Chapitre 2

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Je tremblais alors que l’adrénaline quittait mon corps.

Il n’y avait plus un bruit, seulement ma respiration erratique et mon cœur tambourinant dans ma poitrine. Je ne réalisais pas ce qu’il venait de se passer.

J’avais tué

Je n’arrivais plus à bouger.

Dans ma main droite, je serrai avec l’énergie du désespoir l’épée de la créature. Elle était pleine de sang. Ma main aussi en était recouverte. Un sang aussi rouge que le mien. Ce dernier aurait recouvert le métal si je n’avais pas agi. Si je n’avais pas tué pour survivre.

Comment une telle chose avait pu arriver ? D’où venait cette créature ?

J’avais aperçu des plumes, un bec, mais aussi, des mains, de la peau. Comment était-ce possible ?

J’étais épuisé·e.

J’envisageais de m’allonger quelque part et dormir, mais il m’était impossible de rester quelques minutes de plus dans la même pièce que le cadavre. Ainsi, je ramassais mon sac vide, y rangeais une de mes barres de céréales, mangeais l’autre et glissais mon téléphone dans la poche arrière de mon jean, laissant le matériel scolaire au sol. Il semblerait que je n’en ai plus besoin pour le moment. Mes professeurs étaient surement morts de toute façon.

À cette pensée, je faillis recracher mon encas.

Combien de lycéens avaient réussi à s’enfuir ?

Mon esprit se tourna immédiatement vers Sam. Il ne pouvait pas être mort, mon seul ami dans ce lycée ne pouvait pas avoir disparu. Il était débrouillard, il avait dû trouver une cachette, comme moi.

Je m’accrochais à cette idée pour ne pas me remettre à pleurer. Quoique je ne fusse pas sûr·e d’avoir assez d’eau dans le corps pour ça. Un sourire amer traversa mon visage, comment pouvais-je encore penser aussi rationnellement ?

Je me forçais à avaler la dernière bouchée de barre énergétique et avançais encore plus au fond de la salle de musculation. J’y trouvais à tâtons la sortie de secours, ouvrable que de l’intérieur.

Je glissais l’épée dans ma ceinture et après une grande respiration, je poussais la porte. Cette dernière fit un bruit de tous les diables et je me figeais, tous les sens en alerte. Personne ne vint, me faisant douter qu’il y ait eu d’autres créatures que celle que j’avais tuée. Pourtant, vu le carnage que j’avais entendu, il ne faisait aucun doute qu’elles étaient plusieurs.

Je passais ma tête à l’extérieur pour observer les alentours. Il faisait encore jour. Toujours rien.

Tout était si calme.

Sortant entièrement, je me retrouvais dans une petite cour anglaise remplie de poubelles surement oubliées depuis bien longtemps. Un escalier en métal menait au niveau de la rue. J’en montais quelques marches, assez pour ne laisser dépasser que le haut de ma tête. Ainsi, j’avais les yeux au niveau du trottoir.

Personne en vue, seulement des voitures abandonnées et des éclats de verre.

Les créatures avaient-elles attaqué seulement le lycée ? Ou bien toute la ville ? Étais-je la seule survivante ? Non, c’était impossible. Il devait en avoir d’autres, ceux qui savaient se battre, ceux qui avaient des armes. Et qu’en était-il de la police ? Ou même de l’armée ? Le gouvernement n’aurait jamais laissé toute une ville se faire exterminer. Pas vrai ?

Je ne pouvais pas être seul·e.

Je décidais d’attendre que la nuit tombe pour sortir à découvert. Avec un peu de chance, les créatures étaient reparties d’où elles étaient venues, mais pour être sûr·e, je préférais me déplacer sous le couvert de la nuit.

Or, c’était sans compter les éclairages publics qui fonctionnaient encore parfaitement.

Mais je ne pouvais pas rester plus longtemps dans ce trou. Je ne voulais qu’une chose, rentrer chez moi. Retrouver mes parents, ma sœur.

Alors, je grimpais l’escalier pour rejoindre la rue. Comme un lapin sortant de son terrier, je me sentais immédiatement en danger. Je passais d’ombre en ombre, avançant lentement, évitant les taches de lumières que projetaient les lampadaires.

Au détour d’un mur du lycée que je longeais encore, je m’arrêtais brusquement. L’odeur ferreuse du sang se glissa dans mes narines. Voilà où était la police.

Il y avait moins de lumière ici, pourtant chaque détail de la scène s’imprimait dans mon esprit. Sur le parvis couvert gisaient des hommes et des femmes. Le vent faisait bouger leurs uniformes sombres, donnant l’impression que certains respiraient encore. Mais leurs organes apparents disaient le contraire. Je ne pouvais d’ailleurs pas les lâcher des yeux.

Allais-je moi aussi finir ainsi ?

La nausée m’envahit et je faillis rendre la barre de céréales.

Sortir de ma torpeur fut difficile, mais je m’obligeais à traverser ce champ de bataille, mes pas rencontrant une multitude de douilles. Pourtant, il n’y avait que des corps humains ici. Les policiers avaient-ils paniqué à la vue des créatures et raté tous les tirs ?

Une idée terrifiante me traversa l’esprit. Et si les créatures ne craignaient pas les balles ?

Je ramassais tout de même plusieurs armes qui trainaient au sol pour les fourrer dans mon sac. Je ne savais pas m’en servir, mais peut-être qu’un jour… De toute façon, j’avais encore l’épée qui se balançait à mon côté.

Les yeux humides, je m’écartais du parvis pour m’engager pleinement dans la rue, bien décidé·e à rentrer chez moi. J’avançais donc entre les voitures abandonnées. Sous mes pas craquaient des téléphones oubliés par leur propriétaire dans leur fuite. À chaque bruit, je me figeais, scrutant le ciel sombre.

Tout était calme. Il n’y avait personne, à peine quelques corps. Où étaient-ils tous passés ?

J’examinais une grande plume marron lorsqu’un cri retentit au loin. Je me figeais de nouveau, guettant un autre bruit. Quelqu’un courrait au bout de la rue en criant et s’approchait dangereusement. Il fuyait quelque chose. En une seconde, j’étais au sol, en deux, je me glissais sous une voiture.

L’homme faisait un vacarme de tous les diables. Et il y avait de quoi. Une grande ombre le suivait en volant au ras du sol. Ainsi déployées, ses ailes couvraient toutes la petite rue. L’homme n’avait aucune chance. Elles s’amenuisèrent encore plus lorsqu’il s’étala par terre tout près de moi, il s’était pris les pieds dans un sac à main. Le prédateur fonça vers lui et l’attrapa par les bras. Je croisai le regard apeuré de la proie, mais je ne pouvais rien faire et il le savait.

J’attendais longuement sous le véhicule, tétanisé·e, le visage de l’homme ne voulant pas quitter mon esprit. Je revoyais la scène en boucle, j’aurais dû essayer de l’aider. Il était mort, c’était sûr. Cela aurait pu être moi.

Je réalisais alors le danger qui me guettait chaque seconde. Combien de créatures y avait-il tapies dans la nuit ? Peut-être même que l’une d’entre elles attendait sur le toit de la voiture que je sors de ma cachette. J’avais eu de la chance dans le lycée. Seulement de la chance. Et il allait falloir encore compter dessus si je voulais vraiment rentrer chez moi. J’essayais d’ailleurs de ne pas penser à l’après. Que ferais-je lorsque je serai arrivé ? Aucune idée, je n’y étais pas encore.

Un oiseau gazouilla, me prévenant que l’aube approchait. Le cœur battant avec force, je passais ma tête hors de ma cachette, rien en vue. Je m’extrayais donc de sous le véhicule avec précaution. La lame à nu de la créature crissa contre l’asphalte sans attirer quiconque ou quoiconque.

Tendu·e, je reprenais ma marche, accélérant le pas alors que le ciel se colorait à l’horizon, pour finalement atteindre ma maison sans avoir fait d’autre mauvaise rencontre.

Il n’y avait personne à l’intérieur.

Aucune trace de mes parents ou même de ma sœur dont le collège n’était pas très loin. Ils n’étaient pas rentrés depuis l’attaque. Peut-être étaient-ils morts ? Non, je refusais cette éventualité.

Je balançais mon sac sur le canapé, fis le tour de la maison pour fermer les volets puis j’attrapais mon téléphone. Ce dernier affichait plusieurs appels manqués de mes parents le jour de l’attaque, mais depuis, plus rien.

Je tapotais l’icône représentant un téléphone et sélectionnais le petit rond avec la tête blonde de ma mère. Retenant ma respiration, je portais l’appareil contre mon oreille. Les bips caractéristiques retentirent puis la messagerie me disant de laisser un message.

— Maman, c’est moi, Oz. Je vais bien, je suis à la maison. Rappelle-moi, j’ai besoin de savoir si tu vas bien, si tu as des nouvelles de papa et d’Amélia. Je t’aime.

Je raccrochais avant d’immédiatement cliquer sur la photo de mon père. Personne ne répondit, je laissais aussi un message avant de verrouiller mon portable en soufflant.

Je m’affalais sur le canapé à côté de mon sac. J’étais épuisé·e.

Pourtant, je craignais de m’endormir. Que se passerait-il si une créature débarquait pendant mon sommeil ? Et si l’un de mes parents me rappelait pendant que je dormais ? Je ne pouvais pas louper ne serait-ce qu’un appel ou même un message.

Pour me tenir éveillé·e, j’entrepris de faire l’inventaire des provisions qui se trouvaient dans la maison. Tant que l’électricité fonctionnait encore, je pouvais compter sur mon frigo et tout ce qu’il contenait en produit frais comme des fruits, des légumes, du lait, de la viande et du poisson… Le congélateur aussi regorgeait de nourriture. Je décidais donc de manger en priorité ce qu’il se trouvait dans ces deux endroits et de garder le contenu des placards pour plus tard, si plus tard il y avait.

Avec tout ça, je pensais pouvoir tenir longtemps. Un mois, peut-être plus si je me rationnais suffisamment.

Ensuite, il me faudrait sortir.

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