Troisième chapitre, dernière sous-partie.

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Peu après j’étais rentré chez moi afin d’éviter de tomber de fatigue en plein milieu de la route. Une fois à la maison j’étais directement monté dans ma chambre pour aller dormir. Cette journée avait été bien trop épuisante. J’étais passé d’une confiance au plus bas puis, d’un excès de courage cette confiance montait en flèche, et vice-versa. Cela m’avait complètement vidée. En y repensant, si demain le comportement des élèves était si terrible que prévu je chercherai un adulte pour en parler, en espérant qu’il me croit. Dans tous les cas, il fallait à tout prix que je me cache de Gabriel. Je ne savais pas pourquoi il faisait ça. Son comportement était insensé. Pourquoi m’avoir aidé l’autre jour ? Pourquoi ne pas s’être débarrassé de mon sac si il veut à ce point me faire souffrir ? Ce qui m’avait marqué lors de ma dernière confrontation avec lui, c’était la différence de voix qu’il y a entre le lui en tant que clown et le Gabriel du lycée. On dirait deux personnes distinctes. Pourtant le regard est le même, ainsi que son physique. Il ne se serait pas autant fâché à l’écoute de ma réponse si cela n’était pas lui, à moins qu’il fut vexé que je me sois trompé de prénom. Mais mon intuition était sûre, j’avais plus confiance en elle qu’en quiconque. Ce fut sur ces pensées pleines de détermination que le sommeil me prit dans ses bras.

Comme pour me mettre dans l’humeur du jour, la nuit dernière avait été fortement désagréable. Elle fut hantée d’un cauchemar qui laissera sûrement une trace. Le clown, enfin Gabriel, me pourchassait. Durant tout le rêve je tentais de lui échapper, courais de toutes mes forces. Quand ce dernier me sauta dessus, les dents en avant, je me réveillai en sursaut. J’étais en sueur, le lit trempé. À lire ainsi cela n’avait l’air de rien, pourtant à vivre c’était une torture. J’allai directement à la douche afin de me rafraîchir les idées, ce qui réussit. Je vis que j’étais en retard mais ne pressai pas le pas. Moins il y avait d’élève dans les couloirs, mieux j’allais m’en sortir. Ma mère n’était pas de cet avis, mais je ne pris pas la peine de l’écouter. Une fois sorti de la maison, j’étais surpris de voir à quel point j’étais calme. J’avais pourtant dis nonchalamment que ma réponse était négative. Lorsqu’il avait envoyé le message, il devait être sûr que je dise oui. C’était vrai, j’allais répondre oui à sa proposition. Son jeu était sûrement pensé pour s’assurer que je l’aide à envoyer l’autre personne droit aux Enfers. Mais cela eut l’effet inverse sur moi, cela m’avait réveillé. Alors pourquoi je suis aussi serein ? Je n’en sais rien. Comme on dit, c’était sûrement le calme avant la tempête.

Le bus était vide, tout comme les couloirs lorsque je suis arrivé. Même si j’étais d’humeur plutôt calme, je sentis mon cœur s’accélérer lorsque je toquai à la porte. Je restai stoïque lorsque je vis le Gabriel parler à la classe. J’essayai de ne montrer aucune émotion, même si au fond de moi une boule de stresse se créait. Pour aucune raison, ils se mirent tous à me scruter de la tête au pied. J’avançai pour donner mon billet de retard au professeur puis allai la tête haute jusqu’à ma place. Une fois que les regards eurent finit de me détailler, je repris mon souffle. Ça recommençait : mon cœur battait trop vite, je suais beaucoup, le stress me tordait le ventre. Je voulais retrouver la sérénité que j’occupais il y a quelques minutes. Je ne sais pas ce que faisait Gabriel ici, mais son sourire me fit comprendre qu’il ne m’apportait pas de bonnes nouvelles. Il vit mon expression du visage qui traduisait une certaine angoisse, ce qui fit agrandir d’autant plus son sourire d’ange. Je n’écoutais pas ce qu’il disait, j’en avais bien trop peur. Peut-être était-ce seulement un changement d’emploi du temps, mais le fait est qu’il m’horrifiait. Il ne m’inspirait rien de bon. Son regard était celui d’un ange et son sourire celui d’un démon, littéralement. C’était impossible à décrire, c’est l’une des choses qu’il faut voir pour comprendre. Je le fixais, j’avais l’impression que ses yeux m’hypnotisaient. Ces derniers se posèrent sur moi, sa tête se pencha légèrement sur le côté. J’entendis mon prénom sortir de sa bouche, mais j’étais incapable d’émettre un mot. Je ne comprenais pas pourquoi il me mettait dans un état aussi poussé. Ah oui c’est vrai, c’est potentiellement à cause de lui que je vis un Enfer au bahut. Il me rappela quelques secondes plus tard. Ce qui me frappa en premier, ce sont ses traits du visages qui trahissaient une once d’inquiétude. Comme je ne l’écoutais pas, je n’avais pas remarqué de suite que sa voix était autant différente que la veille. Gabriel s’approcha et me demanda si j’allais bien. Face à son mouvement je reculai d’un coup, pour remettre une certaine distance entre nous. Ses yeux semblaient inquiets, il mit ses mains en l’air, en signe de paix. J’étais perdu, dans l’incompréhension totale. Pourquoi ? Pourquoi voulait-il la paix ? Je n’en voulais pas, pas la sienne. C’était insensé, il était insensé. Les rires de mes « camarades » de classe me firent reprendre mes esprits. Je me dépêchai de répondre un petit oui puis me remis à ma place. Gabriel dû sentir que je n’appréciais pas sa présence puisqu’il se remit devant le grand tableau. Il finit ce qu’il devait dire et partit sans un regard. Je ne pris pas la peine d’écouter le cours, bien trop occupé à me calmer. Durant toute l’heure j’essayai en vain de refouler mon stress en agitant frénétiquement ma jambe, ou encore mon stylo. Je ne me sentai pas bien.

Depuis l’intervention de Gabriel ce matin, je n’avais plus réussi à retrouver ce calme que j’avais fréquenté au matin. Au lieu d’aller au réfectoire, j’allai me réfugier dans les toilettes. Comme les couloirs étaient pleins, je n’avais pas pu échapper aux croches-pieds. Je n’eus même pas l’appétit, j’étais rongé par la peur. J’étais désemparé face à son comportement. J’avais beau retourner la situation dans tous les sens, ses actes n’avaient rien de logique. Pourquoi avait-il l’air autant inquiet tout à l’heure ? J’étais réellement en colère contre lui, pour ce qu’il faisait. Il ne pouvait pas me menacer la veille et s’inquiéter le lendemain. Ça me rendait fou, j’avais l’impression d’imploser. Une larme coula le long de ma joue, avant d’être rejointe par des dizaines d’autre. Je pleurai ce que je n’avais pas pu évacuer avant. J’eus l’impression que tout me tombait dessus. Ce matin j’étais simplement naïf, j’avais pas réalisé le couteau que j’ai à la gorge. Il y avait tellement de questions auxquelles je n’avais pas de réponses. Tout s’était mélangé dans ma tête, j’avais l’impression qu’un cyclone se formait dans mon esprit. Il ravageait toutes mes pensées, ne me laissait aucun répit. Je restais un long moment ainsi, assis par terre dans des toilettes. Je ne voulais plus jamais en sortir, je ne voulais plus affronter qui que ce soit. Le sentiment qui me hantait le plus n’était pas la colère, ou la tristesse, c’était la peur. J’avais peur de ce dont il était capable, j’étais tellement effrayé par sa simple présence. Je ne voulais pas qu’il sache à quel point il m’horrifiait, mais je pense que c’est bien trop tard. Je n’avais même pas goût à écouter de la musique, je voulais pouvoir entendre tout ce qui se passait autour de moi : je voulais savoir s’il était là.

Lorsque la sonnerie retentit, j’ai entendu mon heure sonner. Il avait eu toute la matinée pour préparer ce dont il avait parlé dans son message. Je n’avais même pas la force de me lever, je tremblais de peur. Par obligation, je finis par me mettre debout afin d’aller en cours. Je marchais vite et avais mis ma capuche pour ne pas que les personnes ne me reconnaissent. Une fois devant la salle de classe, je relevai ma tête. La première chose que je vis fut trois élèves de ma classe. Rien qu’en les voyant, je savais que j’allais mal finir. Tandis qu’un se positionnait derrière moi pour m’éviter de fuir, les deux autres me prirent par le bras pour m’emmener je ne sais où. Plus on marchait, plus les couloirs se vidaient. Nous traversâmes les portes menant à la cours de récréation puis allâmes dans un coin reculé de celle-ci. Je remarquai rapidement en jetant un coup d’œil derrière mon épaule que personne ne pouvait nous voir. L’élève qui était derrière moi me poussa et je tombai au sol. Son ami me mit un tee-shirt dans la bouche, sûrement pour m’empêcher de crier. J’essayai vainement de me redresser pour le recracher, mais un pied plaqua ma tête contre le bitume. Je lâchai un gémissement plaintif comme réponse. Ils arrachèrent mon sac de mes épaules, et prirent un plaisir presque démoniaque à déchirer mes affaires. Je sentis ma gorge se nouer, je ressentis le barbelé l’entourée. Le plus grand d’entre-eux mit son pied sur mon épaule, ce qui me propulsa au sol. L’arrière de mon crâne frappa de nouveau violemment le béton. Je me recroquevillai, comme pour atténuer les douleurs qui me tourmentaient. Un coup de pied dans l’estomac me fit plier encore plus. Un autre m’envoya tourner dans l’herbe. Je me mis en boule pour éviter d’être frappé dans le visage ou encore dans les points vitaux. Malheureusement, on me remit sur le dos et mes bras furent tenus au dessus de ma tête. Je sentis un poids s’asseoir sur mon ventre: plus il s’appuyait, plus j’avais l’impression que ma cote allait lâcher. En plus de cette sensation plus que douloureuse, mon ventre me faisait horriblement souffrir à cause des coups. Un poing s’écrasa sur mon visage. Un autre suivit, puis encore un autre. Je finis par arrêter de compter, lasser. Mes joues ainsi que mes tempes me brûlaient, sans parler de mes yeux qui allaient sûrement être teintés d’un bleu meurtrier.

Je ne sais pas combien de temps dura leur petit jeu, mais cela me parut si long. Même lorsqu’ils furent partis, j’étais resté paralysé au sol. J’enlevai le tee shirt de ma bouche et le balançai un peu plus loin. De toute manière même si j’aurais voulu me lever, je n’en aurais pas eu la force. Mon cœur me faisait souffrir, il était lourd, gorgé d’émotion. Je n’étais même pas capable de pleurer, je n’y arrivais pas. Je fixais le ciel, priant Dieu silencieusement. J’étais pitoyable, depuis quand je pense que Dieu voudrait m’aider. Lui aussi m’a abandonné.

Croyez-moi, j’aurais voulu riposter.

La semaine continua ainsi, tous les jours ils me traquaient pour m’abattre durant vingt, trente minutes. Plusieurs fois je crus succomber à cause des coups, mais ils s’arrêtaient lorsqu’ils sentaient que j’atteignais mes limites. Nous étions Vendredi, j’allai pouvoir tirer un trait sur ce massacre durant deux jours. Je n’avais pas non plus dormis de la semaine, je n’y arrivais plus : à chaque fois que je fermais les yeux je le voyais. J’avais pris l’habitude d’attendre que tout le monde partent avant de sortir à mon tour, je voulais croiser le moins de monde possible. Je prenais aussi un bus qui passait plus tard, pour ne pas croiser de lycéens à l’intérieur. Je n’avais plus croisé Gabriel de la semaine, il avait disparu. Évidemment il fallait que les cieux me contredisent.

En effet, il était juste en face de moi. Il était dix-huit heures trente, le lycée était fini depuis une heure, et il était là. Habillé de son costume de clown, il se présenta à cinq mètres de moi. Il voulait m’achever, porter le coup fatal. J’étais tellement fatigué qu’encore une fois aucune réaction ne surgit. Mon cœur accéléra que très peu, ma respiration se fit saccadée mais cela était simplement la consequence des derniers événements. Je le fixais, attendant la mort calmement. Plusieurs minutes passèrent ainsi mais il n’avait pas bougé. L’obscurité avait gagné la salle, je ne voyais plus que lui et ses habits de couleurs. Il brisa le silence de sa voix chaleureuse :

« Encore une fois je n’ai pas pu l’en empêcher, je suis désolé. »

Je vis une larme couler le long de sa joue, puis son sourire diabolique se dessina. Il me dit qu’il fallait que j’en finisse si je ne voulais pas mourir à cause de mes « camarades ». Je pense que ce qui était le plus insensé dans l’instant était que j’écoutais ses paroles, crédule. Je buvais ses dires, je leur trouvais une certaine sagesse. Il avait raison, je devais en finir maintenant. Ça avait bien trop duré, personne ne pourrait arrêter l’engrenage. Vous vous demandez sûrement pourquoi ma mère n’a pas remarqué les bleus ainsi que les coupures que j’ai sur le corps. À vrai dire je ne l’ai pas vue de la semaine, chaque soir elle rentrait tard. Mes professeurs peut-être ? Ils m’évitaient du regard, faisaient comme si je n’existais pas.

J’ai choisi de fuir, je l’assume. Ce que j’ai vécu est trop, je n’ai pas supporté. Après le discours d’Arioch je suis rentré chez moi. Comme je m’y attendais, la maison était vide. Ce soir, même mon père n’est pas rentré.

Je lâchai mon sac devant l’entrée et montai les marches de l’escalier péniblement, mais l’esprit léger. Je pris une douche froide et m’habillai. Une fois devant la glace, je pris les boites de médicaments que je trouvai et les avalai une par une. Une fois cela fait, je me mis sur mon lit.

Ça y est, j’en ai finis. Après 3 mois et demi de souffrance, je pars en quête de paix. Tout cela est derrière moi, j’ai fait le plus dur. Je ne me soucie plus de comment se déroulera Lundi, puisque je ne serai plus là. Un lourd sommeil me prit dans son étreinte et je fermai mes yeux, pour toujours.

Flash Info

Un autre suicide a été recensé dans le département de ——-. Le post-it où il y est inscrit « The Crazy Sin » a aussi été retrouvé non-loin du corps de l’adolescent.

Une affaire inquiétante flotte au-dessus de nous.

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