Chapitre 21

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Le poids des trois couvertures que Kendra avait déposées sur mes épaules finissait de m’achever. Leur chaleur me plongeait doucement dans un état somnolent alors que la jeune femme voulait absolument savoir ce qui nous était arrivé en son absence. Mes vêtements humides séchaient dans un coin.

— Nous nous sommes fait avoir, c’est tout ce que tu as à savoir pour le moment, bâillais-je.

Isis dormait, la tête sur les genoux de Kendra.

— Vous n’avez vraiment rien appris d’important ?

— À part que Marcus collabore activement avec les anges, ce que nous savions déjà, non.

— Hum, j’espérais que vous arriveriez avec des informations qui nous permettraient de mettre en place un plan.

— Un plan ?

— Nous devons entrer dans le nid que j’ai découvert.

— C’est quoi cette histoire de nid ? Tu ne nous as rien expliqué pour le moment.

— J’ai suivi mon ange, longtemps. Il ne volait pas très bien, c’était plutôt simple. J’ai remarqué que plus nous avancions, plus il y avait de créatures dans le ciel.

— Toutes suivaient la même direction, intervenais-je. Nous avons aussi remarqué ça.

L’autre acquiesçait et reprenait :

— Nous avons fini par arriver dans ce quartier. Il y avait des anges partout. C’est là que vous m’avez appelé. Je n’ai pas pu répondre, j’aurais été repéré très vite. J’espère que vous ne vous êtes pas trop inquiété.

— Un peu, riais-je.

— Quoiqu’il en soit, ça m’a permis de découvrir la destination de l’ange.

— Ce que tu appelles le nid ?

— C’est ça.

J’attendais qu’elle développe, mais elle tourna son regard vers Isis.

— Peut-être devrions-nous attendre qu’elle se réveille pour continuer cette discussion. Elle va nous en vouloir si on ne l’attend pas. Et toi aussi tu dois avoir besoin de sommeil.

Je ne pouvais pas la contredire. Nous avions beau nous être reposés ces deux derniers jours, la traversée avait été éprouvante.

Alors je m’allongeais à mon tour.

— Je surveille, dors maintenant.

Enroulé·e dans mes couvertures comme dans un cocon, le sommeil ne tarda pas à m’accueillir. Je faisais pleinement confiance à Kendra.

Lorsque je me réveillais, je fronçais tout de même les sourcils. J’avais bien trop dormi, qu’en était-il des tours de garde ?

Je me redressais. Kendra n’avait pas bougé et elle me sourit :

— Bien dormi ?

— Tu as veillé tout ce temps ?

— Peut-être bien, haussait-elle les épaules. C’est mon cadeau de retrouvailles.

Isis remua sur ses genoux et ouvrit un œil puis deux. Enfin, elle se redressa en s’étirant.

— Bien dormi ? demanda de nouveau Kendra.

La jeune fille hocha la tête, les yeux encore embués. Je me levais toujours enroulé·e dans mes couvertures et fis quelques pas pour me réveiller avant de filer vers le lavabo le plus proche. Nous nous trouvions dans une sorte de local. Je n’arrivais pas à déterminer quelle était l’activité qui s’y déroulait ici avant l’attaque, mais au moins, il y avait un accès à de l’eau.

Je me mouillais le visage à plusieurs reprises puis attrapais mes affaires. Le pantalon était encore humide, mais le t-shirt et le pull semblaient avoir bien séché durant mon sommeil. J’enfilais le tout en frissonnant et retournais m’assoir proche des filles.

Kendra farfouilla dans son sac et nous sortit des gâteaux secs.

— Pendant que vous mangez, je vais vous raconter ce que j’ai découvert.

— Enfin !

— Nous ne nous étions pas vraiment demandé où « habitaient » les anges, commençait-elle.

— J’avoue que j’étais un peu trop occupé à survivre pour me demander à quel hôtel les créatures logeaient, ironisais-je.

— Je peux comprendre, mais depuis que Marcus nous a révélé l’existence de prisonniers, il nous fallait trouver leur QG, continuait-elle avec sérieux. Lorsque je me suis retrouvé devant ce gros bâtiment qu’ils avaient investi, j’ai immédiatement pensé à un nid. Ils étaient si nombreux à atterrir à l’intérieur et à en sortir. J’ai laissé mon ange et ai commencé mon inspection discrète. Toutes les entrées sont condamnées parce qu’ils passent tous par le toit.

— Comment les humains qui travaillent avec eux rentrent alors ?

— Je me suis posé la même question. Au départ, je me suis dit que peut-être qu’ils ne rentraient tout simplement pas. Puis j’ai assisté à l’arrivée de Marcus.

— Il nous a échappé grâce à un ange, lui apprenais-je. Ils se sont envolés.

— Je les ai vus arriver du ciel et j’ai pensé qu’ils allaient tous les deux passer par le toit. Sauf que l’ange a déposé Marcus au sol et a disparu. Rapidement, il s’est mis en marche et après quelques instants il s’est glissé dans un interstice et est entré dans le nid. S’il n’avait pas été là, je n’aurais probablement jamais remarqué une si petite entrée.

— C’est donc par là que tu voudrais entrer toi aussi.

Kendra acquiesça, mais je ne pouvais m’empêcher d’ajouter :

— Sans savoir ce qu’il t’attend à l’intérieur.

— Avec un peu de chance, les jumeaux.

— Et une horde d’anges accompagnés de leurs petits toutous d’humains.

— C’est pour ça que j’ai besoin de vous pour mettre en place un plan qui réduira les risques.

Je me retenais de la faire revenir sur terre. Peu importait le plan, elle voulait que nous entrions dans le repère de l’ennemi sans vraiment être sûrs d’y trouver ce que nous cherchions. C’était tout simplement du suicide. Pourtant, je l’avais suivi jusqu’ici en sachant intérieurement que c’était le genre de chose qui nous attendait. Je croisais le regard de Isis.

— Qu’est-ce que t’en penses toi ? lui demandais-je.

Elle haussa les épaules, dégaina son carnet et écrivit :

« Maintenant qu’on est là… »

Je ne pus retenir un sourire. Kendra n’était pas la seule à être hors sol.

— Décris-nous le nid. En détail.

— C’est un stade. C’est donc un bâtiment immense et circulaire. Il y a un accès par le toit pour les anges et toutes les entrées au sol, sauf celle dont je vous ai parlé, sont barricadées. Notre plus gros problème est que le stade est relativement écarté des autres bâtiments. Il y a donc une sorte de no man’s land autour. N’importe qui le traversant sera intercepté par un ange.

Le silence s’installa entre nous. J’essayais de visualiser le nid et ses alentours pour trouver une idée.

— Est-ce que la zone est éclairée la nuit ?

— Quelques éclairages publics fonctionnent encore. Le problème c’est que l’entrée de Marcus est en plein sous un lampadaire.

« On pourrait essayer de casser l’ampoule qui nous gêne. » proposait Isis.

— Avec un projectile, ça pourrait se tenter, réfléchissait Kendra. Mais si la lune est de la partie, les anges nous verront traverser même sans cette lampe.

— Avec un peu de chance, il fera aussi moche que la nuit dernière, tentais-je.

— Nous ne pouvons pas compter que sur la chance.

« On retente le coup des feux ? » écrivait Isis.

— Il y a trop d’anges, mais peut-être que si on l’adapte, songeait Kendra.

Je basculais en arrière, retombant sur le tas de couvertures. Mes yeux suivaient les fissures et autres tâches du plafond lorsqu’un souvenir me revint en tête. Je levais le bras et disais :

— L’ange avait dessiné un symbole sur le bras de Marcus, vous vous souvenez ?

Les deux autres acquiescèrent et je continuais :

— Lorsque Marcus nous a filé entre les doigts, c’est un ange qui l’a emmené.

— Tu l’as déjà dit ça, disait Kendra.

— Oui, et tu ne m’as pas demandé comment l’ange avait su que Marcus était à leur solde.

— La marque !

— C’est ça, je pense que c’est une sorte de passe-droit. Grâce à ce dessin, Marcus a pu traverser la ville sans être inquiété un seul instant.

— Tu voudrais qu’on se fasse passer pour des… commençait Kendra.

— Oui, pour des collabos, des traitres à l’humanité, des humains à la solde des anges, appelle-les comme tu veux.

J’entendais Isis gribouiller sur son carnet et je me redressais pour voir le symbole qu’elle avait redessiné de tête.

— Tu pourras le refaire sur nos bras ? demandais-je.

« Avec notre sang ? »

— Exactement comme l’avait fait l’ange, oui.

Kendra acquiesçait à mes côtés avant de dire :

— Bon, nous avons les grandes lignes de comment nous allons rentrer dans le nid. Nous ne savons rien de l’intérieur, comment nous y préparer au mieux ?

— Nous ne pouvons pas, disais-je plus sèchement que je ne le voulais.

« Nous avons du temps avant d’y entrer ? » demandait Isis à l’écrit.

— Nous pouvons avoir quelques jours, mais nous sommes dans une zone dangereuse. Nous n’allons pas pouvoir rester ici trop longtemps. Pourquoi ?

« Peut-être qu’en surveillant un peu l’entrée que tu as découverte, on pourrait apprendre de nouvelles choses. » proposait la jeune fille.

— Pourquoi pas. Tu en penses quoi, Oz ?

— On peut essayer, haussais-je les épaules. On pourrait en profiter pour briser les lampadaires.

— Très bien ! s’exclama Kendra en se levant. Allons-y.

Elle enfila sa veste, glissa son arme à la taille et nous regarda les mains sur les hanches.

— Tu es sure ? Tu n’as pas vraiment dormi… commençais-je.

— Ne t’inquiète pas, c’est surtout pour vous faire un tour de la zone. Ensuite, vous pourrez y retourner sans moi si vous voulez.

Alors, nous la suivîmes dehors.

La pluie avait cessé, mais le sol était encore humide et glissant. Le soleil se couchait devant nous alors que nous longions de hauts bâtiments. Nous progressions très lentement à cause des nombreux anges qui sillonnaient le ciel.

Nous finîmes tout de même par arriver tout proches du stade et de son no man’s land.

Et alors, malgré la pénombre, je vis ce dont parlait Kendra. Le nombre incessant d’anges qui entraient et sortaient du toit du bâtiment circulaire me fit immédiatement penser à une ruche plus qu’à un nid.

— Je ne m’attendais pas à autant de créatures, chuchotais-je.

— C’est parce que la nuit vient de tomber, expliquait Kendra. Ceux qui ont patrouillé la journée rentrent, et ceux qui vont patrouiller la nuit sortent.

— Très bien, notons qu’il ne faudra pas agir à cette heure-ci.

Les lampadaires brillaient çà et là et Kendra nous en indiqua un :

— L’entrée est juste derrière.

— Ça fait loin pour un lancer de pierre précis, faisais-je remarquer.

— J’ai un pistolet.

— Ça va faire beaucoup trop de bruit. Garde-le pour l’intérieur au cas où.

« Je sais fabriquer un lance-pierre », griffonnait Isis.

— Ça pourrait fonctionner, disait Kendra le regard perdu vers la source de lumière.

— Que veux-tu nous montrer d’autre ?

— On peut faire le tour si vous voulez, mais je ne suis pas sûre de l’utilité.

— Rentrons plutôt dans un bâtiment pour fabriquer le lance-pierre, proposais-je.

Une fois à l’intérieur, je montais la garde tandis que Kendra assistait Isis. Je les entendais farfouiller à la recherche de matériel tandis que le flux d’ange diminuait dehors. Il faisait aussi de plus en plus sombre. Je n’aimais pas le fait qu’on s’attarde aussi près du nid, mais une fois ce lampadaire détruit, nos chances de passer seraient bien plus grandes.

Mes compagnes revinrent victorieuses avec leur lance-pierre improvisé et nous ressortîmes.

— Maintenant, observons un peu, disait Kendra.

Commença alors une longue nuit de surveillance. Nous restâmes longtemps immobiles à surveiller les environs. Il y avait nettement moins de va-et-vient d’anges au-dessus du stade et personne ne semblait vouloir entrer ou sortir par la porte qui nous intéressait.

À mes côtés, je sentais Kendra lutter pour ne pas s’endormir et, alors que la lune commençait à descendre dans le ciel, je me redressais.

— Ça ne sert à rien.

Je m’étirais et ajoutais :

— Cassons cette ampoule et rentrons dormir.

Nous ramassâmes alors de nombreux cailloux et nous plaçâmes bien en face de la cible. Nous décidâmes que Isis tirerait en premier. Alors, elle plaça la pierre, tira sur l’élastique au point où je crus qu’il allait lâcher et visa. Puis elle tira.

Le projectile passa juste au-dessus du lampadaire et claqua contre le stade.

Nous nous plaquâmes contre le mur pour nous faire les plus petits possible tout en sondant le ciel à la recherche d’éventuels problèmes. Personne ne vint, alors nous recommençâmes. Cette fois, Kendra tira et rata aussi.

— À toi, Oz.

— Non, non, sans façon. Je suis vraiment nul·le à la visée. Isis réessaie, tu n’étais pas loin.

L’autre obéissait et après une profonde inspiration, tendit l’élastique et tira. La pierre siffla et explosa l’ampoule. La lumière disparue alors qu’une pluie de verre tomba sur le macadam. Nous décampâmes sans demander notre reste le plus loin possible.

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