Chapitre 4, Arrel I
La guerre lui avait montré bien des horreurs, l’avait obligé à fait faire tant d'abominations, pourtant chaque nouvelle épreuve qui se dressait devant lui arrivait encore à le choquer. Celle d'aujourd'hui n'échappait pas à la règle. Trois années de guerre, trois années de souffrances, et la paix semblant si loin. La fatigue se lisait facilement sur son visage. Il n'avait que vingt-deux ans pourtant il en paraissait déjà bien plus de trente. Même son frère Zoran, son aîné de deux ans, paraissait bien plus frais que lui.
Arrel Sinitar avait arrêté de se raser depuis bien longtemps, sa barbe rousse avait pris beaucoup d'ampleur et recouvrait une bonne partie de son visage. Ses cheveux, à peine plus soignés, était au moins coupés mais laissé là aussi paraître toute la négligence qu'il faisait preuve envers lui-même. C'était la guerre, et pour lui ce n'était pas grâce à son apparence qu’il la gagnerait. Au début, il essayait de ne pas montrer à ses troupes sa perte de motivation, mais petit à petit la mélancolie qui s'emparait toujours un peu plus de lui ne pouvait plus se cacher. Son armée lui restait néanmoins fidèle, à sa grande surprise. Il aimerait pouvoir dire que c'était pour eux qu'il se battait aujourd'hui mais ce serait un mensonge, il n'avait simplement plus rien d'autre à faire. Sans avoir à se battre, sa vie n’aurait plus le moindre sens, même si c’était ce qu’il détestait le plus au monde.
Le roi du Yama s'était assis sur un rocher, aussi inerte que lui. Il contemplait le paysage morbide qui lui faisait face. La bataille était terminée depuis plus d'une heure déjà mais Arrel restait là, tête basse, son épée couverte de sang encore chaud entre ses mains. Des morts jonchés le sol jusqu'à perte de vue, ennemis et alliés ne se reconnaissaient même plus dans la boue. Dans son esprit ce n’était pas un combat entre deux camps, mais seulement deux factions de son peuple qui ne comprenaient même pas les raisons de ce combat, dont une partie se retrouvant dans l'autre camp par la force des choses. Chaque bataille remportée ou perdu avait ainsi un goût de cendre dans sa bouche.
Pourtant c'était bien une victoire, que ses hommes étaient en train de fêter au campement de fortune qu'ils avaient hissé un peu plus loin. Parmi les trois rebelles revendiquant son trône après la mort de son père, il n'en resterait que deux à la nuit tombée. La victoire était ainsi double, lorsqu'ils découvrirent les provisions que transportait le camp opposé. Pour la première fois depuis longtemps ils mangeront à leurs faims. Ce sera cependant seulement pour un repas, en guise de récompense, le reste devant rejoindre leurs propres provisions pour le retour au château d'Ynox.
— Allez Arry viens nous rejoindre, il reste encore de la viande séchée ! Ne reste pas planté là-bas, l'appelait son frère.
Surpris dans ces pensées, il se retourna, constatant que Zoran arrivait vers lui. Si Arrel était le portrait craché de son défunt père Jadus avec le même visage carré, le nez pointu, les yeux marrons et la pilosité rousse, son frère était quant à lui le reflet de leur mère. Il avait le visage ovale, le nez arrondit, les yeux et les cheveux bruns.
— Je n'ai pas la tête à ça Zo.
— Tu n'as jamais la tête à quoi que soit surtout. Te morfondre comme ça ne changera rien. Profite de la victoire, on ne sait pas quand la prochaine arrivera.
— La victoire ? On a perdu des hommes aujourd'hui. D'autres qui auraient pu nous rejoindre sont morts également. Les armées de Paxtin et Xander sont toujours intactes à attendre dans leurs châteaux qu'on se retire de l'échiquier tout seul. Ce mot ne peut plus exister, nous sommes allés trop loin désormais.
— Tu vois les choses dans le mauvais sens Arry. Il y a un ennemi de moins. Quand la nouvelle parviendra aux autres, ils prendront peur, car ils sauront que cela va être leur tour.
Cet ennemi en moins, c'était Terrence, le seigneur de Karakol, qui s'était rebellé comme les autres à l'annonce de l'assassinat de son père. Ce fût même le premier à ne pas accepter Arrel comme le roi légitime. La cérémonie d'intronisation n'ayant jamais eu le temps d'avoir lieu, il n'y a officiellement aucun roi dans le Yama depuis trois ans. Pourtant ce qui posait le plus problème à Arrel, c'était l’homme spécifiquement, la personne.
Le château de Karakol et celui d'Ynox, de la famille Sinitar, étaient assez proche. Suffisamment pour que des liens fort se soit créés entre les jeunes princes et Terrence pendant leurs enfances. S'il n'était pas son frère de sang comme il pouvait l'être avec Zoran, il était considéré comme tel. Alors qu'il avait le plus besoin d'allié pour supporter le deuil, c'était une trahison qui lui ouvrit les bras, une de plus. Actuellement le félon attendait, ligoté dans une cage de fortune avec ceux de son armée ayant choisi de se rendre avant l'inévitable. Ce soir il mourra, pour l'exemple, il ne peut en être autrement. Arrel était conscient de l'enjeu que cela représentait autant envers ses ennemis qu'envers ses alliés. La question n'était pas de vouloir mais de pouvoir. Il avait échoué une première fois, il avait là une seconde chance.
— Je sais de quoi tu as besoin Arry.
— Ah oui ?
— Tu as besoin de baiser ! disait-il le plus calmement possible. Va te trouver une femme, je t’assure qu'une fois dedans tu oublies tout tes soucis, ça marche pour moi.
Zoran souriait. Toute sa vie, il n’avait jamais été une personne sérieuse, préférant toujours tout tourner à l’humour, que la situation ne l’impose ou pas. La blague était idiote et enfantine mais faisait rire Arrel, qui répliquait en lui lançant une des pierres qui reposait à ses pieds.
— Va te faire foutre Zo !
Son frère regagnait le feu de camp et le festin qui l'attendait. Il était le seul à pouvoir encore le faire rire ou même simplement sourire. Ce qu’il aimait était son air impassible qu’il réussissait à garder avant de sortir une nouvelle connerie, qui faisait qu’il se ferait toujours avoir. Surtout c’était parce que c’était son frère.
Heureusement que je t'ai encore Zo.
Arrel n'avait encore jamais touché une femme. Ce n'est pas qu'il n'en était pas attiré, mais en tant qu'héritier, il voulait attendre le bon moment avant de pouvoir choisir une épouse qui l'aimerait vraiment pour lui et non pas pour les titres qu'il allait obtenir. Le destin l'ayant appelé à prendre les armes à ses dix-neuf ans, il n'avait depuis jamais pu prendre le temps de s'y intéresser réellement. Les bordels et autres aventures d'une nuit étant nullement une option, il restait ainsi toujours vierge. Evidemment Zoran le savait, et c'était le seul. Tout l'inverse, encore une fois de son frère, qui n'avait aucun scrupule à se servir de chaque femme voulant goûter au sexe avec un membre royale. Les prostituées ne le freinaient pas non plus, et il enchaînait ainsi les femmes autant qu'il le pouvait, où il le pouvait. Ce n'était que depuis quelques mois qu'il entretenait une relation un peu plus sérieuse avec une femme, du nom d'Emely, la fille d’Ymer, un de leur seigneur encore loyal. Il ne savait pas si son frère en était vraiment amoureux ou pas, mais comme ce n'était pas dans ses habitudes de garder la même aussi longtemps il aimait y croire.
Il se leva enfin de son rocher, pour prendre le chemin du camp, enjambant les cadavres qui pourrissait déjà, puis passa devant ses hommes qui ne cessait de rire et chanter, pour retrouver sa tente. Prit de fatigue après une nouvelle journée éprouvante il se laissa aller à une sieste méritée.
Le hurlement de son cheval se faisait entendre dans toute la vallée, malgré l'incessant claquement des épées et les gémissements d'agonies des blessés. La bête, qui avait reçu une large entaille sur son flanc droit, se déséquilibra avant de chuter, entrainant Arrel avec lui dans la boue. Il n'avait pas le temps de répertorier d'éventuelles blessures et se releva aussi vite que possible. Un regard rapide autour de lui, lui permettait de voir que le chaos était total. Il devina néanmoins au milieu de la foule un soldat karakolien le charger. D'un rapide enchaînement parade-riposte il élimina ce premier ennemi. Alors qu'un deuxième semblait venir à son tour l'affronter, celui-ci il fut stoppé par une flèche perdue venant se loger dans sa poitrine. A peine eût-il le temps de le voir s'effondrer qu'un bruit dans son dos l'alerta. Dès la fin de sa rapide rotation il fut projeté à terre une nouvelle fois, un cadavre allié l'écrasant. Cet homme mort venait sans le savoir de lui sauver la vie, l'ennemi étant beaucoup trop occupé à combattre les soldats debout que de vérifier si chaque homme au sol respirait encore. Il enlevait rapidement la boue qu'il avait devant les yeux, puis poussait le corps sans vie sur le côté pour se remettre sur ses jambes tout en cherchant le karakolien qui devait être proche. En vain. Il était probablement mort lui aussi, ou bien les combats l'on amené plus loin dans la vallée. Pendant une seconde il crut voir son frère Zoran à l’horizon mais des myriades de bras lui cachèrent la vue. Impossible de rejoindre cette direction cependant, piégé au milieu des affrontements il ne pouvait que chercher d'éventuels nouveaux agresseurs ou se protéger. Alors qu'il s'approchait de l'ennemi le plus proche une nouvelle flèche manqua de peu de lui transpercer l'épaule pendant que le cri d'agonie d'un autre cheval s'entendait au loin. Il se rua de nouveau vers le soldat qu'il avait en cible, qui était en duel avec un de ses hommes. D'un coup d'épée bien placé dans son dos, il l'élimina. L'homme qu'il venait de sauver ne prît pas le temps de le remercier et repartit affronter un autre adversaire, comme possédé par la bataille. D'un mouvement de foule il le perdit lui aussi de vue. Un autre allié semblait avoir encore besoin d'aide. Mais il n'eût pas le temps d'arriver que ce dernier tombât à son tour, la gorge désormais pourpre. La vengeance qu’il comptait entreprendre s’arrêta net quand qu’il aperçut qui était l’attaquant, Terrence. Coupé dans son élan, il ne put que par reflexe parer la contre-attaque de son ancien ami.
— Pourquoi Terrence ? Je ne comprends pas, tenta-t-il de demander désespérément.
— Je sais, je suis désolé mais je n'ai pas le choix. Je dois sauver mon peuple !
Les épées s'entrechoquèrent à nouveaux, aucun ne parvenant à réellement prendre le dessus. Après quelques nouveaux coups ils reculèrent tous deux de quelques pas, en position défensives. Deux autres soldats se combattant l'un l'autre, passèrent entre eux comme si de rien n'était. Une énième salve de flèche pleuvait sur la vallée, sans savoir de quel camp elle provenait, Arrel s’étant complètement désorienté. Terrence prit une flèche dans la jambe, l’obligeant à plier le genou. Arrel aurait pu en profiter et achever celui qui l'avait trahi. Mais il n'en faisait rien, se contentant de simplement le désarmer. Dans ses yeux, le roi cherchait désespérément des réponses qui ne viendraient pas. Là encore l'occasion était rêvée d'en finir, mais ses bras étaient comme bloqués. Deux hommes, tellement couvert de boue qu'il devenait difficile de savoir à qui appartenait leur allégeance, s'approchait lentement. Après quelques mètres l'un hurla de douleur en s'effondrant, le deuxième avançant vers Arrel et Terrence. C'était toujours impossible de savoir si cet homme représenté une menace ou une aide. Autour d'eux, tout le monde semblait attaquer tout le monde, certains trébuchant sur les cadavres qui s'empilaient sur le sol. L'inconnu avançait toujours vers lui, avec une allure plus vive. Désormais à portée le roi décocha une fente latérale ouvrant le bide de l'homme en face de lui. Ce dernier n'avait même pas essayé de parer l'attaque. Il tomba à ses pieds, essayant de murmurer quelque chose. Arrel s'accroupissait alors devant sa victime, et pouvait désormais voir qu'il ne devait pas être bien plus vieux que lui, certainement une nouvelle recrue.
— Sir...je suis...désolé...j'ai failli, bredouilla-t-il entre chaque respiration douloureuse.
Mais qu'est-ce que j'ai fait ?
Il voyait à présent les couleurs de sa maison sous la terre qui le recouvrait. Il venait de tuer un de ses propres homme.
— Non c'est moi qui suis désolé de vous avoir amener ici. Quel est ton nom, je dirais à ta famille combien tu t'es battu bravement ?
— Je...Je...
Du sang jaillissait de sa bouche à la place de paroles puis les pupilles du pauvre gamin se figèrent pour de bon, une dernière larme venant nettoyer sa joue sale. Dans son dos, quelqu'un criait, encore. Au début il ne comprenait pas les mots, surtout il ne les écoutait pas, trop occupé à réaliser le terrible geste qu'il venait de commettre. Au fur et à mesure tous les combats s'arrêtèrent peu à peu autour de lui. Tout le monde regardant dans la même direction. Zoran tenait son épée au niveau de la gorge de Terrence, toujours à terre à cause de sa jambe. Il aboyer de plus en plus fort pour que tout le monde l'entende bien.
— Karakolien, écoutez-moi ! C'est fini, vous avez perdu ! Rendez-vous, épargnez vos vies !
Les épées ennemies tombèrent, puis les genoux. La bataille était terminée, la bataille était gagnée. Arrel pourtant ne voyait que les yeux de cet inconnu, qu'il avait surement croisé à un moment donné. Peut-être à un feu de camp, à une réunion, ou même au château. Arrel passa sa main au-dessus de son visage pour y fermer à jamais ce regard vide.
Alors qu'il allait se relever un nouveau murmure le glaça :
— Pourquoi ?
Il se retournait, le gamin mort avait de nouveaux les yeux ouverts, ses pupilles le fixant. Le cadavre ouvrit une nouvelle fois la bouche :
« Pourquoi m'as-tu tué ?
Prit de panique il reculait d'un coup, trébuchant sur un autre corps. Ce dernier se redressa légèrement pour le regarder à son tour, lui posant cette même question. Arrel était perdu, commençait à geindre de peur. A sa gauche un homme la gorge visiblement tranchée lui demandait pourquoi il l'avait tué lui aussi. A sa droite un autre encore, deux flèches pourtant plantées dans le crâne, le questionnait de la même manière. Il se mit à courir aussi vite qu'il le pouvait, dans la première direction qui lui était possible d'emprunter. Le champ de bataille entier s'était relevé, marchant ou rampant derrière lui. Il n'était même pas pu aller bien loin qu'il retomba nez à nez avec ce gamin qu'il avait assassiné quelques minutes plus tôt. Ces organes commençaient à sortir de son ventre ouvert en deux, du sang coulant toujours de sa bouche.
« Pourquoi ?
Encore cette question dont il ne savait toujours pas quoi répondre. Puis une forte douleur se faisait ressentir par ses entrailles. En baissant les yeux, la pointe d'une épée l‘ayant transpercé par derrière était visible. Il n'avait même pas senti que quelqu'un se trouvait dans son ombre. Il redressait le regard, le cadavre le fixant lui plantait aussi son épée au niveau de l'abdomen. Les deux morts retirèrent leurs lames du corps d'Arrel, qui ne pouvait s'empêcher de crier sa douleur en tombant à genoux. La mort l’appelait doucement, avant que les murmures retentissent à nouveaux. Tous ceux étant tombés, ynoxi ou karakolien venait lui murmurer la même chose à l'oreille.
— Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi !
Les pas se rapprochaient tandis que les lames se levaient au-dessus de sa tête.
Arrel rouvrait les yeux, la respiration haletante, une main posée sur sa poitrine. D'ordinaire il évitait tout ce qui était sieste ou même de dormir trop longtemps, parfois il commençait même à avoir peur de fermer les yeux. S'il n’y avait pas eu cette bataille épuisante tant physiquement que mentalement il n'aurait jamais pris le risque de faire ressurgir ses fantômes. Désormais il avait compris qu'un nouveau venu viendrait hanter ses nuits, s’ajoutant à sa longue liste.
Il se redirigeait vers le champ de bataille désert de toute vie. Il ne s'arrêta que devant l'un des innombrables morts, une jeune recrue de son armée décédée d'une lacération au ventre. C'était la dernière personne qu'il avait tué au combat. Son regard était figé vers l'horizon, le visage couvert de sang et de terre. En lui fermant définitivement les yeux, il lui murmura quelque chose à l'oreille :
— Je t'ai tué parce que j'avais peur. Et je suis désolé.
Il espérait que cela le ferait dormir la nuit sans trop y croire.
— Pourquoi ?
A cette question son corps tout entier trembla d'un coup, pourtant il était bien réveillé cette fois. La main sur le pommeau de son arme il se retournait avec prudence. C'était Zoran qui s'approchait tranquillement de lui. Un soulagement se faisait ressentir à a vue.
— Pourquoi tu parles tout seul mon frère ? Et pourquoi tu reviens encore ici ?
— Laisse tomber Zo, ce n’est rien juste une affaire de fantôme.
— Hum, d'accord. Je te cherche depuis tout à l'heure, il est temps, faut y aller.
Arrel observa le ciel cherchant le soleil qui effectivement avait beaucoup bougé depuis sa première conversation. Si sa sieste n’avait pas été très reposante, elle avait au moins le mérite d’avoir durée longtemps. Le crépuscule avait même commencé. Il était l'heure pour Terrence de mourir et d'achever cette maudite journée.
Tous deux marchèrent silencieusement jusqu'au milieu du camp. Tout le monde était présent, tant les vainqueurs ynoxis, la pense bien remplis de viande et de vin, que les perdants karakoliens, toujours dans leurs cages de fortune plantés dans la boue. De là où ils étaient placés une bonne partie pouvaient apercevoir leur seigneur, qu'on amenait, toujours boîtant, près d'un bûcher. Il avait déshonoré les terres du prince du feu qu'il avait juré de protéger, pour cela il serait exécuté par les coutumes et le symbole du Yama, les flammes.
Une fois attaché à la poutre qui le maintiendrais jusqu'à sa mort, Arrel s'approcha de lui.
— Pourquoi ? lui demanda-t-il en regrettant immédiatement cette question qui venait le perturber plus qu'autre chose.
— Je sais que tu es perdu Arrel, je n'ai jamais voulu vous affronter, toi ou ton frère. J'ai même eu du chagrin quand j'ai appris la mort de votre père, je l'appréciais en tant qu'Homme. Lui et le mien ont toujours étaient de grands amis, comme nous...autrefois. J'assume. Je me suis rebellé pour t'empêcher d'être roi et j'en acceptes les conséquences. La raison que tu tiens tant à savoir tu ne la comprendras pas, mais je peux tout de même tenter de te l’expliquer.
— Je n’attends que ça.
— Ce n'est pas pour le pouvoir que j'ai fait ça, j'en ai déjà bien plus que je ne peux le supporter moi-même, comme toi j'ai l'impression. J'ai écouté mon peuple vois-tu. Ils ont faim, il n'y a plus rien à manger dans mes terres, le sol ne produit presque plus rien. Ce que vous avez mangé pour fêter votre victoire ce n’étaient pas nos réserves pour le voyage, mais les rations du Todaï. C'est pour ça que nous étions si loin de nos terres, nous avions vraiment besoin de cette aide pour nourrir nos femmes et nos enfants au château.
Impossible, pourtant cela a du sens. Aurais-je été trompé ?
— Non c’est un mensonge, vous avez reçu vos rations il y a près d’un mois déjà. Sinon jamais nous n’aurions engager le combat. Nous avons un accord avec Ewan Matalo.
— Pourquoi mentirais-je maintenant ? Juste je ne pensais pas que tu t’abaisserais à nous attaquer à ce moment-là.
. Le Todaï voisin restait neutre vis-à-vis de cette guerre, mais Ewan Matalo, le feu roi, avait ordonné des convois de nourritures et autres médicines, afin d’aider au mieux chaque être humain souffrant de la guerre. De manière égale, tous recevaient périodiquement une livraison, déposée à la frontière. Certaines factions, dont celle de Terrence, étant très éloignés du Todaï se voyait offert un chemin de paix jusqu’à leurs vivres, avec l’assurance que leurs ennemis ne pourraient pas les attaquer lâchement. Ewan avait stipulé qu’au moindre manquement, plus aucun épi de blé ne serait donné, et ce qu’importe qui fauterait. Cette règle avait toujours été respectée, autant par Arrel, que par les rebelles Terrence, Xander ou Paxtin. Jusqu’à ce jour, pourtant une missive était arrivée un mois auparavant l’informant que Terrence devait recevoir sa marchandise. Ainsi les derniers rapports de ses éclaireurs l’indiquant une large armée descendant de Karakol vers son royaume ne pouvait signifier qu’une attaque.
Est-il possible que l'on se soit joué de nous, pour que nous les attaquions. Mais à qui cela pourrait-il bien profiter ? Quand la nouvelle fera le tour du monde, le Todaï stoppera ses envois et nous mourront tous de faim.
« A ma mort, mon peuple redeviendra le tiens, ne les oublie pas, où ils ne tiendront pas longtemps. C'est ma décision de se rebeller et ils m'ont suivi. Comme je te l'ai dit les terres sont pauvres, les mines qui nous permettait de marchander sont taris depuis plusieurs années maintenant. Plusieurs fois j'ai tenté de prévenir ton père, jamais il n’a écouté, et nous mourrions en silence. Il fallait du changement, je sais que tu es quelqu'un de bien Arrel, mais tu n'aurais pas insufflé ce renouveau que tout le royaume à besoin. Est-ce que Paxtin, Xander ou moi-même pouvons le faire ? Je n'ai pas la réponse, mais en tant que responsables de mes Hommes je me devais d'essayer quelque chose quand j'en ai eu l'opportunité. Je ne m'excuse pas pour m’être battu, mais seulement que ce soit toi mon adversaire.
Le Yama mourrait, cela ne faisait aucun doute, ce n'était pas une nouvelle. Terrence avait raison à propos des mines, des terres. Une solution allait devoir être trouvée pour éviter de devoir régner sur un cimetière géant. Malheureusement là où il avait tort, c'était que la guerre ne fait qu'empirer les choses.
Paxtin, Xander, j'espère que vous entendrez raison, il faut que tout cela se finisse où tout le monde tombera.
— Je te comprends Terrence, moi aussi je ne m'excuserais pas de mettre à mort un traître, seulement que ce soit toi le traître. J'avais besoin de toi, tu sais. Ensemble nous aurions réussis à faire quelque chose de bien.
Le condamné ne répondit qu'en baissant légèrement la tête. D'un simple regard, Arrel faisait amener une torche à lui. Il ne lui suffisait que de la laisser tomber sur les brindilles et la paille disséminées autour de la poutre. Sa main ne pouvait cependant pas la lâcher.
Je ne peux pas faire ça. C'est Terrence merde.
Il regardait Zoran comme pour rechercher de l'aide. Peut-être viendrait-il faire sa besogne à sa place, où l’empêcher de commettre cette erreur. Son frère reconnaissait l'hésitation et le conflit qui régnait en lui mais ne pouvait intervenir. Il tentait de lui faire comprendre par le regard et de légers gestes. C'était lui le roi, si des gens venaient à rire ce serait grâce à lui. Si des gens venaient à pleurer ce serait aussi à cause de lui. Ce sont ses responsabilités, son poids qu’il devait porter. Terrence sentait que le silence commençait à peser et s’osait à relever légèrement la tête. Arrel ne pouvant trouver de l'aide auprès de Zoran sans se discréditer, c’était ironiquement dans les yeux du condamné qu’il trouvait les raisons d’ouvrir sa main.
C'est un traître. Il m'aurait tué s'il avait pu, comme sur le champ de bataille. C'est un traître.
Son visage se crispait, il commençait même à sentir des crampes dans son bras et sa main tellement il serrait fort la torche. En se retournant, il la lâchait. Le choc qu'elle faisait sur le sol était presque inaudible pourtant cela était ressenti comme si une tour venait de s'effondrer. Les brindilles commencèrent à crépiter. Aucun homme dans le camp ne sortit le moindre son de leurs bouches. Tous regardèrent les flammes ramper vers les jambes de Terrence. Tous sauf Arrel, qui partait droit vers sa tente. Les poings à nouveaux serrés, les yeux mouillés. Il n'était pas encore arrivé que les premiers cris d'agonie commençaient à se faire entendre. Ses mains se crispèrent d'autant plus, puis son ventre. Une fois dans la tente il se coucha, attendant que les flammes aient finis leur festin. Au bout de quelques minutes les cris s'estompèrent. Arrel n'osait pas fermer les yeux, le sommeil l'appelant pourtant ardemment.
Viendra-t-il lui aussi me rendre visite maintenant ? Pourtant je n'ai fait que ce qui était juste, je n'ai tué qu'un traître…Un traître qui était mon ami.
Ses yeux se ferma
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