, le plus confortablement possible, mon Glock à la main, et j’ai attendu. Il pleuvait toujours et je ne voyais plus rien. Erik était… absent ? Puis j’ai eu un peu d’espoir quand il a bougé. Juste la tête, mais c’était mieux que rien. Je l’ai fait boire, un peu.
Il a gloussé, mais il n’y avait aucune joie.
- L’ironie de la chose, c’est que malgré la pluie incessante, le pauvre Erik n’avait pas pu boire, à cause de la position dans laquelle il avait été attaché. Le lacet l’empêchait de baisser la tête pour soulager ses épaules, mais ses poignets en hauteur l’empêchaient de lever la tête.
- Honnêtement, avec le LSD qui me faisait planer, je ne sais pas si j’aurai pensé à boire. Mais je me souviens de l’eau que tu m’as fait boire. Je me souviens aussi avoir eu très peur de décoller et de ne pas arriver à retrouver la terre ferme. J’avais l’impression de flotter, mais pas de manière agréable.
- Oui. La première chose qu’Erik a dit, c’était : « Ne me lâche pas, Kris, ne me lâche pas ». Ça m’a fendu le cœur, même si je ne comprenais pas pourquoi. Alors je l’ai rassuré, je lui ai dit que je le tenais, que je ne lâcherai pas. Et quand le capitaine est apparu devant nous, j’ai pleuré de soulagement.
Erk nous a resservi de tisane, laissant à Kris le temps de se remettre un peu. Je voyais bien que le récit les secouait, tous les deux, mais je voyais aussi que ça leur faisait du bien.
- On a transporté Erik dans le seul bâtiment en dur du camp, qui avait l’air d’être la chambre du chef. On l’a foutu à poil, on l’a séché au max, enroulé dans toutes les couvertures qu’on a trouvées pendant que Jacques, notre combat-medic, nettoyait la blessure et essayait de juguler l’infection et la fièvre. J’étais très inquiet. Parce qu’aucun anti-fièvre ne fonctionnait, parce que les antibiotiques, c’était pareil.
Une petite pause, pendant laquelle Erk s’est tourné vers Kris. J’ai eu l’impression qu’il allait poser un baiser sur ses cheveux, mais il a hésité, puis posé son menton sur la tête blonde du petit frère. Kris s’est blotti dessous un moment, puis s’est redressé.
- Le capitaine est venu nous voir, pendant que le reste du peloton restait dehors sous la flotte. Il m’a dit qu’il n’y avait pas un garimpeiro debout, et que le peloton n’avait pas tiré un seul coup de feu. Je crois que j’aurai craqué si Erik n’avait pas eu besoin de moi. Les hommes sortaient les esclaves des cages, les emmenaient à la tente du mess où ils leur filaient à bouffer. Il m’a aussi dit que, vu l’état d’Erik, il avait appelé un hélico médical, qui décollerait aux premières lueurs, pour l’évacuer vers Cayenne. Ce qui m’a fait flipper, c’est que Mercier serait à bord.
- Pourquoi ça t’a fait flipper ?
- Mercier, c’était un des médecins de la Légion… C’est toujours, mais il est maintenant Médecin-Chef. A cette époque-là, il était le chef suprême du service de santé des armées à Cayenne, et il n’avait aucune raison de quitter son service. Sauf si son Don pouvait faire la différence entre la vie et la mort. Voilà pourquoi j’ai flippé. Et la nuit m’a donné raison. Erik délirait et s’agitait, sa température montait. Il a dépassé les 39°C, alors on a retiré les couvertures, on est allé dehors mouiller des fringues pour le couvrir de trucs mouillés. Et le loufiat a eu l’idée d’aller voir s’il y avait de la glace au mess. Il y en avait, alors on en a mis dans son cou, à l’aine, aussi, il y a une artère qui passe, ça aide à refroidir le corps.
Il s’est frotté le visage.
- Je vous jure que je n’en menais pas large. Erik avec une fièvre de cheval, c’est pas marrant du tout. Si on avait été à Cayenne, on aurait pu le foutre dans la baignoire avec de l’eau froide et faire baisser la fièvre, mais là, c’était les moyens du bord. Et on n’avait pas encore nos huiles essentielles. Je n’étais pas le seul à attendre l’arrivée de l’hélico, je peux vous dire.
Il a haussé les épaules, comme pour s’excuser. Erk l’a serré contre lui.
- Au final, on a eu un Cougar, avec Mercier et une civière, et deux Chinooks pour évacuer les esclaves libérés et le reste du peloton. Mercier a été le premier à sortir du Cougar et il a foncé vers nous en retirant ses gants. Et la première chose qu’il a fait, c’est ce qu’a fait Erik avec ta blessure au ventre, JD, il a foutu un doigt dans la sienne et l’a nettoyée.
- Ah, j’ai dit, c’est de là que t’es venue cette idée, Viking ?
- Oui. Mercier m’a beaucoup aidé. En plus de mes devoirs normaux de légionnaire, j’avais, chaque jour, une vacation d’une heure ou deux à l’hôpital, selon les besoins. J’ai appris à soigner beaucoup de choses, de la maladie vénérienne au trauma crânien. Pour en revenir à cette histoire, je me suis réveillé complètement à plat cinq jours après avoir reçu la balle. Mercier pense que le LSD est la cause d’une inconscience aussi longue. Mais avec nos allergies, impossible de savoir ce qui est une réaction normale et…
Il a haussé une épaule.
- Je me souviens avoir répété de ne pas me lâcher mais je me souviens aussi d’avoir eu l’impression soit de tomber dans une fournaise, soit de d’atteindre la stratosphère, et je pense que ça devait venir des périodes de fièvre. Quand j’ai ouvert les yeux, c’était comme dans les films, Kris était endormi à côté de moi, dans mon lit d’hôpital. Il paraît que tout le peloton est venu me tenir compagnie dans ma chambre, quand on arrivait à faire sortir Kris pour manger ou se laver.
- Ouais, j’ai dit, comme quand tu nous as fait bien peur après ton enlèvement par les FER.
- Oui, c’est vrai. Merci les gars.
- Erk, a dit Tito, il y a un an et des brouettes, même si on te connaissait à peine, on était déjà tombés sous ton charme. Tu as toujours été gentil, aux petits soins pour nous. Et voir Kris mort d’inquiétude, c’était trop dur pour nous. Alors lui permettre de manger calmement, d’être propre, c’était important pour nous tous.
- Merci bonhomme. Merci à vous tous.
- Pour résumer, j’ai dit, je ne dirai qu’une chose : « putain d’aventure ! »
- Ouais. C’est bien ce que c’était. Une putain d’aventure. Et encore, il est impossible de raconter la moiteur de la jungle, les insectes qui vous tournent autour ou viennent vous faire chier autour des yeux, des odeurs de végétaux pourris, de charogne, aussi, souvent. Et puis l’odeur du camp, des esclaves sales, affaiblis, et qui n’avaient pas de chiottes… Ils étaient moins bien traités que les chiens qui les gardaient.
- Mais… a dit Quenotte, vous nous avez raconté tant de trucs complètement délirants, à croire que vous avez la poisse !
- Non. Juste… un destin un peu particulier. Je pense que c’est Erik qui a ce destin un peu spécial. Et moi, je suis éclaboussé parce que je le suis partout.
- Pourquoi Erk et pas toi ?
- Parce que le Don de guérison est assez rare, et aussi puissant que celui d’Erik, encore plus. Et avant que vous disiez qu’Erik aurait pu rester au chaud dans un des hôpitaux les plus renommés d’Europe, chouchouté comme le thaumaturge qu’il est, rappelez-vous qu’il ne maîtrise pas la quantité d’énergie qu’il utilise et que son Don l’appelle là où il peut être utile.
- Mais il serait utile aussi dans un hôpital, pourtant ?
- Si je savais contrôler mon Don au lieu de le laisser me contrôler, oui. Je pense que je ne suis qu’un conduit, un instrument.
- Mais ! Mais c’est horrible, d’être le jouet du destin comme ça !
- Mais je ne suis pas le jouet du destin, Quenotte. Je suis l’instrument de Dieu, et ça me convient.
Quenotte avait l’air à la fois outré et désolé pour Erk, mais il a compris que si le Viking était d’accord avec ça, il ne pouvait pas s’y opposer. Erk est très mystique, et c’est ce qui fait qu’il est lui, qu’il est ce qu’il est. Moi, honnêtement, je ne changerais rien au Viking si on me le demandait. Je l’aime comme ça, droit, constant, généreux, avec un cœur assez grand pour contenir toute l’humanité.
Annotations