Chapitre 8, Alan II

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— Seigneur, protégez-nous dans notre quête. Donnez-nous la force de combattre pour votre liberté et l'honneur de ma fille. Pardonnez-nous pour les péchés que nous avons commis pour en arriver là, ainsi que pour ceux que nous allons commettre à nouveau, murmurait Alan, son front apposé sur le pommeau de son épée.

Cela faisait déjà plusieurs fois déjà qu'il répétait cette prière depuis qu'il s’était emparé du dortoir. Autant pour s'occuper l'esprit que pour rendre encore plus réel ce qu'il supposait désormais, que Dieu était derrière lui dans cette quête. Un signe ne trompait pas, sa lame semblait lui répondre, le bourdonnement qu’elle émettait depuis peu s’intensifiait encore plus lors de ses prières.

Des paroles lointaines commençaient à se faire entendre à travers la nuit. Il allait être temps de pouvoir passer à l'étape suivante, non moins dangereuse que la précédente. D'autant que cette fois-ci se seront face à des hommes réveillés qu'ils auront affaire. Les voix, encore indescriptibles, se rapprochaient toujours plus. La fatigue avait gagné Alan et son acolyte à devoir attendre près de deux heures durant dans la pénombre, tout en veillant à rester en alerte. Ils étaient tous deux placés, attendant que leur embuscade ne commence.

Les pièges étaient en place, normalement conçu pour les ours, ils étaient disséminés dans tout l'entrée recouvert par la paille et la terre qui parsemaient déjà le sol, notamment sous les torches éteintes où obligatoirement ils se rendraient pour venir s'éclairer. Le son de la poignée qui s'abaissait résonnait dans le dortoir, puis le crissement de la porte qui s'entrouvraient. Les gardes discutaient toujours pendant qu’ils entraient dans la pièce. Alan était si concentré qu'il était incapable de comprendre ce qu'ils se racontaient. Le nombres de pas et de voix laissant bien entendre que la demi-douzaine de garde était au rendez-vous. Caché dans un coin, il voyait difficilement que l'un d'eux s'approchait de la première torche pour l'allumer.

Encore quelques pas, allez…

Un claquement sourd et bref fût suivi par des hurlements immédiats puis d'un choc contre le sol. Un premier soldat était à terre. D'autres accouraient aussitôt pour lui prêter assistance quand un deuxième claquement apparût. Puis un troisième. Là encore des cris de douleurs déchiraient la nuit.

— C'est un piège ! Sortez vite de là, cria l'un des gardes encore debout.

Les trois hommes n'eurent pas le temps de commencer à opérer un demi-tour qu'Alan sortait à vive allure de sa cachette, épée à la main, pour fendre en deux horizontalement le plus proche de lui, complétement surpris par l'attaque. Bestyn avait surgit de l'autre côté de la pièce pratiquement dans le même temps pour empaler un autre fuyard qui avait presque réussi à rejoindre la sortie. Le dernier avait quant à lui trouvé le moyen de fuir ce traquenard.

C'était ainsi au tour d'Aiden de faire sa part de boulot maintenant. Alan avait estimé que deux hommes réussiraient à s'échapper. Le fait qu’il n’y en ai qu’un seul était une bonne nouvelle, et devrait faciliter d'autant plus la tâche de son fils, parfaitement placé pour décocher une flèche fatale.

Chaque seconde comptait dans ce genre de moment, et malheureusement aucun nouveau cri ou bruit ne se faisait entendre de l'extérieur, laissant supposer un problème. Les trois blessés n'étant pas un danger immédiat, il décidait d'aller voir directement ce qu'il se passait, toujours suivi de son acolyte. Un pied à peine dehors qu'il voyait déjà une flèche par terre, qui avait dû ricocher après avoir touchée le mûr.

Je ne connais pas plus précis que lui, mais qu'est-ce qu'il fait !

Il le cherchait du regard. Son fils était toujours en position, l'arc bandé visant au loin. Il avait en joue le dernier garde.

— Pourquoi il ne tire pas ? se demandait Alan sans chercher à avoir de réponse.

« Tue-le Aiden ! Ne le laisse pas s’échapper !" lui cria-t-il enfin.

Apparemment cela avait porté ses fruits puisqu'une flèche fût tirer dans la bonne direction. Moins d'une nouvelle seconde plus tard, l'homme qui courrait pour sa vie s'effondrait au sol.

« Je vais voir s'il est mort, Bestyn occupes toi d'achever les autres à l'intérieur.

— Je m'en occupe.

Alors qu'Alan s'empressait d'atteindre sa cible, il pouvait voir que ce dernier ramper lamentablement dans la boue, la flèche coincée à l'arrière de sa cuisse. Une fois à portée, il l'attrapa par les cheveux, puis faisait glisser sa lame contre sa gorge, laissant des cris d'agonie muet se mélanger à son sang.

Aiden quant à lui était toujours posté sur son perchoir, immobile et silencieux. Alors qu'il se dirigeait vers lui, Bestyn le rejoignait tout en essuyant le rouge de son épée. Il devait voir en lui qu'il était en colère et le stoppa avant qu'il ne puisse rejoindre son fils.

— Ne sois pas trop dur avec lui, n'oublie pas que c'était sa première fois, ce n'est jamais facile.

— On aurait pu tous y rester s'il avait réussi à s'échapper.

— Je sais j'étais là. Quand bien même il a réussi ce qu'il devait faire.

C'était l'une des raisons pour laquelle il ne voulait pas qu'il vienne ici, il savait qu'il n'était pas prêt. Pas pour ce genre de chose. Finalement c'était le jeune garçon qui les rejoignait prêt du dortoir.

— Tu ne rates jamais une cible, et là tu ne la rates pas une mais deux fois, qu'est-ce qu'il te prend d'un coup ? le gronda Alan.

— Je ne sais pas, c'est plus dur que ce dont j'avais imaginé. J'ai entendu les cris, je l'ai vu essayer de fuir, il ne voulait rien de tout ça. Il était innocent, et puis j'ai paniqué je crois.

— Il n'aurait pas été innocent s'il avait pu prévenir ses collègues et ramener des renforts pour nous tuer ! aboya-t-il.

— Nous faisons ça pour Nérilia je le sais, mais je ne pense pas que nous ayons la bonne méthode. J'ai l'impression que nous ne valons pas mieux que ce conseil si nous persistons dans cette voie.

Ces mots l’enrageaient encore plus. Comment son propre fils pouvait-il le comparer à cette sorcière de Nora.

— C'est la seule méthode qui existe, et il est trop tard pour reculer maintenant. Retournes sur le bateau, Bestyn et moi allons finir la mission seuls. Nous ne pouvons plus prendre de risque, reposes-toi mon fils.

Aiden ne répondit pas, son visage marquant à la fois la colère et la déception. Il se retourna et marcha en direction du lieu d’amarrage.

— Il n'est pas comme toi Alan, tu dois le comprendre, lui soufflait son ami une fois que son fils était assez loin pour ne pas les entendre.

— Je sais, c'est ma faute, je n'aurais pas dû lui demander de faire ça.

— Ce n'est pas à moi qu'il faut le dire mais à lui. Il essaye tellement de te rendre fier qu'il se force à faire des choses qui vont à l'encontre de sa nature.

— Une fois tout cette merde terminée et le conseil tombé je lui parlerais vraiment, je lui laisserais prendre sa propre voix, même si je dois le laisser partir.

La partie la plus difficile du plan était passée, désormais chaque garde serait en patrouille, seul, à des endroits bien définis, et surtout connus d'Alan. Il avait encore largement le temps également avant que la nouvelle vague de renforts arrive du continent pour prendre la relève. Là ça serait plus d'une centaine de soldats qui arriverait. Si tout se passait bien ils seraient à ce moment-là accueillit par sa nouvelle armée fraîchement libérée et fédérée.

Meurtre après meurtre, une partie de sa conscience était plus tranquille de savoir que finalement son fils ne participait plus à cette boucherie. Ce sale boulot c'était son destin à lui, une partie du plan que Dieu avait pour lui. Il se répétait sa prière avant chaque nouvelle rencontre, comme un rituel salvateur, pouvant légitimer ses actes. Des prières qui désormais fonctionnait, contrairement à celles qu'il avait employées, ligoté, sans défense devant sa fille prisonnière du vide. Pourtant cela ne renforçait que plus sa volonté de croire que ce conseil présidé par Nora était maléfique et contre-nature. Dieu n'avait plus aucun pouvoir dans cette partie du monde qui l'avait totalement reniée. Il avait l'intime conviction que désormais en tant qu'élu de Dieu, il se devait de rétablir la foi là où elle avait été corrompue.

Pourtant Alan n'avait pas toujours été si pieux, si croyant. Dans la famille Verri, c’était le rôle de Fredrik, son frère cadet.

Ensemble ils avaient décidé d'intégrer l'armée dumienne, sous l'égide du conseil qui continuait d'intensifier son pouvoir dans un but décrit comme pacifique. Le fait que les ancêtres de la famille royale soient exilés sur l'île voisine avait toujours suscité de la méfiance, même s'ils n'avaient jamais proclamés ou intentés quelque chose visant à restaurer une monarchie. Ainsi en les rejoignant, se mettant même à une place inferieur aux membres des Sept, les deux frères légitimèrent aux yeux du peuple et du monde le système en place.

Cela était d'autant plus important que les restrictions toujours plus dures imposés par Nora étaient difficilement acceptées et acceptable par la population. Des révoltes éclatèrent ci et là sans jamais réellement aboutir.

Suites à des combats dans les tavernes, ces dernières fermèrent leurs portes, l'alcool devenant alors prohibé. La garde ne pouvant régir totalement jour et nuit pour protéger la population, le couvre-feu fut instauré. Vînt ensuite l'interdiction des cultes ou les rassemblements de foules. Tout ce qui pouvait engendrer des différents entre les Hommes étaient éliminés et réprimandés sévèrement. Le peuple voulant reprendre le contrôle, il ne leur manquait qu'une tête d'affiche, quelqu'un sur qui se reposer, qui pourrait être leur leader. Alan et Fredrik Verri étaient de parfaits candidats pour s'opposer au conseil et rétablir l'ordre. Malheureusement, n'ayant aucunement l'ambition de régner, l'espoir de tout un peuple fût anéanti quand ils rejoignirent les rangs de la garde. Des traîtres pour certains, des lâches pour d'autres. Petit à petit les dumiens se plièrent aux règles les unes après les autres, apprenant à baisser la tête et obéir.

Alan croyait en Nora. Que ses méthodes révolutionnaires étaient certes terribles mais nécessaires pour une paix durable. Et effectivement cela portait ses fruits, mise à part les envahisseurs des Terres de l'Ouest, rien ne venait noircir la vie des habitants. Les meurtres avaient cessé, les combats menant à des morts accidentelles, les vols ou encore les viols n'existaient plus. La récompense pour les efforts de tous était là.

Un jour, rentrant plus tôt que prévu dans ses appartements qu'il partageait avec Fredrik, il le découvrit à genou, le front posé sur le pommeau de son épée, murmurant des paroles inaudibles.

— Tu fais chier Fredrik ! lâcha-t-il instantanément après l'avoir vu. Je croyais t'avoir dit d'arrêter ce genre de conneries. Imagine si quelqu'un d'autre m’accompagnait ?

Son frère ne daignait pas répondre, préférant finir ce qu'il entreprenait. Alan, toujours exaspéré par l'attitude rebelle de son frère, se délestait de son bouclier et de sa lance. Puis enlevait son épaisse armure émeraude. Enfin allégée de tout ce poids, il se jeta sur le premier fauteuil en bougonnant, attendant toujours que son frère veuille bien finir.

— Bonjour à toi aussi Alan, lui lançait-il une fois relevé, non sans une pointe de sarcasme.

Une phrase qui avait le don de l'agaçait encore plus alors que Fredrik savait pertinemment dans quel état il était déjà.

— Tu vas avoir des ennuis un jour, et je vais en avoir aussi car je l'aurais dissimulé. Pourquoi ne peux-tu pas simplement arrêter ça ?

— Parce que c'est impossible ! Je crois et je pense, c'est intolérable qu'on veuille nous empêcher de le faire. Sous prétexte que c'est pour notre bien. C'est moi qui ne comprends pas pourquoi tu acceptes ça.

— Nora fait en sorte que nous soyons tous en sécurité. Tout le monde est heureux, la misère est partie, les meurtres, les guerres. Elle incarne le futur, elle est en avance sur son temps, les autres royaumes sont tous jaloux de notre système parfait, tenta-t-il de le raisonner.

Il avait déjà essayé maintes fois toute sorte de discours, en vain. Pourtant Fredrik avait aussi rejoint la garde. Ce qui laissait espérer à Alan qu'il puisse rentrer dans le rang un jour ou l'autre. Il ne se rendait compte que trop tard que c'était pour mieux pouvoir se cacher et continuer d'entreprendre les interdits dont il avait besoin. Il ne révélerait évidemment jamais la vérité, l'amour pour son frère était plus fort que son devoir envers le Dume. Pourtant cela le tiraillait sans cesse.

— Un jour, je ne sais pas quand ou comment, mais tu verras qui est vraiment Nora et comment est vraiment ce système que tu admires tant. A ce moment-là, tu comprendras pourquoi je préfère croire en un Dieu qui a un plan pour chacun de nous, plutôt qu'à un groupe de personnes qui régissent par la peur, interdisant de croire en tout ce qui leur est extérieur.

Au vu de la mine déconfite d'Alan, qui ne trouvait plus les mots, Fredrik lui en trouvait d'autres.

« Je lui parle de toi dans mes prières, je lui demande de te protéger. Bien sûr il ne me répond pas, mais j'ai l'impression de ressentir ses réponses. Et ce que je ressens, c'est qu'il a de grands projets pour toi. Tu as un destin Alan, ne laisses personne se mettre en travers du chemin de ta vie.

Là encore il ne trouvait pas de quoi répondre. Il n'avait jamais réfléchi à son destin, à sa vie en elle-même. Il avait tant essayé de se faire discret, pour faire en sorte que son nom puisse enfin commencer à être oublié une bonne fois pour toute, lui qui le trouvait maudit.

Être un Verri il y a plusieurs siècles signifiait peut-être quelque chose avant. De la peur, du respect, mais aujourd’hui, ce n’est que disgrâce. En restant proche du conseil il y a une chance d’être réhabilité. Pour que les enfants que j’aurais un jour ne vivent pas comme moi.

— Il va être l'heure pour toi de partir Fred. Tu as une relève à prendre, on finira cette conversation plus tard si tu veux.

Il n'était plus énervé et parlait plus calmement.

« Tu vas où cette nuit ?

— Kaptar, un village tranquille, non loin d'ici. J'y reste une semaine et je reviens. Je me coltine le mari et le fils de ta chère Nora d'ailleurs si ce n’est pas génial. Et oui, nous finirons cette conversation.

Quelques jours plus tard, au beau milieu d'une nuit, Alan était appelé en renfort à la suite d’une nouvelle attaque des sauvages ouestriens, qui était sur le point d'accoster à Kaptar. Il se mettait directement en selle, puis après quelques heures de cheval pour arriver à destination, il se hâta à rechercher la troisième unité déployée dans la ville, celle où son frère se trouvait. Les combats étaient terminés, ce qui était logique vu le temps qui lui avait fallu pour arriver. Pourtant la partie de cette ville était déserte. Les tonneaux d'alcools, constituant du piège en cas d’envahisseurs, n'étaient plus. Le plan de Nora fonctionnait, néanmoins quelque chose n'allait pas, les habitants et les soldats s'étaient tous volatilisés.

Fredrik où est-tu ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ici ?

A force de retourner les rues et les maisons, il trouva enfin des corps. Il laissa de côté les cadavres ne disposant pas de l'armure émeraude caractéristique dumienne, pour se consacrait aux visages des autres. Aucun n'était Fredrik.

S'il n'est pas là c'est qu'il doit encore être en vie. Mais pourquoi cette bataille ? Ce n'est pas ce qui était prévu, ils devaient se replier bien avant de tels affrontements leurs laissant seulement la marchandise.

— S'il vous plait ! Aidez-moi ! Tentez d'hurler un des blessés.

Alan accourrait à lui, il pourrait peut-être lui apprendre ce qu'il s'était passé. Il y découvrit un homme avec la jambe droite sectionnée. Il avait également le plastron enfoncé, lui ayant certainement brisé une bonne partie de ses côtes. Cet homme allait mourir sous peu, sans qu'il ne puisse y faire quelque chose.

— Ça va aller, les médecins sont en route, vous allez vous en sortir, lui mentait-il. Dîtes moi ce qu'il s'est passé. Dîtes moi pourquoi vous avez combattu.

— Des...

Il toussait un mélange de glaire et de sang. Alan le nettoyait suffisamment pour qu'il puisse parler.

« Des jours et des nuits qu'on était là. On ne croyait plus à une attaque. Et il y avait tout ce vin, cet hydromel, cela faisait tellement longtemps qu’on n’en avait pas bu... A qui est-ce que l'on faisait du mal à boire une choppe pour se remémorait le bon temps ?

Il se remettait à tousser sévèrement, il ne lui rester plus quelques instants de vie.

— Ce n'est pas grave. Et ensuite ?

— Ils sont arrivés. Ils ont trouvé les tonneaux, mais ils voulaient plus, ils nous ont traqués. Ils ont attrapé des villageois, on ne pouvait pas rester là les laisser se faire capturer, alors on a riposté. Mais ils étaient plus fort, et ils ont pris avec eux les survivants, ceux qui pouvaient encore marcher.

Il est en vie. Merde il va être dans les bateaux, il faut absolument que je prévienne Nora ! Depuis quand ils prennent des otages ceux-là ?

— Cela fait combien de temps qu'ils sont partis, réponds ?! le secoua-t-il alors que le malheureux commençait à fermer les yeux.

— Un peu plus d'une heure, voir plus je ne...

Il n'avait pas réussi à finir sa phrase, sa tête basculant définitivement sur le côté.

Il me reste du temps, je sais d'où Nora doit lancer le signal.

Alan monta sur un des chevaux de son unité, et partit au galop. Le temps que les ouestriens devaient mettre pour charger tous les tonneaux, s'occuper des otages, et repartir en mer, avec les chemins particulièrement escarpés de la région, cela leurs prendraient encore beaucoup de temps. Leur flotte, stagnant le long des falaises, attachés aux rocs par d’épais harpons, ils devraient alors descendre en rappel chaque hommes et marchandises.

Le frère Verri apercevait le phare d'où Nora devait se trouvait. Il était encore éteint.

Il me reste encore du temps, si je la préviens à temps elle comprendra.

Descendu du cheval, il commençait à gravir les marches trois par trois. Ses muscles le brûlaient rapidement, pourtant il ne pouvait pas s'arrêter, chaque minute comptait. Il sentait néanmoins qu'il ralentissait, ainsi il criait aussi fort qu'il le pouvait :

— Arrêtez-tous !

Ceci autant de fois qu'il en était capable. Enfin arrivé, à bout de souffle, il vît Nora et Iseka, son fidèle lieutenant, se retourner vers lui, un coup d'œil sur l'océan pour voir avec soulagement que les bateaux voguaient encore.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? hurla-t-elle. Dépêchez-vous la fenêtre de tir va se refermer et nous ne pourrons plus les avoir.

— Ils ont des otages, c'est inhabituel. Mais la troisième unité en poste à Kaptar a voulu sauver les civils. Certains d’entre eux sont avec eux désormais ! On ne peut plus appliquer le plan Nora !

Elle ne répondait pas. Puis se mettait à regardait encore une fois au loin.

Elle ne va quand même pas continuer ? Elle a perdu la raison !

— Dîtes leurs d'arrêter tout, ils ont Fredrik, ils ont mon frère !

La conseillère continuait de faire naviguer sa tête dans tous les sens, sans ouvrir la bouche. Chaque seconde silencieuse énervé de plus en plus Alan. La décision étant pourtant simple.

— Ils ont votre famille ! Mais à quoi vous réfléchissez merde ?!

Il avait raison, c'est l'incarnation du mal, même pour sa propre famille sa propre chair elle ne réagit pas., Elle va les condamner aussi. Mais qui peut tuer son propre enfant sans sourciller ?

Il ne ressentait que du dégoût en la regardant.

— Commandant, coulez-moi ces bateaux. Tous sans exception, lança-telle au bout d'un temps.

— Noooooon ! criait Alan d'un profond désespoir, pendant qu'il courrait pour étrangler Nora de colère.

Deux gardes qu'il n'avaient même pas repérés en arrivant l’attrapèrent par les épaules pour le contrôler. Pendant ce temps, Iseka allumait le phare, s'en suivi alors des énormes chocs pareils à des éclairs de part et d’autre des montagnes. Le ciel semblait prendre feu, puis peut après l'un des bateaux. Après plusieurs salves d'attaques, plus un seul ne semblaient être encore debout.

Il n'arrivait pas à changer son regard de celle qui venait de détruire sa vie. Pendant qu'elle évitait le sien il se jurait qu'il la tuerait. Que cela prenne des mois voire des années, il le ferait. Il trouverait un moyen. L’océan s’était lui entièrement embrasé comme si un volcan venait d’en sortir pour exploser.

A ce moment-là il ne pouvait s'enlever de la tête que Fredrik avait raison. Il se demandait comment il avait pu idolâtrer autant une telle personne, être si aveuglé par une femme si destructrice. Pendant une demi-seconde il avait pu enfin croiser son regard, il n'y vît aucune once de remord. Seulement de la noirceur, sans la moindre bonté. Si Dieu avait un destin pour lui, alors ce serait de l'éliminer, pas seulement pour sa vengeance personnelle, mais pour le bien de l'humanité.

— Moi aussi fût un temps où j'y croyais, racontait Bestyn pendant qu'ils se dirigeaient vers les appartements de Jorel. En Dieu je veux dire.

Alan se rendait compte que, malgré les innombrables conversations qu'ils ont eues depuis qu'ils s'étaient rencontrés sur cette même île, jamais ils n'avaient abordé réellement ce point.

— Et plus maintenant ?

— J'ai arrêté le jour où ma femme a cessé de respirer.

L'émotion semblait le submerger à cette simple évocation, malgré les années qui été passées.

— Je ne veux pas croire en un Dieu qui aurait comme plan, pour une jeune femme, gentille, aimante, douce, de simplement mourir sans avoir eu le temps d'accomplir quoi que ce soit, laissant les autres derrière elle seuls et démunis. Ce n'est pas concevable pour moi. Ou alors c’est que ce Dieu n’est pas bon.

Ce qu'il disait avait du sens, c'était vrai, néanmoins c'était essentiellement l'émotion qui parlait pour lui, l'empêchant de voir un plus grand ensemble.

— Il a un plan pour chacun de nous, c'est ce que je pense c'est vrai, néanmoins certaines personnes font partis du plan d'autres personnes. Peut-être qu'il avait besoin de ta femme pour que tu puisses être présent là aujourd'hui à mes côtés.

Il voyait bien que son explication ne lui donnait pas entière satisfaction.

— Je suis ici pour toi Alan. Tu es la famille que je n'ai plus. C'est mon choix d'être ici, personne ne me dicte ce que je dois faire. Je sais qu'il y a des choses qui ne s'expliquent pas, ce que tu as récupéré avant de partir...je ne sais pas si c'est Dieu qui te l'a donné mais pour moi la seule chose qui importe c'est que c'est toi qui la possèdes. Je ne crois pas en Dieu, mais je crois en toi, et cela me suffit.

Et je ne m'en servirais qu'en dernier recours. Seulement si Dieu m'y oblige.

— Qu'importe ce qui te pousse à être ici, je suis heureux que tu me suives.

Ils arrivaient devant la porte de Jorel. Bestyn continuait son chemin vers les geôles le laissant seul. Ses appartements étaient directement reliés à son bureau, là où il gardait tout en notes sur des manuscrits ou parchemins, là d'où il gérait toute la prison. Il ne sortait pratiquement jamais, préférant convoquer d'autres personnes pour leurs administrer les tâches à faire.

Il travaillait dans le bruit, pour sa protection, en raison d'une gigantesque cage à oiseaux remplit de dizaines de pigeons situé contre le mur juste derrière lui. De part et d’autre de grandes fenêtres taillées dans la pierre menant directement à la grande cour extérieure. Chaque animal était capable de voler vers une direction unique précise. Une fois la cage ouverte, l'un s'envolerait vers Iuyt, un autre volerait vers Joguja ou encore Uzqar. Une bague portant un tissu noir était accrochée à l'une de leurs pattes signifiant que l'île était attaquée ou en danger. Le continent entier serait donc rapidement au courant.

En plus de l'accès à sa chambre, une autre porte, situé sous la fenêtre de gauche menait à un ponton surplombant la cour centrale où les prisonniers prenait l'air par petit groupe. Celle-ci était entièrement entourée de très haut remparts impossibles à escalader, ainsi que des tours munis d'archers pendant ces heures de promenades. Tenter de s'enfuir ou de se révolter seraient un suicide immédiat.

Alan rentra le premier après avoir brièvement frappé à la porte comme à l'accoutumé. Jorel était réveillé, assis à son bureau, plume à la main. C'était tout à fait ordinaire. Il devait profiter de l'effet de surprise tant qu'il le pouvait, c'était un homme extrêmement méfiant et suspicieux. Il avait alors pris soin de ranger son arme dans son fourreau, d'enlever sa cuirasse, son heaume et sa cotte de maille. Il n'avait qu'un petit sac basique cachant une corde et un poignard, le tout attaché à sa ceinture, ce qui n’était pas spécialement douteux. Rien n’était laissé au hasard, car comparé aux autres, il avait besoin de lui vivant.

— Ah c'est vous Alan, je vous attendais entrez, disait-il en finissant d'écrire ses registres. Qu'est-ce qu'il vous a retenu, vous deviez arriver bien plus tôt il me semble.

Il relevait la tête vers son visiteur pendant que celui-ci s'avançait lentement. Ses yeux s'attardant sur Alan comme si un détail lui paraissait bizarre. Intrigué il s'inspecta alors. Et effectivement il avait commis une erreur ; du sang avait coulé sur une de ses joues. Bestyn n’avait pas pu lui dire, vu qu’il n’avait enlevé son casque qu’après leur séparation. Une blessure que l’un des gardes avaient dû lui asséner et qui venait de se rouvrir.

Et merde. Il faut que je trouve quelque chose.

N’ayant pas prévu cette éventualité, Alan ne trouvait rien à dire, et même s’il en trouvait une, peu de chance qu’il réussisse à mentir suffisamment bien.

Leurs yeux se recroisèrent, chacun savait à ce moment-là ce qu'allait faire l'autre. Jorel bondissait le premier de son siège, se retournant vers la volière pendant qu'Alan courrait pour le stopper. Le vieux chef de la prison réussissait néanmoins à ouvrir la cage. Les oiseaux devant tout ce brouhaha inhabituel commencèrent à s'affoler. Alan l’attrapa par les épaules, le faisant basculer contre son siège, avant de le renverser par terre. D'un coup de main rapide il ferma la cage puis se retourna vers l'homme toujours à terre pour le neutraliser définitivement.

— C'est trop tard Alan, les royaumes seront bientôt au courant, qu’importe ce que vous ayez prévu.

Trois pigeons avaient eu le temps de sortir de la cage, puis par les fenêtres. Alan relevait de force le vieil homme pour l'amener jusqu'à la fenêtre.

— Voyez par vous vous-même, lui répondit-il.

Outre le bruit des oiseaux encore présent dans la cage à côté, toujours affolés, l'on pouvait percevoir le cri aigu des faucons non loin de là. Un des pigeons était visible en train de partir vers l'Ouest. Il n’a pas fallu longtemps pour que l'un des rapaces qui le pourchassait ne fonde sur lui pour l'attraper avec ses serres. Comprenant sa défaite les yeux de Jorel se baissèrent de déception.

— Pourquoi Alan ? Je ne comprends pas. Il est vrai que je me méfiais de vous au début, mais vingt ans ont passé maintenant. Vous faîtes partit de cette île, comme moi, pourquoi aujourd'hui ?

— Je n'ai pas le temps de vous expliquer malheureusement, ce serait trop long, et vous ne comprendriez pas. Sachez juste que ce n’est pas personnel.

A l'aide de la corde il attacha les poignets de Jorel et l'assis jusqu'à ce que Bestyn finissait sa partie du boulot. Il ouvrait grand la porte menant à la cour, qui serait bientôt remplis d'hommes et de femmes. Son acolyte avait pour mission de commencer à ouvrir les premières cages des prisonniers, leur ordonnant d'ouvrir celles de chaque partie de la prison puis de tous rejoindre la cour. Il comptait sur le faîte qu'abasourdi devant une telle libération massive, ils choisirent d'écouter et de se rendre au bon endroit, plutôt que paniquer et tenter de partir par leurs propres moyens en dehors de l’île.

Après quelques minutes des premières voix commençaient à résonner provenant d’en contrebas.

Ils sont là.

— Vous n'avez quand même pas libéré tout le monde ? Quoique vous pensez en faire avec eux, ils ne vous aideront pas, ce ne sont que des traitres, des lâches, des meurtriers ! Ils vous tueront dès qu'ils seront libres, vous êtes devenus fou mon pauvre Alan !

— Peut-être. Mais il est trop tard pour reculer désormais.

Il le releva à nouveau. Bestyn arrivait à son tour dans les appartements.

— C'est bon ils arrivent tous comme prévu pour t'écouter.

— Très bien, occupes toi de lui en attendant.

D'un signe approbateur de la tête Bestyn agrippa Jorel et se placèrent devant la porte de la cour leur permettant d'assister au futur discours d'Alan qui s'avançait vers une foule toujours plus grande qui s'amassait en dessous de lui.

Alors qu'il marchait sur le ponton pour être toujours plus près de ces hommes et femmes qui attendaient, il commençait à ressentir une sorte de vertige. Le même qu'il avait ressenti pendant qu'il regardait Nérilia tentant de survivre perchée sur sa poutre dans les montagnes dumiennes.

C'est pour toi ma petite fille.

Un faux pas signifiait la mort, il n'osait même pas s'imaginer le courage qu'avait eu Nérilia pour oser se jeter d'elle-même afin d'arrêter ses souffrances. Il ne sait pas s'il en aurait été capable lui-même tellement la vue du vide suffisait à le faire reculer. Pourtant il ne pouvait pas le faire maintenant, plus jamais.

La horde de prisonniers le regardait d'en haut, certains se moquer de lui sans aucune raison, d'autres avait l'air simplement perplexe.

— Je vous ais libérés aujourd’hui, débutait-il assez timidement, mais voyant que peu de monde ne semblaient réellement le prendre au sérieux il aggravait encore plus sa voix. Je vous ais libérés aujourd’hui ! Comme vous pouvez vous en doutez, je vais vous demander quelque chose en échange. Certains d'entre vous me connaisse déjà. D'autres connaissent peut-être mon ami Bestyn. J'ai pour ambition de détruire le conseil des Sept. De reprendre en main le royaume du Dume. De réparer les erreurs commises au nom de la sécurité. Pour cela j'ai besoin d'une armée. Vous serez mon armée !

Des voix commencèrent à s'élever. Certains avaient éclatés de rire. Il entendait des hommes dire que ce n’étaient pas leurs combats, qu'ils n'étaient même pas dumien eux-mêmes. Des femmes hurlèrent qu'elles ne savaient pas se battre. D'autres personnes criaient qu'ils n'avaient aucune raison de mourir pour quelqu'un en qui ils n'avaient pas confiance. Tout cela il l'avait prévu, il savait que ce serait difficile, il lui restait encore des atouts.

« Je ne vous oblige à rien, si vous voulez partir, vous pouvez. Mais où iriez-vous ? Il n'y a pas de bateaux. La plus grande partie d'entre vous mourrons dans les eaux avant d'atteindre le continent. Ceux qui y arriveront seront livrés à eux-mêmes ne pouvant retourner chez eux. Vous seriez rejetés, traqués.

La foule commençait à se regarder les uns les autres, conscient de la véracité des propos d'Alan.

« Avec moi vous avez une seconde chance. Vous étiez des prisonniers ici, et qu’importe vos crimes, une fois le trône du Dume récupéré, vous serez gracié, vous pourrez même retourner chez vous si vous le désirez, librement, légalement. Vous pourrez aussi devenir des citoyens dumiens si cela vous plait.

— Comment pouvons-nous attaquer le continent alors que nous n'avons ni armes ni bateaux ? lança un homme au milieu de la cour.

— A seulement trois, nous avons réussis à nous emparer de l'île imprenable. Parce que j'avais un plan. Cela fait des dizaines d'années que j'ai ce plan. Que j'ai réfléchis à toutes les possibilités. J'ai les armes dont avons besoin sur l'île, j'ai un stock de matériaux suffisant pour construire une flotte, je vais nous faire gagner suffisamment de temps pour que l'on puisse se préparer. Je vous ais dis que nous allons reprendre le Dume, je n'ai pas dit tout de suite. Dès demain nous commenceront les constructions de bateaux, l'entrainement aux combats, ainsi que le rationnement de la nourriture pour tenir sans approvisionnement jusqu'au départ des troupes.

Pendant toutes ces années qu'il avait passé au service de Jorel, il avait réussi à le convaincre de lui céder un local pour entreposer des affaires à lui, puisqu'il était prévu qu'il y passe une partie de son temps. Très rapidement il faisait toujours en sorte d'être présent à l'arrivés des nouveaux prisonniers.

Cela lui permettait de rencontrer Geoffroy, celui qui s'occupait des escortes de prisonniers à travers le monde, pour les ramener jusqu'à l'île. C'était homme imposant et cupide. Il était facile de récupérer quelque pièce d'or des comptes de la prison et d'en trafiquer les registres. Peu de personnes savait lire et écrire sur l'île, et Jorel lui avait cédé cette tâche il y a bien des années déjà. En échange le patrouilleur faisait en sorte de récupérer sur les champs de batailles tout ce qui lui était possible de ramener. Acier, bois, corde, épée, piège, même ce qui était en mauvais état. La guerre civile qui régnait au Yama était une aubaine. Petit à petit Alan était assis sur une armurerie suffisante pour habiller toute une armée. La quantité de bois et d'acier qu'il avait stocké sur une parcelle inutilisée de l'île ressemblé à une décharge géante, que Jorel n’avait jamais vu, puisqu’il ne sortait jamais de l’enceinte de la prison pour sa propre sécurité.

Dans le bureau du chef déchu de la prison, il savait qu'il trouverait des messages pré-écrit et signé. Il n'avait besoin que de l'un d'eux, celui qui décrivait un début de révolte dans la prison, mettant en place l'état d'alerte sur l'île. Un niveau pas trop élevé pour éviter les demandes de renforts et suffisamment haut pour que cela soit crédible. Cela signifiait qu'aucun bateau n'était autorisé à s'approcher de l'île pendant trois mois ou qu’un contrordre n’indique le contraire. Que tous les effectifs en place ne pouvaient pas rentrer, et que ceux devant venir prendre la relève devaient attendre la fin de l'alerte. C'était le maximum de temps qu'ils pouvaient obtenir avant que des questions n’allaient commencer à être posées.

Il avait donc trois mois pour construire sa flotte, faire de ces meurtriers son armée, avant de pouvoir se rendre à Joguja afin d'empaler Nora de son épée.

La cour semblait se diviser quant au choix de suivre leur nouveau roi de fortune ou pas. La moitié seulement des prisonniers étaient largement insuffisants pour concrétiser son rêve. Des joutes verbales commencèrent désormais à s'échanger de part et d’autre. C'est alors que Bestyn rejoignit Alan sur le ponteau.

— Si vous ne le suivez pas en tant que votre nouveau roi, cria-t-il à la foule qui revenait au silence. Suivez-le alors comme je le fais en tant que votre nouveau Dieu.

Une colère commune commençait alors à monter de la cour.

Bestyn, je t'avais dit que je ne voulais pas.

Un simple regard d'Alan envers son ami suffisait pour qu'il comprenne ses pensées réprobatrices.

« Il n'y a plus le temps, il faut les convaincre maintenant. C'est ton destin tu me là toi-même dit. Alors montre-leur, lui soufflait-il une fois à porter. Je l'ai mise devant la porte tu n'as qu'à la chercher, je descends Jorel dans la cour, c'est pour ça que nous avions besoin de lui en vie non ? Pour nous aider à les convaincre ?

Je ne l’entendais pas comme ça. Très bien alors. Je n'ai plus le choix.

Après avoir expliqué tout son plan à Bestyn et sa famille dans leur maison, il avait envoyé Aiden et Ciro aider sa femme à regagner son lit, leurs permettant de se rendre au sous-sol via une trappe caché sous le plancher. En cas de soucis, c'était l'endroit où il aurait envoyé sa famille pour se protéger, moment qui n'as heureusement jamais eu lieu. C'était une petite galerie qui avait été creusé bien plus large que la maison au-dessus. Après être passé devant plusieurs vieux meubles ou provisions ils arrivèrent devant une grande armoire poussiéreuse.

— Ce sont les reliques les plus précieuses de ma famille que je garde ici.

— Qu'est-ce que c'est, demanda Bestyn, interloqué.

— L'armure dont disposait Anton Verri, le dernier roi de ma famille avant sa mort il y a presque trois cents ans, qu'il avait lui-même eu de son père. Il paraîtrait qu'elle daterait même de l'époque des Premiers Rois, et serait l'armure originelle du roi zébré, Cal Verri il y a un millénaire.

Elle ne paraissait pas aussi usée que le laissait supposer son âge. Le heaume avait l'air de disposer des sortes d'auréoles argentées qui l'entourait telle une tornade. Les mêmes motifs se faisaient également apercevoir sur chacun des quatre membres. Des reflets verts apparaissaient grâce à la lumière des torches sur les parties polies de la cuirasse et du plastron.

— Elle est magnifique, déclarait Bestyn les yeux écarquillés.

— C'est celle que je porterais lors de la bataille finale. La boucle sera ainsi bouclée.

Sous l'armure se trouvait un fourreau et un bouclier triangulaire en bon acier. Il y été gravé l'image d'un homme priant à genou tenant son épée plantée dans le sol, renforçant son idée que sa famille était bien liée à Dieu. Alan remarqua cependant la présence d'un bourdonnement. Ce son était présent depuis leur arrivé mais n'y avait pas prêté attention. Comme il le faisait remarquer, Bestyn l'entendait aussi à son tour. Rapidement ils découvrirent d'où provenait ce bruit, du fourreau entreposé sous l'armure. Alan le saisissait et sentit immédiatement un fourmillement dans tout son bras, puis dans tout son corps. Une fois habitué, de l'autre main il découvrit l'épée lentement. Elle était plus longue que la moyenne mais beaucoup fine. Elle avait l’air tout à fait normal, mais en y regardant de plus près, ils distinguèrent que de petits éclairs courraient le long de la lame comme si l'orage lui-même l'habitait.

A plusieurs reprises au long de sa vie, il avait vu cette épée, jamais elle ne lui était apparus de cette façon. Jamais elle n'avait produit le moindre son. Le jour où il décidait qu'il était temps d'en finir avec le ce conseil démoniaque, qu'il était temps de restaurer la foi, voilà qu'une épée divine venait à lui.

C'est un signe. Je suis sur la bonne voie. C'est bien ma destinée.

« C'est comme si les légendes de l'ancien temps étaient réelles. C'est l'une des épées magiques originelles des Premiers Rois. Jamais je n'aurais pensé voir ça un jour. Le roi zébré aurait accompli tant de miracle avec elle à son époque.

— Cela va considérablement nous aider pour ce que nous nous apprêtons à faire Alan.

— Non Bestyn. Je ne veux pas qu'ils me suivent de cette manière, je veux qu'ils me rejoignent parce qu'ils pensent que c'est la bonne chose à faire. Parce qu'ils ont confiance en moi.

— Ce sera le plan B alors. Mais il faudra frapper fort avec si tu décides de la montrer, que personne ne doute de tes nouveaux pouvoirs.

J'espère ne pas avoir à en arriver là.

Alan arrivait au début du ponton, le fourreau était bel et bien là, avec ce bourdonnement si caractéristique. Une fois récupéré il retournait lentement vers sa future armée. Il serait impossible après ça qu'il ne se range pas derrière lui. Des cris et des insultes proliféraient en dessous de lui. Elles étaient toutes destinées à Jorel, qui logiquement ne s’était pas fait beaucoup d'ami à cause de sa position durant toutes ces années. Bestyn le mettait à genou au centre de la cour, en demandant aux autres de s'éloigner suffisamment de lui, leur promettant que justice était sur le point d’être rendu par leur nouveau Dieu. D'un regard suivi d'un signe de la tête, il faisait signe à son roi que c'était à son tour de jouer.

Il ne connaissait pas les pouvoirs que cette épée ne possédait exactement ni comment vraiment les utiliser. Il n'avait pas osé l’essayer si près de sa famille dans sa maison. Pourtant il se doutait bien de comment il devait l'utiliser.

En haut de son ponton, il sortait l'épée, la montrant enfin au grand jour, l'exposant au-dessus de sa tête, le soleil s’y réfléchissant abondement. Le silence gagna la prison presque immédiatement. Les bourdonnements de la lame commençaient à faire frémir chaque personne qui se trouvait suffisamment près pour l'entendre.

Maintenant que j’ai leur attention, je dois leur montrer qui je suis. Désolé Jorel.

Comme le montrait le motif sur le bouclier qui allait de pair avec son arme il fallait prier. Cela lui semblait même logique de demander l'accord de Dieu pour utiliser une arme divine. Il posa alors un genou, planta l'épée devant lui, au bout du ponton, puis apposa son front sur le pommeau.

Seigneur Dieu, vous m'avez donné cette épée venue d'un autre temps pour rétablir l'ordre, donnez-moi maintenant la permission de l'utiliser pleinement. L'acte que je m'apprête à commettre est répréhensible mais nécessaire pour que notre mission puisse continuer.

Les secondes passèrent mais rien ne se passait, quelques voix recommencèrent à cracher la haine qu'ils avaient développée entre ces mûrs. Ce n'était plus que Jorel qui était visé mais également les deux envahisseurs désormais.

— Alan arrête donc cette folie, vois ce que tu es en train de faire ! Reviens à la raison, il est encore temps ! implorait Jorel, qui avait les larmes aux yeux, sentant la mort approcher.

Il n’écoutait personne, leurs mots ne l’atteignaient pas, aux contraires des murmures incompréhensible que la lame lui susurrait dans sa tête.

Dieu me parle ! Je ne comprends pas ses paroles, mais je sais. Je ne peux l’expliquer mais je sais.

— Le ciel...regardez le ciel ! s'exclamait une femme quelque part dans la partie ouest de la foule.

Le soleil commençait à disparaître, cachés par d'épais nuages noirs qui était soudainement apparus. L'ancien chef de la prison commençait à trembler, toujours ligotés au centre de la cour. Au loin, un orage commençait à se faire entendre. Il faisait très sec, la pluie était absente, le vent également. Alan continuait ses prières et communications spirituelles sans broncher. Jorel n'était plus le seul à avoir peur, le cercle qui séparait les prisonniers de leur ancien geôlier ne cessait de s'agrandir de secondes en secondes.

Puis plus rien, les orages ne s’entendaient plus, tout le monde excepté Alan, avait les yeux rivés sur le ciel.

Ce fut une énorme explosion qui surprenait tout le monde. Un éclair venait de s'abattre directement dans la cour, en plein centre. Bien plus gros, plus fort, ou plus lumineux que n’importe quel éclair ayant un jour percuté la planète. Chaque être humain présent avait été renversé au sol, leurs mains couvrant leurs oreilles. L'effet de surprise et la douleur sonore du choc passé, ils purent tous découvrirent le corps sans vie de Jorel, foudroyé sur place. Une traînée de cendre noire entourant le cadavre fumant, méconnaissable.

— C'est un Dieu, et il vous a rendu justice, agenouillez-vous devant lui maintenant ! s'écriait Bestyn à l'ensemble de l'assistance encore choquée, avant de se mettre à genou en sa direction.

Il était suivi d'un autre homme criant les mêmes mots. Peu à peu, tous se retrouvait à le vénérer, la tête baissée, devant un Alan toujours perché sur son ponton, son arme foudroyante à la main.

J'ai réussi. La guerre peut commencer.

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