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Il fuyait les conflits, mais il savait qu’il lui fallait « tuer le père » ! Ce dernier était encore à dix ans de la retraite et Patrice ne voulait pas être son commis, mais son partenaire, à égalité. Le père avait accepté, certain de dominer et d’asservir cet imbécile de pédé. Les deux n’avaient jamais vraiment accroché, si ce n’est sur l’amour profond de leur métier. Tous les deux se revendiquaient paysan, et non pas exploitant agricole. Cela aurait pu les rapprocher, si le père ne s’était pas montré aussi crispé sur des principes et des pratiques d’un autre âge. Il était heureux d’avoir son fils comme successeur et malheureux d’avoir un rejeton si différent de lui, tenant assurément sa placidité de sa mère.

Les embrouilles commencèrent avant le mariage, puisque le jeune couple refusa de partager la maison familiale. Ce fut la première occasion pour Marianne et Patrice de partager le même combat.

La lutte suivante fut rude : Patrice voulait passer l’exploitation en bio, sortir du groupement de producteurs pour vendre en direct. Pour un élu de la FNSEA, tout ceci relevait de l’abomination !

— Pas étonnant que tu sois pédé, avec des idées pareilles !

— Heureusement que la connerie n’est pas héréditaire, mais un choix de vie !

Les heurts étaient quotidiens et Marianne avait souvent du mal à le calmer, tout en épousant complètement sa cause. Ils s’étaient découverts. Leur premier baiser lui rappela ceux de Jacques, tout en finesse et en ardeur. Il avait eu peur lors de leur première relation, mais Marianne, avec un savoir-faire acquis, il ne savait comment, avait su le stimuler et prendre son plaisir. Il s’était laissé faire, acceptant tout. Sa peau était douce, également. Il se demanda alors si ces souvenirs ne le trompaient pas, si Jacques n’avait pas été une fille. Celui de son sexe si fin explosant dans sa bouche le ramena à la vérité, même si Marianne s’étonna :

— Je t’ai trouvé plus motivé ce soir, plus… dur ! C’était bien !

Il n’y avait que ces seins, heureusement petits ; elle en avait honte, lui les adorait, car pas trop féminins.

Un autre conflit larvait : Patrice avait décidé de rejoindre la Confédération, un « ramassis de pédés gauchistes et terroristes ». En première année de brevet, ils avaient eu comme professeur d’économie un jeune ingénieur, blond comme les orges, poilu de partout. Immédiatement, Patrice avait rêvé de son pubis, lui qui n’aimait que les sexes bien lisses. Cette attirance refoulée s’était transformée en une écoute pleine de dévotions. Ce jeune professeur ponctuait ses cours de commentaires profonds sur le monde agricole, son évolution et la perversion du syndicat dominant. Il ne sa cachait pas d’une approche sociologique marxiste. Les élèves rugissaient, mais ne tenaient pas très longtemps la contradiction devant l’intelligence rationnelle. Seul Patrice s’accordait avec ses idées, le poussant à les développer. Cela avait renforcé l'ostracisme dont il se sentait déjà victime, pour des raisons confuses dont il avait l’habitude.

Un matin, alors qu’ils attendaient tous le minibus qui devait les conduire, il s’était permis de se rapprocher de ce professeur qui l’impressionnait par ses analyses percutantes. La journée s’annonçait chaude et Patrice avait aperçu un pin's similaire au sien sous le manteau écarté. En cours, il ne portait aucun signe distinctif. Le jeune ingénieur, qui avait depuis longtemps remarqué celui de Patrice, resserra son manteau, partageant un sourire de connivence. Patrice s’était enhardi, trainant après le cours pour questionner son professeur adulé. Très vite, ils s’appelèrent par leurs prénoms. Arthur avait cinq ans de plus ; c’était son premier poste. Ses yeux rieurs fascinaient l’étudiant, qui ne pouvaient plus dissimuler son attirance totale. Arthur y mit fin :

— Patrice, je suis ton professeur, il ne doit rien se passer entre nous !

— Je suis majeur !

— Mais j’ai autorité sur toi. Tu me plais, j’aime tes questions, ton intérêt et je ne suis vraiment pas insensible à ce que tu éprouves pour moi. Mais c’est non !

— En dehors d’ici ! On pourrait se retrouver le weekend…

— J’ai un compagnon ! Voilà ! Tu le sais et je sais que je peux te faire confiance. Mais nous pouvons devenir amis. S’il veut bien, nous t’inviterons. Pour discuter, pas plus, ajouta-t-il.

Une semaine après, devant son absence, ils apprirent qu’un nouveau professeur le remplacerait : des plaintes étaient parvenues à la direction sur des déviances.

Patrice resta très choqué par cette brutale disparition, s’interrogeant sur les déviances réprouvées et si sévèrement sanctionnées : idéologiques ou sexuelles ? Peu après, il reçut un courrier d'Arthur, lui proposant de le rencontrer. Malheureusement, il ne portait aucunes coordonnées et Patrice ne se sentait pas d'aller demander à l’administration. Passé involontairement pour un velléitaire le blessa.

Les conflits avec son père stoppèrent avec sa première attaque, heureusement sans séquelles, mais qui le contraint à laisser son fils prendre toutes les responsabilités.

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