Avant lui
«Le temps que nous avons perdu à ne pas profiter du moment présent est un temps perdu pour toujours. »
–
Gustave Flaubert
Avant lui, ma vie était déjà un labyrinthe mental, peuplé d'émotions complexes qui se bousculaient dans ma tête, me laissant souvent perdue et submergée par une profonde confusion. Matthieu et moi étions comme deux pièces d'un puzzle, parfaitement assortis et en parfaite osmose. Pourtant, j’étais incapable de ressentir le bonheur.
Nos hauts et nos bas nous renforçaient année après année. Nous savions rire ensemble, comprendre les silences de l'autre. Un sourire ou un clin d’œil suffisait pour comprendre qu’il était inutile de parler, nos instants partagés semblaient tissés d'une magie particulière.
Il n’était pas ma moitié, comme on dit, il était mon « tout » : l’être qui me permettait de vivre, de garder l’espoir d’être heureuse et de trouver ma place dans ma vie et dans la sienne.
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Ce jour de mai 1998, alors que je sors du lycée, accompagnée d’Anaïs, pour rejoindre mon bus, je m’arrête net. Lui. Je suis figée au beau milieu de ce flot d’élèves qui déferle à 17 heures. Incapable de les suivre, je tiens mon amie par le bras pour lui faire part de mon trouble, ou peut-être pour être plus stable. Mes jambes vacillent.
- C’est qui, lui ?
- Qui ?
- Lui, appuyé sur le panneau stop, avec Arnaud et Nicolas…
- Ah, c’est Matthieu, viens je te le présente.
- Non, non, t’es folle… Cherchant une rapide excuse pour ne pas lui montrer à quel point j’étais déstabilisée, complètement subjuguée, j’ai mon bus à prendre.
La couleur de mes joues devait me trahir.
- Mais il te plaît, on dirait ! dit-elle avec un sourire malicieux. Je vais lui parler de toi.
- Arrête tes conneries, allez je file, à demain Anaïs.
- À demain, mais je ne vais pas m’arrêter à ton excuse du bus, on en reparle demain !
Je file, je ne regarde plus celui qui me fait penser : « Mets un pied devant l’autre, ne te pète surtout pas la gueule maintenant, t’es en jupe en plus ».
Assez éloignée pour ne plus être visible, je souffle enfin et il envahit mon esprit. Il était grand, les épaules larges, les cheveux châtains, longs jusqu’aux épaules. Cette coupe ne pouvait que me plaire dans ma période Nirvana.
Il portait un jogging bleu avec les rayures blanches caractéristiques de la marque Adidas, je pense instantanément au groupe Korn que j’écoutais en boucle à cette époque.
Est-ce ces rapprochements avec mes goûts musicaux ou son aura qui me séduit, je ne sais pas. Une chose est certaine, ce garçon m’a complètement chamboulée et il va rester quelque temps dans ma tête.
Dès le lendemain, Anaïs, qui n’avait pas lâché l’affaire, m’explique qu’elle va organiser une soirée et l’inviter.
Chose faite la semaine suivante.
Ce soir-là, je suis tétanisée, excitée, survoltée. Je dois absolument faire bonne figure. Je connais tout le monde, à part lui. Il n’est pas difficile de m’amuser avec aisance, j’ai mon masque pour lui montrer une Lucie sympathique.
Problème, il se montre froid et distant. Ma présence le laisse de glace.
« Ça tombe plutôt bien, j’ai un petit copain ». Je me rassure du mieux que je peux et me fais seulement à cet instant la réflexion que je suis quand même bien culottée d’en pincer pour un autre.
La soirée se déroule sans lui. Un goût amer me reste en travers de la gorge, mais hors de question de le laisser paraître.
Le lundi suivant, en retrouvant Anaïs au lycée, je me rends compte que mon ressenti et la « réalité selon Anaïs » sont bien différentes. Pour elle, c’est sûr, je lui plais.
Ce jour-là, mon petit ami rentre de voyage scolaire. Je rassemble mon courage et le retrouve pour rompre sans attendre… avec une aisance aussi surprenante que déconcertante.
Aucun garçon ne m’avait jamais fait vibrer.
Le plan était clair : s’il portait un quelconque intérêt pour ma personne, cette rupture devrait rapidement le mettre sur ma route.
Une soirée organisée par une association caritative était prévue le vendredi suivant. Anaïs et moi y participerions, et elle en toucherait un mot à Matthieu.
Vendredi, 20 heures, début de la soirée, une centaine de jeunes est au rendez-vous, avec un paquet de pâtes ou de riz à la main. C’était le prix à payer pour entrer : une denrée alimentaire non périssable.
Nous entrons dans la salle avec Anaïs qui me certifie que Mathieu sera présent.
Le stress typique d’une adolescente de 17 ans avec les yeux qui pétillent et les papillons dans le ventre m’envahit. Les minutes passent, pas de silhouette chevelue en vue. Les heures passent : Toujours rien.
- Tu m’as raconté des histoires, il ne viendra pas !
- Mais si j’te dis, il est à son entraînement de rugby, il passe après.
- A 21h 30, il est à son entraînement bien sûr…
Nous faisons des allers-retours entre la salle et l’entrée, scrutant chaque arrivée. L’espoir s’amenuise.
22 heures. Enfin, son ombre apparaît sous nos yeux.
Deux heures de retard, ni paquet de pâtes, ni paquet de riz à l’horizon…ces indices auraient dû me faire réfléchir quant aux éventuels tracas qui pourraient se présenter à moi avec ce genre d’homme. Mais il était tellement beau et il sentait si bon… Mon cerveau s’était mis sur off.
Nous moquer de lui avec Anaïs en traversant la ville pour aller chercher un paquet de denrées alimentaires chez ses parents a donné de la consistance à nos discussions. Sans cela, j’aurais été incapable de trouver quoi dire, trop impressionnée pour aligner une phrase cohérente.
Après une heure de marche et de boutades, nous retrouvons la salle de spectacle.
Bien entendu, la musique ne nous plaît absolument pas. Bien entendu, nous ne dansons pas.
Nous sortons donc tous les deux pour discuter loin de ce vacarme. Je n’ai absolument aucun souvenir de ce que nous nous sommes dits.
Seule certitude : je n’ai pas mis beaucoup de temps à lui rabâcher que je le trouvais « trop beau pour être vrai », il n’a pas mis beaucoup de temps à m’embrasser.
Il est toujours aussi beau et nous ne nous sommes jamais quittés.
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Avant lui, nous avions deux enfants et formions une belle famille. Sur le papier, tout semblait parfait : un rêve pour beaucoup. Mais à l'intérieur, je luttais toujours.
Une certitude m'envahissait, celle que je ne réussirais jamais, ni dans ma carrière, ni dans mon rôle de compagne, ni – et surtout – dans mon rôle de mère.
Je me sentais totalement dépassée, comme si tout m'échappait, quoi que je fasse. Tout me débordait. La fatigue, physique et mentale, était devenue mon fardeau quotidien.
Le plus troublant, c’est que je ne pouvais pas identifier une véritable source de malheur. Objectivement, ma vie était belle. Tout ce que beaucoup rêveraient d’avoir. Et pourtant, je ne ressentais rien. Mon quotidien me semblait vide, cette dissonance me rendait folle.
Comment pouvais-je être si malheureuse ?
Pourquoi n’ai-je pas su vivre cette belle existence ? J’étais consciente de ce que j’avais, mais je n’arrivais pas à en profiter. C’était comme une barrière invisible entre le bonheur et moi. Plus j'essayais de m’adapter, plus je me sentais étrangère à ma propre vie. J'étais tiraillée par un mal-être que je n’arrivais pas à surmonter.
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Je fais défiler mes photos sur Instagram. Je ne suis pas comme ces jeunes qui utilisent ce réseau social comme un moyen de communication. Pour moi, c’est l’album photo de ma vie depuis 2012, l’année de naissance d’Alice. Le nombre d'abonnés importe peu, du moment que je garde une trace de ces instants. Les filtres ne sont pas là pour édulcorer la réalité, mais pour sceller de magnifiques souvenirs dans une image parfaite.
Les photos me bouleversent. Elles se font rares et insipides depuis des mois, voire des années… Ou alors, elles reflètent des souvenirs lointains et non de « nouveaux souvenirs créés ». Non, nous ne créons plus de souvenirs, il n’y a plus de moments à immortaliser.
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Juin 2014
Alice, sur cette photo, est une petite fille pleine de curiosité. Ses cheveux châtains tombent en mèches en désordre autour de son visage. Elle a cette expression d’émerveillement, un peu décalée, comme si chaque instant était une aventure. Ses yeux, pétillants et rieurs, sont fixés sur un trésor qu'elle a trouvé : les pinces à linge qu’elle a accrochées à ses narines, sans se soucier de la logique ou de l’apparence. Elle est dans son monde d’enfant, où l’imaginaire et l’insouciance dictent les règles. Son sourire est franc, un peu espiègle, comme si elle savait que son petit coup allait faire rire. Il y a dans sa pose une douceur presque naïve, mais aussi une grande confiance en elle, dans sa capacité à captiver et à étonner.
Avec cette photo remplie de rires et de spontanéité, nous avons annoncé à nos proches l’arrivée prochaine de Paul, son petit frère. Alice, avec ses pinces à linge et son insouciance joyeuse, avait donné à ce moment une touche d’humour et de fraîcheur. Sans le savoir, elle avait marqué cette annonce à notre image.
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Juin 2016
Sur cette photo, Matthieu et moi, épuisés mais déterminés, tentons de donner vie à notre projet un peu fou : une piscine construite avec des palettes. Le jardin n’était pas immense, mais assez grand pour accueillir une balançoire, une cabane, et désormais, ce coin de paradis fait maison. L’herbe est irrégulière, quelques fleurs sauvages bordent les bords, et le soleil de fin d’été nous fait transpirer abondamment. Chaque geste est un défi : les planches ne s’alignent pas toujours comme prévu et les calculs ne sont pas toujours exacts. Mais, comme à chaque fois avec Matthieu, je me suis laissée embarquer dans ce projet. Ce qui devait être une piscine éphémère pour un été s’est finalement transformée en un souvenir marquant de notre vie, une construction qui a duré bien plus longtemps que prévu. Et même si elle n’a jamais été parfaite, cette piscine a été un lieu de rires, de complicité et de moments précieux qui me sont chers.
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Septembre 2016
Les pieds dans l’eau, nous sommes tous les quatre là, les mains plongées dans le sable, à tenter d'attraper quelques crevettes qui se faufilent sous nos pieds. Paul, encore maladroit avec ses petites jambes, peine à tenir sur ses pieds, tandis qu'Alice, concentrée, plonge son épuisette dans l’eau, trempant ses manches jusqu'aux coudes.
- Scooby ! Viens ici, laisse les crevettes tranquilles ! » ai-je crié en voyant notre chien partir à toute vitesse, une crevette dans la gueule.
Fasciné par ce qui se passe autour de lui, Paul se tourne vers Matthieu, les yeux écarquillés.
- Tu vois, Paul, tu dois attraper les crevettes comme ça, expliqua Matthieu, en baissant la tête et en montrant l’épuisette, tu la plonges doucement dans l’eau et hop, voilà.
Paul, sans vraiment comprendre, regarde un instant l'épuisette, puis se précipite en avant, tentant de suivre l’exemple de son père. Mais bien sûr, il n'en fait qu'à sa tête. Au lieu de plonger l’épuisette, il la secoue comme un fou, éclaboussant tout le monde autour de lui. Puis, emporté par son enthousiasme, il perd l’équilibre, s'écrasant la tête la première dans l’eau.
En le voyant remonter instantanément, tout trempé mais hilare, je comprends qu’il est inule de s’inquiéter et ne peux m'empêcher de rire à mon tour. Ses yeux brillent de joie.
Alice, qui observe la scène en silence, se tourne, une lueur amusée dans les yeux.
- Tu t’es bien noyé, Paul, un sourire malicieux aux lèvres.
- Non, non ! , tout excité, le visage dégoulinant d’eau, avant de se relever, bras grands ouverts, prêt à recommencer. Encore ! Encore !
Et c’est ainsi qu’on passe le reste de l’après-midi, entre éclats de rire et éclaboussures. Le petit plan d’eau était devenu notre terrain de jeu et même Scooby, qui a fini par abandonner les crevettes, se contente d'observer notre joyeux troupeau allongé au bord, comme pour savourer ce moment simple de bonheur. Un instant suspendu où tout semblait léger, où rien n’avait d’importance, si ce n’est cette joie partagée.
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Aout 2017
C'est une photo d'une beauté rare à mes yeux, qui immortalise un moment précieux où toute ma famille est réunie : mes parents, ma sœur et son mari, mes deux neveux Matthieu, Alice et Paul. Nous sommes tous rassemblés autour d'une grande table en bois, le sourire aux lèvres, un verre de sangria ou de cola à la main, dans l'atmosphère chaleureuse d'une petite venta à la frontière espagnole, en plein cœur du Pays basque. Ce cliché est le seul à immortaliser notre réunion familiale, figé dans le temps.
La route qui mène à cet endroit est longue et sinueuse. Nous nous réjouissons d'y arriver enfin, impatients de savourer un bon repas de lomo et de frites. Le plus incroyable, c’est que mon père, pourtant complètement dépassé par les nouvelles technologies, a réussi à prendre cette photo en mode selfie avec mon téléphone. Ce moment est capturé à la perfection. L'image transmet une sincérité, une chaleur humaine et une sérénité qui rendent ce souvenir très précieux.
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novembre 2017
Les vacances de la Toussaint sur l’île d’Oléron sont un cadeau inattendu. Nous profitons d'un mois de novembre d'une chaleur incroyable. Alice, 5 ans, et Paul, à peine 2 ans et demi, s’amusent en maillot de bain sur cette plage où l’été semblait refuser de tirer sa révérence.
Mathieu et moi, assis sur une serviette de plage, les observons, à la fois un peu gênés de les voir gambader en maillot de bain en plein mois de novembre et comblés de les voir aussi heureux.
- Tu crois que ce n’est pas un peu… bizarre ? Les maillots en novembre ? lui dis-je en regardant les enfants courir dans l’eau, les pieds s’enfonçant dans le sable chaud.
Mathieu hausse les épaules, un sourire amusé sur le visage.
- Ils sont bien, non ? Et franchement, vu la chaleur, c’est pas plus absurde que de rester en manteau.
Alice éclate de rire tandis qu’elle sautille dans les vagues, les bras levés, comme une petite sirène improvisée. Paul, quant à lui, les pieds dans l’eau, un coquillage à la main, avait le visage illuminé d’un large sourire. Il s’élance finalement dans l'eau pour rejoindre sa sœur.
- Eh bien, ils ont l’air de se plaire, dit Mathieu, sa main dans la mienne.
Alice continua ses acrobaties dans l’eau, pendant que Paul se vautrait joyeusement dans les vagues. Et, sans nous poser plus de questions, nous restions là, à les regarder, à la fois fiers et complices.
Cette photo fixe nos deux amours se trémoussant sur le sable devant un magnifique couché de soleil.
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Ce qui va nous arriver est tellement incroyable que cela en devient presque incompréhensible. La réalité elle-même avait perdu son sens, comme un scénario trop invraisemblable pour être vrai, un film de science-fiction où l’ordinaire se transforme en un cauchemar qu’on peine à croire possible. Comment une existence aussi « ordinaire » que la mienne a-t-elle pu se muer en un tel chaos ?
Il y a des moments aujourd’hui encore où je me refuse à accepter l’ampleur de ce qui m’arrive, où je crois que tout cela n’est qu’une illusion, un mauvais rêve, que le réveil est pour bientôt. J’avais tout pour vivre une vie « idéale » : des hauts, des bas, des difficultés à surmonter, puis, de temps en temps, un peu de bonheur, comme tout le monde. Mais tout a changé. Ce que ma famille a vécu ne ressemble en rien à une existence ordinaire. C’était un basculement dans un autre monde, où la réalité et l’irréel s’entrelacent jusqu’à ne plus savoir où commence l’un et où finit l’autre.
Bien que j’aie longtemps résisté à l’idée que cela fasse partie de ma réalité, il a fallu que je l’accepte : c’était bien ma nouvelle vie. La douleur, les événements, tout ce que j’ai traversé – c’était réel, bien plus réel que tout ce que j’aurais pu imaginer.
Je n’ai pas de réponses simples. D’un coup, mon monde a été aspiré dans un tourbillon de confusion, un univers où les repères ne sont plus valides et où toute certitude vacille. Plus je tente de comprendre, plus j’ai l’impression que le sol se dérobe sous mes pieds. Il est difficile d’accepter que cette réalité, si éloignée de tout ce que j’avais cru connaître, fasse partie de mon histoire. Et pourtant, malgré tous les doutes, je sais que ce que je vais raconter est bien ce que j’ai vécu.
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Avant lui, une période particulièrement difficile s’abattait sur notre famille.
Ma meilleure amie est décédée brutalement. Le choc a été immense. Tout a basculé en un instant. La douleur m'a englouti, telle une vague de violence qui se déchaîne soudainement. Je me suis retrouvée perdue, incapable de comprendre, incapable d’accepter
La dépression s'est installée en moi, profonde et silencieuse, rendant ma vie chaque jour un peu plus pesante. Les souvenirs m'envahissaient, me hantaient. Je me sentais seule, à la dérive, incapable de me reconnecter au monde qui m'entourait.
J’ai alors commencé un traitement médicamenteux, censé m’aider à surmonter ces épreuves. Mais à la place de me stabiliser, il a amplifié mes troubles. Il a perturbé mon humeur, altéré ma perception, et m’a laissée encore plus vulnérable. La vie devenait de plus en plus difficile à gérer, et pour la première fois, cette souffrance n’était plus seulement intérieure. Elle était visible, palpable.
Je me sentais comme une ombre de moi-même, perdue et effacée.
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Malgré tout, nous avons tout tenté pour redresser la situation. Nous étions persuadés que notre amour était assez fort pour surmonter n’importe quel obstacle.
« Nous, on s’ait. »
Cette phrase, répétée comme un mantra, était notre bouée de sauvetage, notre conviction que rien ne pourrait briser notre lien.
Nous avons déménagé, décidé de nous marier, imaginé un avenir à quatre, dans l’espoir qu’un nouveau départ nous offrirait enfin le répit dont nous avions tant besoin.
Une tempête se formait dans l’ombre, prête à détruire tout ce que nous avions soigneusement construit.
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Nous avions voulu partir de la campagne malgré les réticences d’un grand nombre de nos proches. Notre volonté n’était pas un caprice, les enfants grandiront et nous voulions leur offrir une liberté qui nous semblait importante. Evidemment, ils étaient très petits et nous, très protecteurs, inquiets à l’idée de les imaginer seuls dans la ville. Le but n’était pas immédiat. Dans quelques années, le collège et puis rapidement, nos « bébés » seront grands. Notre désir était qu’ils ne dépendent pas de nous pour sortir avec leurs copains, pour aller et rentrer de l’école à leur guise, pour gérer leur emploi du temps. Tout cela devait être cadré, les règles devaient être bien claires et respectées mais cette autonomie était pour nous un bon apprentissage ainsi qu’un épanouissement et une marque de confiance.
Nous avons commencé à visiter quelques maisons, nous avions le temps et beaucoup de « cases à cocher ». Un jardin, même petit, un garage, deux salles de bain, 3 chambres minimum, un secteur bien précis : notre recherche était un peu présomptueuse.
Mais après de nombreuses visites, une maison sortait du lot. Elle remplissait nos attentes. Le plus gros point noir : son manque de luminosité, ce qui était une vraie contrainte pour moi.
De plus, nous ne voulions plus faire de travaux, après en avoir fait énormément dans la précédente. Une maison immense qui présente au rez de chaussée une salle de danse de 40m², son vestiaire, une chambre et une cuisine-salle de bain 2 en 1, un premier étages avec salon, salle à manger, cuisine et salle de bain, devait forcément subir quelques modifications pour convenir à notre famille… Le deuxième étage resterait « dans son jus », et pourrait convenir à nos différentes passions sous forme d’atelier, à une salle de jeu pour les enfants ainsi qu’un grand grenier pour y entreposer le bazar à cacher. Son côté kitch et ses tommettes (que Matthieu détestait) me plaisaient !
Elle était immense, bien trop grande à mon goût qui imaginais le ménage qui irait avec.
Une fois de plus, j’ai cédé à l’entrain de Matthieu pour ses idées aussi folles que démesurées.
Cette maison fut rapidement la nôtre et les premiers travaux avec de nombreux proches commencèrent.
Ils ralentiront malheureusement rapidement pour finalement stagner et nous laisser dans une maison difficilement habitable.
Mais cette maison, « la maison de la danse », était la nôtre et notre arrivée en ville nous enchantait. Un nouveau départ s’offrait à nous.
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Et puis, il est entré en scène. Comme un acteur inattendu dans le film de notre existence, il a su s’immiscer dans notre réalité au moment précis où nous étions encore fragiles. D’un instant à l’autre, il a instauré un tournant radical.
Dans un souffle, il a balayé tout ce qui nous entourait, introduisant une rupture nette, une scission qui a découpé notre histoire en deux chapitres. À la fois brutal et inéluctable, cette période a foudroyé tout ce que nous avions bâti.
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