Chapitre 4
Aumoe, ma meilleure amie, venait de se jeter sur moi, ravie de me revoir après deux mois sans se voir. Ouf ! C’était, contrairement à moi, une fille de noble des îles du ciel et de la mer, mais cela ne nous avait pas empêche de nous adorer.
« Aumoe ! Doucement ! S’il te plaît. »
Elle me lâcha, enfin, et je pus me redresser pour l’observer avec une grande attention. Ses beaux cheveux noirs long lui tombaient souplement autour de son visage, sa peau brune été encore plus belle que d’habitude avec ces deux mois passés au soleil et ses yeux noirs brillaient de malice. Elle portait déjà l’uniforme.
« Comme tu m’as manqué ! C’était long deux mois sans toi !
- Hey, tu étais avec ta famille ça va ! T’as l’air d’avoir bien profité !
- Ouais ! C’était chouette ! Je préfère quand même vivre chez moi qu’ici, faudra m’expliquer ce que vous avez les continentaux avec vos gros châteaux !
- C’est solide. Et ça résiste au froid. »
Elle éclata de rire. Aumoe était un petit rayon de soleil qui éclairait toujours mon monde quand elle était là. Il eut un raclement de gorge. Oups ! Ivanka ! Naturellement on avait échangé de langue, elle parlait celle de mon royaume et moi la sienne ! Je jetais un œil à la petite.
« Je te présente Ivanka, une nouvelle. Elle loge au quatrième. »
Les deux se jaugèrent du regard un instant avant qu’Aumoe ne lui offre un sourire.
« Enchantée ! »
Ivanka la détailla de haut en bas et de bas en haut avant de hocher la tête, elle quitta rapidement la chambre et j’eus presque un soupire de soulagement.
« Tu l’as trouvé dans la rue ce chaton ? »
J’eus un rire en donnant une bourrade à Aumoe qui se laissa tomber sur le lit, me laissant, enfin, ranger tranquillement mes affaires. C’était pas si mal que ça ! J’attendis d’avoir organisé toutes mes affaires, posant sur la table de nuit ma bague à tabac ainsi qu’un petit carnet en cuir. Aumoe haussa un sourcil.
« T’as pas arrêté de fumer encore ?
- Question un, non, c’est pas moi, on me l’a confié plus ou moins de force, question deux : toujours pas. »
J’aimais trop fumer ma pipe, c’était tellement agréable et avait un goût de transgression et de puissance. On ne fumait pas chez moi, ça coûtait trop cher, sauf ici où je pouvais l’avoir pour beaucoup moins cher. Il n’était pas difficile d’en voler un peu durant certains cours de botanique ou même en vile où rien que l’uniforme des apprentis mages suffisait à avoir reconnaissance et réduction. Il fallait en profiter. Seule une élite pouvait y avoir accès et ces gens devaient comprendre qui était supérieur à qui. Aumoe haussa les épaules, elle n’aimait pas ma fumée, mais dans son peuple, les drogues et hallucinogènes était plus puissants que mon tabac. Sans jugement aucun, elle était celle de notre promotion la plus rapide à s’enfoncer en méditation et en transe et elle avait une remarquable résistance aux poisons. J’en étais jalouse, mais comme je la surpassais dans les autres domaines, je pouvais lui laisser quelques talents. Je recrachai une bouffée de tabac dans l’air avant de finir de ranger mes affaires, ma pipe entre les dents.
« Bon, et sinon ? Avec tes parents ? Tout ça ? C’était comment ? Et ta petite sœur ?
- Comme d’habitude. Ils profitent de mes talents pour la vie de tous les jours… Je peux pas trop leur en vouloir, je suis la seule à pouvoir les sortir de ce bourbier de médiocrité. Et Iwona a toujours été aussi casse-pieds à vouloir venir. »
Aumoe haussa un sourcil :
« Tu es dure avec ta famille quand même ! Tu pourrais leur être plus reconnaissante !
- Mouais, sans doute ! Mais, c’est compliqué, je me sens quand même étrangère chez eux.
- Exagère pas ! T’as passé plus de temps avec eux qu’ici quand même. »
Je soupirais un peu. Sans doute ! Sans doute ! Mais bon…
« Est-ce qu’on compte vraiment les… trois premières années de vie ? Parce que sinon on est plus ou moins à égalité !
- Roh… Arrête un peu ! Ils t’aiment tes parents !
- J’ai pas dit le contraire. Juste que maintenant on a plus du tout les mêmes centres d’intérêt… Et ça se sent, je n’ai plus du tout leur manière aussi. »
Aumoe leva les yeux au ciel et ouvrit en grand la fenêtre.
« Qu’est-ce que tu fais ? Ferme la fenêtre !
- Non, j’ouvre pour que tu n’asphyxies pas ta prochaine colocataire.
- C’est pas toi ? Merde. »
La première année, nous avions été ensemble, la deuxième aussi ! Et c’était trop bien d’être avec sa meilleure amie… Mais visiblement beaucoup ne voulaient pas, enfin, la réalité c’était qu’on avait eu de la chance pendant deux ans. Mais là j’espérais surtout ne pas tomber sur première année. Non, pitié, j’avais pas envie d’avoir un deuxième bébé dans les pattes, je supportais déjà mal Iwona… non c’était le nom de ma sœur, la gamine c’était Ivanka et ça faisait trois heures que j’étais en charge d’elle ! La porte s’ouvrit et je me retournais vers la personne qui entra et posa ses affaires sur le lit. Une fille. Cheveux blancs, peau blanche, yeux rouges… Une Albinos ? Je fronçais légèrement les sourcils et elle me jeta un regard froid, je tournais la tête vers Aumoe qui haussa les épaules et je la remis soudain en place ! C’était pas la première fois que je la voyais ! Elle était de ma promotion, discrète et peu sociale si on oubliait son albinisme.
« Tu es Svara ?
- Et toi Andrzeja. Major depuis la deuxième année. »
J’eus un sourire satisfait, elle savait qui j’étais au moins. Elle s’exprimait sans une once d’accent, ça aussi c’était appréciable, certains, malgré les années passées ici, avaient encore les accents de débutant ! C’était faire honte à notre école. L’uniforme ressortait… à mes yeux, un peu étrangement sur elle. C’était… peut-être juste une impression. L’albinos, Svara pardon, tourna les yeux vers Aumoe :
« Et toi tu es Aumoe. L’éternelle seconde. »
Ma meilleure amie accusa le choc, mais lui offrit un sourire froid.
« Je préfère être la seconde qu’être dans les vingt premiers.
- Je me fiche de mon classement comme de ma première brûlure. »
Très bonne ambiance. Elle nous tourna le dos pour ranger ses affaires dans un silence et je compris brusquement ce qu’il y avait d’étrange avec sa tenue. Contrairement à nous, ses manches étaient beaucoup plus longues et couvraient entièrement ses mains, et surtout elle avait une longue capuche dans le dos. Se protéger du soleil sûrement si elle venait à sortir. Je pourrais la plaindre… mais… non.
« Tu viens d’où Svara ?
- Le Royaume du Soleil. »
Ou Royaume du Sud. Très bien, au ton j’avais compris qu’elle n’avait pas du tout envie de parler. Je finis de tirer sur ma pipe avant de la nettoyer et la ranger. Je refermais soigneusement mon placard, sans user de fluides pour la refermer. Le vol était proscrit après tout et trop sévèrement puni pour que quelqu’un s’y risque. C’était presque automatiquement un renvoi, qu’importe l’âge ou la promotion. Du moins après une enquête pour s’assurer de la culpabilité. Bras-dessus, bras-dessous avec Aumoe, on se dirigea vers l’une des nombreuses salles de repos et de détente pour les élèves. Et visiblement il y avait du monde. La porte était grande ouverte et je retiens un grondement.
« Oh non… y a les nordistes… On est obligé de se les farcir ?
- Tu sais qu’il n’y a qu’un nouveau cette année de leur pays ? Et j’ai entendu dire qu’aucun ne viendrait l’année prochaine.
- Si aucun ne sait maîtriser la magie en dehors de leur royaume de cinglé. »
Aumoe me fit les gros yeux avant d’entrer quand même dans la pièce. Les nordiens, une petite quinzaine, étaient assis dans un coin, eux ils portaient des tenus d’été. L’été pour eux c’était dès qu’il n’y avait plus de neige. Ils avaient des tatouages sur les bras, même les filles d’ailleurs, des coupes de cheveux avec des tresses, des perles, des côtes de crânes rasés… Ils portaient tous des poignards et des pierres rouges autour du cou. Ce n’était pas tant qu’ils étaient bruyants, ils l’étaient bien sûr !, mais pas qu’eux. Ils prenaient juste… de la place. C’était des bestiaux massifs malheureusement. L’un d’eux, visiblement l’un des trois plus âgés, cheveux sombres, tressé en arrière avec plusieurs perles de métaux, lacet de cuirs et compagnie. Il avait des tatouages remontant presque jusqu’à sa mâchoire. Il inclina la tête et murmura quelque chose à son bras droit qui braqua ses yeux sur moi. Le premier les avait presque blanc tant ils étaient bleus clair, le second les avait noirs. Je n’avais fait aucun effort pour retenir les noms des nordistes, je m’en moquais en fait. Je m’assis dans le fauteuil le plus proche de la cheminée. Aumoe avait souvent froid, la pauvre, si bien qu’elle approcha le sien encore plus de la cheminé elle intensifia d’un petit mouvement de fluide.
« Fait froid dans ce maudit pays.
- C’est le temps que tu t’y habitues. Dans deux semaines tu ne sentira plus rien.
- Je ne sentirais plus rien parce que je serais congelé vivante !
- Plains-toi. Asten aussi va mourir de froid. »
Elle rougit instantanément malgré sa belle peau mate. Le beau jeune homme des îles du sable et du soleil ne l’avait jamais laissé indifférente. Quant à moi, j’étais persuadée qu’il préférait les hommes. Jamais il ne l’avait encouragé dans ses efforts. Non, vraiment, j’avais beau lui avoir dit plusieurs fois de laisser tomber… Elle en était mordue.
« Tu sais quand il revient d’ailleurs, fis-je d’un ton détaché.
- Non… Guilian aurait pu t’avertir, ton chevalier servant maître des espions. »
J’aimais bien Guilian, lui venant du même royaume du sud que ma colocataire, et le seul venant de l’ouest c’était Otikoro, mais du peuple. Plus supportable que la majorité des autres.
« Tu es pas au courant qu’il y a une nouvelle.
- Une nouvelle ? Dans notre année ?
- Oui. »
Je fronçais les sourcils. Encore que les puissants ne viennent qu’en deuxième année pour éviter certains des cours qui étaient répétitifs pour eux. Mais dans notre promotion ?! Qui avait versé un assez gros pot-de-vin pour l’autoriser à rentrer dans notre promotion ? Non, impossible, ce n’était pas un pot-de-vin qui pourrait acheter une place.
« Vous êtes lentes à avoir ces informations. »
Je tournais la tête vers le nordiste, visiblement la tête pensante du groupe, il était assis négligemment à même le sol. Il semblait détaché et un petit sourire en coin. Je fronçais les sourcils :
« Tu le savais, toi ?
- Oui. Elle doit même arriver aujourd’hui. Elle vient de l’ouest. »
Je serrais les poings, et ce petit air supérieur, j’avais envie de lui arracher les yeux de la tête, Aumoe posa une main sur mon bras et se tourna vers les nordistes à son tour.
« Et tu sais autre chose ?
- Seul le Phénix et Tungl savent tout. »
Il nous offrit un autre sourire en coin et il se détourna à nouveau pour discuter avec les siens. C’était quoi ça ?! Il se moquait de nous ou quoi ?
« Et tes déesses ? Elles savent que vous serez bientôt plus capable de manier la magie ?! »
Il se redressa un peu pour nous regarder et il eut quelques murmures entre les siens. Sûrement des traductions pour les plus jeunes. Quoi que je fusse sûre qu’ils n’en avaient pas besoin. Mais il ne m’offrit à nouveau qu’un sourire sardonique.
« Toi qui es bien ignorante sur des choses, tu devrais te taire. Ton ignorante est risible. »
Mais c’était que le barbare avait du vocabulaire ! C’était étonnant de sa part ! Aumoe me posa une main sur le bras.
« Laisse on aura nous-même les informations et qui te dit que c’est vrai ce qu’il nous dit. »
Ce n’était pas faux… Je me détournai des nordistes pour regarder le feu qui brûlait avec vivacité dans la cheminée me laissant absorber par la conversation bien plus agréable d’Aumoe qui parlait avec passion des nouveaux tissus et robes. Comme je l’enviais de pouvoir avoir tout cela ! Elle avait de l’argent tous les mois pour acheter ce qu’elle voulait à la grande ville qui s’était construite tout autour de l’académie. Il y avait aussi bien des personnes riches que moins riches dans les étudiants. Il fallait profiter de cela. C’était un carrefour économique cet endroit, il fallait être un nordiste pour ne pas s’en apercevoir !
Après le repas, remontant enfin dans ma chambre, je croisais une jeune fille, mon âge sûrement, le visage rond, une peau couleur caramel, des cheveux noirs lisses, des yeux très clairs en amande, presque trop grand pour son visage, elle était petite, et surtout son visage était triste. Elle me fixa, immobile, je lui rendis n froncement de sourcils :
« Qu’est-ce qu’il y a ?! Qu’est-ce que tu as à me fixer comme ça ?! »
J’avais usé de la langue de l’Ouest, un peu au hasard. Elle tourna sur ses talons et s’enfuit. C’était la nouvelle ?
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