XLI

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Le lendemain, Kris nous a réveillés aux aurores. Enfin, c’est juste une expression. En hiver, aux aurores, c’est un peu trop tard. Il devait être 5h du matin et l’aurore aux doigts de rose était restée bien au chaud dans son lit. Mais pas nous. Kris nous a secoués, gentiment, puis nous a tendus nos quarts de café et nos barres de céréales.

Erk était un peu au radar, mais se réveillait doucement. Les autres étaient plus alertes.

- Ça ne me réussit pas, les nuits sans garde, en patrouille, a dit le Viking après une gorgée de café.

- Pov ti chou, a dit Kris en rigolant pendant que le géant lui tirait la langue. Tu vas te plaindre qu’on t’ait laissé dormir ?

- Non, a répondu le pov ti chou de 110 kg, c’était juste un commentaire. Bon, vous êtes d’attaque ?

On a répondu oui, on était prêts. On avait fait le ménage de la grotte la veille, on a juste vérifié qu’on n’avait rien oublié. Puis, avec son gigantesque poncho, Erk a effacé nos traces. Nos bottes ont une semelle plate, presque lisse, mais on ne veut prendre aucun risque. On a beau être sur “notre” territoire, on évite de laisser des traces de notre passage en dehors des chemins et routes. Côté “latrines”, j’avais recouvert de neige nos traces, en croisant les doigts.

Traverser la micro-vallée fut facile, puisque les deux idiots avaient tout tassé en se roulant dans la neige.

En arrivant au bout de l’autre tunnel, on s’est mis en ordre de marche, visières baissées et GPS activé. Sous la neige, retrouver nos marques et le chemin allait être un peu compliqué. L’ordre de marche, c’était Erk, moi, JD, Baby Jane, Quenotte, Bear, Kitty, Tito, Kris. Et Yaka en queue, toujours. Ou derrière JD si elle préférait.

Heureusement pour nous, il n’y avait pas plus de neige dehors. Parce que, même pour le géant, 90 cm c’était beaucoup.

J’ai soigneusement observé sa manière de faire. Il levait le pied à un tiers de la hauteur, l’enfonçait dans la neige, tassait. La neige au-dessus tombait sous l’effet de la gravité, et il recommençait. Une fois la neige tassée, il mettait tout son poids dessus et changeait de pied. Les pas qu’il faisait étaient courts, et lui demandaient beaucoup d’efforts. Mais on avançait quand même.

Il y avait des endroits où il y avait moins de neige, alors on avançait plus vite. Et puis…

Au bout d’une heure, après avoir refusé de changer, disant qu’il n’était pas fatigué, Erk s’est soudain enfoncé dans une congère jusqu’à la taille.

- Skítt ! Bordel de…

J’ai interrompu la litanie de jurons polyglottes.

- On a dû dévier, Viking, sans s’en rendre compte.

J’étais surpris qu’il ne s’agite pas, à essayer de sortir de son trou, puis je me suis dit qu’en bon Islandais, il savait quoi faire.

- On va affiner le chemin. Tito, JD, vérifiez le GPS. Les autres, pour info, Erk est tombé dans un trou.

- OK, a dit Kris. L’Archer, dès que le chemin est redéfini, tu prends la tête, j’imagine que tu as regardé comment faisait Erik ?

- Oui.

- Parfait. JD, tu regardes bien comment fait l’Archer et tu l’imiteras quand ce sera ton tour. Idem pour les autres. Frangin, tu ne bouges pas, je vais te sortir de ton trou.

- Pas de problème, je ne bouge pas. Mais je reprendrai la tête après, je ne suis pas fatigué.

- Non, tu vas me suivre.

- Mais !

- Tu ne veux pas priver les autres du plaisir d’ouvrir la voie, quand même ?

Et il y avait beaucoup d’ironie dans cette petite phrase. Devant moi, Erk a grommelé dans sa barbe et je n’ai surtout rien dit.

- L’Archer, on a en effet dévié d’un mètre vers l’ouest. Donc il faut que tu fasses un mètre à gauche puis un quart de tour vers la droite et tu seras sur le chemin. J’envoie le chemin actualisé sur nos ATH.

JD préfère le français aux anglicismes : ATH, c’est affichage tête haute, l’équivalent du HUD, head-up display.

J’ai donc exécuté les instructions de JD, en faisant comme Erk pour tasser la neige. Au bout de cinq minutes, j’avais trop chaud et très, très mal aux cuisses. Putain, comment Erk avait-il pu tenir une heure ? J’ai continué, en bon Breton bien têtu. Je ne pourrais peut-être pas tenir une heure, mais je visais au moins la demi-heure.

J’ai entendu les autres avancer derrière moi, jusqu’à ce que Kris atteigne son frère. J’ai fait une pause pour voir comment il allait le sortir de son trou. Bon, j’aurai pu éviter. Il lui a pris les mains, s’est calé et a tiré. Ils m’ont expliqué plus tard qu’Erk avait fait des prises pour ses pieds dans la neige mais ne pouvait pas s’appuyer sur le bord car il s’enfonçait, donc il avait besoin de l’appui de son frangin.

- Oh, tu es trempé, j’ai entendu dans mes oreillettes.

- Oui, c’est pour ça que je voulais reprendre la tête, pour éviter de me refroidir.

- Oh pour ça, je peux te réchauffer, si tu veux.

Mon cerveau a buggé. Quoi ? Je les ai regardés. Kris me tournait le dos et Erk était pivoine. Je me suis fait la réflexion qu’il ne risquait plus d’avoir froid, et je suis reparti. Dans mes oreillettes, j’ai entendu une espèce de ricanement, qui devait être Kris, et des bredouillements indistincts, qui devaient être Erk. Derrière moi, ça gloussait discrètement.

Mon monde s'est réduit à lever les pieds, à taper par terre, et à recommencer. Au bout d’un moment, je ne sentais plus la douleur, alors j’ai pu accélérer un peu. Mais c’est à ce moment-là que Kris a annoncé le changement d’ouvreur. J’ai failli râler comme Erk, mais je me suis rappelé à temps que les frangins étaient des spécialistes de ce genre de choses. Je me suis mis sur le côté, laissant JD ouvrir la voie, Yaka sur les talons. Elle portait ses bottes mais n’avait pas l’air de le regretter. Elle m’a donné un léger coup de tête en passant, une façon de me dire : “Je t’ai vu, mon copain.”

Les autres sont passés devant moi, à la queue-leu-leu, jusqu’aux frangins.

- L’Archer, a dit Kris. il faut que tu continues à marcher, même sur place, sinon tu vas t’ankyloser.

- Je ne pourrais pas m’occuper de tes courbatures avant ce soir, l’Archer, a dit Erk.

- Ah ? Pourquoi ?

- Tu veux mettre tes gambettes à l’air libre maintenant ?

- Ah. Non, ça ira. Merci Erk.

- Je t’en prie.

On est reparti, j’ai dépassé JD au bout d’une demi-heure, puis Baby Jane, puis les autres et Erik s’est retrouvé en tête de nouveau.

Kris nous a dit de manger des barres de céréales et tout ce qui, dans nos rations, pouvait se manger sans couverts et sans réchauffer. On a tapé dans le pain de guerre, ces biscuits bien durs et hyper efficients d’un point de vue calories, les fruits secs, le chocolat...

Pendant qu’on marchait dans la neige comme ça, je gardais un oeil sur mon HUD, pas pour le chemin, mais pour ce qui se trouvait un peu plus loin et qui aurait pu nous tomber dessus. Mais, non, walou.

Quand je vous disais qu’il ne s’était rien passé.

Quand on a atteint le col et la grotte un peu au-dessus, Erk avait ouvert la voie trois fois, pendant quasi une heure à chaque fois, quand les autres, Kris inclus, ouvraient pendant une demi-heure. Donc, en faisant un petit calcul, on avait marché pendant onze heures. Putain! Nos calculs les plus larges n’avaient pas prévu qu’on mettrait autant de temps à couvrir aussi peu de terrain. Mais au moins, on passerait la nuit à l’abri.

Une fois dans la grotte, on a tous baissé nos falzards et Erk a traité nos courbatures, juste en posant ses mains au-dessus de nos genoux et en laissant son Don agir.

Puis il s’est assis dans un coin et s’est endormi, discrètement, sans que personne ne s’en rende compte, pas même Kris.

On avait grignoté tout au long de notre marche, à intervalles réguliers, sur ordre de Kris. Il faut dire qu’on dépensait beaucoup d’énergie quand on ouvrait la voie, et presque autant à essayer de se réchauffer quand on suivait. On n’avait plus faim, mais un truc chaud nous aurait fait bien plaisir, alors Kris a mis de l’eau à chauffer pour un bouillon KUB, qui contenait plus de gras que la tisane et nous fournirait de l’énergie pour demain.

C’est en demandant son quart à Erk qu’il s’est rendu compte qu’il s’était endormi.

Il a secoué la tête, un sourire attendri sur le visage.

- Ah la la… Hé, debout mon grand, il a dit en lui tapotant la joue.

Rien. KO pour le compte, le Viking.

- Bon, je vais avoir besoin d’aide pour l’allonger, qu’il se réveille sans courbatures. Car je parie qu’il voudra ouvrir la voie demain aussi. Quel…

Il a secoué la tête, fermant la bouche sur ce qu’il allait dire.

- Quel adorable imbécile ! il a continué, pendant qu’on l’aidait à débarrasser Erk de son sac à dos.

Le géant a grogné, a bougé un peu.

- Hgn ?

- Rien, mon grand. Dors.

Et pouf, il s’est rendormi.

Le lendemain matin, Kris était debout le premier, comme souvent, et avait mis de l’eau à chauffer pour le nescafé quand on s’est réveillés.

Comme on n’avait pas pu manger nos rations hier, on les a mangés ce matin. Boeuf bourguignon, navarin d’agneau ou daube provençale, au petit déj, ça fait bizarre. Mais on avait faim.

Erk était presque en pleine forme, les jambes un peu raides. Il s’est équipé, est sorti de la grotte et a fait des étirements. Et je me suis rappelé qu’il avait pris soin de nos courbatures, mais que personne n’avait pris soin des siennes. Kris est sorti, les yeux aux aguets et on a suivi.

Quand Yaka a vu Erk qui s’étirait, d’une jambe sur l’autre, elle fait pareil, passant de l’avant-train à l’arrière-train, en suivant son rythme. C’était mignon.

Quand tout le monde fut paré, on est repartis. Et en descendant du col, on a eu une bonne nouvelle : il n’y avait que 50 cm de neige de ce côté-là. Toujours impossible pour la Land, mais nettement fatigant pour nous.

Et on est repartis, dans le même ordre que la veille. La seule différence, c’est qu’on tenait plus longtemps, nous autres, à ouvrir la voie et qu’on a donc pu couvrir beaucoup plus de terrain, aussi. On a marché douze heures, parce qu’on voulait vraiment rentrer.

Encore une nuit dans une grotte, sans grand intérêt, puis on a atteint le village au pied du promontoire. On avait envie de rentrer, mais on s’est arrêtés là parce qu’Erk avait très envie de construire un bonhomme de neige.

Non, disons que les enfants lui ont demandé et qu’il a du mal à leur dire non. Alors, malgré notre très grande envie de rentrer nous décrasser et nous réchauffer, on a établi un périmètre autour de notre adorable grand gamin et des plus petits gamins, et on les a laissés s’amuser.

Le bonhomme de neige était assez grand et pas défini du tout, malgré le grand talent de sculpteur du Viking, les enfants ayant voulu le faire eux-mêmes. Mais ils sont tous passés un très bon moment et nous aussi. Même si on leur tournait le dos, entendre le babillement des gosses, le beau baryton du géant et leurs rires, c’était un plaisir pour nous.

On a fini par rentrer, prendre une bonne douche atomique, mettre des fringues propres, manger chaud dans une assiette en céramique avec des couverts en inox et pas en bambou et dormir sur nos vrais matelas qui nous ont paru des nids de plumes…

On s’est reposés et réchauffés, en attendant que le temps se calme. Il a reneigé, mais à peine.

La neige a commencé à fondre.

Il a reneigné.

Et Karl est arrivé à la base, sous la neige.

Erk était tranquillement en train de petit-déjeuner avec nous, bien au chaud comme nous. Depuis que la pile atomique avait été installée dans le trou creusé par le géant, il faisait toujours bon, dans la base. On se couvrait pour passer du mess à nos piaules et de nos piaules aux douches, mais sinon, porte bien fermée, il faisait vraiment bon.

Lin nous avait distribué des ponchos étanches et doublés à l’intérieur de la même laine douce et légère de nos couvertures de patrouille. On les enfilait pour sortir, et on les accrochait à une patère pour les faire sécher, si besoin. La capuche était assez grande pour couvrir le casque avec de la marge. Ils étaient vraiment super. Celui de Tito arrivait à la taille d’Erk et celui d’Erk faisait une tente à Tito.

Donc, on prenait notre petit-déj au chaud quand Erk s’est redressé et s’est tourné dans la direction du pont-levis, comme l’aiguille d’une boussole vers le nord. Kris a soupiré.

Les frangins se sont levés, Kris suivant Erk qui marchait droit comme quand il filait vers la caravane de réfugiés.

Kris a réussi à lui faire prendre son pare-balles et son EMA 7 et ils sont partis. Comme ce sont nos officiers, et ceux de notre patrouille, on s’est équipés nous aussi et on les a suivis.

On a franchi la barbacane, le deuxième fossé et Erk a sauté par-dessus le fossé extérieur, atterrissant à côté d’un tas de neige. Qu’il a retourné. J’ai vu un bras, presque nu, et beaucoup de sang.

JD et Quenotte ont eu la bonne idée de faire pivoter une des deux parties du pont-levis qui était un pont tournant – faut vraiment que j’arrête de l’appeler pont-levis – pendant que j’observais le géant.

Là-bas, Erk a retiré ses gants et fermé les yeux en posant ses mains sur le type. Puis, avec une exclamation inquiète, il a pris l’homme dans ses bras avec beaucoup de délicatesse et a emprunté le pont. Kris, Kitty et moi l’avons suivi pendant que le reste de la patrouille protégeait JD et Quenotte qui repliaient le pont.

Erk avait l’air inquiet et Kris plutôt dégoûté. Je me suis approché mais le mec avait trop de sang sur le visage pour que je puisse l’identifier. J’ai prévenu Ops qu’il fallait prévenir Doc et je suis parti devant pour aider Doc et Nounou à préparer la salle d’examen.

- Reste ici, l’Archer, tu vas nous aider.

Nounou m’a emmené me préparer, me débarrassant de mon barda et me désinfectant les bras. Plus calot, gants et masque.

- Tu feras pareil pour Erk, si Doc lui demande. Sans les gants, bien sûr.

- OK.

Doc n’a pas demandé à Erk de se changer, parce qu’elle a bien vu que tout ce qui maintenait le type en vie, c’était son Don.

Quand je suis arrivé dans la salle d’examen, Kris était en train de débarrasser Erk de son pare-balle et de son flingue, sans pour autant couper le contact avec l’homme. Il a attiré son attention, a dit trois mots en Islandais soulignés par un regard féroce. Erk a bredouillé, Kris l’a interrompu et le géant a hoché la tête, l’air triste.

J’ai regardé le blessé et j’ai fini par reconnaître Karl. Il avait le visage couvert de sang séché, comme s’il n’avait pas pris la peine de le nettoyer. La neige en avait fait partir un peu, mais pas tant que ça.

En regardant son corps, j’ai compris pourquoi il n’avait fait aucun effort. Son ventre était une masse rouge à vif et j’ai eu un haut-le-cœur.

J’ai aidé Nounou à découper l’uniforme, à passer tout ce qu’on pouvait toucher à la bétadine, et j’ai vu l’étendue des dégâts. J’ai eu du mal à comprendre, parce que je n’ai pas de formation médicale, mais quand j’ai vu un bout d’intestin au jour, j’ai compris qu’il faudrait un miracle. Et j’ai compris le sens général de ce que Kris avait dit à Erk: « ne te mets pas en danger pour ce type ».

Ouais, moi non plus, je ne voulais pas voir le Viking évanoui pour avoir voulu sauver ce type. Il avait fait du chantage à Kitty en kidnappant Cassandra, il avait fait peur à Cassandra quand on était venus la chercher, il lui avait menti.

Je sais que le géant a fait de son mieux pour lui sauver la vie. Je sais que Doc, Alex et Nounou ont fait de leur mieux. Mais je suis presque sûr que Karl ne voulait plus vivre. Comme avec le gamin afghan il y a un an, en rentrant de la forteresse des FER, Erk a simplement tenu compagnie à l’Allemand, lui tenant la main et l’aidant à franchir le seuil.

- Pardon…

- Tu es pardonné, Karl, a répondu Erk.

- Non… pardon… pour les deux… gamins… N’aurais pas dû… les tuer…

Erk n’a rien dit. Il avait l’air tout aussi surpris que moi. La respiration de Karl est devenue vraiment laborieuse.

- Merci… de ne pas… me retenir…

- Tu veux mourir, n’est-ce pas ?

- Oui… vais… retrouver… elles…

Il s’est mis à haleter, à se débattre et j’ai vu, du coin de l’oeil, Doc injecter quelque chose dans son épaule.

- Qu’est-ce…

- Morphine. A haute dose.

- Comme ça… pars sans… souffrir... Merci…

Il s’est détendu et s’est éteint calmement, malgré l’atrocité de ses blessures.

Erk l’a lâché, Kris s’est approché de lui, a passé un bras autour de sa taille et l’a entraîné vers le lavabo, pour lui laver les mains. Le géant avait l’air un peu choqué, un peu absent, mais Kris n’avait pas l’air inquiet, juste plein de sollicitude.

Il l’a pris par la main pour l’emmener au mess finir le petit déj. Je me suis changé et je les ai suivis quand Doc m’a dit qu’elle s’occuperait de la toilette funéraire de l’Allemand avec Alex et Nounou.

Erk était toujours un peu absent, Kris aux petits soins et le reste de la patrouille sur l’expectative. Lin nous a rejoints et Kris a fait son rapport d’une voix douce. Lin a hoché la tête à la fin.

- Il va rester longtemps comme ça ? elle a demandé en montrant le Viking du pouce.

- Il devrait sortir de cet état rapidement.

- Et comment se fait-il qu’il soit dans cet état ?

- Eh bien, je ne suis pas spécialiste de son Don, juste d’Erik, mais je pense qu’il y a deux choses. Sa belle âme est navrée de la perte humaine, quelle qu’elle soit. Et, je me demande s’il n’était pas encore connecté à Karl quand il est mort.

- Connecté ?

- Via son Don. Pour une blessure visible, externe ou facile à soigner, il n’en a pas besoin. Mais dans le cas de blessures internes, ou beaucoup plus graves, il le fait. Ça lui permet de faire son diagnostic de manière inconsciente et extrêmement rapide, et d’aller Soigner sans devoir toucher, en suivant les voies naturelles que sont les nerfs et les veines. C’est ce qu’il a fait pour Elise.

- Mais pas pour toi ?

- En ce qui me concerne, je ne sais pas comment il fait. Il est capable de me Soigner en dormant ou en étant inconscient, alors… Bon je vais m’occuper de lui.

Il s’est tourné vers le géant, a posé ses deux mains sur les joues barbues et tourné Erk vers lui.

- Hé, mon grand… Reviens vers nous, tu veux bien ?

Le Viking a cligné des yeux deux ou trois fois, puis son regard s’est fixé sur le visage de Kris.

- Kris… Je…

Il a souri, et on a retrouvé notre géant favori.

- Merci petit frère, il a dit, avec un de ces sourires tous doux qui ne sont destinés qu’à Kris.

Le lendemain, on a enterré Karl.

C’était un sale type, mais c’était un soldat. Alors on l’a porté sur nos épaules jusqu’au trou qu’Erk et Kris avaient creusé le matin même.

Lin a dit quelques mots, nous rappelant à tous ce qu’il avait vécu, son dévouement à sa patrie, sa perte, le mort vivant qu’il était devenu suite à ça. Les frangins ont chanté ce magnifique chant en Islandais, nous tirant des larmes.

On est revenus au mess ensuite, boire un vin chaud en attendant le déjeuner.

La mort de Karl nous rappelait qu’on était en guerre, qu’on risquait gros, et que la mort, pour définitive qu’elle soit, n’était pas la pire des choses qui pouvait nous arriver.

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