Chapitre 22
Je serrais Isis de toutes mes forces contre moi.
— Si tu n’as pas de nouvelles de nous d’ici demain soir, fuis le plus loin possible, disait Kendra dans mon dos. Et surtout, reste en vie.
La jeune fille s’écartait de moi pour faire face à la brune, elle semblait hésiter, mais finissait par griffonner :
« Je vous attendrais. »
Je lui souriais avec tristesse. Que se passerait-il si nous ne revenions pas ? Je sentais qu’Isis pourrait faire une bêtise et tenter de rentrer dans le nid pour nous sauver. Mais je ne savais pas quoi lui dire, alors, je suivais Kendra dehors.
Nous longeâmes de nouveau les grands bâtiments pour arriver au no man’s land. Il faisait nuit noire, les quelques taches de lumières des lampadaires brillaient comme des flammes pour ma rétine.
Kendra retroussa sa manche droite pour laisser voir le symbole qu’Isis avait gravé dans sa chair. Le sang à peine séché accrochait le peu de lumière qu’il pouvait. J’imitais la brune et relevais le tissu jusqu’à mon coude en grimaçant.
Et enfin, nous sortîmes du couvert des constructions pour traverser les quelques mètres qui nous séparaient du stade. Je me sentais immédiatement en danger comme sur le pont avec Isis. J’aurais voulu courir jusqu’à l’entrée, mais cela aurait trop attiré l’attention et nous devions donner l’impression d’avoir le droit d’être là. Alors nous marchâmes avec assurance.
Le mur s’approchait doucement et je ne distinguais toujours pas l’ouverture par laquelle nous devions entrer. Je commençais à douter. Pourtant, Kendra continuait d’avancer et bientôt, nous arrivâmes devant une taule en métal ondulé. Dans l’obscurité, Kendra tâtonna discrètement et sa main rencontra un vide derrière le panneau. Nous nous glissâmes derrière.
Il faisait encore plus sombre, seule une petite diode rouge nous indiquait la direction à prendre. La poitrine douloureuse, je me rendais alors compte que je retenais ma respiration depuis quelques minutes. Je prenais une bouffée d’oxygène alors que nous nous enfonçâmes plus profondément dans le nid.
J’étais soulagé de ne pas avoir rencontré d’anges, pourtant le plus difficile restait à faire.
Sous la diode rouge, nous découvrîmes une porte que nous traversâmes pour enfin retrouver de la lumière. C’était un long couloir de maintenance désert.
Sur nos gardes, nous avançâmes le long de nombreuses portes alignées.
Nous n’avions fait que quelques mètres lorsque plusieurs portes s’ouvrirent autour de nous. Une dizaine d’hommes et de femmes nous tombèrent dessus. Ma main rejoignit automatiquement la garde de mon épée, mais je n’eus pas le temps de dégainer qu’un poids s’abattit contre ma tempe et tout devint noir.
Je grognais bruyamment en ouvrant les yeux. Ma tête me faisait souffrir et les muscles de mes membres me tiraient horriblement.
— Chuuuut, disait quelqu’un sur ma gauche.
Nous nous trouvions dans une petite pièce plongée dans le noir. Assis·e contre un mur, mes jambes touchaient celui d’en face. J’éprouvais un sentiment de claustrophobie accentué par une sensation de déjà-vu.
— Nous avons été capturés, m’informa Kendra.
C’était donc elle qui se trouvait à ma gauche. Je voulais lui tendre la main, mais je me rendais compte que j’étais attaché.
— Ne te débat pas, ça va seulement servir à resserrer tes liens.
— Depuis combien de temps sommes-nous là ? demandais-je la bouche pâteuse.
— Aucune idée.
Nous restâmes ainsi dans le noir si longtemps que mon ventre commença sérieusement à gargouiller. Le bruit résonna longtemps avant d’être interrompu par des pas qui se rapprochaient. Nous nous figeâmes toutes les deux. La clef tourna dans la serrure.
Lorsque la porte s’ouvrit doucement, laissant voir un visage souriant. Mon sang se glaça dans mes veines. Il allait nous faire payer toutes les souffrances que nous lui avions infligées.
Marcus se pencha vers moi, il avait le regard fou de quelqu’un qui allait faire une bêtise. Une bêtise qui allait me coûter cher. Je tentais en vain de m’éloigner de lui en rampant vers Kendra qui s’était mise à l’insulter.
Il finissait tout de même par m’attraper par les cheveux. Je hurlais de douleur lorsque mon ancien prisonnier tira dessus pour me sortir de la cellule.
— Marcus ! Lâche-la ! criais Kendra.
— Ou sinon quoi ? ricana-t-il.
Ou sinon rien, Kendra était ligotée, moi aussi et Isis devait déjà être loin. J’espérais que cette dernière survivrait seule.
L’homme me traina le long d’un couloir, m’arrachant presque le cuir chevelu et ignorant mes cris. Je refusais tout de même d’implorer sa pitié.
Il finissait par me jeter dans une pièce. Je tentais immédiatement de me relever, chose difficile en ayant les mains attachées dans le dos. Je grognais de frustration en appuyant ma tête contre le sol alors que Marcus ricanait derrière moi.
Il me donna un coup de pied, et je m’étalais de nouveau au sol, face contre terre. Les larmes aux yeux, je fixais le faux parquet. Qu’attendait-il pour me torturer ? Mais pour me faire avouer quoi ? La résistance n’existait plus. Je n’avais rien à cacher et même si c’était le cas, il serait surement déjà au courant.
— Oz, c’est ça ? demandait-il dans mon dos.
J’entendais des cliquetis, que me réservait-il pour se venger ? Car c’était de cela qu’il s’agissait, une vengeance rien de plus.
— Tu pourrais répondre tout de même, après tout on se connait déjà plutôt pas mal.
Il m’attrapa de nouveau les cheveux pour me retourner vers lui. Mon cœur s’arrêta net. Le bruit de métal que j’avais entendu n’était autre que la boucle de sa ceinture. Marcus se tenait au-dessus de moi, le pantalon baissé jusqu’aux chevilles.
Il dut lire la terreur dans mon regard, car il souriait à pleine dent.
Les mains attachées dans le dos, je ne pus le repousser lorsqu’il s’allongea sur moi. J’avais beau lui balancer de nombreux coups de pied, aucun ne semblait faire effet. Mes vêtements me semblaient bien fins, je ressentais son contact sur tout mon corps. Je voulais hurler, mais rien ne sortait de ma bouche. De toute façon, même si j’avais pu crier, personne ne serait venu.
Il posa sa main sur ma poitrine, mais sembla dessus de la trouver presque plate. Je me penchais autant que je le pouvais et lui mordais le bras. Je recevais immédiatement une claque, qui me fit siffler les oreilles, en guise de représailles. Pourtant, il était hors de question que je me laisse faire. J’avais envie de lui cracher dessus, mais je me souvenais très bien de comment je lui avais fait ravaler sa salive et ne voulais pas encore plus le provoquer.
Alors qu’il glissait sa main le long de ma cuisse, je sentais une bouffée de colère prendre le dessus sur ma terreur. Mes liens se desserrèrent soudain, libérant mes mains.
Surprise, je ne réfléchissais pas plus longtemps et balançais mes paumes vers son torse pour le repousser violemment. Maintenant que j’étais libre, la roue allait tourner.
Lorsque mes mains touchèrent Marcus, il hurla de douleur et s’écarta vivement de lui-même. Il perdit l’équilibre à cause de son pantalon et s’écrasa à son tour au sol. Il se tenait le torse, le visage crispé par la douleur. Je me levais rapidement, sur mes gardes pensant à une ruse. Mais il n’en était rien.
Je m’approchai de lui et découvrais que son t-shirt avait brûlé à l’endroit même où je l’avais touché.
Que s’était-il passé ? Je regardais mes mains, perplexe. Peut-être était-il déjà blessé et mon coup avait rouvert sa plaie ? Mais cela n’expliquait pas le tissu brûlé.
Je n’eus pas le temps de plus réfléchir, car Marcus m’attrapa la cheville. Il tira d’un coup sec pour me faire perdre l’équilibre. Je m’effondrais sur lui et nous commençâmes à lutter.
Nous roulâmes quelques instants, enchainant coups de poing et coups de pied. Malheureusement, il était bien plus lourd que moi et il finit par m’attraper par la gorge pour me plaquer de nouveau au sol.
— Tu fais moins la maligne sans ta lame, ricanait-il en serrant encore plus les mains.
Je manquais de plus en plus d’air et commençais à paniquer. J’essayais faiblement de desserrer sa prise en vain. Je me cambrais, envoyant des coups de pied dans tous les sens. Mais plus les secondes passaient, moins j’avais d’énergie.
Il me fixait avec des yeux probablement aussi exorbités que les miens sauf que lui il souriait. De mon côté, mon champ de vision se resserrait, j’allais m’évanouir.
Ma gorge était en feu, mes poumons aussi. Je ne voyais plus que par un cercle au centre de ma vision. Suffisamment grand pour voir le regard satisfait de Marcus. J’avais arrêté de me débattre, je n’avais plus assez de force.
Je continuais pourtant faiblement à essayer d’écarter ses mains de mon cou.
Une chaleur agréable commençait à se répandre dans mon corps, m’apaisant doucement. Étais-je en train de mourir ? Cela ne ressemblait pas au jour où l’ange m’avait transpercé avec son épée.
Je sentais Marcus remuer étrangement au-dessus de moi. Son visage avait changé, passant de la joie à l’incompréhension.
— Qu’est-ce que tu fais ? demandait-il paniqué.
Évidemment, je ne pouvais pas lui répondre et même si j’avais pu, je ne comprenais pas de quoi il parlait. Ses mains se desserrèrent pourtant un peu, me permettant de récupérer un peu d’oxygène. Je reprenais un peu de force et tendais mes mains vers lui.
J’écarquillais alors les yeux, comment était-ce possible ?
Autour de mes avant-bras et de mes mains serpentaient des flammes blanches. Pourtant, je ne ressentais aucune brûlure, seulement cette chaleur agréable. Contrairement à l’homme qui prenait feu par endroit.
Je ne réfléchissais pas vraiment et frappais de toutes mes forces le torse de Marcus, finissant de le faire lâcher prise. Il se mit à se débattre dans le vide. Le feu se propageait sur ses vêtements alors que je retrouvais doucement le contrôle de mon corps.
Marcus se mit à hurler. Il percuta un mur et ne se releva pas.
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