Chapitre dix
Ils étaient redescendus avec un peu moins de rire, mais davantage de complicité. Flèche les rejoignit à un moment donné pour repartir. Puis quand ils arrivèrent enfin non loin du van, Thibault siffla et son chien fut à ses pieds en quelques secondes.
« Quoi ? demanda-t-il en haussant les sourcils vers Dalil.
– Quand tu dis qu’il va jamais loin, il va vraiment jamais loin.
– Et ?
– À ce moment-là, il était pas loin de nous quand on s’est envoyés en l’air.
– Ouais, il matait même avec des jumelles ! »
Lâchant un rire, Dalil se pencha pour offrir une caresse au chien qui en réclamait une.
« Il m’a fourré son nez dans les fesses, je me méfie maintenant !
– C’est pas du chien dont je me méfierais si j’étais toi !
– Oh, on prend la confiance, gamin ! Hâte de voir ça ! »
Thibault se mit à rougir, mais il garda son sourire. Ils n’avaient pas besoin de parler pour savoir que ce n’était pas fini. Tout l’été. Le sous-entendu flottait entre eux. Et après leur moment dans la retenue d’eau, ni Dalil ni lui ne semblait prêt à s’arrêter là.
Une fois devant chez lui, il ouvrit la porte du van pour lâcher Flèche dans la rue, mais ne descendit pas.
« Tu veux rester cette nuit ?
– Je me lève tôt demain.
– Je sais.
– C’était uniquement une information. Si tu me veux dans ton lit, je reste.
– J’ai pas parlé de mon lit.
– Oh, je m’adapte, une rivière, un canapé, une table, je suis tout-terrain.
– Une table ? répéta Thibault d’une voix altérée. »
Mince, il n’avait pu s’empêcher de manifester son envie. Il s’était imaginé, en une seconde, plaqué contre le bois de sa table de cuisine, sentant le poids de Dalil sur lui, tremblant sous sa lente intrusion. Il allait trembler, c’était certain, peut-être se mordre les lèvres sous la douleur. Il avait toujours entendu dire que si c’était douloureux, c’est que c’était mal fait. Mais il avait aussi entendu l’inverse, la douleur comme un rite de passage obligé.
« Ok, la table, je vois que monsieur « Pas si sage que ça » a déjà ses préférences, nota Dalil avec amusement. »
Dans un mouvement leste, Thibault sauta à terre pour cacher ses joues enflammées. C’était impossible que Dalil n’ait pas compris à ce stade, son inexpérience était flagrante. Mais ce dernier se contenta de prendre quelques affaires et de fermer le van. Thibault se dandina d’un pied sur l’autre, puis gagna le portillon. Il n’avait pas envie de rompre le charme. Il était bien avec Dalil et ne désirait pas passer par des trivialités, que tout devienne gênant et silencieux. Il connaissait déjà.
Il tourna la clé dans la serrure, siffla Flèche qui s’approchait d’un peu trop près du mur du voisin et sourit à Dalil.
« Entre.
– Toi et ton chien d’abord, je me méfie de vous deux maintenant. »
* * *
Ils dinèrent d’un plat de pâtes sans prétention aux tomates séchées, basilic et parmesan accompagné d’une salade verte du jardin. Dalil l’aida à préparer le repas et même si Thibault aurait été plus vite en le faisant tout seul, il redécouvrit ce plaisir simple de cuisiner avec quelqu’un, ça faisait une éternité qu’il n’avait pas fait de boulange avec son grand-père. Il n’avait même pas cuisiné les traditionnelles bugnes avec lui pour carnaval.
Après le repas, ils s’installèrent avec des bières chipées dans le frigo du van dans son jardin miniature. Son terrain était bien plus grand que ce qu’on pouvait voir, parce que la forêt en couvrait une grande partie. Certains voisins avaient coupé les arbres, déracinés les souches pour y installer un potager ou même une piscine. Mais Thibault n’en avait pas l’intention, les arbres étaient chez eux, c’était leur place. Et même s’ils apportaient trop d’humidité à la maison en hiver, en été, ils lui permettaient de garder le frais.
« Je pensais que c’était calme, silencieux, dit Dalil en regardant en direction des arbres.
– Je vois ce que tu veux dire. Parfois, en pleine été, avec les grillons, on ne s’entend même pas parler.
– C’est différent de la ville. »
Il n’y avait pas de bruit brusque, comme des crissements de freins, le hurlement d’un klaxon ou même des coups sourds inidentifiables, les sons se superposaient les uns aux autres dans une cacophonie spontanée et naturelle.
« J’aime bien, murmura Thibault, c’est apaisant, c’est chez moi. Et toi ? Tu viens d’où ?
– Du Nord, dit Dalil en prenant une grosse voix dramatique, pas loin de Lille.
– Et tu es venu jusqu’ici pour travailler ? »
Nous allons là où le devoir nous appelle. Une ceinture de chasteté à faire sauter et nous sommes là, prêts à agir !
Thibault retint un rire tant sa licorne avait pris un air patriote. Il ne manquait plus que le drapeau dans le vent derrière elle. Nul doute qu’il serait arc-en-ciel.
« Au cours de l’année, je suis souvent sur des chantiers urbains, mais j’aime les travaux en montagne. Alors, l’été, je postule sur les boulots dans les coins paumés et je profite de l’endroit.
– Et tu ne te sens pas trop seul ? »
Dalil sourit au ton préoccupé. Il aurait pu retourner la question à Thibault, mais à la place, il répondit :
« Non, ça va. Quelques fois, ma meilleure amie vient me rejoindre pour quelques jours. Et les autres fois, j’alpague un gars qui me sert de guide.
– Oh, le pauvre. »
Ils éclatèrent de rire. Le portable de Dalil sonna pour indiquer un message. Il y jeta un œil et sentit le sang quitter son visage quand le nom de Ryan s’afficha.
« Désolé, j’ai un appel à passer.
– Pas de souci. Je te laisse, je vais en profiter pour prendre une douche. »
Dalil attendit deux secondes avant d’ouvrir le message. Juliette avait dû se faire messagère de la paix et chercher à savoir ce qu’il se passait entre deux. Il s’attendait à quelques mots pour lui demander comment il allait. Mais il eut l’impression de se prendre un uppercut dans le ventre.
Ryan : Ferme ta gueule, Dalil. Ferme ta putain de gueule.
Il pouvait sentir la rage passer entre les mots, les tordre et les cracher comme l’aurait fait Ryan. Merde ! Il venait de passer des moments géniaux, extraordinaires avec Thibault et la mesquinerie de Ryan le heurtait. Il composa le numéro et laissa les premières sonneries s’égrener dans le vide, avant de rappeler une nouvelle fois.
L’appel bascula sur le répondeur.
« Putain, mais merde, parle-moi au moins ! Je suis désolé, oui, c’était une erreur, mais on était deux dans cette histoire ! Je peux pas faire comme si rien ne s’était passé ! »
Il laissa une seconde s’écouler comme s’il espérait une réponse, puis il murmura du bout des lèvres ce qu’il avait admis devant Thibault.
« Bordel Ryan, j’avais mal, j’allais mal, tu le savais et tu t’en foutais ! »
Il n’osa pas dire le pire des reproches, comme s’il espérait encore réparer cette amitié. Ryan l’avait blessé.
Dalil raccrocha, un soulagement silencieux vint se placer sur ses épaules et les dénouer. Il avait toujours le ventre noué de culpabilité en pensant à Ryan et à Juliette, mais au moins, il n’ignorait plus la douleur amère qui lui avait broyé le cœur. Il appréciait de reconnaître sa peine, de l’accueillir, puis de lui permettre de partir. Quelque chose vint se prendre dans ses pieds et il baissa les yeux sur une forme noire se frottant à ses jambes en ronronnant.
« Hé, salut toi, murmura-t-il, la voix enrouée. Tu dois être Oz, je suppose. »
Il se pencha pour caresser le chat, mais l’animal détala au mouvement. Dalil le regarda foncer vers les arbres et disparaître dans la forêt. Puis son regard se porta sur la maison, la pièce du rez-de-chaussée plongé dans l’obscurité pour éviter que les insectes y rentrent, puis une lumière à l’étage.
Le murmure des lieux revint dans ses oreilles, les bruissements et les cris légers des animaux. Sans Thibault pour les partager, la mélodie semblait différente. Dalil éteint son téléphone et le fourra dans sa poche. Il avait trouvé plein de bonnes raisons et il ne voulait pas les lâcher.
* * *
De sa chambre, Thibault entendait le bruit de l’eau qui coulait dans la salle de bain. Il s’était retrouvé idiot quand il avait pris la sienne. Dans le doute, il s’était préparé à une éventuelle pénétration comme il l’avait lu sur internet, sentant le stress monter. Il avait l’impression de se retrouver face à une recette et de ne pas comprendre la moitié des mots, alors que quelques heures auparavant, il était persuadé de connaître la théorie par cœur. La théorie, c’était tout ce qu’il connaissait, et il avait beau se dire que ce n’était pas si inhabituel à vingt-et-un ans, il n’arrivait pas à se départir de ce sentiment d’être différent des autres, encore une fois.
Il s’était révélé si gauche face au sourire confiant de Dalil et avait eu l’impression d’être un majordome en lui indiquant la salle de bains et en lui tendant une serviette. Et pendant tout ce temps, son adjudant-chef licorne le regardait comme le pire civil que la terre ait porté en pensant :
C’est la dernière fois que j’envoie un troufion au sourire mutin, aux baisers enflammés et aux doigts délicieusement habiles pour un pauvre gars qui pense à lui tendre une serviette au lieu de lui tendre son cul ! Flexion, extension, flexion surtout, on se penche !
Thibault s’assit sur son lit, n’arrivant pas à sourire. Il se releva, fit le tour de sa chambre, puis vérifia pour la dixième fois qu’il avait des capotes et du lubrifiant dans le tiroir de sa commode. Sa chambre était sur le palier à côté de la salle de bains, la vieille maison étroite ne possédait que quelques pièces, la cuisine-séjour en rez-de-chaussée, un sous-sol étroit et la chambre et la salle de bains à l’étage. Il aimait cet endroit, avec les pierres et les poutres apparentes, son toit couvert de petites tuiles en écaille et ses vieux volets en bois mille fois repeints.
L’oreille toujours tendue, il s’installa sur le lit, habillé de son tee-shirt et son caleçon. Si sa licorne avait tenu à l’envoyer prendre sa douche avec Dalil, c’était justement pour lui éviter ce moment, cette attente emplie d’appréhension. Sauf que si sa licorne possédait un minimum d’intelligence stratégique, elle se serait rendu compte qu’ils ne rentraient pas à deux sous la douche. Alors, Thibault était persuadé d’être gêné par le sexe, mais s’il pouvait être gêné sans s’encastrer le front dans une paroi de douche, ce serait mieux.
Il tendit le bras pour attraper son téléphone et parcourir ses dernières ventes. Depuis qu’il avait commencé, il compilait tout pour tenter de se projeter, il ajoutait les jours où il avait manqué de pain ou de desserts, ceux où il en avait trop fait. Au bout de quelques minutes, ses yeux se fermèrent tout seuls et il décida de les garder comme ça. Il était épuisé par l’angoisse, l’attente et l’excitation qui grondait à l’intérieur de lui.
Dalil frotta ses cheveux pour en ôter les derniers gouttes d’eau. Il enfila un boxer pour ne pas débarquer dans la chambre de Thibault avec le mat dressé. Bon, son mat était tout de même dressé, mais moins visible. Il ne comprenait pas pourquoi il se sentait fébrile. Ce n’était pas la première fois qu’il était chez un gars pour s’envoyer en l’air.
Pas un gars. Thibault. Un jeune homme au rire clair et doux, aux moqueries qui n’en étaient pas réellement, au corps harmonieux abandonné à ses mains. Et au passé qui se révélait tout aussi douloureux que le lit d’un torrent piqueté de pierres aigües. Avec Thibault, Dalil découvrait un côté de lui-même qu’il n’avait que très rarement laisser s’exprimer. Lors des moments intimes, il alternait la plupart du temps entre douceur et autorité, adorant guider puis retenir ses amants de son corps. Mais une fois hors du lit, il avait plutôt tendance à se garder de tout geste, même ceux dictés par la tendresse. Pour beaucoup d’hommes, ils étaient réservés à la chambre, au sexe. Tendre sa main sur le corps de Thibault, l’enlacer et l’embrasser alors qu’il savait pertinemment qu’ils n’allaient pas coucher ensemble par la suite, lui donnait l’impression d’être entier.
L’embrasser, le consoler et l’étreindre sans attendre plus, en laissant le désir bouillonner dans ses reins, il avait eu envie de ces gestes avec Thibault, il les avait faits sans réfléchir et en était ressorti presque différent. Ou enfin lui-même. Depuis des mois, il se retenait avec Ryan. Son meilleur ami n’acceptait que les gestes bruts et sans équivoque qui menaient au sexe, il rejetait les plus innocentes manifestations d’affection, jusqu’aux gestes qui avaient rythmé leur amitié durant tant d’années.
Mais Thibault avait tout accueilli.
« Mio tesoro, murmura Dalil aussi bas que possible. »
Il n’était pas sûr de prononcer correctement. Il poussa la porte de la chambre et un sourire vint instantanément se placer sur ses lèvres. Thibault dormait, ses doigts se serraient par réflexe sur son téléphone pour éviter de le lâcher, mais le reste de son corps était totalement immobile. Dalil attrapa le téléphone, le posa sur la chaise paillée à côté du lit qui faisait office de chevet puis il éteignit le plafonnier. Il aurait pu partir, après tout, il n’allait rien se passer de plus ce soir. Mais outre que ça ferait un peu connard de se tirer au beau milieu de la nuit, l’envie d’un contact apaisant le prit, et il se glissa dans le lit. Il se tourna sur le côté et entoura la joue de Thibault de sa main.
« C’est bien la première fois qu’un mec m’invite dans son lit pour n’y faire que dormir ! murmura-t-il.
– Je dors pas ! grogna Thibaut, la voix lourde. Et t’as été trop long !
– Trop impatient ? demanda-t-il avec un rire dans la voix. »
Thibault ouvrit les yeux et la lueur de l’extérieur joua sur ses prunelles, les faisant apparaître d’un vert moiré. Dalil accentua sa prise sur la joue et l’attira vers lui.
« Trop stressé ! rétorqua Thibault dans un souffle.
– Stressé par quoi ? »
À la façon dont Thibault se mordit la lèvre, Dalil comprit qu’il était angoissé par ce qui allait se passer entre eux. Mais comme mu par une résolution soudaine, Thibault poussa Dalil sur le dos et s’installa à califourchon sur ses hanches. Puis, il souleva son tee-shirt et l’enleva. Il s’exposa entièrement, dans ce filet de lumière créé par la lune jouant entre les volets, son torse parut plus pâle encore, et les taches de rousseur n’en ressortirent que davantage. Mais ce qui attira le plus Dalil fut les deux rougeurs qui explosèrent sur ses joues. Ses mains s’agrippèrent sur sa taille et il se redressa pour l’enlacer, reproduisant leur position de l’après-midi. Sauf que cette fois-ci, il n’y avait pas la force de l’eau pour alléger le poids de Thibault et il le sentit peser sur lui, sur son sexe dressé. Il avait envie de presser ses mains sur les fesses du jeune homme, de les écarter pour y insinuer son membre, mais il se retint. Il laissa sagement ses mains sur la taille de Thibault et leva la tête pour initier un baiser.
Thibault sentit le nœud dans son ventre se dénouer. Ça allait être bien. Sans doute pas sensationnel, mais qui pouvait se vanter d’une telle première fois ? Ses bras entourèrent les épaules de Dalil et il chercha en lui ce qui pouvait ressembler à un quelconque instinct. Ses hanches se mouvèrent d’elles-mêmes, elles se levèrent et redescendirent et il les laissa faire. Tout ça pour qu’il sente à chaque aller-retour le sexe tendu de Dalil frotter contre ses testicules puis glisser entre ses fesses. Il n’avait encore aucun contact avec son propre sexe, mais rien que cette sensation suffit à le faire réagir. Les mains de Dalil quittèrent sa taille pour caresser l’extérieur de ses cuisses de haut en bas, puis l’une d’entre elles changea soudainement de direction pour s’échouer sur son entrejambe.
Thibault ne sut que faire de son excitation, la laisser exploser en un gémissement, se tortiller pour pousser plus franchement contre la main de Dalil. Ou se figer et ne rien faire.
Ne rien faire.
Pour faire disparaître cet écho, il serra les bras sur le cou de Dalil et bascula ses hanches pour accentuer le contact.
« T’es sûr de vouloir faire ça avec moi ? demanda Dalil.
– Ce que tu as sous la main ne te paraît pas assez sûr ?
– J’aime beaucoup ce que j’ai sous la main, mais c’est seulement une réaction physique, pas une certitude, dit Dalil en replaçant sa main le long de sa cuisse. »
Mince, cette foutue licorne lui avait envoyé le gars le plus intelligent et le plus patient de l’escadron !
« Ouais, je… je suis sûr, murmura-t-il. »
Ça aurait été plus convaincant s’il n’avait pas buté sur les mots.
« T’as déjà fait quoi ? continua Dalil sur un ton concerné.
– Mais tu peux pas juste te taire et suivre les ordres ? ronchonna Thibault.
– Les ordres ? Quels ordres ?
– Ceux qui disent : Choppe ce gars et baise-le ! »
Dalil se fendit d’un sourire immense et clama :
« Sir, yes, sir ! »
Dalil se redressa, bascula Thibault sur le dos. Il s’appuya sur un bras et leurs regards se croisèrent. La lenteur prit possession de leurs corps, Dalil se pencha et effleura les lèvres de Thibault des siennes, mais sans transformer ce moment en baiser torride, sans s’imposer. Il embrassait Thibault avec tendresse et c’était bien, c’était plus que bien. Il n’avait pas embrassé Ryan ainsi. Et il n’était même pas sûr de l’avoir voulu. Il se recula, perturbé d’avoir encore pensé à son meilleur ami.
« Ne t’arrête pas, s’il te plaît, se méprit Thibault le retenant.
– T’en fais pas, j’aime beaucoup ce que j’ai sous la main, sous les yeux, sous les lèvres… »
En disant ça, il était descendu brusquement et avait attrapé entre ses dents à peine serrées le téton gauche de Thibault. Ce dernier sursauta sous la sensation soudaine.
« Bordel ! jura-t-il.
– Trop sensible ? se moqua Dalil.
– Trop… Mon dieu ! »
Après la légère morsure, Dalil venait de contourner son téton de sa langue avec une précision toute scientifique. Et pour parfaire son expérimentation, il glissa la main dans le boxer de Thibault pour s’assurer de sa réaction. Oh, la licorne adjudant-chef pouvait s’estimer satisfaite, il était au garde à vous et le moindre frôlement des doigts de Dalil provoquait un élancement qu’il avait du mal à contenir.
Thibault se tortilla pour laisser plus de place à la main de Dalil et, frustré de ne pas y arriver, il murmura, les joues empourprées :
« Déshabille-moi !
– C’est un ordre ?
– À ton avis ? souffla Thibault. »
Dalil hésita un instant puis releva le visage pour capter le regard du jeune homme. Thibault le fixait sans baisser les yeux, il savait ce qu’il voulait. Et c’était lui. Il le désirait avec force et volonté, il ne détournait pas le regard à sa vue. Il le voulait et ce fut ce qui fit toute la différence. Dalil tira sur le sous-vêtement avec rudesse et l’arracha. Il surplomba le corps de Thibault, les mains enfoncées dans le matelas, les bras tendus et les épaules contractées pour soutenir son poids. Il resta ainsi quelques secondes, à contempler Thibault, à saisir son expression timide et excitée et la manifestation flagrante de sa gêne avec ses tâches de rousseurs enflammées, puis il descendit avec lenteur sur la peau pâle du torse, il s’arrêta en chemin comme un papillon pour goûter chaque fleur. Un baiser sur un téton, un sur l’autre et d’autres encore sur le flanc creux et doux qui s’arquait sous un frisson chaque fois que ses lèvres en frôlaient la peau.
Quand il arriva face au sexe de Thibault, le corps de ce dernier tremblait avec légèreté. Il sentit une main s’engager dans ses cheveux, des doigts caresser sa tempe. Il attrapa la main et l’embrassa, la glissa dans ses cheveux, puis il releva les yeux et accrocha le regard de Thibault. Il le voulait toujours et c’était une bonne raison, une raison incroyable. Il se pencha, il aurait voulu être doux et délicat, mais il connaissait la surprenante sensation de se faire sucer d’un coup, d’un seul, entièrement. Et puis, il était joueur et il ne pouvait pas résister, il voulait entendre la réaction de Thibault à son geste.
Sa bouche entoura l’érection rapidement, il la poussa le long de sa langue en un bref instant. Il entendit un gémissement sonore, puis un juron clair :
« Bordel ! »
Il recula, puis revint d’un coup, ajoutant un nouveau gémissement. Il s’amusa à tirer des cris des lèvres de Thibault, à jouer de ses lèvres sur son sexe jusqu’à ce qu’il le sente prêt à jouir. Mais à ce moment, le jeune homme agrippa ses cheveux et tenta de s’extirper de son étreinte.
« Attends, murmura Thibault en gigotant, moi aussi, je veux… je veux… »
Dalil remonta sa main et caressa la bouche de Thibault de ses doigts.
« Tu veux ? Fais des phrases entières, Thib, se moqua-t-il.
– Va te faire foutre ! Elle est assez entière à ton goût, cette phrase ? »
Dalil rigola puis déposa ses lèvres sur celles de Thibault, effaçant son air vexé.
« Désolé, pardon. Qu’est-ce que tu veux faire ? »
Thibault le regarda et se sentit manquer de mots. Enfin, il les avait bien, mais il se sentait ridicule de les prononcer à voix haute. À la place, il se redressa et entoura les épaules de Dalil de ses bras, il alla à la recherche de ses lèvres qui lui avaient procuré ce plaisir soudain et intense, les embrassa, les lécha, leur trouva un goût un peu différent et sentit ses joues en rougir.
Puis il descendit dans son cou, enfouit son visage contre la peau hâlée, sentant le parfum de son propre gel douche sur la peau humide, et dessous, l’odeur profondément viril de Dalil. La licorne choisissait ses gars en fonction de leurs phéromones ou quoi ?
Les doigts de Dalil s’enfoncèrent dans sa chevelure pour le guider contre sa peau, et Thibault se laissa faire. Il posa la bouche partout où Dalil le mena avec application. Jusqu’à cette ligne de poils bruns, menant au sexe tendu dont la forme se dessinait clairement sur le tissu du boxer. Il déglutit, il avait peur et envie. Il voulait agir, ne pas rester figé. Sa langue le démangea et ses doigts s’affairèrent à retirer le vêtement. Dalil l’aida en basculant en arrière sur le lit. Il avait senti ce sexe sous sa main, mais le voir était nettement plus impressionnant.
Ok, droit au but, se dit Thibault pour braver son appréhension.
Il se pencha et tenta de reproduire les mouvements de Dalil, mais en quelques secondes, il s’étouffa sur le sexe et se recula d’un coup en toussant. Il hésita à recommencer et cela dut se voir. Les doigts de Dalil s’enroulèrent dans ses cheveux et le ramenèrent vers le haut.
« Trop impatient, murmura-t-il.
– Trop désolé.
– T’en fais pas. »
Dalil attrapa sa main et la guida jusqu’à sa bouche. Il embrassa le creux de la paume de Thibault, puis sa langue traça des signes inconnus dedans. Puis de façon tout aussi impérieuse, il amena la main de Thibault sur son sexe et lui fit opérer un mouvement de va-et-vient.
« Serre tes doigts, ordonna Dalil dans un souffle. »
Thibault obéit et il sentit le sexe pousser au creux de sa main. Il entendit le murmure comblé de Dalil et c’était lui qui en était à l’origine.
« Vas-y ! Encore ! »
Thibault continua et Dalil l’attira contre lui. Il le sentit l’enlacer, l’embrasser et trembler, et il ne s’arrêta pas. Il avait la même impression de chaleur que dans son fournil, un endroit sûr et familier.
« Oh bordel ! gémit Dalil en glissant dans son cou. »
Dalil soupira encore quand les doigts se refermèrent plus fermement sur sa queue. Toujours se méfier de ces gars manuels. On leur foutait un truc en main et ils se révélaient atrocement doués. Il se détacha de Thibault et plongea dans ses yeux. Il aimait ça, il aimait lui donner du plaisir. Il couvrit la main de Thibault de la sienne, accélérant le rythme. Puis Dalil fondit sur les lèvres et l’embrassa alors que l’orgasme montait et donnait à ses hanches ses mouvements désordonnées. Il ne laissa pas à Thibault le temps de se retrouver gêné par le coté inédit de se retrouver avec le sperme d’un autre sur les doigts, sur la peau. Il se libéra et le renversa sur le lit.
« À mon tour, je veux te faire jouir, dit-il en détachant les mots soigneusement.
– Là, tu vas surtout me faire rougir ! protesta Thibault.
– Navré de te l’annoncer, mais tu es déjà rouge. »
Dalil se réhaussa au-dessus de Thibault. Il engloba du regard son visage, son corps, son sexe négligé depuis plusieurs minutes qui n’attendait que sa bouche.
Thibault gigota sous le regard d’une rare intensité, comme si Dalil rassemblait toutes ses bonnes raisons les unes après les autres pour n’en oublier aucune. Puis, avec cette attitude mâle et assurée qui le caractérisait si bien depuis leur rencontre, il attrapa ses hanches et l’attira lui, reprenant sa fellation interrompue.
Thibault lâcha une exclamation étouffée. Puis, il se laissa aller et les lèvres reprirent leur office sur son sexe. Sa peau semblait en feu et Dalil s’amusait à frôler son torse de ses doigts, provoquant des sursauts involontaires. Il voulait parler, prévenir, mais il n’y eut que des ahanements qui s’échappèrent de ses lèvres. Dalil comprit et se recula juste à temps, Thibault sentit son plaisir se déverser sur son propre corps, un plaisir libérateur.
Sans laisser le temps à Thibault de reprendre son souffle, Dalil se faufila entre ses cuisses et plaqua son corps contre lui. Ses lèvres trouvèrent celles de Thibault et il l’embrassa. C’était indécent et collant, et ok, ils devraient sans aucun doute repasser sous la douche, mais quand Thibault rouvrit les yeux, il y avait toujours ce même désir qui teintait les prunelles vertes, ce même désir qui les rendait humides et brillantes. Thibault l’avait voulu, il l’avait eu, mais il le voulait encore, là, maintenant.
Les bras se Thibault l’entourèrent, le serrèrent et le ramenèrent contre ses lèvres. Et Dalil découvrit qu’un baiser d’après-sexe pouvait avoir la même force qu’un baiser d’avant-sexe.
Il ne s’entendit pas grogner, pourtant un bourdonnement rauque gronda dans sa poitrine, résonna contre celle de Thibault. Il se laissa aller sur le corps du jeune homme, craignant de l’écraser de son poids, mais ne pouvant pas résister à l’attraction. Le gamin lui prouva qu’il n’en avait rien à faire de ses hésitations, ses cuisses s’ouvrirent plus largement, ses mains agrippèrent sa nuque et sa langue partit à l’assaut de sa bouche.
Pendant de longues secondes, ils perdirent le peu de souffle qui leur restait dans ce baiser, ils s’écartèrent, respirèrent l’air expiré par l’autre avant de s’embrasser une nouvelle fois, avec un peu plus de sagesse.
Thibault sentit Dalil se redresser, puis basculer à ses côtés. Il se tourna pour l’observer. Le corps du brun luisait de sueur et de sperme. Et mince, Thibault s’attendait à le voir plus languide, mais il avait beau être écroulé sur l’oreiller, Dalil semblait plus masculin que jamais. Il se tourna vers Thibault avec un sourire.
« Alors ? demanda-t-il. J’ai bien suivi les ordres ? »
La licorne porta un cigare à sa bouche et lâcha :
Parfaitement. J’adore quand un plan se déroule sans accroc.
Thibault serra ses lèvres et résista au rire qui le prenait. Mince, Dalil serait vexé s’il explosait de rire, là, maintenant. Mais sa foutue licorne n’en faisait vraiment qu’à sa tête !
« Qu’est-ce qui te faire rire ?
– Rien, rassure-toi, tu as été parfait. »
Il tendit la main pour effleurer les pectoraux de Dalil, et regarda ses doigts glisser sur les muscles.
« Je n’étais pas du tout inquiet, s’amusa Dalil en se redressant, attrapant les doigts de Thibault entre les siens. »
Il le tira hors du lit, l’entraînant jusqu’à la salle de bains. La cabine était étroite et l’eau chaude n’eut pas le temps d’arriver, et c’est la peau criblée de chair de poule qu’ils se rhabillèrent et retournèrent dans le lit. Thibault alluma son portable.
« Tu vas rien dormir, murmura-t-il en regardant l’heure.
– Je n’ai aucun regret, c’était écrit, ta première pipe devait avoir lieu ce soir !
– Hé, c’était pas… ok, ça sert à rien que je mente, c’est ça ?
– Pas maintenant que tu viens de le reconnaître. »
Thibault fixa le sourire goguenard de Dalil. Il s’était fait avoir ! Encore !
« Espèce de…
– T’as aimé ? coupa Dalil.
– Il y a des gars qui répondent non à cette question ?
– Peut-être, mais c’est jamais arrivé avec moi ! »
Thibault se marra en se rallongeant dans le lit et gigota avec exagération.
« Je m’étonne d’avoir encore de la place avec ton égo débordant. »
Dalil se marra à son tour, puis son visage se para d’un peu de sérieux. Il caressa la joue de Thibault, se pencha et embrassa son front.
« Tant mieux, dit-il, si tu as aimé.
– Et toi ? demanda Thibault, soudain anxieux. Tu as aimé ? Est-ce que… est-ce que tu avais suffisamment de bonnes raisons ? »
Devant le ton tout plein de doute du jeune homme, Dalil se sentit particulièrement con. Il aurait dû faire comprendre à Thibault qu’il le voulait, qu’il le désirait comme lui l’avait fait, sans artifice.
« Désolé. J’essayais d’oublier cette histoire avec ce gars. Je ne voulais pas me servir de toi. On ne doit jamais effacer un mauvais souvenir avec un bon. »
Thibault méritait d’être un souvenir à part entière.
« Je vais être un souvenir ?
– C’est pas génial, dit comme ça. »
Thibault sourit avec grâce et complicité :
« On sait tous les deux que c’est que pour l’été, et c’est bien. Je peux me contenter d’être un bon souvenir.
– Pas moi ! Moi, je veux être un super souvenir, un souvenir extraordinaire ! Un souvenir qui te donnera chaud cet hiver. »
Tout en parlant, Dalil s’était emparé du tee-shirt de Thibault et avait fourré la tête dessous pour venir chatouiller son ventre de ses paroles.
« Un souvenir qui me fera rire, continue, ouais ! »
D’un mouvement vif, Dalil abaissa le sous-vêtement de Thibault et sa bouche s’empara de son sexe détendu. Le plus jeune poussa un petit cri de surprise et se tendit quand les lèvres de Dalil le relâchèrent tout doucement, il sentit son pénis s’allonger sous la succion.
« Bordel, Dalil, je peux pas ! Pas tout de suite ! »
Mais les lèvres du brun s’amusèrent une nouvelle fois sur son sexe.
« Oh si, je peux ! »
Un ricanement répondit à son cri de surprise. Puis Dalil chuchota d’une voix basse.
« Je veux être un souvenir qui te fera jouir rien qu’en y pensant. »
Hello, oui, oups, un peu de retard à la publi.
Je vous informe aussi que je passe à un chapitre semaine, j'ai cramé mes chapitres d'avance à vous les partager aussi vite, mais ça m'a fait plaisir de voir que vous accrochez à l'histoire de Thibault et Dalil (faudra aussi un jour que je résolve ce problème de chapitre pavé XD)
Bref, pour résumer : je garde la publi du week-end (pas de jour précis, ce sera en fonction de mes dispos).
Bon dimanche.
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