Acte III- Scène 1
La scène est dans la salle du Trône du Palais royal.
Don Fernand (Le Roi), Don Diègue, Don Sanche, un Messager
─ Don Fernand (trônant)
Ciel ! J’apprends à l’instant des nouvelles fâcheuses.
Don Gomez abattu à coup de mitrailleuse,
Le Casino en flamme et livré au pillage
Sans qu’aucun employé n’échappât au carnage !
Don Diègue, parlez : la rumeur voit en vous
La tête du complot. Mais qui porta le coup ?
─ Don Diègue
Sire, c’est Rodrigue, mon obéissant fils,
Qui ne fait après tout que me rendre justice.
─ Don Fernand (suffoqué)
Insolent ! En sa Cour tu offenses ton Roi !?
Je te ferai savoir la rigueur de ma loi.
Don Sanche, mon prévôt, va lancer un mandat
D’arrêter mort ou vif, ton fils ce scélérat.
─ Don Sanche (calme)
Sire, non.
─ Don Fernand (ahuri)
Vous plaît-il ?
─ Don Sanche
Je ne puis.
─ Don Fernand (rouge)
Rébellion ?
Mon prévôt se rebiffe et jusqu’en ma Maison !
─ Don Diègue (docte)
Son intérêt l’oblige à vous désobéir :
Dans mes travaux publics il souhaite investir
Et le creusement du collecteur principal
Offre à qui le finance un bonus maximal.
Si de trahir son roi vous le voyez coupable
C’est que la royauté n’est plus assez rentable.
─ Don Fernand
Et si j’en appelais à mes vaillants guerriers ?
─ Don Sanche
Je me verrais forcé de vous faire abdiquer.
─ Don Fernand (rire nerveux)
Je suis nu, désarmé et me sens impuissant !
C’est si calamiteux que c’en est hilarant.
─ Don Diègue
Je conçois aisément l’effroi qui vous atterre
Mais revenons plutôt, Majesté, sur la terre.
De Séville on ne voit que ses blasons brillants
Mais son destin se joue en ses égouts puants.
Don Gomez…
─ Le Roi
Quel guerrier !
─ Don Diègue
…était Grand Argentier.
Il s’occupait, je crois, de vos royaux deniers.
La fonction est vacante et j’en prends possession
Avec bien entendu votre bénédiction.
─ Le Roi
Accordé.
─ Don Sanche
Promulguez quelque arrêté royal,
Sire, afin que cela ait un peu l’air légal.
─ Le Roi
Promulgué !
─ Don Diègue
Pour prix de son exploit magnifique
Et pour le blanchir face à l’opinion publique
J’exige pour mon fils l’honneur de commander
Les cavaliers royaux de Votre Majesté.
─ Le Roi
La finance au voleur et l’armée au tueur ?
L’État reçoit en vous ses plus sûrs serviteurs.
Exaucé !
─ Don Sanche
Il vous faut encore entériner
Cette nomination par royal arrêté.
─ Le Roi
Il en sera Messieurs, selon votre vouloir ;
La Castille à présent est en votre pouvoir !
(Entre un Messager)
─ Le Messager
Les Maures, Messeigneurs, en force ont débarqué !
Dans le Guadalquivir leur flotte a pénétré
Et le flux en une heure à nos murs les amène ;
Ils accostent en masse et, le cœur plein de haine
Les Africains cruels assiègent la cité
Cependant qu’alentour tout se trouve égorgé !
─ Le Roi
Votre règne, Messieurs, risque d’être bien court.
─ Don Diègue
Notre cavalerie est notre seul recours
Et Rodrigue à sa tête embrasera les Maures
Du feu de sa colère, éclatant météore !
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