8

3 minutes de lecture

Il fut perdu. Tibourg l’ignorait, hormis une fois où il le serra pour lui ravager la bouche. Patrice fondit, malgré la violence, prêt à redevenir « une petite pute » ; rien d’autre n’avait d’importance que de sentir à nouveau la prise de l’autre. Jacques fit une allusion lui laissant comprendre qu’il savait, concluant par :

— Tibourg, c’est un sale type. Un méchant !

Patrice faillit lui demander la raison de ce jugement, puis, préférant rester vague :

— Toi, jusqu’où as-tu été ?

— Quelle question !

Cette réponse n’en était pas une. Décidément, il ne saurait jamais rien des autres expériences de son ami.

La fin d’année approchait. Jacques changea brusquement d’attitude, jusqu’à avouer à Patrice qu’il ne continuerait pas l’année suivante : l’agriculture et l’élevage, finalement, n’étaient destinés pas pour le petit citadin qu’il était, tout en promettant que cela ne changerait en rien leur amitié. Mais leurs caresses, leurs intimités ? Avec plus de deux cents kilomètres de distance… Peu après, ce furent les résultats de passage : Tibourg s’en allait ! Personne ne le regretterait ! Mais qui d’autre transformerait Patrice en « petite pute » ?

Le dernier soir, ce fut un chahut joyeux dans le dortoir. Tous chantaient ou dansaient, sauf un, étendu sur son lit, refusant l’abandon qui l’attendait. Jacques n’avait pas non plus le cœur à la fête. Il vint s’asseoir au bord du lit de son ami-amant, ne sachant quoi dire. Soudain, Patrice se souleva, l’attrapa et le força à s’étendre sur lui, avant de lui saisir la tête et de l’embrasser, de l’embrasser, encore et encore. Perdus dans leur étreinte, la dernière, ils oublièrent l’extérieur, laissant leurs mains exprimer l’attachement au corps de l’autre. Ils furent stoppés par un étrange silence qui avait chassé le brouhaha. En levant la tête, ils virent la plupart de leurs camarades les regardant, sans un mot, eux pourtant peu avares de mots et blagues homophobes. Ils devaient percevoir le désespoir et la tristesse de ce couple de garçons. Patrice reprit la tête de Jacques et ils repartirent dans leurs adieux, le visage couvert de larmes et le sexe débordant d’envie.

Malgré les travaux, l’été fut sans fin pour Patrice qui traina une lassitude et une souffrance inexprimable. Le père faisait celui qui ne voyait rien. La mère ne savait comment réconforter son fils, ayant deviné un chagrin d’amour. Elle avait compris bien au-delà, quand elle lui fit remarquer discrètement :

— Tu devrais mieux ranger tes affaires. Ton père ne va jamais dans ta chambre, mais il y a des objets qu’il ne doit pas voir.

En retournant dans sa chambre, il aperçut le petit drapeau sur sa table de nuit, cadeau arraché à son amant comme gage de fidélité éternelle à cette cause. Il le rangea dans son tiroir, se demandant jusqu’où sa mère avait deviné.

Cet appui maternel discret le fit sortir de sa torpeur. La rentrée approchait et il sentit le besoin de changer. Il profita d’un dernier trajet à la ville pour renouveler sa garde-robe : des jeans ultras moulants, comme ceux de Jacques, de nouveaux sous-vêtements, comme ceux de Jacques, une chemise rose, un pull rouge, tout pour se rendre visible. Pour achever son nouveau look, au lieu de se faire couper les cheveux, il se fit faire des mèches blondes. Il prit soin d’associer le tout pour se présenter au diner. Avant que son père n’explose, sa mère avait lancé :

— Oh, que tu es beau, mon fils ! Tu as eu raison !

Sa sœur cadette renchérit :

— Ah ! Tu ressembles enfin à un jeune de ton temps !

Son sourire de satisfaction et son attitude un peu bravache achevèrent d’annihiler le père qui grommela :

— Des trucs de pédé ! Mon fils est un pédé !, sans oser lui demander de quitter la maison.

Le lendemain matin, en partant, sa mère l’embrassa, puis, passant son doigt sur le badge, murmura :

— C’est donc vrai ?

— Est-ce que cela a de l’importance ? Il l’a fixa un long moment, sans que l’un ou l’autre ne bouge ou ne parle, ne voulant rien briser de ce petit lien apparut si tardivement.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire gai motus ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0