Chapitre 15 – un jugement d’oméga

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Pour déplacer un alpha aussi dangereux que Merwan, capable de s’en prendre à un oméga, il fallait prendre un certain nombre de précautions. Ainsi l’alpha vit ses poignets enserrés d’une manière pénible qui empêchait une majorité de mouvement. Un collier étrangleur avait été ajouté par-dessus son collier classique. Sa vue avait également été obstruée par une bande épaisse de tissu. Se déplacer ainsi, à pied, était toujours particulièrement difficile, heureusement, on lui fit faire une partie du trajet en voiture.

Merwan fit de son mieux pour sentir l’air sur sa peau. Il avait très rarement le droit de sortir ainsi et cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas pu voir le ciel directement. Parfois, pendant le transport, il y avait le droit, mais cette fois-ci, les bêtas étaient nombreux et très directifs dans leurs gestes. Ils ne lui laissèrent pas une seule seconde de pause.

Lorsque la voiture s’arrêta, le souffle de Merwan se raréfia. Il allait rencontrer son nouvel oméga, peut-être l’accepterait-il ou peut-être pas. C’était sa meilleure chance toutefois de limiter les coïts à l’avenir alors il ferait tout pour être aussi sage que possible, même s’il n’y arriverait pas réellement.

La cérémonie était toujours la même. Il était conduit jusqu’à une pièce proche où ses liens étaient retirés patiemment. Là, il recevrait un sermon plus ou moins long. Le bêta lui rappellerait les règles et ce qui était attendu de lui. Enfin, on le conduirait jusqu’à l’oméga. Il avait été bien habillé pour augmenter les chances de faire bonne impression même si les meurtrissures sur ses lèvres et sa voix affreuse feraient peur à n’importe qui. Merwan savait faire. Il savait trouver le bon angle d’attaque pour être accepté par un oméga qui n’aurait jamais cru pouvoir dire « oui » face à lui. Il avait réussi un certain nombre de fois déjà. Cependant, quand on lui retira enfin ce qui masquait sa vue, il sut immédiatement qu’il y avait un problème.

Il était dans une pièce secondaire, certes. Mais cet endroit était très différent de tout ce qu’il avait pu connaitre et surtout, surtout, Perte était à côté de lui. Le grand alpha n’avait pas l’air de savoir ce qui les attendait et Merwan vit sans mal le stress qui l’envahissait. Chez Perte, cela se traduisait par des muscles un peu plus saillants qu’en temps normal et une mâchoire bien plus contractée.

- Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda-t-il au bêta le plus proche.

Mais il ne reçut pas la moindre réponse. Les bêtas avaient l’air stressé de la situation. Sans doute à raison, ils ne connaissaient aucun de ces deux alphas et ils étaient ensemble dans la même pièce. S’ils décidaient de se battre, ce serait difficile de les arrêter tous les deux. C’était sans doute pour ça qu’ils n’enlevèrent pas tous les moyens de contentions, mais s’il s’agissait d’une présentation à un oméga, être montré ainsi enchainé réduirait toutes les chances d’acceptation.

- Ecoutez-moi bien, vous êtes convoqué devant le juge Keiko. Si vous parlez sans y être invité, il vous fera sortir et il ne vous écoutera pas. Il tient à ce que son tribunal soit aussi calme que possible et il reçoit rarement des alphas. Vous avez compris ?

Perte acquiesça mais Merwan fit non du visage. Tribunal ? Juge ? Mais pourquoi étaient-ils là ? Ce n’était pas une présentation contrairement à ce qu’il avait pu croire. Il n’eut pas l’occasion d’en demander plus, car déjà, un autre bêta ouvrit une porte laissant entrevoir une salle de grande taille pour les appeler. Les bêtas discutèrent une seconde du fait de les emmener tous les deux en même temps, puis ils se décidèrent.

Le plus grand passa en premier avec un certain nombre de bêtas, alors pendant un moment, Merwan ne vit que cet attroupement et le dos large et puissant de Perte. Il n’avait vraiment pas envie d’obéir, mais les risques étaient trop grands s’il ne le faisait pas, alors il le suivit d’un pas plus lent que ce que les bêtas auraient pu souhaiter. Il mit un moment à s’habituer au changement de luminosité, puis, il découvrit l’intérieur du vieux tribunal antique. Il sut, immédiatement, qu’il s’agissait d’un ancien lieu alpha. Les histoires de son enfance ressurgirent dans sa mémoire comme pour compléter ce que lui racontait Atkins.

A l’époque où ils régnaient, les alphas aimaient écraser les autres. Ils avaient inventé tout un tas de règles pour cela et une esthétique particulière. Dans cette pièce, cela se traduisait par deux grandes statues encadrant la salle et tenant, à bout de bras, un plafond particulièrement haut. Une représentation du ciel nocturne. En bas, près de leurs pieds immenses, se trouvaient les gradins où les spectateurs pouvaient assister aux procès. Au centre de la salle ronde, un immense tapis rouge attendait les avocats qui viendraient, tour à tour, défendre l’un ou l’autre des partis face au juge. Ce dernier avait une estrade pour lui tout seul en hauteur pour les dominer tous.

Les salles omégas étaient faites pour que tout le monde se sente bien. Elles étaient souvent circulaires et chacun était au même niveau. Les fauteuils étaient comme des cocons particulièrement confortables, mais il n’y avait rien de tout cela ici. Malgré tout, le juge Keiko avait décidé de ne pas siéger depuis son estrade mais de s’installer sur un fauteuil dans l’espace central. Il n’était pas seul, il y avait un bon nombre de bêta, ainsi qu’Atkins et plus loin, trois autres omégas. Merwan se figea en découvrant Saarf et derrière lui, Leyn ainsi qu’un petit roux. Son cœur loupa un battement et il se souvint, au dernier moment, qu’on lui avait demandé de se taire.

Que faisaient-ils ici ? Pourquoi étaient-ils venus ? Il se prit à espérer en être la cause, qu’ils soient venus le chercher, mais pourquoi ici ? En réalité, tout cela ressemblait plus à un procès, son procès. Les bêtas dans son dos le poussèrent et l’amenèrent à s’asseoir sur le gradin, assez loin de Perte et ses menottes furent reliées à un crochet fermement ancré au sol. La salle avait été très légèrement aménagée. Là, il observa l’oméga qui avait été le sien. Leyn était magnifique, mais son visage était fermé et il ne le regardait pas. Merwan avait eu quelques semaines pour y réfléchir, il se doutait que Leyn avait dû être traumatisé par ce qu’il s’était passé… Mais il avait l’air de lui en vouloir énormément.

Le juge toussota, attirant leurs attentions.

- Bien, tout le monde est là. Je suis le juge Keiko et je suis là pour vous aider à trouver un compromis. J’ai entendu toutes les parties durant ces dernières semaines. Je vais commencer par vous lire un compte-rendu qui pourra éclairer les alphas ici présent, Perte et Merwan.

Ce dernier tressauta légèrement en entendant son nom. C’était très oméga de parler de compromis et le juge avec l’air très doux, pourtant l’angoisse ne partait pas.

- L’oméga Leyn a fait une demande pour reprendre l’alpha Merwan qu’il avait précédemment renvoyé suite à une attaque particulièrement violente. Ce genre de retour n’est pas spécialement encouragé, néanmoins, Merwan a eu un grand nombre d’omégas et c’est peut-être sa seule chance de trouver sa véritable place dans notre société. Cette demande a été soutenue par l’oméga Saarf qui gère la zone commune dans laquelle l’attaque a eu lieu.

Merwan jeta un coup d’œil aux omégas, mais ils restaient froidement concentrés et le compte-rendu reprit.

- L’oméga Atkins qui gère Merwan depuis qu’il est sorti de l’école s’est opposé à cette demande. Et il a proposé que Merwan reste au sein de sa zone commune sans être à nouveau proposé à un oméga en raison de sa dangerosité qui est avérée.

Merwan ferma les yeux sous le choc. Il savait que tôt ou tard, il ne serait plus envoyé vers de nouveaux omégas, mais il avait cru qu’il aurait le droit de rejoindre une zone commune définitive différente. C’était ce qu’il se pratiquait habituellement. Pourquoi Atkins voudrait-il le garder ? Dans quel but ? L’idée même de rester condamné sous ses ordres lui donnait envie de vomir car il n’y arriverait jamais. Il ne pourrait pas être satisfaisant. Loin de ses angoisses, Keiko reprit avec toute la tranquillité et la douceur possible.

- Leyn et Saarf ont alors décidé de visiter la zone commune pour se convaincre que c’était dans l’intérêt de Merwan que d’y rester. Après cette visite, ils ont formulé trois demandes distinctes. La première est l’ouverture d’une étude sur les zones communes, leurs méthodologies et l’évaluation du bien-être des alphas, des bêtas et des omégas présents. Cela fait des années qu’une telle étude n’a pas été diligentée et c’est pourquoi, elle sera acceptée à l’issu de cette audience.

Atkins se trémoussa sur sa chaise comme s’il était personnellement remis en cause, mais ce n’était pas le cas. Les omégas essayaient toujours d’arranger les choses, ainsi si l’étude remettait des choses en cause, ce serait pour l’aider. Mais Atkins n’avait rien envie de changer et surtout, il était inquiet, inquiet à l’idée qu’on lui retire des alphas et que d’autres attaques aient lieu. La sécurité des autres omégas devait être assurée !

- La seconde demande concerne à nouveau le fait que Merwan soit lié à Leyn. Et la troisième demande est le retrait de l’alpha Perte de la structure de la zone commune que vous tenez, Atkins pour un transfert dans la zone commune de Saarf. Cette dernière demande ne me convenait pas. Je crois que vous êtes venu avec une nouvelle offre ?
- En effet, monsieur le juge, acquiesça Saarf.

A côté de lui, le petit oméga roux qui n’avait pas encore dit un mot se leva. Il jeta un coup d’œil inquiet en direction de Perte et puis, il dit, d’une voix tremblotante :

- Je m’appelle Fye, je ne suis lié à aucun alpha. J’ai une dérogation. Je propose de… Je… Je pourrais… faire un essai avec l’alpha Perte.
- C’est très généreux de votre part. répondit Keiko.

Fye avait l’air particulièrement inquiet, mais ce n’était pas mieux du côté de Perte. L’alpha avait l’air choqué au possible, il remua légèrement et aussitôt les bêtas se rapprochèrent, alors Perte s’immobilisa, il y avait longtemps qu’il avait appris à obéir, mais il se sentait horriblement mal à l’idée d’être conduit ailleurs.

- Cette proposition me convient et je ne vois rien qui pourrait s’y opposer. Concernant la demande pour Merwan, elle avait déjà été discuté. Afin d’assurer la sécurité, un matériel adapté pourrait être employé, ainsi les choses vous conviendraient-elles Atkins ?
- Pour canaliser un alpha tel que Merwan, nous employons un certain nombre de bêtas, de l’équipement mais il s’agit surtout de les soulager suffisamment à travers un grand nombre de coït quotidien. Il faudrait assurer qu’il continue à être satisfait à la hauteur de son évaluation.
- Cela me semble raisonnable. Leyn ?
- Oui, cela peut se faire, peut-être avec un délai le temps que nous nous apprivoisons ? Je n’ai pas encore eu de chaleur avec Merwan.
- Oui, je comprends votre réticence à brusquer de trop les choses. Cependant, Merwan sera interdit de zone commune sur votre lieu de vie pour des raisons de sécurité. Alors ce serait bien de ne pas trop tarder.

Leyn accepta et jeta un premier coup d’œil en direction de Merwan. Jusque-là, il n’avait pas osé, de peur de craquer. L’alpha était assis sagement, il avait l’air un peu perdu et surtout très raide. Il avait un peu maigri depuis la dernière fois qu’il l’avait vu, mais en dehors de ça, il n’avait pas vraiment changé.

- Excusez-moi, monsieur le juge ?
- Oui, Atkins.
- Comment savoir si Merwan obéira à Leyn ? J’ai peur d’un accident honnêtement, cet alpha ne se maîtrise pas.

Aussitôt Saarf intervint, indiquant que Leyn avait su se faire obéir durant toute la période où ils avaient été ensemble et que ce n’était que dans des circonstances très particulières, qu’il avait déjà exposé, que Merwan s’était montré agressif.

- Peut-être pourrions-nous tester, tout simplement ?

Le juge interpella deux bêtas en leur demandant de libérer Merwan et tous purent observer les frémissements choqués de l’alpha. Il portait toujours ses menottes, mais elles n’étaient plus reliées à rien. Les bêtas lui laissèrent uniquement la muselière pour éviter une morsure.

Leyn ouvrit les bras tout en demandant à l’alpha de venir et le grand corps se déplia lentement, jetant un coup d’œil à Perte, il le contourna assez largement, il évita également Atkins qui avait l’affreux pouvoir de le faire vriller en une seconde et l’instant d’après, il était sur Leyn. C’était comme un rêve. L’oméga lui demanda de s’agenouiller devant lui et Merwan le fit sans appréhension parce que Leyn n’avait jamais abusé de lui. Il alla même jusqu’à poser ses grandes mains sur la cuisse fine et ferme du plus petit pour se recroqueviller contre lui. Sous ses doigts, le pantalon de Leyn était tiède. Il était là, réellement là. Avec toute la douceur du monde, Leyn glissa ses doigts dans les mèches brunes et il défit la muselière épaisse qui enfermait le visage de l’alpha.

- Vous êtes revenu…
- Oui, je suis désolé d’avoir mis si longtemps…

Derrière eux, le juge donna son verdict, satisfait de ce qu’il voyait. Leyn repartirait avec son alpha.

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