La matinée est bien avancée. Nous quittons l’arène et retournons au Centre Pokémon. Je fais examiner Charmillon pour m’assurer qu’il se remet bien de tous ces efforts. L’infirmière propose de le laisser se reposer jusqu’au début d’après-midi. Nous nous posons dans la cour du Centre avec Joy. Je libère Yucca et lui montre notre nouveau badge. Avec Joy, nous lui racontons le match d’arène, repassant chaque action aux cribles. Puis Joy me raconte son propre combat. Spoink et Mustébouée s’en sont aussi très bien sortie. Alice n’avait pas utilisé les mêmes Pokémons mais un Fouinar et un Ecrémeuh. Elle avait bien apprécié l’entrainement de Joy, louant sa patience face au caractère facétieux de Spoink et valorisant le sérieux et l’implication de Mustébouée. Nous respectons chacune nos Pokémons, les considérons comme nos amis et compagnons de voyage et non pas comme de vulgaires outils de combat. C’est surement pour ça que nous nous entendons bien.

Me souvenant de l’attaque Piqûre particulièrement efficace de Charmillon contre Persian, je sors mon Pokédex pour essayer d’y trouver une explication.

« Chaque Pokémon possède un Talent. Il s’agit d’un pouvoir qu’à le Pokémon et qui se manifeste dans certaines conditions spécifiques. Chaque espèce de Pokémon peut accéder à divers talents. Il n’est pas rare que le talent du Pokémon se modifie après une évolution. Charmillon peut potentiellement avoir deux talents : Essaim augmente la puissance des capacités insecte de 50% lorsque les PV du Pokémon tombent à moins d’un tiers de leurs PV maximum, tandis que Rivalité augmente l’attaque du Pokémon de 25% lorsque l’adversaire est du même sexe et la diminue de 25% lorsqu’il est du sexe opposé. »

« Je crois que mon Charmillon a le Talent Essaim… Qu’est-ce que tu en penses Joy ? »

- Oui. Ça pourrait coller. Il est encore plus combattif quand il est affaibli, c’est impressionnant. » répond-elle après quelques instants de réflexion.

- Ça nous servira pour les matchs, c’est bien. Tu n’as pas faim par hasard ? »

- Si ! »

- Ça te dit qu’on mange au Centre ? Je pense qu’on a mérité un vrai repas et j’aimerai bien profiter un peu de Charmillon. »

- Pas de soucis ! »

Mon porte-monnaie s’allège de quelques pièces. L’infirmière nous autorise à rejoindre Charmillon dans la salle de repos pour manger avec lui. Il a déjà bien récupéré et mange goulument les baies que je lui ramène. Il plante sa trompe dans le fruit et aspire le jus jusqu’à sa dernière goutte !

« Tu comptes faire quoi maintenant ? » me demande Joy.

- Je ne sais pas trop. » Je sors la carte de la région que m’avait offert Joy. Après quelques instants de réflexion : « J’aimerai bien aller vers le sud. Je pense qu’Echo appréciera la montagne et ça pourrait le faire bien progresser. Tu connais Sybak ? » dis-je en tendant la carte vers elle et en pointant une ville côtière dans le Sud.

- J’en ai entendu parler. C’est une ville au cœur de la baie de Kota. Ils vivent quasi en autarcie encerclés par les montagnes du Dorn et par la mer. Je crois qu’il y a des liaisons par bateaux vers d’autres villes. Il parait que c’est très joli. » me répond-elle.

- Ok. Bah, je pense que je vais aller par là. »

- D’accord. Je dois aller à Sheliak. J’ai promis à mon cousin de venir le voir dès que j’aurai mon premier badge. »

- D’accord… Dans ce cas, on va emprunter des chemins différents. Je suis contente de t’avoir rencontré Joy. »

- Moi aussi, et j’espère qu’on se reverra. »

- Oui. Tu pars quand de Nedirager ? »

- Je pensais partir ce soir. Mustébouée et moi auront plaisir à sortir de la ville et a retrouvé le grand air. »

- D’accord. On se fera une dernière séance d’entrainement ensemble cet après-midi du coup ? »

- Oui ! ça va être super ! ça fera du bien à mes Pokémons de s’entrainer avec d’autres Pokémons et puis ça va être un bon moment. » sourit-elle.

- Super ! »

Notre repas terminé, nous sortons du Centre tous ensemble. Au moment de traverser la place à la Fontaine pour descendre au parc, mon regard est attiré par une affiche colorée. Je m’approche et déchiffre le prospectus.

« Hé Joy ! Tu as vu ? Les Flambants Troubadours recherchent des artistes pour grossir leurs rangs. » j’appelle ma comparse.

- Ça doit être tellement fatiguant leurs rythmes de vie, à aller de ville en ville, inventer de nouveaux spectacles pour divertir le public… je ne pense pas que je pourrai. »

- Nous aussi, on va de ville en ville… »

- Mais tu n’es pas obligé de vivre en communauté en permanence. » me fait remarquer Joy.

- Sûrement… oui… » je réponds.

Joy a continué à avancer et s’apprête à quitter la place. Je détache mes yeux de l’affiche et la suis. Les images du spectacle de rue de Philippe et Reptincel et la camaraderie de Cédric me restent en mémoire. Je reste songeuse jusqu’à ce que nous gagnions le parc. La voix de Joy me tire de mes pensées :

« Abi ! tu es prête ? »

- Oui, oui, allons y. »

Nous faisons face à nos Pokémons. Nous commençons par l’échauffement. Quelques étirements et assouplissements et quelques attaques simples pour permettre à chacun de se mettre au travail.

« Tu crois qu’Echo et ton Mustébouée pourraient s’entrainer ensemble aujourd’hui ? Je pense que ça motiverait Echo. » je demande à Joy.

- Bien sûr ! c’est une bonne idée. Comment tu vois ça ? »

- Echo pourrait faire Jet Pierre et ton Mustébouée Pistolet à eau. L’objectif serait de dévier ou stopper l’attaque de l’autre. Mais on ne se vise pas directement ! On ne veut pas de blesser. D’accord ? »

- Bonne idée. Faisons ça. »

- Roca ! Musté ! »

Nos deux Pokémons semblent motivés par cet exercice et se mettent immédiatement au travail. Echo met beaucoup de force et de puissance dans ces attaques Jet Pierre. Il n’a pas oublié sa défaite contre Mustébouée. Surpris par la combativité d’Echo, Mustébouée est d’abord pris au dépourvu et a du mal à dévier les pierres que projettent mon Rocabot. Il se reprend rapidement et augmente la puissance de son Pistolet à eau. Joy et moi les observons et encourageons. Nous reprenons chacune quelques défauts de position ou attirons leurs attentions sur des détails à perfectionner. Nous imposons aussi quelques pauses que nos deux Pokémons n’acceptent qu’à contre cœur malgré la fatigue. Aucun des deux ne veut montrer quelques signes de faiblesse que ce soit face à l’adversaire. Même si Mustébouée a l’avantage du type, il ne se considère pas comme supérieur à Echo et le considère comme un adversaire valeureux. Nous échangeons aussi sur ce que nous remarquons chez le Pokémon de l’autre mais n’intervenons pas directement auprès de lui. C’est comme s’il existait une règle tacite selon laquelle on laisse le dresseur interagir avec son propre Pokémon. Lorsque nos Pokémons sont essoufflés, nous les forçons à arrêter leur entrainement. L’attaque Jet Pierre d’Echo a indéniablement gagnée en puissance. Les pierres qu’il est capable de projeter sont maintenant d’une taille imposante. Devoir dévier les jets d’eau de Mustébouée l’a aussi forcé à se concentrer sur la précision de ces tirs. Echo et Mustébouée s’installent côte à côte dans l’herbe pour observer l’entrainement de leurs compagnons. Malgré la rivalité qui les anime, ils s’entendent bien. Mon Rocabot n’est pas méfiant envers lui. Je prends conscience qu’il a pris pas mal d’assurance au fils des semaines. Il ne tremble plus lorsqu’il rencontre un nouveau Pokémon, il était prêt à affronter les Pokémons de l’arène s’il avait fallu et il arrive même à se lier d’amitié avec des Pokémons ne faisant pas partie de l’équipe.

« Je vais entrainer Yucca et Akui. » dis-je à Joy

- Ok. Je vais m’occuper de Spoink. Avec ses attaques psy, j’évite de le laisser s’entrainer avec un autre Pokémon. » me répond-elle.

Je propose à Akui de s’entrainer au vol, ça lui permettra de s’adapter à sa nouvelle forme. Il s’en est bien sortie pendant le combat d’arène. Voler est instinctif pour lui mais il lui faut plus de temps pour maitriser certaines subtilités du vol comme les virages serrés, les piqués, les vrilles, l’utilisation judicieuse des courants ascendants et descendants pour économiser son énergie. Akui étend ses ailes et commence à s’élever dans les airs. Il monte de plus en plus haut et redescend en planant. Il semble très heureux de retrouver une liberté de mouvement. La forme de cocon le limitait tellement dans ces déplacements qu’il était continuellement frustré, lui qui est toujours pressé. Il dessine des cercles et des huits dans les airs. Je le laisse évoluer en toute autonomie afin qu’il se fasse sa propre expérience.

Je me tourne vers Yucca. Elle sort spontanément ses lianes et se met en garde, se balançant doucement d’un pied sur l’autre. J’esquisse un sourire. Je n’ai pas besoin de prononcer le moindre mot. Je commence à chantonner en me mettant en garde. Nous reprenons notre danse, Yucca enchainant les attaques Fouet lianes en s’adaptant à mes mouvements. Elle gagne en rapidité, adaptabilité, et précision. Au bout d’une quinzaine de minutes, je m’arrête. Les Fouet lianes de Yucca gagnent en puissance et j’ai les avant-bras douloureux et très rouge. Akui vient voleter près de moi, surpris que je m’arrête. Il contemple mes avant-bras. Il lance une fine sécrétion sur le sol et me regarde avec insistance. Je mets quelques instants à comprendre ce qu’il veut me dire.

« Oh ! Tu veux utiliser ta sécrétion pour en faire comme une coque qui me protège pendant les attaques de Yucca ? »

- Charmiiii ! » acquiesse-t-il.

- C’est une bonne idée. On peut essayer. »

Charmillon lance sa sécrétion qui enrobe mes avant-bras. La sécrétion ressemble à de la soie et est tiède et collante au toucher. J’attends quelques minutes qu’elle durcisse. Mes bras sont alors encerclés de deux coques rigides qui devrait amortir les coups. Le poids de la sécrétion a tendance à ralentir mes mouvements mais Yucca devrait pouvoir travailler plus en force. Nous reprenons l’entrainement. Akui virevolte autour de nous et vient perturber Yucca qui doit l’éviter et ajuster ses mouvements avec plus de précision. Akui pour sa part progresse en alternant les virages, changements de cap, quelques plongeons et remontés en chandelle. L’idée de mon Charmillon est parfaite, les chocs sur mes avant-bras sont bien amortis. Nous finissons par mettre fin à l’entrainement. Yucca souffle bruyamment mais dès que je la regarde, elle me fait de grand sourire. Elle a vraiment l’air satisfaite de cette session. Grace au jet d’eau de Mustébouée, je ramollis la sécrétion qui enserre mes bras et Echo arrache ce qu’il en reste à coups de crocs. Je m’assois finalement dans l’herbe aspirant au repos. Akui vient se poser alternativement sur chaque de mes épaules, il ne tient pas en place.

« Mais tu n’es jamais fatigué !? Tu as combattu ce matin… »

- Charmi charmi charmi ! »

Akui bat de ces ailes puissantes. Mes cheveux sont balayés par la puissance du souffle et me retombent sur le visage.

« D’accord, d’accord… Tu vas t’entrainer à Tornade. »

- Charmiiiiii ! » s’exclame-t-il, fou de joie en s’envolant à la verticale, tournant sur lui-même.

- Ha ha ha ! Sa joie de vivre fait plaisir à voir ! » rit Joy à mes côtés.

Elle a fini son entrainement avec Spoink depuis un moment. Elle déguste quelques baies avec ses Pokémons, profitant d’un moment de détente. Je me relève faussement grognon. J’accompagne Akui un peu à l’écart et nous commençons l’exercice.

« C’est bien Akui ! Il faut créer un mouvement d’enroulement pour que l’air tourbillon. Met un peu plus de force dans ton battement à droite… Super ! Attention, elle s’échappe sur ta gauche. C’est bien, contient-la. Pas trop vite… »

- Charmmm… »

- Ce n’est pas grave. Elle s’est échappée. Recommence, sans te dépêcher cette fois. Essaye de la stabiliser. »

- Charm charm charm… » bougonne-t-il en passant à côté de moi.

- C’est toi qui as voulu t’entrainer. » je le taquine en riant.

Akui se retourne et lance son attaque Tornade vers moi. Je me jette au sol et sens la colonne d’air passer juste au-dessus de moi. Du coin de l’œil, je vois qu’Akui ayant voulu se retourner et faire son attaque en même temps, s’est retrouvé déstabiliser et a été projeté en roulé-boulé aérien sur la droite. Jouant de ses ailes, il retrouve sa stabilité. J’éclate de rire. Il est d’abord vexé puis se jette dans mes bras. Je le câline.

Nous rejoignons les autres et nous accordons un temps de repos bien mérité. Nous regardons les autres dresseurs jouer ou entrainer leurs Pokémons et même engager des combats amicaux. Quelques Pokémons sauvages batifolent dans le parc. Des rattatas se coursent entre les buissons, des roucool volent paresseusement à travers le ciel. Un groupe de Piaffabec fait un raffut d’enfer depuis la cime d’un grand chêne un peu plus loin. Ils sont en train de défendre leur territoire face à quelques audacieux Cornèbres. Nous observons leur cirque pendant de longues minutes. Finalement, les Piaffabecs repoussent leurs assaillants et repartent dans un concert de cris, se félicitant de leur victoire.