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Leur relation changea : Patrice, soulagé, assuré de ne rien craindre, s’intéressa à la particularité de son ami, faisant rire ce dernier avec des questions saugrenues. En même temps, il se livrait en se libérant de tous ses préjugés, accumulés dans sa famille où religion et traditions régnaient en force. Finalement, ils n’étaient pas de milieux très éloignés, car la famille de Jacques, non croyante, se rangeait également dans les peu progressistes. Jacques raconta sa certitude, alors qu’il n’avait que dizaine d’années, son initiation quelques années plus tard par le grand frère d'un camarade voisin, la révélation que ce fut. Patrice écoutait avec émerveillement la joie encore présente de Jacques, se questionnant juste sur les gestes accomplis. N’ayant eu ni éducation, ni initiation, il avait juste constaté des changements sur son corps. Il ne connaissait la sexualité que par celle observée sur les animaux. Il souligna qu’il n’avait jamais entendu parler de taureau, verrat, bélier homosexuel ! Jacques lui proposa de poser la question à leur professeur de zootechnie.
Le jeune gay était trop heureux de pouvoir parler de lui, de ses expériences et de sa volonté de militer pour cette cause. Pour la première fois, il pouvait se livrer complètement, sans jugement. Les échanges avec son initiateur se poursuivaient encore, lors de ses visites chez lui. Il avait eu une autre relation, en quatrième et avoua son bonheur d’être maintenant dans un pensionnat de garçons, son plaisir de les contempler, de sentir leurs odeurs. Au grand étonnement de Patrice, il lui avoua avoir trois amants réguliers dans le lycée, refusant de citer leur nom tout en précisant qu’il serait bien étonné s’il les connaissait !
Dans un moment de folie, Patrice proposa à Jacques de venir passer quelques jours chez lui. Il avait envie de voir la réaction de ses parents. Jusqu’au dernier moment, il hésita pour demander à Jacques de retirer son petit drapeau, alors qu’il ne désirait qu’une chose : qu’il soit vu ! Ce ne fut que le soir que son père le remarqua. Avec politesse, mais une grande fermeté, il entama une diatribe contre le wokisme et la dégradation de la société. Eux-mêmes, avec son épouse et leurs enfants, ils n’avaient pu participer aux manifestations contre ces idées, trop éloignées de chez eux avec les animaux à soigner, mais il le regrettait. Patrice se tortillait, gêné de cette agression contre son ami, se reprochant cette idée stupide ; Jacques savait où il allait mettre les pieds, il avait accepté, mais quand même…
Profitant d’un silence, Jacques cita un extrait des évangiles prônant la tolérance et le secours aux rejetés. Il avait préparé son coup, car en disant qu’il cherchait simplement à suivre ces préceptes, il mit fin à la logorrhée. En lui souhaitant la bonne nuit, son père glissa qu’il savait choisir ses camarades. Patrice pensa, qu’en revanche, il avait mal choisi ses parents : il connaissait tous ces mots, mais ce soir-là, son père lui était apparu tel qu’il était : un vieux con aigri.
Un matelas avait été jeté à terre. Jacques avait fait durer longuement son couchage, voulant offrir plaisir à son ami. Le silence régnait, puisque leur chambre jouxtait celle des parents de Patrice. Juste avant de se coucher, Jacques passa un doigt sur la joue de Patrice, puis s’attarda sur ces lèvres, déclenchant une fièvre chez ce dernier et le rendant incapable de répondre au vœu de douce nuit.
Est-ce ce geste qui fit basculer Patrice ou l’obligation de se frotter pour passer entre les balles de foin le lendemain ? Sentir la chaleur et le frisson de l’autre l’avait trop perturbé pour ne pas allumer une envie.
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