Chapitre 25

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— Toujours fourrée avec de beaux bruns ou des belles brunes, ricanait la blonde en reposant son verre d’eau.

Nous étions seuls·es dans la grande salle souterraine où Amélia et ses alliés prenaient leur repas.

— Très drôle.

Elle roula des yeux avant de se resservir un verre. Le silence s’installa entre nous. Kendra s’occupait de Sam qui ne s’était pas encore réveillé. Elle m’avait promis que nous continuerions notre discussion lorsqu’elle aurait fini. En attendant, je comptais renouer un peu avec ma sœur. Seulement je ne savais pas par où commencer.

Ce fut elle qui prit finalement l’initiative :

— Je suis allé jusqu’au boulot de Papa.

Notre père, avant l’attaque, travaillait dans le centre, pas si loin d’ici. Je tendais donc l’oreille.

— Comme partout, il y avait des morts et des vitres brisées. J’ai erré longtemps et j’ai fini par le trouver.

— Où est-il ? m’exclamais-je. Comment va-t-il ?

— Je suis désolé, Oz.

Devant mon regard triste, elle s’empressa d’ajouter :

— Il n’est pas mort. Il a perdu l’esprit. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé avant que je le trouve, je ne sais pas ce qu’il a traversé et il est incapable de me l’expliquer.

— Où est-il ? demandais-je de nouveau.

— En sécurité. Je t’emmènerais le voir si tu le souhaites.

J’acquiesçais doucement puis demandais :

— Et maman ?

— Je n’ai pas pu me rendre moi-même sur place. J’ai envoyé des gars, ils ne l’ont pas trouvé.

Le silence s’installa de nouveau.

— Comment as-tu survécu ce jour-là ?

— J’ai failli mourir. Lorsque les anges ont attaqué le collège, un incendie s’est déclaré dans les cuisines. On ne pouvait pas sortir à cause des oiseaux. Les flammes se sont propagées rapidement et le toit s’est effondré. J’ai été bloqué dans ma cachette à cause d’une poutre en feu. Les flammes sont vite arrivées jusqu’à moi. Elles ont léché mon pantalon, courant le long de mes jambes. J’essayais de ne pas hurler de douleur pour ne pas attirer les créatures, mais c’était impossible. Le feu a continué à monter sur moi, jusqu’à toucher mon visage.

Elle se tut quelques instants, les yeux fermés. Je voyais qu’elle revivait l’instant. La douleur crispait ses traits.

— Et je suis arrivé, intervint quelqu’un depuis la porte.

Le jeune homme asiatique sourit avec gentillesse. Il s’approcha et posa sa main sur l’épaule de ma sœur.

— J’ai entendu ses cris et j’ai accouru avec un extincteur.

— Jasper m’a sauvé la vie. Alors même que l’on ne se connaissait pas.

Je remerciais chaleureusement le garçon. Grâce à lui, j’avais encore une sœur.

— Tu me cherchais ? demanda la blonde.

— Les anges semblent avoir remarqué la disparition de prisonniers. Nous devons nous faire les plus discrets possible.

— Très bien, éteins tout.

Elle se tourna vers moi et ajouta :

— J’espère que tu n’as pas peur du noir.

Je lui tirais la langue et saluais Jasper qui s’en allait. Lorsqu’il fut parti, elle ajoutait :

— Tu devrais rejoindre Kendra, cette pièce n’est vraiment pas agréable dans le noir. Elle est si grande que tu pourrais ne pas retrouver la porte.

Je me levais donc et lorsque j’atteignais la porte, elle était déjà partie de son côté. Je m’enfonçais dans le couloir d’un pas rapide, je voulais arriver avant qu’ils ne coupent l’électricité.

Cela me faisait bizarre de voir toutes ces lampes. Chez les jumeaux, nous ne l’utilisons pas pour éviter d’être repérés. Mais après tout, les anges n’avaient pas coupé l’électricité. Ils avaient juste tué ceux qui s’en occupaient. Dans certaines zones il n’y avait plus d’électricité et probablement que d’ici quelques mois, nous n’aurions plus accès à ce vestige de la civilisation nulle part.

Je poussais une porte métallique et arrivais dans une pièce où avaient été déposés quatre matelas. Sur l’un d’entre eux reposait Sam.

— Ils vont éteindre les lumières, tu as fini ? demandais-je à Kendra.

— Oui. J’allais justement te rejoindre.

— Où est Isis ?

— Avec d’autres jeunes, je crois qu’ils font l’inventaire ou un truc dans le genre, me répondait-elle.

Je m’installais près de la brune lorsque l’obscurité s’abattit sur nous. Nous restâmes silencieux·ses, écoutant la respiration du brun.

— Comment va-t-il ?

— Mal. Il n’y a pas que son corps qui est brisé. Son esprit l’est aussi. Peut-être ne veut-il même pas se réveiller. J’ai beau le guérir…

Elle ne finit pas sa phrase, laissant un nouveau blanc s’installer.

— J’ai beaucoup réfléchi, disait finalement ma compagne.

— Sur quoi ?

— Sur la supposée mort de Kaleb. Il faudrait que je sache précisément comment il a brûlé.

— Pourquoi ?

— Parce que, comme tu le sais maintenant, les démons utilisent les flammes. Peut-être que si ça ressemblait à une combustion spontanée…

— Accouche, disais-je en roulant des yeux, mais elle ne pouvait pas le voir dans le noir.

— Kaleb pourrait tout simplement être retourné de lui-même en enfer.

— C’est possible ? demandais-je en m’approchant d’elle.

— Ma mère m’a parlé d’une sorte de « rapatriement d’urgence ». Certains démons peuvent le faire en cas de danger de mort.

— Mais Kaleb ne sait même pas qu’il est un démon !

— Je te faisais seulement part de mes réflexions.

Je l’entendais hausser les épaules, elle semblait fatiguée. Je pouvais l’entendre dans sa voix.

— Cela te coûte de l’énergie de le soigner avec tes flammes ? demandais-je.

— Oui, évidemment, mais c’est tellement plus rapide que de seulement changer ses pansements en espérant que son corps fasse le travail.

Je me levais et m’approchais du blessé avec tâtonnement. J’avais profité de l’obscurité pour retirer mon cache-œil dans le but de faire respirer mon œil supposément démoniaque. Bonne ou mauvaise nouvelle, si je me fiais à mes impressions, les démons ne voyaient pas dans le noir. Je finissais par toucher son bras. Il était chaud, pas plus que la normale cela dit.

— Qu’est-ce que tu fais ? s’inquiétait Kendra.

— Tu ne sais pas quelle est la spécialité des flammes blanches n’est-ce pas ?

— Non.

— On pourrait essayer des choses.

— Du genre ? Il est impossible que tes flammes guérissent. Chaque flamme a sa spécialité, et ce sont les vertes qui guérissent. Seulement les vertes.

Elle semblait catégorique alors j’optais pour une nouvelle idée.

— Est-ce qu’il y a une couleur de flamme qui contrôle l’esprit ? Ou bien la mémoire ?

— Je ne suis pas sûre…

— C’est le moment de savoir si ce sont les blanches alors.

Je me concentrais de toutes mes forces sur le fait que Sam était en danger de mort. Je me centrais sur sa respiration en l’imaginant suffoquer. Moi aussi j’avais bien réfléchi. Mes flammes n’étaient apparues que lorsque j’étais sur le point de mourir. Cela fonctionnait-il lorsque quelqu’un que j’appréciais était en danger de mort ?

— Mais tu pourrais le tuer ! s’exclama la brune en se jetant sur moi.

Je l’ignorais. Tout était dans l’auto-persuasion.

Des flashs de l’un de mes derniers cauchemars en date me revinrent en mémoire.

« Je plaquais mon oreille près de sa bouche, aucun souffle n’en sortait. Les mains plaquées contre son torse, je commençais un massage cardiaque.

— À l’aide ! Il ne respire plus ! »

Kendra continuait à me tirer le plus loin possible du jeune homme.

Soudain, alors que des larmes menaçaient à déborder de mon œil marron, la pièce fut éclairée d’une lumière blanche éclatante. Cette dernière éblouit Kendra, me permettant de m’élancer vers Sam et de plaquer ma main enflammée contre son front.

Le feu s’éteignit aussi tôt.

L’obscurité semblait plus noire que jamais. Le silence plus oppressant. Et je tombais dans le vide.

Je tentais de hurler, mais aucun son ne sortait de ma bouche. Kendra avait disparu. La chute me semblait durer une éternité et soudain, des images commencèrent à défiler autour de moi. Je heurtais quelque chose et il fit de nouveau noir.

Une porte s’ouvrit et un homme entra. Son ombre se dessinait sur la lumière blanche du couloir d’où il venait. Je me sentais faible, une douleur tenace s’emparait doucement de mon corps en même temps que les sensations plus classiques comme le sol sous moi ou le mur dans mon dos.

Je reculais alors que la silhouette s’avançait et je percutais quelqu’un qui grogna.

L’homme m’attrapa par le bras et me traina hors de la pièce. Je manquais de m’évanouir sous la douleur. La lumière me brûla la rétine alors je fermais les yeux.

Je sentais que c’était étrange et que normalement j’aurais dû être lae seul·e à être emmené, pourtant les grognements qui se mêlaient aux miens me faisaient comprendre que l’autre personne qui occupait ma cellule était trainée à ma suite.

Qu’allait-il se passer ? Où nous emmenait-on ? Mais surtout, comment étais-je arrivé là ? Quelques instants plus tôt, j’étais avec Kendra. Et alors, je me rappelais ma tentative et je comprenais qu’encore une fois, je voyais par les yeux de quelqu’un d’autre. J’avais réussi à entrer dans la mémoire de Sam.

Allais-je assister à la mort de Kaleb ? Après tout c’était pour ça que j’étais là. Mais je n’avais pas pris conscience de ce que j’allais vivre, j’avais agi sans réfléchir, sans vraiment croire à une quelconque réussite.

On me traina, ou plutôt on traina Sam, jusqu’à une salle dans laquelle il fut suspendu au plafond par les bras. Kaleb fut installé de la même manière à ma gauche.

La séance de torture commença.

Après quelques coups sans vraiment leur poser de questions, les deux tortionnaires se dirigèrent vers Kaleb.

— Que fais-tu ici ?

— C’est vous qui nous avez amenés ici, répondait Kaleb.

— Ne fais pas le malin et réponds à la question.

— Je ne comprends pas la question.

L’autre homme tendait à son collègue une barre de fer rougie par le feu. Ce dernier vint se coller contre le ventre de Kaleb qui hurla de douleur.

— Posons la question à ton frère.

Il s’approcha de Sam et je pus un peu plus observer son visage. Il ne me disait rien, mais je comptais bien lui faire payer si je le croisais un jour, alors je mémorisais ses traits alors qu’il posait sa question :

— Que faites-vous sur Terre ?

Je sentais la confusion de Sam et Kaleb intervenait avant que son frère ne réponde :

— C’est quoi ça, une question philosophique ?

— Est-ce qu’on est vraiment obligé de garder les deux en vie ? demandait l’un des hommes en ignorant l’intervention de Kaleb.

L’autre haussa les épaules et sans plus de cérémonie, planta une longue lame dans les côtes du brun. Le visage de Kaleb se tordit de surprise et de douleur. Je, ou plutôt Sam croisa le regard de son frère, sa bouche esquissa un sourire et du sang dégoulina sur son menton. L’horreur m’envahit. Je ne savais si c’était mon émotion ou celle de Sam, mais un frison me parcourus.

L’arme glissa à l’extérieur du corps du jeune homme et soudain, Kaleb prit feu.

Les flammes l’avalèrent et en quelques instants, il n’y avait plus rien.

Sous le choc, je fus tiré hors de la scène. Comme aspirer par la réalité, je regagnais mon corps qui n’avait pas bougé.

Il faisait encore noir.

Je m’écartais brusquement de Sam, toujours inconscient. Ma respiration était erratique, je ressentais encore les douleurs du corps de Sam et surtout sa détresse psychique. J’avais envie de me rouler en boule et de ne plus jamais bouger.

Je me sentais claustrophobe dans le noir et je commençais sérieusement à paniquer.

— Oz ? demandait Kendra. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Est-ce que ça va ?

Je n’arrivais pas à lui répondre, je n’arrivais pas à m’accrocher à la réalité sans voir quoique ce soit et surtout, je ne me remettais pas de la mort de Kaleb. C’était la deuxième fois que je le voyais mourir.

Kendra m’attrapa par les épaules et soudain, la lumière se ralluma. Je m’accrochais pour ne pas perdre pied.

— Tu as réussi ?

Je hochais doucement la tête.

— Qu’est-ce que tu as vu ?

— Sam avait raison, Kaleb est mort. Un homme l’a poignardé.

— Oz, raconte-moi en détail.

Alors, les yeux dans le vague, je lui racontais tout.

Je croisais enfin le regard de Kendra. Elle semblait essayer de contenir autre une émotion totalement déplacée après ce récit. Était-ce de la joie ?

— Oz ! C’est génial ! Kaleb est probablement encore en vie en enfer.

Je sentais l’espoir renaître dans ma poitrine, gonflant comme un ballon.

— Tu en es certaine ?

— D’après ce que j’en sais, oui.

— Comment va-t-on en enfer ?

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