Chapitre 2
Il faisait beau aujourd’hui… J’étais assise sous le patio à écouter les bruits des jardins. Huit ans, enfermée ici… La seule chose bonne qui m’était arrivée ici, c’était ma fille, ma toute petite fille de six ans. Je soupirais un peu avant d’étendre mes jambes à même le bois et de détourner la tête du jardin que je ne pouvais pas voir pour être attentive aux jeux de Capella, ma fille. Tout comme moi, elle portait le nom d’une étoile, et… je ne comprenais pas… Les fluides étaient forts autour d’elle, rien d’anormal, elle était ma fille ! Mais quand même… à ce point ? Cela me semblait presque étrange. J’avais tenté de fuir ou de me tuer avant que ma fille n’arrive. Maintenant… je ne pouvais plus. Peut-être que je devais lui offrir mon pouvoir ? Lui offrir le pouvoir de Danseuse du vent. Quel nom je lui donnerais dans ce cas ? Gharbi ? Un vent froid… Ma fille, ma petite étoile, était mon soleil, mais je ne voyais que cela… Un vent froid, chassant ses ennemies. Quand bien même, jamais le roi d’ici n’appelait ma fille Capella. Il l’appelait Eri.
« Maman ? »
Je lui souris et lui ouvris les bras, ma petite s’y cacha aussitôt, je lui embrassais tout doucement le front avant de passer mes doigts dans ses beaux cheveux. On me l’avait décrite : les traits du visage rappelait son père, un visage légèrement rond, des yeux bridés, un petit nez, des cheveux lisses. Mais une jolie peau caramel, des yeux noirs et une chevelure toute aussi sombre. Ma petite étoile… Elle dansait déjà si bien avec les fluides ! C’était tellement agréable de la voir aimant danser. Enfin, la percevoir danser du moins, quand bien même je ne pouvais pas la voir beaucoup, celui qui s’arguait être son père lui avait donné beaucoup de cours et de leçons, tout pour la transformer en une parfaite petite princesse. Ma fille n’était pas une princesse ! Elle était une Nomade et rien d’autre. C’était bien pour cela que je lui parlais de notre peuple, que je lui avais appris notre langue tout cela. Je posai ma joue contre son crâne avant de lui raconte à voix basses quelques histoires et légendes de notre peuple. Devais-je lui léguer mes pouvoirs ? Était-ce… Non, elle ne serait qu’une danseuse du vent prisonnière, comme moi. Cela je ne pouvais pas, quand bien même j’étais bien traitée, nourries, logée et vêtue… Ce n’était pas la vie que je voulais
« Maman ?
- Oui ma petite étoile ?
- Est-ce vrai que les dieux ont décidé que Naghosi Yoriki serait le roi ? »
Je plissais les lèvres avant de secouer la tête, heureuse que ma petite parle notre langue, et pas uniquement celle de ce royaume :
« Non ma petite Capella, les dieux n’existent pas. »
J’inspirais profondément, la gardant sur mes genoux avant de me mettre à lui raconter une histoire, une légende :
Il y a bien longtemps, il n’y avait rien sur terre, ce n’était qu’une boule de terre parcouru par les fluides. Les fluides jouaient et dansaient ensemble comme toujours. Personne ne se souvient de cette époque, parce qu’il n’y avait rien d’autre que les fluides. Ils s’aperçurent que leur danse apportaient la vie et ils continuèrent, recouvrant la terre d’arbres, de forêts, de prairie… Et leurs plantes en poussant soulevèrent la terre, créant montagnes, collines et valons, la pluie se mit à tomber, créant les lacs, les rivières et la mer… Il plut pendant des jours selon les désirs des fluides qui reconnaissaient que leur création en avait besoin. Les fluides dansèrent encore avec le jardin qu’ils avaient crée et de leur nouvelle danse naquirent les animaux, de l’oiseau à l’insecte, peu à peu ils s’éparpillèrent dans les arbres, la terre, l’eau ou l’air. Les nouveautés créent dansaient avec leur créateur, leur offrant même une musique nouvelle. La terre stérile s’était recouverte de bruissement, de chant et de vie. Les fluides, heureux, dansèrent davantage et cette fois… ils créèrent l’Homme, mais contrairement aux créatures précédentes… ils ne semblaient pas percevoir aussi bien les fluides que les autres… sauf certains… Les Nomades. Ils semblaient être très proches des fluides, chantant toujours pour eux… Et dans ce petit groupe de Nomade, deux êtres, aveugle à la beauté du monde, pouvaient eux les voir…
Je souris doucement à ma petite en caressant tout doucement sa joue. Je sentais son regard dans le mien, je devinais beaucoup de chose…
« Ma petite étoile ?
- Oui ?
- Tu me promets de jamais oublier, tout ce que je te dis ?
- Promis ! »
Je me mis à la chatouiller et elle éclata de rire, cherchant à se débattre entre mes doigts habiles, mais je crois qu’elle aimait cela aussi, passer du temps avec moi. Je m’arrêtais brusquement quand la porte s’ouvrit sans qu’on eût frappé.
« Tu dois danser Saïph. La princesse Eri y assistera. »
Je hochais la tête avant de me redresser pour me déplacer dans la pièce pour me changer alors qu’une servante s’occupait d’habiller ma fille. Même danser ne m’apportait plus autant de plaisir. Le roi était prévoyant, je dansais dans un cercle composé de sceau : je pouvais jouer avec les fluides, mais un bouclier m’isolait complètement dans une sphère, comme ici. Mais au moins ma fille pourrait me voir danser, e dansais pour elle et pour les quelques fluides que j’arrivais à toucher du doigt. Depuis qu’elle était née, ils ne dansaient plus vraiment avec moi, mais avec elle. Peut-être parce que je n’avais plus… la foi de danser ? Je ne savais pas.
J’inspirais profondément avant de me mettre à danser souplement, laissant les quelques ondes qui venaient encore m’enrouler et danser avec moi. J’inspirais profondément, laissant leur murmures, leur ondulation, leur chant. C’était aussi un moment paisible, j’avais l’impression d’être hors du temps, de retourner brièvement à une époque qui était révolu depuis longtemps. Huit ans… Mais au moins depuis que je savais que les yeux de ma petite fixés sur moi lorsque je dansais… Je me sentais toujours le cœur plus léger, je ne dansais pas pour l’homme qui m’avait tout prit, mais pour elle, pour mon enfant. Je savais où elle était, assise près de son géniteur, à ses pieds… Loin des autres enfants de l’homme, mais c’était pour ses yeux à elle que je m’élevais toujours plus haut. Je bondis dans les airs, souplement, écartant les bras, avant de retomber souplement au sol sur la pointe de mes pieds. Je rouvris les bras avant tournant sur moi-même, mon souffle gonfla ma poitrine et je fis un petit saut presque sur place. Mes pieds nus ne faisaient presque aucun bruit sur le sol, le bruissement du tissu autour de moi, de mes longues manches fluides qui virevoltaient, le tissu sur le visage… Je me sentais libre… Je suivis des yeux les fluides, m’inclinant à l’arrière, touchant un instant le sol du bout des doigts. Ma fille, mon enfant, regarde-moi ! Sois fière de moi ! C’est à toi que j’offre cette danse !
Perdue dans les sensations de danse et de jeux avec les fluides, je ne fis pas attention au monde autour de moi. Je sentis une douleur vive, comme un claquement de fouet, me remonter dans la jambe. Elle venait de mon talon d’Achille qui venait d’être tranché net.
« Maman ! »
Des petits pas ! Ma fille qui se jeta sur moi alors que je pressais mon talon entre mes doigts pour essayer de faire en sorte qu’il ne saigne plus. Ou du moins diminuer le saignement.
« Ça… va ma chérie, ça va. »
D’autres pas. Lui… et je sentis ma petite être écartée de moi alors qu’elle cria de douleur et je tendis la main pour reprendre la sienne.
« Laisse-la !
- Chut chut… toutes les deux… vous ne voudriez pas attirer des gardes, n’est-ce pas ? »
Il me faisait toujours danser seule, sans musique. Du moins, sans autre chose que des gardes. Ma fille s’arrêta net de parler alors que je me mordais les joues pour ne pas gémir de douleur.
« Tu ne me sers plus à grand-chose Saïph Khamsin. Depuis huit ans je vois tes forces dépérir, lentement, alors que celles de ma fille, grandissent. Mais comprends bien une chose… J’ai encore besoin de toi. »
Il posa son pied sur ma cheville et un hurlement de douleur m’échappa lorsqu’il appuya.
« Arrêtez ! Ne faites pas de mal à ma maman ! »
Froissement de tissu, il mit un genou à terre et j’entendis ma petite pleurer tout ce qu’elle savait.
« On va faire un petit pacte tous les trois… Qu’en dites-vous ? Eri, si tu restes sage et que tu obéis bien, il n’arrivera jamais rien à ta mère. Mais, si tu n’obéis pas, que tu refuses de faire des efforts… Je punirais ta mère. Sommes-nous clairs tous les trois ? Obéissaient sagement toutes les deux et il ne vous sera fait aucun mal.
- Je le jure père ! Je vous promets ! Mais laissez-la s’il vous plaît.
- Parfait… Gardes ! »
Le bruit lourd des bottes sur le sol. Ma fille poussa un cri et s’arracha à la poigne de son père pour s’accrocher à moi de toutes ses forces. Son père s’éloigna de quelques pas :
« Amenez Eri dans ses nouveaux appartements et ramené Saïph dans ses anciens. Faîte venir le médecin. Je n’aimerais pas qu’elle se vide de son sang. »
Je sentis une poigne m’arracher ma fille et un hurlement sauvage jaillit de ma poitrine alors que pour la première fois depuis huit ans j’utilisai les fluides pour essayer de les repousser et les frapper. Je n’avais jamais usé d’eux dans un but offensif… Et après huit ans… cela se ressentait horriblement. Une main attrapa ma fille et la tira en arrière alors qu’elle hurlait de me laisser avec sa maman.
« Capella ! Capella ! »
Rien que de bouger le pied me tira un gémissement de douleur, ma fille fut entraînée loin de moi alors que je l’entendais pleurer. Je sentis les larmes rouler sur mes joues alors que j’essayais de la rejoindre, je ne pus que retrouver le plancher de ma cage dorée.
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