XLVI
Quand Erk s’est réveillé, affamé et voulant pisser, Kris l’a emmené, ou plutôt emporté, vu qu’il l’a porté, jusqu’à la salle d’eau pour lui permettre de pisser et de se laver un peu. Il avait beaucoup transpiré et ne sentait pas la rose. D’après Kris, il sent normalement le cuir, l’océan et la bruyère, mais là, pas vraiment.
Sur l’ordre d’Alex, et pour éviter qu’Erk se remouille, les quatre plus grands de la patrouille ont pris le poncho du géant pour en faire une sorte de dais au-dessus des frangins.
On a bien rigolé, faisant des blagues idiotes sur la princesse en sucre et autres bêtises, faisant marrer les frangins, ce qui nous changeait de ces dernières vingt-quatre heures. Faut dire qu’on devait avoir l’air bien idiot, tous les six. Tant à l’aller qu’au retour.
Puis, une fois propre et changé, installé sur la banquette, dans les bras de Kris, Erk a eu l’autorisation de manger. De la daube, bien sûr, son plat préféré.
Et enfin, avec une tisane d’écorce de saule bien chaude, il nous a raconté son rêve, une histoire étrange de téléportation dans l’univers du Sorceleur, cette série de romans d’heroic fantasy écrits par un auteur polonais au 20ème siècle racontant l’histoire de types modifiés pour pouvoir tuer des monstres. Ça faisait une histoire bien ordonnée dans sa tête, et une belle histoire, que j’ai notée dans un cahier à part.
On a compris pourquoi il avait dit “grat” à un moment, c’était Geralt, le nom du Sorceleur des bouquins, marmonné par un homme fiévreux. On a aussi compris pourquoi il était entré en fibrillation : dans son rêve, il tombait d’une haute falaise vers une mort certaine et son cœur avait réagi à la peur par cette accélération. Heureusement que le coup de poing d’Alex l’avait suffisamment surpris pour le sortir de là.
A la fin de son récit, il a recommencé à frissonner un peu, puis s’est raidi et a tourné la tête vers le mur derrière lui. Kris a soupiré.
- Erik… Tu ne peux rien y faire.
- Mais…
- On sait, Lin nous a prévenus.
Il lui a parlé de Jude, Benji et de la patrouille de Frisé planquée dans sa grotte.
- Donc, même si tu penses qu’ils ont besoin de toi, et c’est vrai, mon grand, je te l’accorde, pour l’instant, il vaut mieux rester ici au chaud pour toi et pour eux.
- A priori, a dit Quenotte, on profiterait de leur retour pour rentrer en Land. Mais tout dépend de la ténacité du Pashtoune à les dénicher.
- De toute façon, mon grand, pas de Soin tant que tu n’es pas en pleine forme.
- Kris a raison, a dit Alex. Soigner te fatigue et tu as besoin de toute ton énergie pour te remettre.
- C’était juste un petit refroidissement.
- Petit ! Tu te fous de moi, Erik ?
- N…
- Tu avais dépassé les 40°, hálfviti ! On t’a foutu à la flotte pour te refroidir !
- Devant le village ? A poil ?
- Mais ! C’est tout ce qui te préoccupe ? T’es pas possible, toi, j’te jure !
- Pardon…
- Mais non, ne t’en fais pas, idiot-bête. Juste… Je te parle d’un Guyane moins 1°C et toi, tu me parles de ta pudeur.
- Pas la mienne. Celle des villageoises.
Kris a eu l’air surpris, puis attendri. Cette manie d’Erk de penser aux autres devait le remuer.
- Non, on t’a laissé ton boxer. Mais Aryana avait l’air plus inquiet qu’autre chose.
- Elle était inquiète pour moi ?
- Eh oui, mon grand. Et ses filles aussi. Je crois qu’elles t’aiment bien. Plus que bien, même. Je me demande s’il n’y a pas un petit crush adolescent, par là, il a dit avec un sourire entendu.
Erk a rougi et s’est caché dans le cou de son frère. Le sourire de Kris est devenu tendre et il a refermé les bras autour du géant.
On leur a foutu la paix et on en a profité pour déjeuner.
Erk s’est endormi dans les bras de Kris qui a posé son menton sur la tête du Viking et a somnolé un bon moment.
Je lui ai apporté son déj et il m’a demandé de l’aider à allonger Erk, la tête sur ses genoux, pour pouvoir manger tout seul. Le Viking a grommelé quand on l’a bougé et s’est calmé une fois à l’horizontale, se tournant sur le côté et s’enroulant autour de son frère.
Le reste de la journée a été plutôt calme. Il pleuvait toujours, une alternance d’averses et de crachin, tout aussi mouillants l’un que l’autre. On continuait à sortir faire des tours de garde sous la flotte et on était bien contents de rentrer dans la salle commune. Ça sentait l’humain, mais il y faisait chaud et il y avait toujours une tisane sur le feu.
On a dîné avec le malik et sa femme, Aryana, et les deux filles, Sorya et Alya, qui ont discuté avec Erk, contentes de le voir à peu près en forme.
- Tu nous as fait peur, tu sais, Erk, a dit l’aînée, Alya. Tu étais inconscient, tu tremblais…
- Désolé.
- Non, tu n’y étais pour rien. Et puis, tu as sauvé tous les moutons et les deux garçons. J’aurais préféré que tu t’en sortes sans rien, mais avec le froid, et l’eau glacée, je ne suis pas surprise que tu aies attrapé froid.
- Je suis contente que tu ailles mieux, moi, a dit Sorya.
Erk a eu un de ses merveilleux sourires qui s’est vite transformé en bâillement. Il s’est excusé mais les filles ont rigolé et Alex a suggéré que certains aillent se coucher.
Aryana et sa famille nous ont laissé nous coucher. On a encore fait un tas par terre sur les matelas, les frangins au milieu, Kitty sur la droite de Kris, Baby Jane dans le dos d’Erk. Je me suis glissé derrière elle, Tito et Bear dans mon dos, JD, Quenotte et Yaka derrière Kitty.
Le lendemain, on a eu deux bonnes nouvelles. Il ne pleuvait plus et la patrouille de Frisé avait pu quitter sa grotte car Jude était transportable et ils venaient nous récupérer. Quelques motos arrivaient de la base pour soulager le pick-up.
Ils sont arrivés vers le milieu de la matinée. On avait rangé et nettoyé la salle commune, rassemblé nos affaires et on était prêts.
Kris a voulu porter Erk qui a grommelé qu’il pouvait marcher tout seul et le p’tit frère l’a laissé faire, attentif mais pas collant.
Frisé avait tendu une toile sur des montants ajoutés au plateau du pick-up pour que son blessé grave soit au sec. La 12.7 dépassait, tenue par Gomez, ce sosie de Gomez Addams. Frisé conduisait, Benji à ses côtés. Comme le pare-brise était en morceaux, ils avaient baissé les visières de leur casque.
Rafa était assis à l’arrière à côté de Jude allongé sur leurs couvertures, au chaud sous son poncho.
Une fois sur le plateau, Erk s’est tendu vers Jude et Kris l’a retenu en fronçant les sourcils. Alex, qui était monté avec les frangins, a ausculté Jude rapidement, puis s’est tourné vers le géant pour faire de même.
- Pas de Soin, Viking, il a dit.
- Mais Jude a besoin de moi…
- Erk, si tu le Soignes, tu vas t’épuiser et ta fièvre risque de remonter. Je te rappelle que tu as encore 38.7°C et que ce serait bien que ça n’aille pas plus haut.
Erk s’est rembruni.
- Alex, mon Don va me tarabuster tant qu’il n’aura pas servi.
- Erik, écoute le toubib, s’il te plaît.
- Je suis Guérisseur, Kris, je sais ce que je peux faire.
- Ecoute-moi bien, Eiríkur Thorvald Haraldson Hellason, je te demande d’obéir. Tu as dépassé les 40°C, tu délirais et ton cœur est entré en fibrillation. Alors tu vois, ça, je ne veux pas le revivre. Si tu ne veux pas obéir à Alex, fais-le pour moi.
- Je…
- Sinon je te shoote à la morphine.
- Non merci. D’accord Kris. Mais je ne sais pas si je vais pouvoir me reposer, avec les deux blessés.
- Je t’assommerai si besoin.
- Je préfère pas.
- Alors ferme les yeux et essaye de dormir.
Pendant cette discussion, le reste des patrouilles s’était réparti sur les motos et le plateau. Yaka s’était couchée contre Jude, pour lui apporter du réconfort. Il a souri un peu et s’est rendormi.
On est partis, un peu assourdis par le vent dans la toile qui nous laissait dans le noir et qui protégeait les blessés et autres malades. Dans la pénombre, Erk a fini par s’endormir, appuyé contre Kris. J’ai somnolé, fatigué par les nuits courtes et le froid. Ça aurait pu être dangereux, mais les motos veillaient au grain.
J’ai dû m’endormir parce que d’un coup on était à la base. Et je n’étais pas le seul. Sous la toile, tout le monde roupillait, même Yaka.
Comme d’habitude, on a filé vers les douches, même si on était moins sales. En tant qu’officier de ma patrouille, je me suis occupé de notre lessive, laissant Kris déposer Erk à l’infirmerie puis aller faire son rapport à Lin.
Il nous a rejoints sous les douches et Kitty s’est approchée de lui pour lui frotter le dos. Il s’est laissé faire, même quand elle a passé ses bras autour de lui et appuyé sa tête entre ses omoplates. Tiens donc… J’avais loupé un épisode, on dirait.
J’ai espéré que Kitty se contenterait de ce que Kris pourrait lui offrir, son cœur à lui appartenant au Viking.
Il s’est tourné dans ses bras, a passé les siens autour de ses épaules à elle et l’a embrassé doucement, un baiser très chaste. Ils ont échangé un sourire et ont fini leur douche.
J’ai apprécié ce petit moment de douceur après nos angoisses.
J’ai réussi à attraper Kris avant qu’il aille à l’infirmerie rejoindre son amour.
- Dis-moi, Kris, Kitty et toi ?
- Ça ne te regarde pas, l’Archer.
- C’est vrai. Mais vous n’êtes pas discrets et je suis curieux comme un chat. Alors bon… J’imagine que vous avez eu une conversation ?
Kris a soupiré et j’ai failli abandonner là. Mais non, j’étais allé trop loin pour reculer maintenant. Et puis, je suis un Breton têtu, avec le crâne aussi dur que le granit de ma région.
- On a eu une discussion tous les deux. Elle… Elle veut un peu de chaleur et de câlins, mais pas forcément plus. Alors, ça me convient et me détourne d’Erik. Temporairement, avec la libido que j’ai. Mais ça m’aide.
- C’est une bonne nouvelle, merci.
- Si on veut.
- Si. Parce que si elle sait à quoi s’attendre, il n’y aura pas de souci.
J’ai fait une pause, pendant laquelle Kris a failli s’éloigner de moi, mais il a dû sentir que j’avais encore quelque chose à dire.
- Tu sais, vu que Frisé fait un peu office de figure paternelle pour Kitty, tu devrais t’attendre à la discussion typique des séries pour ados… Tu sais, le père qui dit au petit ami qu’il a une arme et une pelle et que personne ne le regrettera s’il disparaît.
- Le fameux shovel talk.
- Ouais.
- Tant que Kitty ne veut rien de plus que ce que je peux lui donner, je n’ai aucune raison de craindre Frisé. Je n’ai aucune raison de le craindre, de toute façon.
- Je sais. Mais il fallait bien que quelqu’un le fasse, ce shovel talk.
- Idiot.
- Je sais. Allez, petit frère, file donc voir comment va ton amour.
Il m’a tiré la langue – gamin ! – et rejoint l’infirmerie.
Je l’ai suivi, pour aller voir Doc et Nounou, histoire de prendre des nouvelles des blessés. Jude était dans la petite salle à part, avec plein de capteurs, de tubes, de trucs qui entraient ou sortaient de lui. C’était flippant et un peu… répugnant. Mais d’après Doc, Jude allait plutôt bien, compte tenu de sa blessure. J’étais sceptique. Il était inerte, pâle… Ça m’a rappelé Erk au tout début, après son séjour à la Forteresse.
En parlant de lui, il était, avec Benji, dans la grande salle, couvert comme lui de capteurs uniquement. Kris était déjà dans les bras d’Erk, et ils chuchotaient en islandais. J’ai entendu “Kitty”, j’ai donc jeté un bref regard et Kris avait l’air un peu rouge. Mais Erk avait l’air plutôt content. Je me suis donc bien gardé de faire voir que j’avais entendu et je suis allé voir Benji.
- Salut mon pote.
- Salut l’Archer. Comment ça va ?
- Mieux que toi, on dirait.
- Oui, mais dès qu’Erk pourra me Soigner, je pourrais te filer une peignée à l’ahemvé.
- Ah, c’est ce que tu crois ! Tu sais quoi, j’ai ajouté après un peu de réflexion, j’ai hâte de me retrouver à terre, juste pour être sûr que tu vas bien.
On a continué un peu comme ça, puis un… gloussement ? Je me suis tourné vers les frangins. Ils nous regardaient tous les deux, le menton d’Erk sur la tête de Kris, avec deux sourires identiques, à la fois amusés et légèrement moqueurs. Je me suis retenu de leur tirer la langue mais j’ai haussé une épaule.
- Tiens, Erk, Doc t’a dit quand tu pourras Soigner ? a demandé Benji.
- Pas avant un moment, a répondu Kris, et Erk a fait une grimace. Et tu ne serais pas le premier.
- Non, j’imagine bien. Plutôt Jude, non ?
- Oui, a répondu le géant d’une voix tendue.
- Ça ne va pas, Erk ? a demandé Benji.
- Je… Je sens sa douleur, et je ne peux rien faire et ça me rend dingue…
- Je te dirai bien d’aller courir pour penser à autre chose, mais j’imagine que ça, c’est comme Soigner, ça doit attendre…
- En effet, a dit Kris un peu sèchement et en se tournant à moitié vers son frère.
Erk a soupiré. Kris s’est radouci. Puis un sourire particulièrement diabolique s’est lentement dessiné sur son visage et il a dit quelque chose en Islandais. Le Viking est devenu pivoine, tellement rouge que ça devait être plus douloureux qu’un coup de soleil… Il a bafouillé quelques mots et Kris a ricané puis s’est tourné complètement vers lui et s’est sans doute excusé, vu comment les bras d’Erk se sont refermés sur lui et comment Kris s’est pelotonné dans le creux qu’ils formaient.
Benji et moi avons échangé un regard ou deux.
- Il y a un autre moyen de détourner Erk de Jude, a dit Benji.
- Oui. En effet. Mais il ne l’acceptera pas de Kris.
- Non, en effet.
Il a soupiré, pensif. Puis, baissant la voix, il a dit un truc qui m’a soufflé.
- Dommage… Avec leur grâce incroyable, je suis prêt à parier que ça serait un beau spectacle.
- Pardon ?! Tu…
- Quoi ?
- Tu aimerais… les regarder ? Je ne savais pas que tu penchais de ce côté.
- Non, je ne penche d’aucun côté, je suis plutôt asexuel. Ce qui est bien pratique ici, honnêtement. Mais j’ai adoré les regarder danser et je ne peux m’empêcher de les imaginer enlacés pour une autre sorte de danse.
- Je ne pensais pas uniquement à ton orientation, mais… tu es voyeur ?
- Ça m’est arrivé de regarder, dans des clubs spéciaux, quand les partenaires acceptent. C’est… éducatif. Certains sont très gracieux, et je reste jusqu’au bout, d’autres totalement bestiaux, et je me casse vite fait. Et il y a toutes les variations au milieu.
- Et pourquoi tu regardes, si tu… si ça ne te fait rien ?
- Oh ne crois pas ça, des fois ça me fait de l’effet. Mais je trouve cette danse, cet enlacement, très beau.
- C’est un intérêt d’esthète, alors ?
- Si tu veux absolument me mettre une étiquette, alors oui, autant que ce soit celle-là.
- Pardon. Tu as raison, je n’aime pas qu’on me mette dans des boîtes, je ne vais pas y mettre les autres.
Doc est entrée à ce moment et je me suis pris à espérer qu’elle n’avait pas entendu la conversation.
- Benji, j’ai observé tes constantes et elles sont bien. Donc, si tu veux aller prendre une bonne douche et revenir ici pour qu’on change ton pansement, tu pourras retourner dans ta piaule avec tes petits camarades au lieu de jouer les commères en regardant les frangins.
Zut, elle avait entendu.
- Ceci étant dit, l’un comme l’autre sont de bons amants et plutôt gracieux. Erk est juste… trop gentil.
Eh bien, c’était la journée des confidences intimes !
- Tu les préfères un peu brutes ? a demandé le blessé.
- Un peu moins gentlemen, surtout. Erk est très à l’écoute de sa partenaire, ce qui est incroyable et extrêmement plaisant. Mais… lassant ?
- Je ne suis pas sûr d’avoir envie de savoir ça, j’ai dit, un peu gêné de discuter du Viking à moins de trois mètres de lui.
- Fais pas ta rosière, l’Archer. Tu pourrais apprendre des choses…
- Et je t’arrête tout de suite, Doc, a dit Erk, soudain sérieux, nous regardant par-dessus la tête de Kris. Il y a des choses qui doivent rester là où elles se passent.
Il a levé un sourcil. Elle a rougi.
- Tu es peut-être notre médecin en chef, mais tu n’as aucun grade et Lin, Kris, Le Gros et moi sommes tes supérieurs au sein de cette Compagnie. Souviens t’en.
Elle a rougi encore plus, a ouvert la bouche. Erk a fait tut-tut et elle s’est tue.
- Doc, je te dois beaucoup, car tu as réussi à me réparer malgré mes blessures graves depuis que je suis arrivé. Mais tu n’as pas le droit de mettre nos moments privés sur la place publique. Surtout que mon seul crime est, apparemment, d’être trop gentil.
- Tu as raison, Erk. Je suis désolée. J’ai aussi tendance à oublier que nous ne sommes pas de vrais militaires, malgré la discipline que vous avez instaurée ici.
- C’est vrai que dans une unité officielle, tu ferais partie de l’état-major, comme Lin et nous autres lieutenants. Mais…
- Mais nous ne sommes pas une unité officielle. J’ai compris.
- Parfait.
- Maintenant, Viking, faudrait que tu te reposes.
- Alors tirez-vous, vous faites trop de bruit !
Il avait un sourire gigantesque en disant ça et Kris gloussait.
J’ai accompagné Benji aux douches, je l’ai aidé à se désapper et à se laver, je l’ai ensuite laissé entre les mains de sa patrouille.
On était tous fatigués, alors, après le dîner, on a filé se coucher. J’ai rejoint Lin dans sa piaule et je lui ai montré, et à elle seule, que je savais faire plein de choses avec mes mains et ma bouche. Elle en a redemandé. Deux fois.
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