1. Roxane

2 minutes de lecture

La nuit, je suis fragile. Je pleure. Je fais des cauchemars, ou des insomnies. Je vomis, puis je pleure à nouveau.

Mais une fois le soleil levé, je cache mes cernes violacés sous une bonne couche de fond de teint et je souris. C'est devenu presque simple de faire comme si j'allais bien, une vraie routine. Depuis la rentrée, je fais partie d'un groupe. Des gens beaux, sans soucis. Des gens qui rient fort et qui s'achètent ce qu'ils veulent quand ils le veulent, des gens que tout le monde vénère. Des gens que l'ancienne moi ne supportait pas. Hypocrites et lâches, parce que la vie est si simple pour eux qu'ils n'ont quasiment aucune empathie. Avec eux, je ne suis ni à l'aise, ni heureuse. Je ne suis pas moi-même. Je joue un rôle.

Jouer. Faire semblant. Sourire. Aller aux toilettes toujours vides de l'aile B, y pleurer. Vomir. Me remaquiller. Sourire. Sortir.

En un an, j'ai perdu beaucoup de poids. Sûrement trop, mais tout le monde m'en félicite. Et ces félicitations me font vomir de plus belle.

Parce que je ne suis pas devenue mince. Je suis maigre.

Je ne souris pas, je grimace.

Mais. Personne. Ne. S'en. Rend. Compte.

J'en suis triste, mais je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Parce qu'il suffirait sûrement que j'aille voir un médecin, qu'il établisse un diagnostic et me dise comment aller mieux. Mais je n'ai pas vraiment envie d'aller mieux, pas avec cette vie-là.

Alors je cache mon corps maigre sous des vêtements amples et longs – mais toujours à la pointe de la mode. Je masque la pâleur de mon visage et mon air épuisé sous un maquillage qui me rend belle, sans être vulgaire.

Je ne suis plus moi-même, mais tout le monde pense le contraire.

Les garçons s'intéressent même à moi, depuis ce changement. Il disent que je suis belle, qu'ils l'avaient toujours pensé, sans jamais avoir osé me le dire, et qu'ils en ont - évidement - le courage maintenant que je suis fine et fausse. Ils s'assoient à côté de moi, tentent parfois de me prendre la main, ou par la taille, m'invitent à des soirées, et selon le rôle que je joue, j'accepte ou refuse.

Les gens pensent me connaître, et ils se trompent. Il n'y a que quand je les croisais, eux, que je me disais « et si ? ».

Et si eux me voyaient vraiment ? Sans filtre, sans mensonge ?

Mais nous nous ignorions. Tous les jours, tête baissée. Nous passions notre chemin en détournant le regard.

A contrecœur, enfin, pour moi.

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