Chapitre 1

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Une attaque. Jamais les Nomades n’avaient été attaqués ! Jamais ! Nous n’avions même pas d’armes. Notre niveau de danger était ridiculement bas ! Nous nous servions des fluides pour… faire le bien. L’attaque nous avait tous pris aux dépourvus, personne n’avait prévu, et les quelques nomades qui tentèrent de résister furent rapidement maîtrisés avant que nous soyons enchaînés.


« Azaly ! »


Le coup en pleins visage me fit tituber en arrière et l’un des bandits gueula qu’il ne fallait pas m’abîmer. Quoi ?! Je sentis les fers me claquer autour des poignets avant qu’on ne me poussât dans une cage. Je fermais les yeux pour essayer de repousser les fluides qui se pressaient autour de moi, je ne savais pas comment les utiliser, aussi prise au piège dans une toute petite cage. Ils détachèrent brièvement les chaînes pour les passer autour des barreaux pour réduire encore l’amplitude de mouvement. Les autres étaient dans le même cas que moi. Je sentis les larmes rouler sur mes joues alors que nous étions séparés, j’entendis des cris, des appels… j’aurais aimé me boucher les oreilles pour ne plus les entendre, mais aveugle, c’était mes autres sens qui prenaient le relais et les fluides qui se tordaient, suppliant presque qu’on les utilise… Je remontais mes genoux contre mon ventre légèrement arrondi. Je ne dis rien, je ne fis rien. Qu’est-ce que je pouvais bien faire ? User de mes fluides ? Et comment ? Il y avait quelque chose d’étrange dans le métal de la cage, comme-ci il repoussait les fluides, c’était la même chose pour les chaînes. Alors on ne pouvait qu’attendre et espérer. Espérer quoi ? Attendre quoi ? Que quelqu’un nous délivre ? Qu’on nous ôte nos chaînes ? Que cela soit juste un horrible mal entendu ? Je n’y croyais pas, ils étaient beaucoup trop bien préparé et surtout… ils cherchaient quelqu’un. Et ce quelqu’un c’était moi. J’entendis un bruissement de tissu et la chaleur du soleil fut coupé, on couvrait les cages…


Il eut un long moment de déplacement, j’entendais souvent des chants qu’une grêle de coups faisait taire, parfois des cris… je n’entendais pas Azaly… Où était-il ? La chaleur de la journée finit par s’envoler, remplacé par la fraîcheur de la nuit et un frisson me parcourut l’échine. On s’arrêta et l’odeur du feu de bois me chatouilla les narines, tout comme celle de la nourriture. Au bruit, je devinais qu’on donnait à manger à tout le monde, mais moi j’eus quand même un sursaut quand la porte de ma cage s’ouvrit. J’étais toute seule… Je me collais aux barreaux, protégeant comme je le pouvais mon ventre. La personne s’assit près de moi et soupira un peu :


« Allez, ouvre la bouche, faut que tu manges. »


Je ne dis rien, blottie dans le coin de la cage. Il parlait la langue de l’Ouest, du royaume des vallées. Je n’avais pas la facilité de mémorisation des gens du nord, mais à force de voyager, les Nomades apprenaient toutes les langues, sans compter la leur, enfin notre, qu’on utilisait entre nous quand on ne voulait pas être compris par les autres. Je me mordis les lèvres sans rien dire, l’homme soupira :


« Ouvre, il faut que tu manges, tu es précieuse. Si tu ne te laisses pas faire, je vais devoir employer la force. »


Si je voulais des réponses et pouvoir poser les questions… j’avais intérêt à coopérer. J’ouvris timidement la bouche et il glissa entre mes dents une cuillère de bouillie d’avoine et de graisse animal. J’avalais avec difficulté et il continua de me nourrir en silence, je le sentis poser entre mes lèvres le goulot d’une gourde que je bus en entier. J’en avais besoin.


« Je note qu’on va devoir te donner plus à manger et à boire que les autres. Enfin, de base c’était ça.

- Azaly… est-ce qu’il va bien ?

- Aucune idée de qui c’est. Et j’imagine que tu ne peux pas me le décrire. »


Je baissais la tête avant de reprendre la parole :


« Qu’est-ce que vous allez faire de nous ? »


Pour toute réponse il claqua la porte derrière lui et je soupirais un peu. Les feus étaient toujours allumés et j’entendais du métal tisonner… Des suppliques… On tira quelqu’un… Inaria !, d’une cage alors qu’elle poussait un cri en suppliant qu’on ne lui fasse pas ça. Un coup, des suppliques, encore… Les fluides… Son hurlement de douleur, accompagné de l’odeur de chair brûlée me fit comprendre. On les marquait au fer rouge, je poussais un cri en demandant qu’on arrête, qu’on les laisse, personne ne m’écoutait, un par un je les entendis les marquer sans aucune considération, comme des bêtes. J’entendis des suppliques et les demandes… Rien ne fonctionna et la peur que mon tour arrive s’empara de mon être. Je me maudits d’éprouver du soulagement en comprenant… que moi je ne serais pas marqué. Pourquoi moi ? Je ne savais pas. Un horrible soupçon s’empara de moi, Azaly. Je ne l’avais pas entendu ! On revient me jeter une couverture et malgré l’inconfort de ma position, je finis par sombrer dans un sommeil agité.


Toutes les journées se ressemblèrent, j’étais largement assez nourris et abreuvé, surveillée… moi j’étais chouchoutée. Pas les autres. J’entendis parfois une lame trancher dans la chair et l’odeur du sang se répandre. Azaly… Azaly n’était plus là pour moi… On me l’avait arraché. J’avais plusieurs fois demandé… on ne m’avait rien dit. Plus de noms… Les chants, les rires, et la joie s’était tu… Pourquoi ? Qu’avions-nous fait de mal ? Je ne savais pas… je ne savais vraiment pas. Le marché aux esclaves fut le pire pour moi, j’entendais les cris les suppliques des miens, les prix… Dans le hangar… je demeurais seule un long moment avant que la porte du hangar ne s’ouvre.


« Elle est là, majesté.

- En bonne santé ?

- Elle est enceinte, mais c’est tout.

- Tant mieux. »


Je devinais le sourire dans sa voix, la porte de ma cage s’ouvrit et on m’ôta brièvement les chaînes pour me les remettre une fois sortit. Je titubais un peu, les jambes incapables de véritablement me soutenir. Une main me rattrapa.


« Elle pue. »


Je ne connaissais pas la voix, mais je demeurais coi, attendant la suite de la discussion.


« C’était difficile de la laver, mais elle est en bonne santé.

- Mmph… »


Le bruit d’une bourse, une autre main ferme autour de mon bras qui m’entraîna derrière lui sans aucune douceur. Il me grimpa dans un carrosse et je m’accrochai à la banquette alors que la porte claquait derrière moi.


« C’est toi la Danseuse du Vent ? »


La voix était grave, avec un accent supérieur. J’entendais le bruissement d’étoffes beaucoup trop soyeuse pour être du peuple. Je hochais la tête en gardant mes bras autour de mon ventre.


« Tu es bien aveugle ?

- Oui.

- Donc tu ne sais qui je suis ?

- Non. »


Je ne connaissais pas toutes les voix de ce monde ! Je serrais plus fort les bras autour de moi sans rien dire de plus. Qu’est-ce qu’il me voulait ? Qui était-il de base ? Je devinais à sa voix qu’il souriait :


« Tu connais un peu les seigneurs et les grandes maisons ou pas du tout ?

- Non… Je m’en moque de tout ça.

- Mmph… Naghosi Yoriki, cela ne te dit rien ? »


Je haussais à nouveau les épaules sans rien dire. Je m’en moquais… Je voulais juste retrouver Azaly, ma vie, les miens. L’homme reprit la parole :


« Le roi des vallées vertes.

- Et donc toi… »


Pathétique, mais il n’eut qu’un rire et sa main agrippa mes joues, ses doigts s’enfoncèrent dans ma chair.


« Et toi tu es Saïph Khamsin, l’une des deux danseuses du vent des Nomades. La plus puissante manipulatrice de fluide du monde. Pas vrai ?

- Ça je ne sais pas… Mais oui, c’est mon nom. Qu’est-ce que tu me veux ? Pourquoi avoir attaqué les miens ?

- Ce que je veux ? Mais… toi… j’ai besoin d’une puissante utilisatrice de fluides… J’ai besoin d’un puissant héritier pour mon royaume, un futur maître des fluides pour diriger mes armées. »


Mais… j’étais déjà enceinte ! Et pas de lui ! Il soupira longuement :


« Malheureusement… tu es déjà enceinte… et pas de moi. Ne t’inquiète pas, le médecin du palais réglera ce petit… problème. »


Le coup qui me cueillit en pleins dans le ventre me fit de gémir de douleur et les suivants également…

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