La nuit s’annonce, le soleil achève sa course derrière les montagnes. Il est bientôt l’heure. J’installe mon transat sur la terrasse, prépare ma tasse de tisane. Secoue mon plumier, enfile un autre pull, il faut se préparer, c’est bientôt là, ne sois pas en retard, pas ce soir. Au loin, un merle entame sa cour à sa belle et annonce que le spectacle sera merveilleux. Je fais pivoter ma « balançoire », la mets juste bien en face de cet immense ciel qui s’assombrit. Là, les quelques nuances brillantes amorcent leurs rayons derrière la montagne, vite, je pose ma tasse, mon gobelet avec ma pilule de morphine, je ne veux pas rater ça, pas ce soir. J’enfile mes grosses chaussettes de laine, m’enveloppe dans ma couette de duvet de canard et m’installe prudemment. Les corolles d’argent s’annoncent, illuminent tout le ciel, c’est splendide. Sa Majesté de la nuit s’élève, déversant des rivières d’argent sur les sommets enneigés. Elle est gigantesque, vole la lumière des autres étoiles. Toute sa traîne s’étale dans les neiges. Tout s’illumine, son halo se réfléchit dans ma tasse, la forêt devient enchanteresse. La lumière explose dans tous les sens, je serre mon coussin chauffant contre mon ventre douloureux. Là, à ma droite, Vénus et Jupiter s’affrontant encore ce soir malgré la présence de leur reine. Les oiseaux se sont tus, tous en face de ce moment si unique. Madame s’envole dans le ciel, inondant ce pauvre monde à la dérive qui ne la voit plus depuis si longtemps, je suis chanceuse.

Le spectacle est à la hauteur, je m’enfonce dans mon « transat balançoire », envoie ma pilule magique calmer les ardeurs de Mr Crable, pas ce soir mon gars, laisse-moi encore profiter de tout ça, c’est si beau, je suis si bien.