Chapitre 5
« Elle s’appelle Eri ! »
Guilian était formel, venant du royaume du sud, ses cheveux bouclés et foncé lui donnait toujours un air espiègle avec ses yeux verts et sa peau brunie du travail dans les champs. Il était, enfin ! Arrivé la veille et on pouvait dire qu’à l’instar de Asten qu’il m’avait beaucoup manqué. Otikoro moins, venant des royaumes des vallées vertes, il avait toujours cette expression et ces manières trop guindées pour être naturelles, mais au moins il était assez ouvert d’esprit et supportable, pour un gars de l’ouest. Je bus une gorgée de ma coupe de lait en hochant la tête.
« Et tu as appris autre chose Guilian ? Que son nom ?
- Mouais, elle vient d’une famille extrêmement puissante : elle ne parle pas une autre langue que celle de son royaume, elle a une traductrice qui la suit partout où elle va.
- Et sa famille ?
- Aucune idée ! Je n’ai pas réussi à voir un symbole ou quoi que ce soit. »
Je fis une petite moue, Guilian faisait avec ce qu’il avait. Je ne savais pas réellement comment il faisait pour avoir ces informations, mais je ne disais pas non, j’adorais ça. Aumoe discutait avec Asten en enroulant une mèche autour de son doigt. Machinalement je tendis mon esprit vers le sien, les capacités télépathique, sixième année, nous avions appris à les maîtriser l’année dernière.
« Sois encore moins discrète je crois qu’il n’a pas saisi que tu bavais pour lui.
- Visiblement non vu qu’il ne comprend pas mes avances ! »
Alors… Aumoe… Si, il avait parfaitement compris… Mais je crois que toi tu n’avais pas bien saisi son discret « Tu ne m’intéresses pas ». C’était peut-être y lui que je devrais indiquer de dire plus franchement à ma meilleure amie que malheureusement… Ça ne marcherait pas. Enfin bon, je reviens sur Guilian :
« Il paraît que ta colocataire c’est l’Albinos. »
Il me la désigna du menton et j’observais ma colocataire qui se déplaça dans le réfectoire pour s’installer à une place tranquille. Je ne pouvais pas dire que je ne l’avais pas vu ! Elle était là depuis la première année ! Mais je ne lui avais jamais parlé. Pas envie ou pas le temps. Asten inclina légèrement la tête, se détournant d’Aumoe pour observer l’Albinos et il leva la main en la fixant. Elle se redressa et fronça légèrement les sourcils, d’un signe il l’invita à venir, après une hésitation, elle se leva et nous rejoignis, Asten lui sourit et se décala pour l’inviter à s’asseoir près de nous, en tirant d’une onde un tabouret près de lui.. Le grand réfectoire n’était pas composé de grandes tables mais de plusieurs petites avec le service des repas directement au fond où les serviteurs remplissaient les plats et les assiettes des étudiants aussi vite que possible. Je tournais la tête pour voir l’Alchimiste en chef s’approcher en faisant rouler son fauteuil, j’avais hâte de commencer les cours avec elle.
« Il paraît que tu es la nouvelle colocataire d’Andrzeja.
- C’est exact. »
Asten laissa un sourire étirer doucement ses lèvres et passa une main dans ses cheveux longs. Dans notre groupe, à part moi, Otikoro, et Guilian, quoi que ses boucles étaient longues !, donc à part moi et Otikoro, tous le monde portaient les cheveux longs. C’était la mode. Même pour les garçons ! Asten avait la peau couleur sable, des yeux gris et ses cheveux plus longs que moi, noirs. Il lui offrit un sourire :
« J’espère qu’elle ne fume pas trop.
- Je ne reste pas longtemps dans la chambre, alors ça va. »
Je levais les yeux au plafond. N’importe quoi ! Je ne fumais pas trop ! Mais c’était vrai que c’était agréable, elle n’était pas trop présente et je pouvais profiter de mes amis sans qu’elle ne soit dans mes pattes. Asten tourna le regard vers moi en inclinant légèrement la tête sur le côté, mais il revient vers l’Albinos :
« Svara ? C’est ton prénom ?
- Oui. Et si je ne me trompe pas, Aumoe, Guilian, toi tu es Asten, il manque Otikoro je crois. »
Elle nous connaissait ? Bon il fallait dire qu’on monopolisait le haut des tableaux de scores, rien d’étonnant qu’elle nous retienne donc. J’observais sa peau avec attention, ses yeux rouges…
« Si tu te poses la question, je suis née ainsi. C’est pour ça que je porte une tenue différente. »
C’était vrai qu’elle était recouverte de tissu pour la protéger. Asten inclina la tête vers elle :
« Tu ne peux vraiment pas t’exposer au soleil ?
- La lumière du soleil me fait mal aux yeux très facilement, alors ma peau craint encore plus sa lumière, je ne m’expose pas.
- Venant du Sud ça doit pas être facile. »
Elle haussa les épaules sans rien dire et son regard se tourna vers les nordistes qui sortirent de la salle, je suivis son regard et il tomba sur Ivanka qui mangeait seule.
« Tu devais pas t’en occuper ?
- De la gosse ? Elle se démerde, toute seule, les cours commencent demain, ça devrait aller. »
Je lus quelque chose dans le regard de Svara sans le comprendre. Du mépris ? Peut-être. Je tournai le mien, de regard, vers Aumoe touchant le lien télépathique :
« On y va ? J’aimerais réviser à la bibliothèque.
- Mouais ! Tu veux pas aller en ville ? Profiter un peu avant que les cours ne commencent. »
Je réfléchis avant de hausser les épaules, je tournais le regard vers les garçons :
« Révision ou aller en ville ?
- Il y a de nouvelles boutiques, on pourrait y aller. Dont un nouveau bouquiniste ! J’en suis donc ! »
Il suffisait de parler de bouquiniste pour que Guilian soit d’accord pour venir. Asten hocha doucement la tête, lui par contre, au vu de son caractère très doux et trop gentil, il y allait surtout pour voir s’il ne pouvait aider des gens. J’ignorais quel était véritablement son rôle et surtout son rang dans son royaume, mais je me posais des questions quand même. Il tourna la tête vers Svara :
« Tu veux venir ?
- Non, trop de soleil. »
Elle reprit son plateau d’une main, rabattit sur son visage sa capuche avant de sortir. Je haussais les épaules, je pouvais la comprendre, mais je captais le regard d’Asten qui la suivit du regard. Aumoe aussi. Je ne savais pas pourquoi, mais l’Albinos, je la sentais pas vraiment. Et Aumoe non plus. Ce n’était pas ma meilleure amie pour rien après tout ! Enfin, nous devions nous dépêcher pour aller en ville. Quand bien même de nous cinq, il n’y avait que Otikoro et Aumoe qui pouvaient vraiment acheter tout ce qu’ils voulaient. Guilian avait aussi plus d’argent pour acheter, Asten j”en savais rien. Je ne pouvais pas dire, vraiment, il était d’une discrétion absolue sur sa vie. Je ne savais même pas son rang dans son pays, s’il avait des frères, des sœurs, ce genre de chose. Non, rien du tout ! Il préférait écouter que parler.
« Asten ? Tu sais quand arrive Otikoro ?
- Sûrement ce soir. »
Avec sa voix calme et apaisante… C’était presque étrange. Il réarrangea sa tunique, je ne savais pas comment il était habillé dans son pays, peut-être différent et il n’était pas habitué à ce genre de tissu. On sortit du château. Il fallait profiter ! Ce n’était pas tous les jours qu’on aurait le temps. Comme d’habitude, en sortant je regardais l’école derrière moi. En pierre grises et blanches, au milieu de jardins, avec ses grandes fenêtres et ses toits en cuivres verts maintenant, les vitraux à certains endroits donnaient une allure de palais presque céleste avec ses grands jardins qui se déployaient derrière avec des bosquets d’arbres. Non, vraiment l’endroit était joli ! Puis le village autour avec les murs des bâtiments en torchis blancs, les tuiles rouges, les poutres… Les rues étaient propres et ne sentaient pas la pisse comme dans certaines villes. Un endroit parfait. Je savais que je serais bien ici, si je n’étais pas mage royale, je préférais vivre ici que dans une citée moins importante que la capitale de mon pays. Et au pire… je pourrais y faire venir ma famille. Après tout c’était comme ça que la ville s’était faite petit à petit. Et maintenant, c’était une citée assez grande pour avoir un Colisée assez grand pour accueillir plus de cinquante mille personnes. Très pratique lorsqu’on faisait des démonstrations de nos pouvoirs lors des démonstrations de fin d’année. Toute l’école pouvait y assister, nous n’étions pas si nombreux que ça, mais cela permettait aux habitants de se divertir, ou de voir la chance qu’ils avaient de vivre près de nous.
« Aumoe ? Tu sais où sont les nouvelles boutiques ? »
Mon amie glissa son bras sous le mien et hocha la tête.
« Tu penses bien qu’en vous attendant, j’ai pu me balader en ville aussi longtemps et aussi souvent que je le voulais.
- Et t’as rien acheté ?
- Seule c’est pas drôle. Tu as très bon goût et Asten aussi !
- Et, je suis donc la personne parlant avec la vendeuse pour faire baisser les prix. »
Je jetais un regard amusé à Guilian et haussais les épaules.
« T’as même pas besoin qu’on te le demande pour le faire. Charmeur. »
Il s’inclina devant moi avec un rire avant d’avancer tranquillement devant nous.
« Je veux pas dire, mais qu’est-ce que vous feriez sans nous les filles !
- Pas grand-chose de moins ? »
J’étais beaucoup plus cynique qu’Aumoe qui elle avait eu cette éducation d’être toujours calme et délicate et qui devait la reprendre une fois chez elle. Moi, j’avais une grande gueule et qui l’exprimé toujours. Je regardais autour de moi, vérifiant si Ivanka était là, mais elle était restée à l’école. Il valait mieux pour elle, pas question que je me la coltine ici aussi après tout. Elle pouvait se débrouiller toute seule, non ? C’était une gamine des rues… Merde. Une gamine des rues. Est-ce qu’elle oserait voler ? Ce genre de vermine n’avait ni foi ni loi. Je n’étais même plus sûre qu’elle ait une pierre. Merde, je vais devoir vérifier ça ! Je ne pouvais pas laisser une… compatriote sans sa pierre ! Soit je vérifierais après, machinalement, je jouais avec mon scapolite œil de chat, pendu à mon cou comme toujours, inquiète à cette idée. Gulian me donna un petit coup d’épaule :
« Tu es inquiète de quelque chose ?
- La gamine, Ivanka, je sais pas si elle a une pierre ou non…
- Vu son milieu social ça serait pas étonnant. Ça se trouve elle l’a revendue pour survivre.
- Personne n’aurait fait ça ! »
Posséder une pierre où l’âme d’une personne était c’était la posséder ! Tenir une vie dans ses mains ! Et si certains pourraient le vouloir pour des personnes puissantes… Pour une gaine de son genre ? Non, impossible. Je me mordis les joues sans rien dire d’autre, brusquement inquiète, je ne pourrais pas lui offrir une pierre toute seule si elle n’en avait pas… Je suivis le mouvement, quelque peu… pensive au sujet de la gamine. J’essayais quand même de me concentrer pour aider Aumoe à choisir de nouveaux tissus. Elle était d’une coquetterie sans fin. Et en vrai je l’enviais… Je l’enviais de sa beauté, de sa grâce, de sa richesse. Mais… je restais malgré tout plus intelligente qu’elle, cela me rassurait un peu. Elle avait peut-être tout ça, mais je la dominais quand même un peu.
Je me faufilais dans les couloirs jusqu’à la chambre d’Ivanka, j’ouvris et entrais presque aussitôt.
« Ivanka ?!
- Pas là. »
Je tournai la tête vers la voix qui avait parlé. Je notais la canne sur le lit, et la fille de dos, assise sur le lit.
« Tu sais où elle est partie ?
- Non. Mais je dirais qu’elle est partie il y a une vingtaine de minutes. Qui la cherche ?
- Andrzeja. »
Elle se tourna vers moi, et j’eus un mouvement de recul, ses yeux n’étaient plus que deux orbites blanches au milieu de cicatrices déchirant son visage au niveau des yeux et du nez. Une maladie ? Peut-être.
« Andrzeja. Je me souviendrais de ta voix et du nom.
- C’est quoi le tiens de nom ?
- Somnia. »
Je hochais la tête avant de ressortir, un peu perturbé par la vue de son visage ravagé, bon, trouver la gamine. Je ne pouvais pas la perdre. Pas parce que je l’appréciais, mais parce que c’était une tâche qu’on m’avait confié. Pas dans la salle de bain, pas dans la bibliothèque, en même temps si elle ne savait pas lire… Bordel ! Où était cette gosse ?! J’ouvris une porte de salle commune… Elle était là ! Assise dans un coin avec un autre gamin qui lui parlait.
« Ivanka ! »
Elle tourna la tête vers moi et mon regard fouilla aussitôt son cou… mais je ne vis même pas un cordon de cuir autour de son cou… Normalement, nos pierres étaient nouées à un cordon, une chaîne ou… je ne sais quoi, autour du cou. C’était traditionnellement à cet endroit ! Mais elle non… Peut-être parce qu’elle la portait autour du poignet ? Ça arrivait aussi. Je lui fis signe de venir, elle se redressa lentement avant de venir, je posais une main sur son épaule.
« Ivanka, une question importante. Ta pierre ? Où est-elle ? »
Elle haussa les épaules :
« J’en ai pas.
- Pardon ?! On te l’a volé ? »
Elle fit une tête blasée et secoua la tête avant d’aboyer un rire.
« Nan.
- Alors ?! Où elle est ?! »
Je l’avais prise par les épaules en la secouant pour qu’elle parle. C’était angoissant pour moi, c’était tellement une donnée essentielle.
« Détruite. J’l’ai brisé.
- Tu as fait quoi ?! »
Je me mis à la secouer avec violence. Briser une pierre, briser sa pierre d’âme, c’était se maudire ! C’était priver sa vie de toutes les choses… Avancer la date de sa mort. Elle essaya de me repousser, on pouvait peut-être la sauver ? La ramener à un temple pour reconstruire son âme ?! Non ! Je ne pouvais pas la laisser ainsi ! Elle était une enfant perdue, sans éducation. On devait pouvoir la sauver d’une manière ou d’une autre.
« Lâche-la ! »
Une secousse brûlante me projeta en arrière et je roulais sur le sol, Ivanka était au sol également, à l’opposé. De moi. Je me redressais un peu, Ivanka massa sa main et d’autre s’approchèrent, elle avait une marque sur la main. Je bondis sur mes pieds en la détaillant du regard la marque rougeoyante sur sa peau. Elle utilisait instinctivement la magie du feu ? Du sang ? Elle secoua la main et la marque disparue.
« C’était quoi ça ?!
- Magie du feu. Fit, avec une once infinie de mépris dans la voix, l’un des nordistes qui tendit la main à la gamine pour la redresser. »
Elle me jeta un regard haineux et se massa la main avant de me tourner le dos. La force du feu… Elle allait juste finir par brûler vive ! Si elle n’avait rien pour se protéger, protéger son âme… Qui savait ce qui pourrait lui arriver. Pelagiusz pourrait m’aider à lui faire entendre raison. J’avalais ma salive en sortant de la salle à pas vifs. Je ne pouvais pas la laisser se tuer ainsi !
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